Le Kremlin publie l’entrevue complète entre Poutine et Megan Kelly - NBC a coupé les meilleures parties (Partie 2)
Voici la traduction de la deuxième partie de ce très long entretien, basé sur le texte fourni par le site Russia Insider. Cet article sera suivi par un troisième analysant ce qui a été supprimé par NBC au montage et ce qu’il faut en déduire sur ce que la chaîne ne voulait pas que ses auditeurs sachent.
Megan Kelly : Monsieur le Président, contente de vous revoir.
Vladimir Poutine : Bonjour.
Nous sommes à Kaliningrad. Pourquoi ici ? C'est un port qui, me dit-on, ne pourrait pas être plus menaçant pour l'OTAN, pour l'Europe. C'est une base militaire russe. C'est un port militaire russe. C'est là que sont stationnées certaines de vos armes nucléaires. Vous essayez d'envoyer un message ?
Pourquoi Kaliningrad ? Parce que je visite régulièrement les régions russes. C'est une de ces régions. Cette fois-ci, je suis venu ici pour assister à une conférence des médias régionaux, qu'ils ont décidé d'organiser ici. Ce n'était pas ma décision, mais la leur, celle de vos collègues des médias régionaux russes. J’ai convenu avec eux de participer à de telles réunions une fois par an et de les rencontrer, et c'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui. Cela n'a rien à voir avec l’envoi de signaux à l’extérieur ; c'est notre affaire nationale.
Compris. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés en juin, je vous ai interrogé sur la conclusion de nos services de renseignement américains selon laquelle la Russie s'est ingérée dans notre élection présidentielle. Vous m'avez dit qu'il n'y avait rien de concret dans ces rapports, que s'il y avait quelque chose de concret, vous avez dit, il y aurait quelque chose à discuter. Vous me l'avez dit, comme on disait au KGB : adresses, maisons, noms. Depuis lors, 13 Russes et trois entreprises russes ont été inculpés par un procureur spécial nommé Robert Mueller aux États-Unis pour ingérence dans nos élections. L'agence de l'IRA, Evgueni Prigojine et d'autres personnes qui mènent une opération de cyberguerre à partir d'un bureau situé au 55 de la rue Savouchkina, Saint-Pétersbourg, Russie. Adresses, maisons, noms. On peut en discuter maintenant ?
Bien sûr que oui. Non seulement nous pouvons, mais je pense que nous devons discuter de cette question si elle vous dérange encore. Mais si vous pensez que la question a été posée, je suis prêt à y répondre.
Pourquoi autoriser une attaque comme celle-là sur les États-Unis ?
Qu'est-ce qui vous fait penser que les autorités russes et moi avons donné notre permission à quiconque de faire quoi que ce soit ? Vous venez de nommer des gens ; j'ai entendu parler de certains d'entre eux, certains que je ne connais pas, mais ce ne sont que des particuliers, ils ne représentent pas le gouvernement russe. Même si nous supposons, bien que je ne sois pas sûr à 100 %, qu'ils ont fait quelque chose pendant la campagne présidentielle américaine (je n'en sais tout simplement rien), cela n'a rien à voir avec la position du gouvernement russe. Rien n'a changé depuis notre dernière discussion à Saint-Pétersbourg. Il y a des noms, et alors ? Il pourrait tout aussi bien s'agir d'Américains qui, alors qu'ils vivaient ici, se sont ingérés dans vos propres processus politiques. Cela n'a rien changé.
Mais ce n'était pas des Américains. C'était des Russes. Et c'était des centaines de personnes, un budget mensuel de 2,5 milliards de dollars, tous destinés à attaquer les États-Unis dans une campagne de cyberguerre. Vous allez être réélu. Les Russes devraient-ils s'inquiéter du fait que vous n'aviez aucune idée de ce qui se passait dans votre propre pays, dans votre propre ville natale ?
Le monde est très vaste et hétérogène. Nous avons des relations assez compliquées entre les États-Unis et la fédération de Russie. Et certains de nos concitoyens ont leur propre opinion sur ces relations et réagissent en conséquence. Au niveau du gouvernement russe et au niveau du président russe, il n'y a jamais eu d'ingérence dans les processus politiques internes aux États-Unis.
Vous avez nommé certains individus et vous avez dit qu'ils étaient russes. Et alors quoi ? Peut-être, bien qu'ils soient russes, qu’ils travaillent pour une compagnie américaine. Peut-être que l'un d'eux travaillait pour un des candidats. Je n'en ai aucune idée, ce ne sont pas mes problèmes. Savez-vous que, par exemple, après l'élection présidentielle aux États-Unis, certains responsables ukrainiens ont envoyé des messages de félicitations à Hillary Clinton, alors que Trump avait gagné ? Qu'est-ce qu'on a à voir là-dedans ?
À mon avis, M. Manafort, c'est son nom, il a d'abord été accusé d'avoir quelque chose à voir avec l'ingérence de la Russie dans les élections présidentielles aux États-Unis. Il s'est avéré que c'était tout le contraire : en fait, il avait des liens avec l'Ukraine. Et il avait des problèmes avec l'Ukraine. Qu'est-ce qu'on a à voir là-dedans ?
Vous savez, nous n'avons pas envie de nous immiscer dans les affaires intérieures d'autres pays. Mais si cela vous intéresse, je voudrais élargir le champ de notre discussion.
Je veux en parler. Absolument. Si nous pouvons le faire étape par étape, cela serait plus clair pour les spectateurs qui nous suivent. Vous dites que la fédération de Russie ne l'a pas commandée. Tolérez-vous ces activités ?
Nous ne tolérons pas et ne donnons pas d'ordre. Mais je dis qu'il y a des processus politiques internes aux États-Unis et qu'il y a des gens qui voulaient obtenir des résultats. Ils auraient pu utiliser certains outils dans d'autres pays : de telles technologies existent. Ils auraient pu envoyer des informations pertinentes de France, d'Allemagne, d'Asie, de Russie. Qu'est-ce qu'on a à voir là-dedans ?
Mais c’était des Russes.
D'accord, très, bien, des Russes, mais ils n'étaient pas des officiels représentant l'État. Des Russes, et alors ? Il y a 146 millions de Russes, et alors ?
Qu’avez-vous fait pour vous convaincre de ce fait ?
Quel fait ?
Qu'avez-vous fait pour vous convaincre que ce n'était pas des Russes ? Vous dites que c'était peut-être des Américains, ou des Français. Qu'avez-vous fait pour vous assurer que les 13 ressortissants russes qui viennent d'être inculpés, ces trois compagnies russes, y compris, comme vous l'avez souligné, certains de vos amis proches, n'étaient pas derrière tout cela ? Cela a causé un incident international.
