Quand le Venezuela donne une leçon de démocratie à l’Union européenne
Je rassure toute de suite les lecteurs : cet article ne vise pas à évoquer la situation au Venezuela ou les actes et décisions de son gouvernement. Je ne suis pas ni un laudateur - ni un adversaire d’ailleurs d’Hugo Chavez - pas plus que je ne suis un adorateur de l’Union européenne. Si j’ai choisi ce titre, c’est pour souligner qu’aujourd’hui, en novembre 2007, s’agissant de Constitutions censées encadrer des Etats et organiser des sociétés, c’est le Venezuela qui donne une leçon à l’Union européenne, une leçon de démocratie...
Des Constitutions et de la démocratie
Ces jours-ci, le Venezuela et l’Union européenne ont un sujet commun de débat public.
Le 2 décembre 2007, les citoyens vénézuéliens sont appelés par le gouvernement de leur pays à voter oui ou non à une nouvelle Constitution pour leur pays. En cela, quoi qu’on puisse penser de ladite Constitution et du gouvernement qui l’initie, la République vénézuélienne porte la démocratie en avant en donnant la parole au peuple souverain des citoyennes et citoyens. Cela est à mettre à son crédit et l’honore.
Le même 2 décembre 2007, à Paris, Maison de la chimie, des élus et citoyens de couleurs politiques diverses se réuniront pour exiger du gouvernement français qu’il respecte sa propre Constitution et la démocratie en soumettant au vote du peuple, par voie de référendum, le texte du nouveau Traité constitutionnel européen qui est, à quelques légers détails près, le même que celui refusé par les citoyens français et néerlandais en mai et juin 2005.
Cette démarche honore les initiateurs, mais elle n’aurait cependant pas dû avoir lieu dans une vraie démocratie respectueuse de ses règles de base.
En 2007, en France, un des berceaux de la démocratie et des libertés, il s’est trouvé des responsables politiques, de diverses couleurs, qui entendent ne pas respecter - ou exiger le respect - de la souveraineté du vote démocratique, car, je le rappelle, démocratie signifie en grec, le pouvoir du peuple. On peut aussi traduire le concept qu’il induit comme le droit du peuple à son libre choix.
Qu’on soit pour ou contre ce texte n’est pas ici le problème en discussion.
Pas même, bien que cela paraisse plutôt une pratique détestable dans une Union européenne qui se présente comme modèle de démocratie et de respect des droits de ses citoyens, que l’on ose proposer de nouveau un texte quasi-similaire à celui rejeté par les peuples cités en 2005.
Ce qui est absolument INEXCUSABLE et INQUALIFIABLE est que des dirigeants veuillent, en France et en Europe, faire adopter une Constitution pour des centaines de millions de citoyens SANS LEUR DEMANDER DIRECTEMENT LEUR AVIS !
Un débat public essentiel et fondamental
J’insiste bien sur le fond des choses car cette volonté de ne pas demander aux citoyens leur avis sur ce TCE nouveau modèle, et ce, que l’on soit pour ou contre lui, relève d’une manipulation de nature dictatoriale - et je pèse mes mots ici - ceci dans des pays qui se revendiquent tous d’être des modèles de démocratie.
ll me semble ahurissant de voir et d’entendre des personnalités publiques critiquer ce qui se passe - qu’ils aient ou non raison n’est pas ici le débat - au Venezuela quand ces mêmes individualités ne s’indignent pas que 27 chefs d’Etats et de gouvernements veuillent imposer dans leurs propres pays, donc aussi en France, une Constitution commune à 27 peuples sans même les consulter !
Au Venezuela, quoi qu’on puisse penser du président et de son gouvernement, quel que soit le jugement qu’on puisse porter sur le projet soumis au vote référendaire, la démocratie y est respectée de manière claire et transparente. Les partisans du projet et ses détracteurs ont le droit de s’exprimer et le font afin de convaincre de leurs positions les électeurs.
Ce référendum vénézuélien devrait être un modèle, mieux, un exemple lumineux, une obligation morale et politique pour les dirigeants de l’Union européenne et de ses divers Etats.
