DSK : petit rappel de sémantique et de droit
« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
On aimerait que le District Attorney, Cyrus Vance, ait connaissance de notre La Fontaine, et de la morale conclusive de cette superbe fable « Les animaux malades de la peste ». Rappelez vous !
Après ce constat résigné, « indignons-nous ». En vain sûrement, si ce n’est pour conforter chez beaucoup d’entre nous notre secrète et intime conviction.
Prudence, l’ami, car les puissants ont des ressources inépuisables et pas uniquement en argent !
Pas de commentaire hâtif.
Ne discutons pas le bien-fondé de la décision du procureur de New York, mais que les commentateurs, medias ou politiques, fassent preuve de retenue et qu’ils révisent leur sémantique (du grec semanein qui veut dire signifier) et leurs notions de droit, du moins pour ceux qui en ont eues.
L’ancien président du FMI n’a pas été « blanchi » ce qui signifierait qu’il est innocent. Non, non, mille fois non, même si les charges initiales n’ont pas été retenues contre lui dans ce premier acte. No comment ! Tout un chacun devrait savoir quand même qu’un procureur, élu, surtout dans ce district, ne prend pas le risque d’aller au procès s’il risque de le perdre en n’obtenant pas une condamnation unanime des jurés. Système hérité de la common law.
Le Droit constitue, en gros, l’ensemble des règles fondamentales et de l’organisation de la justice, voulues par le législateur, chacun chez soi, en toute souveraineté. Originalité du droit étatsunisien : le droit pénal dont on vient de voir l’exercice et le droit civil dans un épisode à venir, ne sont pas « joints » ou synchrones comme en France, mais nettement distingués l’un de l’autre dans une procédure différente, le procès « au civil » ne requérant pas l’unanimité des jurés. Ce qui n’empêche pas la portée morale d’être bien plus prégnante que ne le suggèrerait la seule sanction pécuniaire.
Et puis, reste l’enquête préliminaire en France, suite à la plainte de la romancière Tristane Banon et le poids de toutes les rumeurs, fondées ou non.
S’il est parfaitement compréhensible de voir des amis se réjouir de la libération de leur quasi-modèle, ces épanchements triomphalistes de la part des copains, socialistes ou du sérail, peuvent paraître indécents et, partant, contre-productifs.
On oublie dans cette euphorie de laisser les protagonistes ou plutôt les antagonistes à leur place : victime-plaignante et accusé présumé innocent ne doivent pas être inversés. Imaginons un seul instant la même « affaire » - puisque c’est ainsi qu’on en parle - affaire comparable donc qui opposerait une victime de la High Society newyorkaise, blanche, protestante ou juive ( Waspj ?) à un présumé coupable noir et musulman. Imaginons… mais madame Diallo est une menteuse pathologique dès son arrivée au paradis américain et, impénitente, elle persévère effrontément.
Les Américains auraient-ils oublié tous les mensonges déversés jadis à Ellis Island par les candidats à l’immigration, leurs ancêtres ?
Et voilà qu’elle perd toute crédibilité face à son bourreau présumé qui lui, est crédible, sans aucun doute possible puisqu’il est autorisé à se taire.
Miséricorde, oui mais.
Allez, « A tout péché miséricorde », comme dit le proverbe, surtout s’il ne s’agit que d’une peccadille d’ « homo erectus » surexcité, dans un rapport consenti, ce qui est tout de même reconnu, il faut le rappeler. Et les blessures physiques et morales infligées à une jeune femme de chambre, illettrée et en grand désarroi ? Il faut le rappeler aussi.
L’attitude incompréhensible des ténors du PS.
Ici même, le jour de l’arrestation du patron du FMI, j’avais écrit, à chaud, sous le titre « DSK sauvegarde les chances du PS », un billet dans lequel je considérais que ce dernier était, à terme, un mauvais candidat dont les « casseroles » ne tarderaient pas à tinter dès les primaires et de plus belle si sa candidature était victorieuse et qu’il ait eu à se battre jusqu’au bout. Il le savait et l’avait lui-même indiqué fort intelligemment.
Aujourd’hui, compte tenu de l’attitude de ses « fans », il n’est pas interdit de penser que leurs déclarations obèrent lourdement les chances du futur candidat.
Un dicton allemand, « Mit gefangen, mit gehangen » », littéralement « pris de concert, pendu de concert », est évoqué dans un média d’Outre-Rhin à propos de cette affaire et implique même Martine Aubry. On y fait, d’ailleurs outrancièrement à mon goût, référence aux révélations d’agapes festives et débridées et même d’un flirt à Tokyo en 1992 entre la candidate du PS et DSK alors tous deux jeunes ministres. (cf « Les vies cachées de DSK » par Vincent Giret et Véronique Le Billon, paru en 2000). Il y a belle lurette…
Hélas, ce genre d’amalgame est encore inexpugnable dans le grand public en dépit des dithyrambes des « has been » comme J. Lang, L. Fabius ou autres éléphants.
Mais les plus jeunes ? Alors quoi, Arnaud, Emmanuel, Pierre (lui c’est réglé, il s’est déjà rétabli), Ségolène et surtout le favori François ? Toujours plombés ?
Avant l’épilogue car on n’en est pas là, n’est-il pas plus prudent de se taire ou de déclarer à l’unisson qu’un suspect laissé en liberté est toujours préférable à un innocent châtié. Et on verra.
Et puis, laissez à Dominique comme dit Martine, si vous l’aimez un peu, le temps de réfléchir, de se ressaisir sereinement, coupable ou non, ce que lui au moins sait.
Antoine Spohr
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