Je sais qu'ils ne représentent pas l'État russe ni le gouvernement russe. Et je n'ai aucune idée de ce qu'ils ont fait et de ce qui les a guidés. Même s'ils ont fait quelque chose, nos collègues américains ne devraient pas se contenter de dire quelque chose dans des entretiens avec les médias, mais nous donner des données précises, avec preuve. Nous sommes prêts à y réfléchir et à en parler. Mais vous savez ce que j'aimerais dire...
Ce serait génial. Les extraderez-vous aux États-Unis ?
Jamais. Tout comme les États-Unis, la Russie n'extrade ses citoyens nulle part. Avez-vous déjà extradé vos citoyens ? C'est mon premier point. Deuxièmement, je ne crois pas que quoi que ce soit d'illégal ait été commis.
Troisièmement, nous avons suggéré à plusieurs reprises que les États-Unis et la Russie établissent des relations dans ce domaine et signent un traité interétatique correspondant sur l'extradition des criminels. Les États-Unis ont esquivé cette proposition et ne veulent pas la signer avec la Russie. Qu'est-ce que vous espérez ? Que nous allons extrader vers votre pays des gens alors que vous ne le ferez pas ? Ce n'est pas une bonne façon d'aborder les affaires internationales.
Il y a plus encore. S'il vous plaît, écoutez-moi et apportez à vos auditeurs ce que je vais dire. Nous discutons avec nos amis et partenaires américains, des gens qui représentent le gouvernement d'ailleurs, et quand ils prétendent que certains Russes se sont ingérés dans les élections américaines, nous leur disons (nous l'avons fait assez récemment à un très haut niveau) : « Mais vous intervenez constamment dans notre vie politique ». Croyez-le ou non, ils ne le nient même pas.
Vous savez ce qu'ils nous ont dit la dernière fois ? Ils ont dit : « Oui, nous intervenons, mais nous avons le droit de le faire, parce que nous répandons la démocratie, et vous non, et donc vous ne pouvez pas le faire. » Pensez-vous qu'il s'agit d'une approche civilisée et moderne des affaires internationales ?
Hier, vous et moi avons parlé d'armes nucléaires et, une fois que les États-Unis et l'Union soviétique se sont rendu compte qu'ils s'acheminaient vers une éventuelle destruction mutuelle, ils se sont mis d'accord sur des règles de conduite dans le domaine de la sécurité, étant donné la disponibilité d'armes de destruction massive. Soyons maintenant d'accord sur la manière de se comporter dans le cyberespace, qui n'a jamais eu un rôle et une portée aussi vastes.
D'accord, alors laissez-moi vous poser la question : vous avez dit explicitement que vous croyez que l'Amérique s'est ingérée dans les élections russes, n'est-ce pas ?
Nous avons fait une proposition aux États-Unis, à nos partenaires sous le regard du président Obama : convenons de la manière dont nous construisons nos relations, élaborons des règles communes acceptables pour tous et nous y adhérons dans le cyberespace.
La première réaction de l'administration Obama a été négative, mais à la toute fin de son mandat présidentiel, ils nous ont dit : « Oui, c'est intéressant, parlons-en ». Mais encore une fois, tout disparut et se dissipa dans un marécage. Nous sommes tous d'accord là-dessus, nous sommes tous pour.
D'accord, alors laissez-moi vous poser la question : vous avez dit explicitement que vous croyez que l'Amérique s'est ingérée dans les élections russes, n'est-ce pas ?
Les États-Unis font cela tout le temps.
Mais la Russie n'est pas intervenue dans les élections américaines ?
Non, et la Russie n'a pas prévu de le faire. C'est impossible. C'est impossible pour nous.
Pourquoi pas ? Pourquoi ne le feriez-vous pas ?
Premièrement, nous avons des principes selon lesquels nous ne permettons pas à d'autres de s'immiscer dans nos affaires intérieures et nous ne nous mêlons pas des affaires des autres. C'est un principe que nous avons. C'est le premier point que je voulais soulever. Ma deuxième remarque est que nous n'avons pas un nombre comparable d'outils.
Allons ! Allons !
Non, nous ne pouvons tout simplement pas le faire.
Vous m'avez dit pas plus tard qu'hier, que puisque nous élargissions nos systèmes de défense antimissile, nous devions réagir en nature par une technologie nucléaire accrue. Maintenant, vous voulez me faire croire que nous avons attaqué vos élections russes et vous dites que nous allons prendre cette voie.
Il ne s'agit pas de missiles. C'est un domaine complètement différent. En outre, nous manquons des instruments nécessaires.
Cyberguerre.
C'est un domaine d'activité complètement différent. Cela n'a rien à voir avec la cyberguerre. La Russie ne dispose pas du genre d'outils dont disposent les États-Unis. Nous ne disposons pas de médias mondiaux comparables à CNN. Vous pensez que oui ? Nous avons Russia Today, et rien d'autre. C'est le seul média russe, et même alors, il a été désigné…
C'est des outils Internet ?
Vous m'interrompez sans cesse, c'est impoli.
Pardonnez-moi, monsieur.
Nous avons un seul média, Russia Today, et même lui a été désigné comme un agent étranger, de sorte qu'il est incapable de faire son travail correctement. C'est le seul média de ce type, alors que les États-Unis disposent d'un large éventail de médias et d'immenses possibilités en ligne. Internet est à vous. Les États-Unis contrôlent tous les outils de gouvernance d'Internet, tous situés sur le territoire américain. Pensez-vous qu'une comparaison peut être faite ? C'est tout simplement impossible. Réunissons-nous et convenons des règles de conduite dans le cyberespace. Mais ce sont les États-Unis qui refusent de le faire.
David et Goliath. L'acte d'accusation de Mueller est très précis sur ce que les Russes faisaient. Il y a un courriel spécifique, un courriel accablant qui y est cité, d’une Russe qui semble avoir été prise la main dans le sac. Elle dit : « Nous avons eu une petite crise au travail. Le FBI a arrêté notre activité. Ce n'est pas une blague. Je me suis donc occupée de couvrir les pistes avec mes collègues. J'ai créé toutes ces photos et tous ces posts et les Américains croient qu'il a été écrit par leurs concitoyens. » Et maintenant, vous voulez vous asseoir ici et dire que vous n'avez pas les outils pour le faire ? Que nous avons la main sur l’ingérence sur Internet ? Ce n'est tout simplement pas vrai.
Je ne comprends même pas de quoi vous parlez. Vous voyez, c'est n'importe quoi. Le Congrès américain a analysé les informations provenant de sources russes publiées en ligne. L'information provenant de médias comme Russia Today a également été analysée et s'est avérée être un centième de pourcent du flux global d'information aux États-Unis, un centième de pourcent seulement. Pensez-vous que cette fraction a eu un impact sur l'élection ? C'est n'importe quoi, vous ne comprenez pas ? C'est la même vieille affaire quand les gens qui ont perdu refusent de l'admettre. Vous voyez, j'ai commenté cela à plusieurs reprises. Il reste à voir ce que sera la politique américaine vis-à-vis de la Russie sous l'administration actuelle. Beaucoup de choses restent floues, car nous n'avons pas encore été en mesure de commencer à travailler ou d'établir des contacts normaux.
