Nucléaire iranien, l’absence de preuve qui dérange
Je vous retranscris ici, tel quel, la traduction de Planète Non-Violence d’une interview d’un ambassadeur iranien à l’ONU parue dans le Los Angeles Times. Volontairement, je ne commenterai pas cette intervention qui se suffit largement à elle-même.
Par ambassadeur Javad Zarif
Le 8 janvier 2007
Absence
de l’élément clé : la preuve, dans les estimations alarmistes sur le
programme nucléaire iranien. Quand le Conseil de sécurité de l’ONU a
été obligé de se réunir le samedi précédent Noël pour voter la
résolution 1 737 contre le programme nucléaire iranien, c’était tout à
fait naturel de demander quelle en était l’urgence.
L’Iran
n’avait pas attaqué ou menacé d’utiliser la force contre un membre des
Nations unies ; en fait, l’Iran n’a pas attaqué de pays depuis plus de
deux siècles. L’Iran n’était pas sur le point de construire une arme
nucléaire. Au contraire, comme conclut une étude publiée cette semaine
par l’Académie nationale des sciences, l’Iran a besoin de l’énergie
nucléaire malgré ses réserves de gaz et de pétrole.
En
même temps, l’Iran a catégoriquement rejeté le développement, le
stockage et l’utilisation d’armes nucléaires sur des bases à la fois
idéologiques et stratégiques. Il est resté fidèle au TNP qu’il a
ratifié en 1970 et était même prêt à fournir les garanties qu’il ne se
retirerait jamais du traité.
Toutes
les installations iraniennes nucléaires ont été inspectées par l’AIEA,
l’Iran a déclaré qu’il était prêt à les placer sous un régime de
contrôle encore plus sévère, comme il l’a fait de décembre 2003 à
février 2006, quand plus de 2 000 journées de contrôle ont abouti à des
déclarations répétées de l’AIEA qu’il n’y a pas de preuve d’un
programme d’armes nucléaires. Comme l’a dit récemment le directeur
général de l’AIEA, Mohamed Elbaradei, « avant tout, en ce qui concerne
l’Iran actuellement, c’est une estimation des intentions ».
Beaucoup
de ces estimations ont été produites par des agences de renseignements
de gouvernements dont l’agenda est hostile à l’Iran. Elles sont, par
conséquent, trompeuses. Par exemple, une estimation de l’Agence nationale de la CIA de 1992 a conclu que l’Iran pouvait développer des
armes nucléaires dès 2000. Les Israéliens ont répété depuis des années
que l’Iran dépasserait le « point de non-retour » dans six mois ou
moins.
Mais même ces estimations alarmistes avouent qu’il n’y a pas actuellement de preuve que l’Iran essaie de construire une
arme nucléaire et que, même s’il le voulait, il ne pourrait le faire avant 2010 ou 2015.
Donc
: pas d’urgence, pas de menace imminente. La raison réelle de la
rencontre d’avant Noël, c’était de tirer avantage d’une composition plus
favorable du Conseil de sécurité avant que ne s’installent les nouveaux
membres le 1er janvier pour imposer des sanctions contre l’Iran.
Les
sanctions visent à punir l’Iran pour refuser de suspendre ses activités
d’enrichissement d’uranium légales et pacifiques. Cependant, la
suspension n’est pas une solution en elle-même, elle ne peut que
fournir du temps pour en trouver une. Une suspension provisoire a déjà
été effective pendant deux ans, tandis que l’Iran s’engageait dans des
négociations. Mais ces trois dernières années, les Etats-Unis et ses alliés
européens n’ont jamais proposé de solution à long terme sauf d’insister
sur une suspension indéfinie des activités d’enrichissement de l’Iran.
Par
contraste, mon pays a proposé de vraies alternatives, pour garantir que
son programme resterait exclusivement et indéfiniment pacifique.
Le 23 mars 2005, l’Iran a fait une
offre très poussée et raisonnable à la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, incluant le passage d’une législation nationale interdisant
de façon permanente le développement et l’utilisation d’armes
nucléaires, des garanties techniques contre la prolifération et des
inspections 24 heures sur 24, fait sans précédent, par l’AIEA. Il a aussi
envisagé des relations de respect mutuel et de coopération dans de
larges domaines politiques, économiques et de contre-terrorisme. Malgré
leur enthousiasme initial, les Européens ont refusé de s’engager dans
des négociations sur cette offre et, au lieu de cela, ont insisté sur
une suspension indéfinie, apparemment à cause des objections américaines.
Le 18
juillet 2005, l’Iran a offert d’autoriser l’AIEA « à développer un
arrangement optimum sur le nombre de mécanisme de contrôle et autres
spécificités » dans le cadre d’une opération limitée à l’installation
d’enrichissement d’uranium de Natanz, « qui répondrait à nos besoins et
lèverait leurs préoccupations ». L’offre n’a même pas été considérée.
Le 17
septembre 2005, l’Iran a annoncé qu’il était prêt à s’engager dans des
partenariats sérieux avec des entreprises publiques et privées d’autres
pays pour enrichir l’uranium en Iran « afin d’offrir un maximum de
transparence ». De nouveau l’offre a été repoussée.
Le 30
mars 2006, l’Iran a proposé d’établir un consortium régional pour
développer le cycle de production de combustible avec des pays de et en
dehors de la région, en propriété partagée, et division des tâches
selon l’expertise des participants. Personne n’a daigné répondre à
cette proposition.
Pendant
les mois de septembre et d’octobre, lors de discussions entre les
négociateurs iraniens et l’UE, l’Iran a proposé un consortium
international, une offre considérée au début comme très prometteuse par
les Européens, mais qui a rapidement été rejetée comme insuffisante. De
nouveau, au lieu de cela, ils ont insisté sur la suspension.
Ces
offres étaient exactement les répliques des principales offres de
l’AEAE sur les activités internationales de production de combustible,
incluant l’enrichissement, publiée le 22 février 2005. L’Iran était
prêt à les mettre en application et cela représentait une opportunité
unique de dissiper les préoccupations sur nos activités de recyclage de
combustible, mais cela aussi permettait de renforcer le TNP en
fournissant un modèle pour d’autres pays qui ont des programmes
d’enrichissement identique. Aucun autre pays avec une technologie
identique n’était prêt à une telle flexibilité.
Ni la
suspension ni les sanctions ne peuvent permettre d’atteindre les
objectifs énoncés d’assurer la non-prolifération parce que l’Iran a
maintenant été obligé de développer la technologie nucléaire par
lui-même. Comme beaucoup d’experts en non-prolifération l’ont déjà fait
remarquer, dans des pays avec le même niveau de résultats
technologiques que l’Iran, seul l’engagement, la transparence et le
contrôle international peuvent apporter des garanties de non-prolifération.
L’Iran reste désireux de dissiper tous les doutes. Ce n’est pas trop tard d’arriver à un accord sur des mesures adéquates
qui peuvent servir notre objectif commun de limiter la prolifération des armes nucléaires.
M. Javad Zarif, ambassadeur iranien à l’ONU, 30 décembre 2006.
Source originale : http://www.latimes.com/news/opinion
Traduction bénévole Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
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