Des querelles byzantines aux querelles parisiennes : ou l’hérésie trente-cinq-heuriste
Comment juger de la pertinence des idées, débats, et positions concernant la limitation de la durée du temps de travail ? Il n’est pas toujours évident d’avoir un avis. Encore moins d’avoir du recul. L’Histoire peut ici apporter un éclairage intéressant, en mettant en parallèle deux situations, qui malgré leurs différences, ont des points communs...
Il y a un peu plus de 500 ans, l’élite de l’empire romain d’Orient était focalisée sur des questions qui leur semblaient fondamentales : Quelle est la véritable nature du Christ ? Quel est le sexe des anges ?... Ces querelles n’étaient pas que des débats d’intellectuels. La société entière en a subi les soubresauts. Les tenants d’une des thèses combattaient avec ferveur les opposants.
Les jugements actuels sur ces querelles byzantines sont sévères, car elles étaient la manifestation d’une autarcie de la pensée et d’un immobilisme de l’action qui ont causé la perte de cet empire.
D’autant que sur le flanc est de l’empire, une poussée formidable étaient en mouvement sous la bannière d’une nouvelle religion. Cette nouvelle religion allait d’une certaine manière régler une fois pour toutes ces débats que l’on peut juger stériles à l’aune de nos critères actuels ! Des gens qui avaient une foi « neuve » (dans la religion) utilisée pour conquérir de nouveaux territoires (géographiques).
Mais revenons au présent.
A l’heure où la grande majorité des habitants de la planète travaillent d’arrache-pied pour augmenter leur niveau de vie, les débats en France s’enlisent, non pas sur le sexe des anges, mais pas loin : la durée légale mensuelle du temps de travail !
Plus tard, les historiens auront sûrement un jugement sévère sur nos querelles parisiennes. Elles ressemblent à s’y méprendre aux querelles byzantines d’alors.
Car ces questions nous aveuglent sur une poussée formidable sur notre flanc est (extrême est). Cette poussée est composée de gens qui ont une foi « neuve » (dans l’économie de marché) utilisée pour conquérir de nouveaux territoires (économiques).
On ne peut s’empêcher de penser que ces débats (ces querelles trente-cinq-heuristiques*) sont aussi pour nous inconsciemment, une manière de faire l’autruche, de s’occuper l’esprit par peur de faire un constat difficile : il faut modifier notre rapport au travail. Il nous faut envisager de travailler plus et plus longtemps (et même pas forcément « pour gagner plus », juste pour maintenir notre niveau de vie !).
Autant casser dès maintenant cette autarcie de la pensée et cet immobilisme de l’action, qui vont précipiter la perte de notre pays. Oublions toute querelle idéologique. Ne sommes-nous pas assez « solides » pour prendre en main aujourd’hui, nous-mêmes et intelligemment, ce qui nous sera sûrement imposé demain, par d’autres, et sans ménagement ? Comme l’a superbement écrit Paulo Coelho « la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même ».
La réalité de Constantinople est évidemment plus complexe que cette « image d’Epinal » le laisse paraître. Et ce parallèle a ses limites. Néanmoins, elle est un bon miroir de la vanité de discourir du temps de travail, quand la solution réside dans le fait de travailler forcément plus, mieux et surtout... - et c’est là que le bât blesse - dans la possibilité de réconcilier travail et épanouissement !
Jérôme Bondu
Historien, consultant en intelligence économique
http://jerome-bondu.over-blog.com/
Pour aller plus loin :
Le 29 mai 1453 est une des dates-clés de l’histoire occidentale. Ce jour-là, la ville de Constantinople, siège de l’empire romain d’Orient, tombe aux mains des troupes du sultan Mehmet II. Tandis que les Turcs font le siège de Constantinople et s’apprêtent à dévaster la ville, dans le palais impérial, prêtres orthodoxes et courtisans continuent de se disputer à propos du sexe des anges...
Ce seront notamment les philosophes du « Siècle des Lumières » qui vont forger cette image d’un empire romain d’Orient cédant à ces « querelles byzantines » interminables, disproportionnées par rapport à leur enjeu. Si la réalité est forcément bien plus complexe, le problème est que l’histoire n’est jamais écrite par les vaincus, mais par les vainqueurs.
* Ce néologisme rappelle les « hérésies christologiques ».
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