Toutefois, il est tout à fait clair que l'actuel président des États-Unis a adopté une position spécifique en termes de politique intérieure et a décidé d'atteindre les personnes qui étaient prêtes à soutenir ses promesses électorales. C'est ce qui a mené à sa victoire, pas n'importe quelle forme d'ingérence extérieure. Prétendre le contraire n'a aucun sens. Quelqu'un croira-t-il que la Russie, un pays situé à des milliers de kilomètres de distance, pourrait utiliser deux ou trois Russes, comme vous l'avez dit, et que je ne connais pas, pour s'immiscer dans les élections et influencer leur résultat ? Vous ne trouvez pas ça ridicule ?
Maintenant, vous parlez de causalité. Mais je suis toujours sur la question de savoir si vous l'avez fait. Et il n'est pas vrai que vous ne connaissez pas les individus qui ont été accusés d'avoir agi ainsi. Un de vos bons amis est en fait accusé d'avoir aidé à la réalisation de ce projet. Il s'appelle Evgueni Prigojine. Vous le connaissez ?
Je connais cet homme, mais ce n'est pas un de mes amis. Ce n'est qu’une déformation des faits. Cet homme d'affaires existe, il travaille dans la restauration. Mais ce n'est pas un fonctionnaire de l'État, nous n'avons rien à voir avec lui.
Après avoir entendu parler de son inculpation, avez-vous décroché le téléphone et l'avez appelé ?
Certainement pas. J'ai plein d'autres choses dont je dois m’occuper.
C'est votre ami. Il a été inculpé.
Vous avez entendu ce que je viens de dire ? Ce n'est pas mon ami. Je le connais, mais ce n'est pas un ami à moi. N'ai-je pas été clair ? Il y a beaucoup de gens comme ça. La Russie compte 146 millions d'habitants. C'est moins qu'aux États-Unis, mais c'est encore beaucoup.
C'est un homme d'affaires important.
Un homme d'affaires important ? Et alors quoi ? Il y a beaucoup de gens importants en Russie. Ce n'est pas un fonctionnaire de l'État, il ne travaille pas pour le gouvernement ; c'est un particulier, un homme d'affaires.
Certains disent que son vrai travail est de faire votre sale boulot.
Qui sont ces gens ? Et quel sale boulot ? Je ne fais pas de sale boulot. Tout ce que je fais est visible. C'est votre prérogative ; certaines personnes dans votre pays aiment faire du sale boulot. Vous pensez qu'on fait la même chose. Ce n'est pas vrai.
C'est a) le fait que vous le connaissez, vous l'admettez. Il est un homme d'affaires russe de premier plan. Et il est spécifiquement accusé d'avoir dirigé cette opération ; b) c'est le même homme qui a été accusé d'avoir envoyé des mercenaires russes en Syrie et qui ont attaqué une enceinte gardée par des milices soutenues par les Américains. Ce type se promène.
Vous savez, cet homme pourrait avoir un large éventail d'intérêts, y compris, par exemple, un intérêt pour le complexe énergétique et pétrolier syrien. Mais nous ne le soutenons aucunement. Nous ne l'en empêchons pas, mais nous ne le soutenons pas non plus. C'est son initiative personnelle.
Vous n'étiez pas au courant ?
Eh bien, je sais qu'il y a plusieurs compagnies, plusieurs compagnies russes là-bas, peut-être la sienne entre autres, mais cela n'a rien à voir avec notre politique en Syrie. S'il fait quelque chose là-bas, il ne le coordonne pas avec nous ; il le fait probablement avec les autorités syriennes ou les entreprises syriennes avec lesquelles il travaille. Nous n'intervenons pas là-dedans. Votre gouvernement intervient-il dans toutes les démarches de vos entreprises, particulièrement les petites entreprises ? C'est essentiellement une entreprise de taille moyenne. Votre président s'immisce-t-il dans les affaires de toutes les moyennes entreprises américaines ? C'est absurde, n'est-ce pas ?
Si les 13 ressortissants russes plus trois compagnies russes ont en fait interféré dans nos élections, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
Je m'en fiche. Je m'en fiche, car ils ne représentent pas le gouvernement.
Vous vous en fichez ?
Complètement. Ils ne représentent pas les intérêts de l'État. Si vous vous inquiétez de quoi que ce soit, dites-le officiellement, envoyez-nous des documents qui le prouvent et expliquez de quoi exactement ces personnes sont accusées. Nous verrons s'ils ont violé les lois russes…
Je l’ai fait.
Non, ce n'est pas vrai. S'ils ont violé la loi russe, nous les poursuivrons en justice. S'ils ne l'ont pas fait, il n'y a rien à faire pour les poursuivre en Russie. Mais après tout, vous devez comprendre qu'en Russie, les gens ne vivent pas sous la loi américaine mais sous la loi russe. Voilà comment c'est. Si vous voulez conclure un accord avec nous, laissez-nous négocier, choisir le sujet, conclure un accord et le signer. Mais vous refusez de le faire. Je vous le dis pour la troisième fois : nous avons proposé de travailler ensemble sur les questions du cyberespace. Mais les États-Unis refusent de travailler de la sorte et jettent 13 Russes en pâture aux médias. Peut-être ne sont-ils même pas des Russes, mais des Ukrainiens, des Tatars ou des Juifs, mais avec la citoyenneté russe, qui devrait également être vérifiée : peut-être ont-ils une double nationalité ou une carte verte ; peut-être que les États-Unis les ont payés pour cela. Comment pouvez-vous le savoir ? Je ne le sais pas davantage.
Je vais vous donner une preuve. Andrei Kroutskikh est un conseiller du Kremlin en matière de sujets cybernétiques. Dans son discours prononcé devant un forum sur la sécurité de l'information en février 2016, il aurait dit, et je cite : « Je vous préviens. Nous sommes sur le point d'avoir quelque chose dans le domaine de l'information qui nous permettra de parler aux Américains sur un pied d'égalité. » Que pensez-vous qu'il voulait dire ? Parce que ça sonne comme une menace juste avant un piratage électoral.
Parfois, je me dis que vous plaisantez.
Non, je suis totalement sérieuse.
Un homme parle de la façon dont il voit nos contacts et notre travail avec nos partenaires étrangers, les États-Unis en l'occurrence, dans un certain domaine. Je n'ai aucune idée de ce qu'il a dit. Demandez-lui ce qu'il voulait dire. Vous croyez que je contrôle tout ?
Il est conseiller du Kremlin sur le cyberespace.
