La flex-sécurité danoise, sociale ou libérale ?
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À l’heure où le taux européen de chômage de l’Europe de l’Union européenne oscille aux alentours de 8,5 , les résultats du modèle social danois restent édifiants avec un taux de chômage de 5,8%, supportés par une économie d’une croissance de 2% et représentant le cinquième produit brut au monde par habitant (après le Luxembourg, l’Irlande, la Norvège, les USA). On a beaucoup parlé du fameux "miracle danois", où bien être social rime avec fluidité totale du marché du travail et protection sociale généreuse. Au delà du débat sur la transposition de ce modèle, connaissez-vous vraiment les ressorts de cette réussite ? Les "Euros du Village" vous donnent les clefs pour comprendre...Membre de l’Union européenne depuis 1973, le Danemark fait aujourd’hui figure d’excellent et certes original élève, à l’image bien souvent de ses voisins scandinaves aux idées sociales innovantes, telle la politique égalitaire homme femme menée par la Suède. En effet, les modèles scandinaves sont généralement davantage cités en guise d’exemple que les choix sociaux anglo-saxons qui pourtant enregistrent aussi des taux de chômage inférieurs à la moyenne européenne.
Le Danemark apparaît comme l’illustration d’une économie performante, dotée d’une force de travail flexible, encombrée de peu de législation sociale étatique paralysante, qui toutefois n’a pas fait choix du sacrifice de la sécurité d’existence de ses travailleurs, bien au contraire, et il semble que là réside la clef du succès !
Une alliance donc de flexibilité et de sécurité qui semble mettre à mal les traditionnels clivages politiques d’options libérales ou sociales, en élaborant une complémentarité, progressiste, ingénieuse, potentiellement source d’inspiration infinie pour nos politiques publiques nationales et européennes.
Au pays d’Andersen, le conte de fée que vivent les syndicats et les dirigeants ne date pas d’hier mais est le fruit d’une longue histoire qui remonte à 1899. En 1899, patronats et syndicats ont signé la Grande Convention reconnaissant leurs compétences respectives à régler les conflits sociaux et à organiser de manière générale le marché de l’emploi. Ce texte centenaire forme le socle du système danois. À l’heure actuelle, 80% du pays est syndiqué au sein d’une centrale syndicale unique fort puissante, LO. Toute intervention législative est le plus souvent évitée de manière à laisser place au dialogue social. Dès lors, aucun dispositif législatif organique ne règle les contrats de travail, le licenciement, le temps de travail, ...
La voie choisie est donc quasi uniquement contractuelle avec des accords-cadres nationaux appelés à être développés au sein de chaque entreprise par des négociations sur les salaires et les conditions de travail. Sous le gouvernement social-démocrate de 1993-2001, le champ de l’action syndicale s’est encore élargi, notamment aux thèmes de la retraite, du congé parental, de l’égalité professionnelle et de la formation professionnelle tout au long de la vie. Aujourd’hui, l’une des priorités est de favoriser l’entrée sur le marché du travail des étrangers (2 % en 1984, 7,5 % en 2003).
L’intervention dominante des partenaires sociaux confère à l’ensemble du système un pragmatisme essentiel qui vise l’adaptation aux exigences économiques actuelles de nos économies globalisées, qui réclament une forte flexibilité et permissivité à l’égard des employeurs, notamment en matière d’embauche et de licenciement.
Le libéralisme tant décrié par beaucoup semble au Danemark ne susciter aucun débat mais être assimilé à un fait économique en aucun cas contradictoire avec leur protection sociale très généreuse. Car le chômage ne fait plus peur au Danemark où tout salarié qui a été affilié pendant au moins un an à une caisse d’assurance-chômage agrée et qui a travaillé au moins 52 semaines pendant les trois années précédentes a droit à l’allocation chômage dès son licenciement. L’allocation est en moyenne de 25 000 euros par an soit près de 2100 mensuel brut, pouvant aller jusqu’à un taux de remplacement de 90% pour les salaires les plus bas pendant quatre ans. L’allocation est versée la première année sans condition et pour les trois années suivantes sous condition de mise en « activation », ce qui suppose l’acceptation de formations, de participation à des politiques actives de recherche d’emploi, de mise en reconversion, ou encore de reprise d’un travail au niveau de qualification de l’intéressé selon les possibilités du marché du travail.
Quelques chiffres | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Le résultat est un taux de chômage qui est passé de 9,6 % en 1993 à 6,2 % en novembre 2004, à présent il serait sous la barre des 4% si les 15% de chômage de la population immigrée ne le ramenait pas à 5,8. La mobilité de la main-d’œuvre est élevée : 30 % des salariés changent de poste de travail chaque année même si les Danois restent en moyenne huit ans dans la même entreprise. Et un sentiment général de sécurité, à tous les niveaux de qualification, selon une étude de la Fondation de Dublin datant de 1999.
Bien évidemment comment ne pas se poser la question de la transposition de ce système à d’autres pays d’Europe ? Mais là se dessine peut-être l’une des limites du modèle danois issu d’un pays d’une population de 5.4 millions de personnes avec une longue tradition syndicale. Aussi, ces excellents chiffres n’ont pas empêché le Danemark d’être récemment condamné par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de la situation de monopole du syndicat social-démocrate LO dans les entreprises danoises. Les Danois doivent en effet être membres du syndicat LO afin de percevoir leur assurance-chômage.
Le Danemark est certainement un pays européen innovant et performant mais la qualité de vie dont il bénéficie et la volonté qu’il affiche de sa conservation sont aussi les raisons du refus par référendum danois à l’euro et de « l’adhésion choisie » du pays à l’espace Schengen, comme de ses mesures draconiennes à l’encontre de l’entrée des immigrants mises en place par le gouvernement Anders Fogh Rasmussen (2001-2005) du parti Venstre (libéral) en coalition avec le parti conservateur et avec l’appui du parti populiste d’extrême droite.
Par Bénédicte DE BEYS
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