En France, la Constitution est soumise depuis 1958 à un référendum populaire. Celle qui nous gouverne à ce jour, qu’on la juge bonne ou mauvaise, a été soumise au vote des citoyens. C’est cela qui lui a donné une force et une légitimité qui a fait qu’elle existe encore à ce jour, presque cinquante ans après sa rédaction.
En 2007, alors que l’Union européenne s’est dotée d’une Charte europénne des droits de l’homme - CEDH -, alors qu’elle énonce promouvoir avec ardeur la démocratie et les libertés, cette même UE entend que SA Constitution devrait être adoptée SANS VOTE DES PEUPLES.
Même Staline ou Mao, pour ne prendre que ces tristes exemples historiques, ont fait voter par leurs peuples les Constitutions qu’ils avaient rédigées. La direction de l’Union européenne serait-elle en recul sur ces personnages pourtant peu démocrates eux-mêmes ? A-t-elle si peur du choix libre et de l’opinion exprimée des citoyens qui la composent ?
Au fond, peu importe la réponse, morale, à ces questions.
La méthode retenue par les dirigeants européens, de droite comme de gauche, dans ce dossier du TCE, est liberticide et incompatible avec la plus élémentaire démocratie. Elle est indigne et inepte. Elle va à l’opposé des principes annoncés de l’UE et les détruit de facto dans la réalité. Elle jette les graines de la colère légitime des citoyens contre un mépris cynique des dirigeants de cette UE qui ne veut même pas respecter dans ce cas ses propres règles de fonctionnement et ses principes fondateurs.
Aucun responsable politique digne de ce nom et conscient de ses obligations sociales et politiques ne peut accepter que les peuples d’Europe soient traités comme des « riens », car c’est exactement de cela qu’il s’agit : des dirigeants osent agir comme si les citoyens n’existaient pas, comme si cela ne les concernait pas, comme s’ils n’étaient... rien !
Caracas montre la voie démocratique à l’Europe
Dans ce contexte, il importe de dire les choses le plus clairement possible : cette manière de faire est une déclaration aux peuples qui leur dit que l’UE veut se faire uniquement entre « dirigeants » et sans, voire contre, les avis des peuples.
Le message envoyé est tout, sauf intelligent, constructif et légitime. Il invalide d’office une Constitution qui ne serait pas approuvée par les citoyens. Il est négatif, destructeur et dangereux.
Aussi, il est urgent que tous les citoyens de France, et des 26 autres pays européens concernés, se mobilisent pour exiger que la démocratie soit respectée en Europe, comme étant son fondement le plus solide et sa racine légitime.
Des pétitions circulent dans ce sens, mais il est impératif de les unifier, de les fédérer et de rassembler tous les citoyens qui défendent par ce moyen les bases démocratiques de nos sociétés en une seule et puissante force.
Il importe que tous les citoyens, quelle que soit leur opinion sur le TCE en question, exigent des référendums populaires dans chaque pays de l’Union.
Il s’agit-là d’une question de principe car on ne construit pas, comme tous le savent de par un bon adage populaire, le bonheur des peuples contre eux ou sans eux.
Une vraie construction collective européenne ne peut obtenir sa légitimité populaire, donc durable, que dans et par la démocratie.
Cela ne devrait pas souffrir discussion tant le fait est évident pour toute personne sensée.
Caracas, avec son référendum constitutionnel, montre ici la voie à suivre à l’Europe pour le TCE. Le Venezuela honore ainsi la démocratie.
Il est nécessaire que les pays européens s’inspirent de cet exemple et l’appliquent pour le TCE.
Faute de quoi, l’UE se préparerait elle-même un avenir de crises récurrentes puisque son acte politique fondateur serait irrémédiablement entaché du sceau de l’illégitimité la plus absolue.
Rien de durable ne peut se bâtir sans la démocratie, donc sans la libre expression des peuples.
Sur le TCE, la parole doit être rendue aux peuples et aux citoyens.
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