Et alors quoi ? Il y a 2 000 personnes qui travaillent dans l'administration ; pensez-vous que je contrôle tout le monde ? Peskov est assis devant moi, il est mon attaché de presse et il dit parfois des choses que je vois à la télévision et je me demande de quoi il parle. Qui lui a dit de dire ça ?
Je n'ai aucune idée de ce qu'il a dit. Demande-lui. Pensez-vous vraiment que je peux commenter tout ce que le personnel de l'administration ou du gouvernement dit ? J'ai mon propre travail à faire.
Je pense qu'en ce qui concerne nos deux pays, vous savez exactement ce qui se passe. Et c'est le problème de la Russie maintenant. Ça l'est. Les responsables des services de renseignement américains viennent de témoigner devant le Congrès que la Russie, la Russie représente la plus grande menace au monde pour la sécurité américaine, plus grande que l’État Islamique. Vous ne pouvez pas faire lever les sanctions. Les relations entre nos deux pays sont presque inexistantes à l'heure actuelle. Cette ingérence, que vous la connaissiez ou non, ne s'est-elle pas retournée contre la Russie ?
Écoutez, vous exagérez. Je ne sais pas si quelqu'un a dit quelque chose et je ne vais pas faire de commentaires à ce sujet, et je ne vais pas non plus suivre ce qui se passe dans votre Congrès.
Je m'intéresse davantage à ce qui se passe à la Douma, s'ils ont approuvé un projet de loi sur une question de soins de santé ou de services publics, s'ils retardent ou non certaines discussions. Existe-t-il un lobbying d'intérêt particulier contre une loi sur la protection de la nature, la sylviculture ou l'environnement ? Voilà ce qui m'intéresse. Vous devriez suivre ce dont ils discutent au Congrès ; j'ai assez à faire sans cela.
Vous savez que les sanctions n'ont pas été levées. Vous savez que la relation entre nos deux pays n'est pas à son plus bas niveau, mais qu'elle s'en rapproche. Et c'est en partie la raison. L'ingérence russe dans les élections américaines est donc importante.
Écoutez, les sanctions n'ont rien à voir avec le mythe d'une ingérence russe dans les élections américaines. Les sanctions, c'est autre chose : le désir d'arrêter les progrès de la Russie, de contenir la Russie. Cette politique d'endiguement de la Russie se poursuit depuis des décennies. Maintenant, elle est de retour. C'est une politique malavisée, qui affecte non seulement les relations russo-américaines, mais aussi les entreprises américaines parce qu'elle libère de la place pour leurs concurrents sur notre marché.
Vous et moi étions au Forum économique de Saint-Pétersbourg. La plus grande délégation commerciale était américaine. Les gens veulent travailler avec nous, mais ils n'ont pas le droit de le faire ; ils sont bloqués pour contenir la Russie. Ils ont été restreints et contenus pour que notre industrie de la défense ne puisse pas se développer, entre autres choses. Nous en avons discuté hier. Ont-ils réussi à obtenir quelque chose ? Non, ils ne l'ont pas fait : ils n'ont jamais réussi à contenir la Russie et ne le feront jamais. C'est tout simplement, vous savez, une tentative avec des outils qui…
Pouvons-nous contenir la Russie dans la cyberguerre ?
Je pense qu'il est impossible de contenir la Russie où que ce soit. Vous devez comprendre ceci. Vous ne pouvez même pas contenir la Corée du Nord. Qu'est-ce que vous racontez ? Pourquoi feriez-vous ça ? Pourquoi devons-nous nous maîtriser, nous attaquer ou nous méfier les uns les autres ? Nous offrons notre coopération.
C'est la question que je vous pose. Pourquoi, pourquoi interviendriez-vous dans nos élections à maintes reprises ? Et pourquoi pas vous, d'ailleurs ? Laissez-moi vous le dire ainsi. Vous avez passé une journée, chaque fois que je vous ai vu, à Saint-Pétersbourg, à Moscou et maintenant ici à Kaliningrad, à me dire que l'Amérique s'est immiscée dans le processus électoral russe et que la Russie dispose d'un solide arsenal de cyberguerre. Et pourtant, vous voulez nous faire croire que vous ne l'avez pas déployé. Vous comprenez à quel point c'est peu plausible ?
Cela ne me semble pas du tout invraisemblable, parce que nous n'avons pas un tel objectif, d'intervenir. Nous ne voyons pas ce que nous avons à gagner en nous ingérant. Un tel objectif n'existe pas. Supposons que c'était notre objectif. Pourquoi, juste pour le plaisir ? Quel est le but ?
Créer le chaos. Tel est l'objectif.
Écoutez-moi bien. Il n'y a pas si longtemps, le président Trump a dit quelque chose de totalement vrai. Il a dit que si l'objectif de la Russie était de semer le chaos, elle a réussi. Mais ce n'est pas le résultat de l'ingérence russe, mais votre système politique, la lutte interne, le désordre et la division. La Russie n'y est pour rien. Mettez de l'ordre dans vos affaires. Et la façon dont la question est formulée, comme je l'ai mentionné - vous pouvez intervenir n'importe où parce que vous apportez la démocratie, mais nous ne pouvons pas -, c'est ce qui provoque les conflits. Vous devez montrer du respect à vos partenaires, et ils vous respecteront.
Vous avez dit un jour, Monsieur le Président, que vous croyiez que l'ingérence dans notre élection était le fait de certains Russes patriotes. Une réponse comme celle-là, vous comprenez, amènera les gens à se demander, êtes-vous un patriote russe ?
Je suis le Président de la Fédération de Russie. Il est de mon devoir constitutionnel d'aborder toute une série de questions concernant la protection des intérêts de la Russie. Lorsque j'ai parlé de personnes patriotes, je voulais dire que vous pouvez imaginer que, face à la détérioration des relations russo-américaines, les gens - et les gens utilisent le cyberespace - exprimeront leurs points de vue, leurs opinions, y compris sur ce réseau mondial. Bien sûr, ils sont libres de le faire. Comment pouvons-nous vraiment l'interdire ? Mais nous ne pouvons pas le contrôler et, plus important encore, nous ne le dirigeons pas. Veuillez noter que ce n'est pas la position de l'État russe.
Vous ne pouvez pas ? Les services de renseignement russes ne peuvent pas savoir qui fait cela, le porter à votre attention ? Vous êtes incapable de l'arrêter ?
Peut-être que si nous l'examinions attentivement, nous trouverions ces gens, s'ils existent. Mais nous n'avons pas un tel objectif. Nous proposons de tenir des entretiens officiels et vous refusez. Alors, que voulez-vous ? Qu'on ouvre des enquêtes juste parce que le Congrès l'a dit ? Asseyons-nous, signons un accord sur le travail dans le cyberespace et respectons-le. Comment voulez-vous procéder ? Il n'y a pas d'autre façon de mener les affaires internationales.
