L’Europe et la démocratie
Il est clair aujourd’hui que les peuples d’Europe veulent être consultés par référendum sur le nouveau traité simplifié.
Or, les dirigeants de l’Union ont de bonnes raisons de se méfier d’une telle consultation. Il est bien peu probable que les Européens acceptent avec enthousiasme un texte comme celui qui a été entériné par les chefs d’Etat et de gouvernement à Lisbonne. Les peuples font souvent preuve de beaucoup de sagesse dans leurs décisions. Et il est triste que les gouvernants ne s’en souviennent pas plus souvent.
Depuis les débuts de l’Europe, on a pris l’habitude de croire que des traités incontestablement légaux pouvaient permettre de gérer l’Europe en dehors des peuples. Cette situation, qui n’a jamais été acceptable, est aujoud’hui intolérable. Il est grand temps de se rendre compte que les Parlements des Etats membres, même s’ils sont compétents pour ratifier des traités internationaux, n’ont pas l’autorité morale nécessaire pour ratifier un texte constitutionnel applicable à l’ensemble de l’Union. C’est comme si l’on demandait aux conseils municipaux de ratifier une constitution applicable à l’ensemble de la nation française.
La situation paraît aujourd’hui si urgente que nous ressentons la nécessité de rappeler les principes fondamentaux sur lesquels repose la démocratie. C’est à cet effet que nous avons créé le site www.democratie-europenne.org.
Nous croyons qu’il est aujourd’hui indispensable d’affirmer clairement que l’Europe doit être démocratique ou qu’elle n’aura aucune raison d’être. Nous ne pouvons plus accepter que le discours politique soit piégé dans une contradiction mortelle. Contradiction qui consiste à affirmer, d’un côté, et à juste titre, que la solution à tous les problèmes de la société humaine passe par le débat démocratique et les droits de l’Homme, et à montrer, d’un autre côté, à l’humanité entière que les politiciens européens n’ont aucune confiance dans le jugement de leurs concitoyens et qu’ils méprisent leur opinion.
Il y aurait pourtant un moyen simple de sauver le rêve européen, la démocratie européenne, et l’Europe elle-même de la crise institutionnelle dans laquelle elle se trouve plongée aujourd’hui. Cette solution se décrit en deux points :
1. L’Assemblée européenne devrait s’auto-ériger en constituante et proposer aux peuples de l’Union un projet de loi fondamentale. Certes, elle n’a pas été élue pour ça, mais sa légitimité serait infiniment supérieure à celle de l’obscure commission intergouvernementale qui a préparé ce fameux traité simplifié.
2. Dans l’accomplissement de cette tâche, elle devrait s’inspirer de l’exemple de la Suisse, cette petite Europe au cœur du continent. La Confédération helvétique a, en effet, réussi le tour de force de faire cohabiter et prospérer quatre entités linguistiques et vingt-trois entités politiques toutes plus jalouses de leurs prérogatives les unes que les autres, au moyen d’une formule simple : en reconnaissant que l’intégralité du pouvoir politique émane du peuple souverain.
Un puissant argument milite en faveur de l’adaptation à l’Europe des institutions qui ont été expérimentées avec le succès que l’on sait dans la Confédération helvétique.
Cet argument est le suivant. L’expérience montre qu’il est extrêmement difficile de faire cohabiter des peuples et des cultures différentes. Il n’est qu’à constater les immenses obstacles que rencontrent les Belges pour faire vivre ensemble deux entités linguistiques seulement pour mesurer le tour de force helvétique. Il faut savoir que dans un ensemble politique très diversifié, les décisions prises de façon autoritaire, c’est-à-dire de façon peu transparente et sans associer les peuples à leur élaboration, font l’objet d’une immense suspicion et le plus souvent d’un rejet. On a toujours le sentiment qu’elles sont prises pour le bénéfice de certains et au détriment des autres. Et on suspecte que de sombres tractations sont à leur origine, tractations dont on ne connaîtra jamais le fin mot.
Les systèmes politiques qui n’ont pas l’expérience de la grande diversité ne connaissent pas les difficultés que l’on rencontre lorsqu’il s’agit de faire cohabiter des cultures et des sensibilités très diverses. Pour y parvenir, il n’existe qu’une méthode : l’établissement de règles claires décrivant le processus de la décision politique, la consultation aussi fréquente que possible, par référendum, des peuples qui constituent l’ensemble politique et la possibilité du référendum d’initiative populaire.
On sent bien que les institutions de l’Union ne sont pas aimées par les Européens. Et ce n’est pas là une question de communication. Elles leur paraissent lointaines, bureaucratiques, et, d’une certaine façon, arbitraires. Lorsque des décisions, qui affectent indifféremment des millions d’individus ne ressentant entre eux aucune communauté de destin, sont prises sans que les citoyens n’aient été consultés, on observe automatiquement un phénomène de rejet. Ce phénomène s’accentue lorsque les problèmes touchés sont plus importants.
Or, la caractéristique principale de l’Union c’est l’extrême diversité. Si les institutions européennes n’adoptent pas une démocratie aussi directe que possible, on peut légitimement se poser la question de leur avenir.
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