Israël un an après : les limites de la loi du plus fort
Il y a un an, Israël subissait la plus violente attaque terroriste de l’histoire moderne, dans des circonstances particulièrement barbares. Depuis, la démonstration de force offensive et défensive d’Israël a été impressionnante. Mais, comme le redoutait François Ruffin il y a un an, sa brutalité porte en elle les mêmes limites que celles de l’action des États-Unis après les attentats de 2001.
Joue-la comme l’Oncle Sam…
Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer la violence extrême du choc subi par Israël il y a un an : 1200 personnes massacrées, dont 800 civils, dans de multiples actes terroristes coordonnés. Sachant qu’Israël compte dix millions d’habitants, proportionnellement, cela équivaut à 36 000 victimes aux États-Unis en 2001, douze fois plus que le 11 septembre ! Quantitativement, le bilan est effroyable, et à cela s’y ajoute le caractère encore plus horrible des circonstances d’une grande partie de ces morts, entre festivaliers massacrés, comme un écho aux victimes du Bataclan en France, et des familles décimées dans des kibboutz d’une manière trop souvent particulièrement inhumaine et barbare. A cela, s’y est ajoutée la prise de 251 otages, dont une centaine se trouveraient toujours dans la bande de Gaza selon l’AFP.
Le 7 octobre 2023, François Ruffin s’était distingué de sa famille politique d’alors en réagissant de manière équilibrée et en pointant déjà « que la réponse soit dans les mains du gouvernement israélien le plus brutal depuis 30 ans nourrit les plus grandes craintes pour les populations civiles palestiniennes et israéliennes prises dans le conflit, et vers qui nos pensées se tournent à cet instant ». Un an après, la réaction d’Israël interpelle. Tel Aviv a montré sa force en décapitant les organisations terroristes derrière les actes atroces du 7 octobre, et le dôme de fer a montré sa capacité à se protéger des agressions de l’Iran. Le plus fort dans la région, c’est toujours Israël. La terrible menace existentielle qui pèse sur le pays l’a poussé, avec l’aide des États-Unis, à développer un arsenal militaire très puissant.
Mais, un an après, il faut quand même questionner la façon dont cet arsenal est utilisé. La chasse des terroristes du Hamas a provoqué la mort d’au moins trente à quarante mille personnes à Gaza, dont plus de dix mille enfants. Sachant qu’il a deux millions d’habitants à Gaza, cela est l’équivalent de 150 à 200 mille morts à l’échelle d’Israël. Ces comparaisons, aussi délicates soient-elles, posent tout de même la question de la proportionnalité de la réponse de l’État hébreu. D'autant plus qu'une grande partie de Gaza a été détruite, abandonnant les survivants à un champ de décombres. Bien sûr, il ne s’agissait pas de laisser les actes horribles du 7 octobre impunis. Mais là, le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne va-t-il pas bien trop loin dans la destruction de la bande de Gaza et le nombre de victimes associées ? Yaïr Golan, leader de la gauche en Israël dénonce une politique « qui affaiblit l’Autorité palestinienne et renforce le Hamas » et appelle à « une solution à deux Etats avec une responsabilité sécuritaire ».
En somme, Israël semble se comporter de la même manière que les États-Unis de Georges Bush après le 11 septembre. En réponse aux attentats, en ciblant bien plus que les terroristes, l’Oncle Sam avait détruit l’Afghanistan et l’Irak, faisant des centaines de milliers de morts, et laissant ces pays dans un chaos complet, terreau propice au terrorisme et aux islamistes les plus obscurantistes. Il est triste qu’Israël suive ce sinistre exemple, qui indique que ce n’est pas ainsi que l’on vient à bout du terrorisme, bien au contraire. D’ailleurs, en conséquence, l’opinion publique internationale exprime une solidarité grandissante avec le terrible destin des Palestiniens, bombardés, tués, colonisés et occupés par Israël. Et malheureusement, beaucoup de juifs subissent le retour d’un antisémitisme que l’on espérait disparu.
Le problème du comportement d’Israël aujourd’hui, comme celui des États-Unis hier, c’est que ses dirigeants imposent la loi du plus fort, qui n’a que faire de l’opinion de la communauté internationale. Mais si cela est possible aujourd’hui, parce qu’Israël est le plus fort, cela pose un double problème. D’abord, cela créé un nouveau précédent détestable où le plus fort fait ce qu’il souhaite. Et cela revient à ignorer qu’un jour peut-être, Israël ne sera peut-être plus le plus fort dans la région…
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