Donc vous n'avez pas pour but d'arrêter cela. Qu'est-ce que cela signifie pour nos élections de 2018 et 2020 ? On peut s'attendre à plus de la même chose ?
Je n'ai pas dit que ce n'était pas un but. J'ai dit que nous avions…
Vous venez de le dire.
Non, pas du tout. J'ai dit que nous n'interférons pas dans la vie privée de nos concitoyens et que nous ne pouvons pas les empêcher d'exprimer leur opinion, y compris sur Internet. Mais j'ai également dit que la position officielle de la Russie est que nous n'interférons pas dans les processus politiques d'autres pays en tant qu'État. C'est la partie la plus importante. Je veux que cela soit consigné dans notre conversation d'aujourd'hui, pour que les Américains comprennent cela.
Et pardonnez-moi, mais j'essaie redescendre d'un niveau, est-ce que vous avez pour objectif d'empêcher vos propres citoyens de se comporter de cette manière, ce qui a sapé les relations entre nos deux pays ?
Je tiens à dire que nous nous opposerons à tout ce qui viole le droit russe ou nos accords internationaux. Pour la troisième ou quatrième fois, je dirai que nous sommes prêts à signer un accord correspondant avec les États-Unis. Vous refusez toujours. Asseyons-nous à la table de négociation, identifions ce que nous considérons comme important, signons le document et respectons les règles avec une vérification adéquate.
Vous êtes le Président, monsieur. Respectueusement, je n'ai toujours pas entendu de réponse, à savoir si vous vouliez sévir contre les Russes qui ont commis ces crimes. On dirait que la réponse est non. Si je me trompe, corrigez-moi. J'ai cru comprendre que vous vouliez négocier directement avec les États-Unis. Mais en interne, vous pourriez y mettre un terme si vous en aviez le désir.
Je veux que vous m'écoutiez. Nous nous opposerons à tout ce qui viole la loi russe actuelle. Si les actions de nos citoyens - quels qu'ils soient et quelles que soient leurs cibles - violent les lois russes actuelles, nous réagirons. S'ils ne violent pas la loi russe, nous ne pouvons pas réagir.
Avec ça ?
Avec n'importe quoi. Si aucune loi russe n'a été violée, personne ne peut être tenu responsable.
Est-ce que cela violerait la loi russe ?
Je dois regarder ce qu'ils ont fait. Donnez-nous le dossier. Personne ne nous a rien donné.
Vous le savez bien. Pirater le Comité National Démocrate, pirater le courrier électronique de John Podesta, faire de l'ingérence dans notre élection en créant des robots qui diffusent de fausses informations sur Twitter, sur Facebook. Diffuser cette information quand il s'agit de Black Lives Matter, quand il s'agit de la fusillade que nous venons d'avoir à Parkland, en Floride, quand il s'agit de notre élection présidentielle. Diffuser de fausses nouvelles pour changer le cours de la campagne présidentielle. C'est de cela que je parle.
Avec tout le respect que je vous dois personnellement et à l'organe des représentants du peuple, le Congrès américain - et nous traitons toutes ces personnes avec respect - je tiens à ce que vous compreniez vraiment ça. Avez-vous des personnes formées en droit ? Bien sûr que oui. Cent pour cent. Des gens très instruits. Nous ne pouvons même pas lancer une enquête sans motif valable. Notre conversation d'aujourd'hui ou une enquête au Congrès américain n'est pas une cause suffisante. Donnez-nous au moins une enquête officielle avec un exposé des faits, envoyez-nous un papier officiel. Une conversation à l'antenne ne peut pas être un motif d'enquête.
Les services de renseignement aux États-Unis, et maintenant un procureur spécial avec mise en accusation criminelle, ce n'est pas suffisant pour que vous examiniez la question ?
Absolument pas. Si vous n'avez pas de formation juridique, je peux vous assurer qu'une enquête est nécessaire.
J’en ai une.
Vous devez alors comprendre qu'une enquête officielle correspondante doit être adressée au parquet général de la fédération de Russie. Cela dit, nous n'avons même pas de traité sur la façon de procéder. Mais envoyez-nous au moins quelque chose par écrit.
Vladimir Poutine ne pouvait pas demander une enquête pour savoir si cela a été fait d'une manière qui sape ses relations avec un partenaire majeur, les États-Unis d'Amérique ?
Donnez-nous quelque chose par écrit, une enquête officielle. Nous allons l'examiner.
Vous avez dit ça la dernière fois et maintenant je suis de retour avec une mise en accusation.
Il n'y a rien par écrit. Envoyez une demande de renseignements au parquet général. Il est nécessaire de passer par les voies officielles plutôt qu'avec l'aide des médias et des mots durs du Congrès américain, en lançant contre nous des accusations totalement infondées. Donnez-nous quelque chose par écrit.
Permettez-moi de vous poser la question suivante : vous étiez président en 2001, lorsque le FBI a arrêté Robert Hanssen, l'un des siens, pour espionnage pour le compte de la Fédération de Russie. En représailles, le président George W. Bush a expulsé 50 espions russes illégaux des États-Unis et le Kremlin a fait de même, expulsant immédiatement 50 Américains de l'ambassade des États-Unis à Moscou. C'est une tradition qui remonte à des décennies. Décembre 2016 : après que nos services de renseignement se soient mis d'accord sur le fait que les Russes s'étaient ingérés dans notre élection présidentielle, le président Obama a expulsé des dizaines de Russes et saisi deux propriétés russes. Et pourtant, vous n'avez rien fait, vous n'avez rien fait en réponse. Pourquoi pas ?
Nous croyions et je crois toujours qu'il n'y avait aucune raison pour cela. C'est le premier point.
Deuxièmement, cela a été fait en violation flagrante du droit international et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. La saisie infondée de nos biens constitue une violation flagrante du droit international. Nous espérions vivement une réponse de la nouvelle administration. Mais comme rien ne vient - et je l'ai déjà dit et le ministre des Affaires étrangères l'a répété - nous nous tournerons vers les tribunaux compétents des États-Unis pour protéger nos intérêts.
Laissez-moi vous poser une question sur le président Trump. Chaque fois qu'il dit quoi que ce soit sur vous, c'est extrêmement respectueux. Jamais un mot dur pour vous. Bien que si vous examinez la façon dont il parle des membres de son propre parti, même des membres de son propre personnel, sans parler des autres dirigeants politiques, il les insulte souvent personnellement. Pourquoi pensez-vous qu'il est si gentil avec vous ?
Il ne s'agit pas d'être gentil avec moi personnellement, à mon avis. Je pense qu'il est une personne expérimentée, un homme d'affaires avec une très grande expérience et il comprend que si vous avez besoin de vous associer avec quelqu'un, vous devez traiter votre partenaire futur ou actuel avec respect, sinon rien n'en sortira. Je pense que c'est une approche purement pragmatique. C'est mon premier point.
Deuxièmement, même s'il s'agit de son premier mandat en tant que président, il apprend vite et il comprend très bien qu'échanger des accusations ou des insultes à notre niveau est une voie vers nulle part. Cela reviendrait simplement à priver nos pays de leur dernière chance de dialogue, la dernière chance. Ce serait extrêmement regrettable.
Vous avez peut-être remarqué que, pour ma part, je le respecte ainsi que tous mes collègues, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe et en Asie.
Vous pouvez, mais la vérité, c'est que notre président a qualifié le chef de la Corée du Nord de « petit homme fusée ». Il n'est donc pas tout à fait aussi diplomate selon la personne dont il parle. Je suis sûr que vous avez vu ça, n'est-ce pas ?
Oui, je l'ai fait. Vous connaissez notre position à ce sujet. Nous exhortons tout le monde à faire preuve de retenue.
Que pensez-vous du président Trump ?
La question n'est pas tout à fait pertinente, car le travail du président Trump devrait être évalué par ses électeurs, le peuple américain. Il y a une chose que je voudrais dire : qu'il le veuille ou non - nous pouvons aussi détester certaines choses - il fait de son mieux pour tenir les promesses électorales qu'il a faites au peuple américain. Il est donc cohérent dans ce sens. Je pense qu'en fait, c'est la seule façon appropriée de témoigner du respect envers les gens qui ont voté pour lui.
Il a loué votre façon de diriger. Est-il un chef efficace ?
Encore une fois, c'est au peuple américain de décider. Il a de solides qualités de chef, bien sûr, parce qu'il assume la responsabilité de ses décisions. Je le répète, que certaines personnes aiment ses décisions ou non, il continue d'aller de l'avant et de le faire. C'est bien sûr un signe de qualités de chef.
Vous avez lu ses tweets ?
Non, pas du tout.
Vous arrive-t-il de tweeter ?
Non.
Pourquoi pas ?
J'ai d'autres moyens pour exprimer mon point de vue ou prendre des décisions. Donald est une personne plus moderne.
Diriez-vous qu'il est plus pittoresque que vous ?
Peut-être.
Permettez-moi de vous poser une question sur la question de l'ingérence électorale. Il y a au moins deux théories sur vous. Premièrement, lorsque Hillary Clinton était secrétaire d'État, vous avez eu l'impression qu'elle s'était immiscée dans les élections ici en 2011 et 2012, ce qui a provoqué des manifestations ici, y compris contre vous et cela vous a mis en colère. Deux, c'est quand les papiers de Panama ont été divulgués montrant une traînée d'argent massif qui a conduit à vous et certains de vos associés, c'était la goutte qui a fait déborder le vase pour vous. Est-ce que l'une de ces choses vous met en colère ?
C'est complètement absurde. Concernant Hillary, je la connais personnellement, et nous avons généralement toujours maintenu un bon dialogue chaque fois que nous nous rencontrions. Je ne comprends pas pourquoi, à un moment donné... Ses conseillers ont probablement suggéré qu'elle concentre une partie de sa campagne électorale à critiquer l'évolution de la situation en Russie. C'était leur choix. Je ne l'ai jamais pris personnellement. C'était juste leur politique.
Comme pour tous ces dossiers, c'est complètement absurde. Ils parlent de mes amis. Et alors quoi ? Comme vous le savez, cela n'a eu aucun effet. Ce ne sont que des absurdités et des bavardages médiatiques. J'ai tout oublié. Je ne me souviens pas de quoi il s'agissait. En fait, rien de ce genre ne peut me mettre en colère. Je suis guidé par des considérations pragmatiques, pas par des émotions.
Puisque vous en parlez, un de vos amis a été mentionné dans les papiers de Panama. Laissez-moi vous parler de lui. Sergueï Roldouguine. La légende raconte que cet homme vous a présenté à votre ex-femme, qu'il est le parrain d'une de vos filles. C'est un violoncelliste de métier, non ?
Oui, je le connais très bien. C'est un ami et un musicien merveilleux. Il a consacré sa vie à l'art et à la musique. Soit dit en passant, beaucoup d'artistes ici sont aussi impliqués dans les affaires d'une façon ou d'une autre. À part moi, Sergueï a aussi d'autres liens dans le pays, y compris des hommes d'affaires qui l'ont lancé dans cette profession. Il a gagné son argent légalement. Il n'a pas fait des centaines de milliards de dollars. Tout ce qu'il a gagné, il l'a dépensé pour acheter des instruments de musique à l'étranger, qu'il a apporté en Russie. Il utilise personnellement certains de ces instruments, par exemple le violoncelle. Il joue du violoncelle.
Un Stradivarius à 12 millions de dollars.
Oui, quelque chose comme ça. Mais c'est un instrument unique.
C'est beaucoup d'argent.
Oui, ça l'est. Il doit être excentrique, mais tous les artistes sont excentriques. De dépenser tout cet argent pour des instruments de musique. Je crois qu'il a acheté deux violoncelles et deux violons. Il en joue un lui-même et a donné les autres à d'autres musiciens qui en jouent. Il a apporté tous ces instruments en Russie.
Selon les papiers de Panama, cette masse de documents divulgués sur les comptes bancaires offshore, il a des actifs, ce violoncelliste, d'au moins 100 millions de dollars, y compris une participation d'un huitième dans la plus grande agence de publicité télévisée de Russie, un yacht de 6 millions de dollars, une participation dans un fabricant de camions, une participation de 3 % dans une banque russe. Il doit être un sacré musicien.
Je ne sais rien de ses affaires, mais je sais qu'il a juste assez d'argent pour acheter ces instruments de musique. Tout le reste est sur papier. Il n'a rien d'autre à part ce qu'il a acheté. Peut-être qu'il a autre chose, mais vous devriez lui demander. Je ne contrôle pas sa vie.
Mais la question est de savoir comment un violoncelliste gagne autant d'argent ? Les gens le demandent parce que beaucoup de gens croient que c'est en fait votre argent.
Écoutez, il suffit de regarder beaucoup d’artistes russes, et probablement il y a des gens comme cela dans votre pays aussi. Après tout, il y a des artistes aux États-Unis, y compris des célébrités d'Hollywood qui dirigent des restaurants ou possèdent des actions. N'y a-t-il pas beaucoup de gens comme ça dans l'industrie du divertissement et le monde de l'art aux États-Unis ? Je suis sûr qu'il y a beaucoup de gens de ce genre, et plus qu'en Russie. En Russie, il y a aussi pas mal d’artistes qui font des affaires en dehors de leur travail créatif. En fait, il y en a beaucoup, et il n'est que l'un d'entre eux. Et alors quoi ? La question n'est pas de savoir s'il exploite une entreprise ou non, ou s'il a fait des profits ou non. La question est de savoir s'il y a eu des violations. À ma connaissance, il n'a commis aucune violation.
C'est exact. Il n'y a pas de problème à gagner de l'argent. Je suis américaine, nous sommes capitalistes. La question est de savoir si c'est votre argent en réalité.
Ce n'est pas mon argent, c'est sûr. Je ne sais même pas combien M. Roldouguine a, comme je l'ai déjà dit. Pour autant que je sache, il n'a commis aucune violation dans ses engagements commerciaux et créatifs, il n'a violé aucune loi ou norme russe.
En parlant d'argent, dans les années 1980 et 1990, à la suite de plusieurs faillites, l'organisation Trump a eu du mal à obtenir des prêts aux États-Unis et a cherché ailleurs. Le fils de M. Trump, Donald Trump Jr, a déclaré qu'il y a dix ans et je cite : « Les Russes constituent un échantillon assez disproportionné de nos actifs. On voit beaucoup d'argent arriver de Russie. » Saviez-vous que l'argent russe coulait dans l’immobilier ?
C'est complètement absurde. Il n'y a pas eu d'investissements dans les propriétés Trump en Russie, pour autant que je sache. Je ne sais même pas s'il y avait des plans sérieux pour faire ces investissements.
Allons !
Écoutez, vous continuez à penser que le monde entier tourne autour de vous. Cela ne fonctionne pas comme ça.
Il ne s'agit pas de moi. Il s'agit de ce que dit Donald Trump Jr.
Pensez-vous que nous savons tout ce que le fils de Donald Trump a dit ? Vous voyez, ce n'est pas comme ça que les choses se passent. Donald est venu ici en Russie quand il n'était même pas encore nominé. Je ne savais même pas qu'il était allé en Russie. Je l'ai appris seulement après, quand on m'a dit qu'il était allé en Russie. De même, j'ignore ce que son fils a dit à cette occasion. Le fils de Donald Trump a-t-il enfreint des règles ou des lois ? Si oui, inculpez-le. S'il ne l'a pas fait, pourquoi vous acharnez-vous sur chaque mot ?
Il y a des années, avant que Donald Trump ne se présente à la présidence, il a dit qu'il vous connaissait et qu'il vous parlait beaucoup. Est-ce que c'est vrai ?
Non, je ne l'avais jamais rencontré. Vous voulez dire avant qu'il ne devienne président et qu'il ne se présente à la présidence, n’est-ce pas ?
Avant qu’il ne se présente.
Non, on ne s'était pas rencontrés. Nous ne nous sommes jamais parlés, ni par téléphone ni autrement.
Vous êtes sur le point d'être réélu pour votre quatrième mandat de président en Russie, n'est-ce pas ?
Nous verrons ce que décideront les électeurs russes.
Comment quelqu'un comme Vladimir Poutine, qui est aussi populaire que vous ici en Russie, peut-il se sentir menacé par Navalny ? Je sais qu'il a des problèmes judiciaires, mais pourriez-vous pardonner à ce homme et le laisser vous lancer un défi de taille ?
Quant à la question de savoir avec qui je pourrais travailler et avec qui je ne voudrais pas travailler, je peux vous dire en toute honnêteté que j'aimerais travailler avec des gens qui veulent que la Russie devienne un pays plus fort, plus efficace, plus compétitif et plus autonome et que je suis prêt à le faire. Mais pour y parvenir, les personnes dont nous parlons ici devraient avoir un plan d'action clair et précis pour promouvoir le développement national dans l'environnement actuel. Il y a des gens comme ça, y compris…
Mais Navalny l’est et il a une certaine popularité ici en Russie.
N'importe qui peut être pardonné s'il le mérite.
Pourquoi ne le faites-vous pas ?
S'il le mérite. Il n'y a aucune exception pour personne. Pas d'exceptions. Mais nous ne parlons pas de pardon maintenant, mais de certaines forces politiques. Ils n'ont pas de programme de développement pour le pays. Qu'est-ce qui est positif et ce que j'aime ? Qu'ils exposent les problèmes, et c'est en fait une bonne chose, c'est la bonne chose à faire, et cela doit être fait. Mais ce n'est pas suffisant pour le développement progressif du pays, ce n'est tout simplement pas suffisant. Parce qu'il ne suffit pas de se concentrer sur les problèmes, c’est même dangereux, parce que cela peut conduire à la destruction, alors que nous avons besoin de création.
Nos analystes politiques me disent que vous avez tout à fait raison au sujet de vos chances lors des prochaines élections, que vous n'avez pas d'opposants sérieux et que vous gagnerez probablement. Qu'est-ce qui va suivre après ça ? Le président chinois vient d'abolir les limites de son mandat. C'est quelque chose que vous feriez un jour ?
Je ne pense pas que je devrais parler de mes projets politiques avec vous maintenant à cette réunion, dans cette conversation, dans cette interview pour la télévision américaine. Mais je crois que je vous l'ai dit hier, je n'ai jamais changé la Constitution ou ajusté celle-ci à mes besoins, et je n'ai pas de tels plans aujourd'hui.
Quant à la Chine, avant de critiquer les décisions prises dans un pays comme la Chine, il faut réfléchir et se rappeler qu'il y a 1,5 milliard d'habitants et, après y avoir réfléchi, il faut en arriver à la conclusion que nous sommes tous intéressés par le fait que la Chine soit un État stable et prospère. C'est probablement au peuple chinois et aux dirigeants chinois de décider de la meilleure façon de procéder.
Pouvez-vous quitter le pouvoir ? Parce que certains des experts à qui nous avons parlé ont dit que cela serait presque impossible pour vous, parce que quelqu'un dans votre position serait probablement soit jeté en prison par vos adversaires ou pire. Ils disent qu'il est en fait triste que vous deviez rester au pouvoir pour rester en sécurité.
Ce que vos soi-disant experts disent, c'est leur vœu pieux. J'ai entendu beaucoup de bêtises de ce genre. Pourquoi pensez-vous que me succédera nécessairement des gens prêts à détruire tout ce que j'ai fait ces dernières années ? Peut-être, au contraire, un gouvernement viendra au pouvoir déterminé à renforcer la Russie, à créer un avenir pour elle, à construire une plate-forme de développement pour les nouvelles générations. Pourquoi avez-vous soudainement décidé que des destructeurs arriveraient et effaceraient tout ce qu'ils pouvaient ? Il y a peut-être des gens qui aimeraient cela, y compris aux États-Unis. Mais je ne pense pas qu'ils ont raison, car je pense que les États-Unis devraient s'intéresser davantage à l'autre option - la Russie étant un pays stable, prospère et en développement, je veux dire si vous pouvez vraiment regarder au moins les 25 à 50 ans à venir.
Avez-vous préparé un successeur ? Avez-vous quelqu'un en tête ?
J'y pense depuis 2000. Penser n'est pas un crime, mais en fin de compte, c'est au peuple russe de décider. Que j'aime ou déteste quelqu'un, d'autres candidats se présenteront aux élections présidentielles et les citoyens de la Fédération de Russie prendront la décision finale.
Permettez-moi de vous parler un peu de la Syrie. Croyez-vous que les attaques d'armes chimiques en Syrie sont de fausses nouvelles ?
Bien sûr que oui. Premièrement, le gouvernement syrien a détruit ses armes chimiques il y a longtemps. Deuxièmement, nous connaissons les plans des combattants pour simuler des attaques chimiques de l'armée syrienne. Et troisièmement, toutes les tentatives qui ont été faites à plusieurs reprises dans le passé récent, et toutes les accusations ont été utilisées pour consolider les efforts contre Assad. Nous sommes au courant de ces événements et ils ne sont pas intéressants. On aimerait dire « ennuyeux ».
Les corps d'enfants morts suite aux attaques au gaz sarin ? C'est ennuyeux ?
Êtes-vous sûr que ces décès sont le résultat d'attaques chimiques du gouvernement syrien ? Au contraire, je blâme les criminels et les radicaux, les terroristes qui commettent ces crimes pour blâmer le président Assad.
Ce n'est pas ce que les Nations Unies ont conclu. Ils ont autopsié les corps des enfants morts. Votre ministre des Affaires étrangères a dit que tout était inventé. Vous y croyez à ça ?
Bien sûr que oui. J'en suis absolument certain. Parce qu'il n'y a pas eu d'enquête sérieuse.
Il n'y avait pas de cadavres ?
Peut-être qu'il y avait des cadavres, ce qui est normal dans une guerre. Regardez comment ils ont libéré Mossoul : elle a été rasée jusqu'au sol. Regardez comment ils ont libéré Raqqa : les morts n'ont pas encore été retirés des ruines ni enterrés. Vous voulez en parler ?
C'est ce que nous appelons le jusqu'au boutisme. C'est-à-dire que vous pointez du doigt le mauvais comportement de quelqu'un d'autre pour justifier votre tort ou celui de votre allié. Nous parlons d'Assad et d'enfants morts à cause du gaz sarin. Gaz sarin. Et vous dites à un public international que ce n'est jamais arrivé ?
Écoutez, pour être sûr que c'est bien ce qui s'est passé, il faut mener une enquête approfondie et rassembler des preuves sur place. Rien de tout cela n'a été fait. Faisons-le.
Faisons-le. Ils voulaient enquêter sur les hélicoptères et l'ONU voulait aller vérifier les hélicoptères qui étaient sur place. Et la Russie a dit non. La Russie a dit non. Pourquoi ?
Il n'y a rien eu de tel. La Russie n'a pas dit « non ». La Russie est pour une enquête complète. Si vous ne le savez pas, je vous le dis maintenant. Il n'est pas vrai que nous sommes contre une enquête objective. C'est un mensonge. C'est un mensonge au même titre que la fiole de substance blanche qui aurait prouvé que l'Irak possédait des armes de destruction massive, que la CIA a donnée au secrétaire d'État américain. Plus tard, il s'est excusé, mais les dégâts ont été faits, le pays a été ruiné. C'est encore une autre fausse nouvelle qui n'a aucune substance. Une enquête devrait être menée pour recueillir la substance. Nous sommes en faveur d'une telle enquête.
Depuis le début de l'année, il y a eu au moins quatre attaques au moyen d'armes chimiques à base de chlore en Syrie. Notre secrétaire d'État Tillerson vient de dire que la Russie en porte la responsabilité, étant donné vos promesses antérieures de mettre fin aux attaques aux armes chimiques en Syrie. Votre réponse ?
Je vous dirai que a) nous n'avons rien à voir avec cela et que nous exigeons une enquête approfondie. Pour ce qui est des crimes, retournez à Raqqa et enterrez au moins les cadavres, qui sont encore allongés au milieu des ruines après les frappes aériennes dans les quartiers résidentiels. Et enquêtez sur ces attaques. Cela vous donnera quelque chose à faire.
L'une des questions que se posent nos auditeurs est de savoir comment nous pouvons faire marche arrière. Comment pouvons-nous arriver à une position où ces deux grandes nations sont moins ennemies et quelque chose de plus proche, comme des alliés, ce que nous ne sommes manifestement pas à l'heure actuelle. Vous êtes d'accord que nous ne le sommes pas ?
Malheureusement, nous ne le sommes pas. Mais ce n'est pas nous qui avons fait des États-Unis notre adversaire. Ce sont les États-Unis, le Congrès américain, qui ont qualifié la Russie d'adversaire. Pourquoi avez-vous fait ça ? La Russie a-t-elle imposé des sanctions aux États-Unis ? Non, ce sont les États-Unis qui nous ont imposé des sanctions.
Vous savez pourquoi.
Non, pas du tout. Je peux vous poser une autre question ? Pourquoi avez-vous encouragé le coup d'État en Ukraine ? Pourquoi avez-vous fait ça ? Les États-Unis ont reconnu directement avoir dépensé des milliards de dollars à cette fin. Cela a été ouvertement reconnu par les responsables américains. Pourquoi appuient-ils les coups d'État et les combats armés dans d'autres pays ? Pourquoi les États-Unis ont-ils déployé des systèmes de missiles le long de nos frontières ?
Écoutez, la Russie et les États-Unis devraient s'asseoir et en discuter pour mettre les choses au clair. J'ai l'impression que c'est ce que veut le président actuel, mais certaines forces l'empêchent de le faire. Mais nous sommes prêts à discuter de toute question, qu'il s'agisse de questions liées aux missiles, au cyberespace ou à la lutte contre le terrorisme. Nous sommes prêts à le faire à tout moment. Mais les États-Unis devraient aussi être prêts. Le moment viendra où l'opinion publique poussera l'élite politique américaine à aller dans cette direction. Nous serons prêts dès que nos partenaires seront prêts.
Avant de vous quitter, quels sont vos espoirs concernant votre héritage ?
Je crois fermement que mon héritage serait de créer un puissant élan de développement pour la Russie et de faire de ce pays une démocratie résiliente et équilibrée, capable de bénéficier des derniers progrès de la révolution technologique. Nous poursuivrons nos efforts pour améliorer notre système politique et judiciaire. Et je suis certain que tout cela, pris dans son ensemble, renforcerait l'unité de la fédération de Russie et de notre peuple, et nous permettrait d'avancer avec confiance pour les années à venir.
Monsieur le Président, merci beaucoup de nous avoir accueillis.
Merci.
Entretien enregistré à Kaliningrad, 2 mars 2018
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