Grandeur et décadence
Après cinquante ans d’alternance, la gauche comme la droite se veulent les champions de la réforme, les apôtres de la justice sociale, les rois de la régulation économique, les messies de la paix sociale et du progrès. A chaque alternance on nous promet une nouvelle gauche ou une nouvelle droite, jusqu’à entendre les politiques de la législature sortante nous affirmer qu’ils ont la meilleure vision de la France. On fustige le camp adverse et on se dresse des lauriers, on s’autoproclame champion de la vertu et défenseur des pauvres et des opprimés. Cette démagogie et cette usurpation se trouvent à tous les niveaux et on s’appuie sur des non-sens ou on s’abrite derrière des paravents qui n’excusent plus rien...
Alors si le comité rédactionnel d’aAgoravox veut bien me donner l’autorisation de décliner et argumenter les thèmes principaux et les sources du malaise français en plusieurs articles, histoire de ne pas être trop long ou lassant, je commencerai ici la première partie.
Les institutions de la Ve République :
Alpha et oméga de la pensée politique, rien n’existe en dehors de ce qui existe ! il n’y a pas de solution en dehors du bipartisme, conserver mais jamais innover ! Un trublion du fond de son Béarn donne un coup de pied dans la fourmilière, l’instinct grégaire prend le dessus sur la réflexion. Conserver les acquis politique et reconstruire une tour de Babel.
Alors on y va de sa règle universelle, entre le blanc et le noir il n’y a rien ! pas de couleurs ! "Avec qui Bayrou va-t-il gouverner ?" , "le gouvernement sera bloqué", "il faut une opposition absolue pour contrebalancer et assurer la mixité"... Et je vous répondrai :
Avec qui Royal va gouverner ?.. Avec des A. Montebourg (qui en 2002 disait que le programme Jospin était le programme light de Bayrou) qui entre parenthèses est un des rares novateurs à gauche ; ou avec Fabius tenant de la gauche dure et conservatrice ? avec DSK ou avec Tobira, avec 35% toutes gauches confondues y compris PC et altermondialistes ? Quelle serait la majorité de cette gauche ?
Gouverner avec Fabius, Bové, Besancenot sera-t-il de nature à ne pas "bloquer" le gouvernement ? Les éléphants vont-ils rejoindre leur cimetière ou revenir en force aux commandes ? Va-t-on concilier la gauche dogmatique avec la gauche novatrice ?
- Et à droite... quel sera le gouvernement réduit à quinze ministres alors que les barons de l’UMP sont plusieurs dizaines à viser un post ? Qui seront les ministres d’éEtat ? Les X.Bertrand, D.Blazy, Villepin, Boorlo encore ministres aujourd’hui ? Où est le bilan qui permet de croire que leur politique est la meilleure, dans les chiffres du chômages dont l’INSEE n’ose pas publier les données corrigées ? les 8,4% démentis par les organismes indépendants ? La diminution de l’insécurité alors que les échauffourées se multiplient ? Les chiffres officiels en diminution (quand on encourage les mains courantes au détriment des plaintes alors que seules les plaintes sont prises dans le calcul).
Quelle sera la tendance du gouvernement, tendance démocrate Boorlo ou tendance droite dure P.Devedjan, transfuge de l’extrême droite, tendance molle D.Blazy ou opportuniste Santini ? La droite unifiée sous la bannière UMP à du mal à rester à 30%, comment va-t-elle réaliser sa majorité ? Certainement pas au centre qui s’est émancipé de l’uUMP en y laissant des plumes et en fustigeant sa démagogie et sa politique liberticide.
Que reste-t-il, l’extrême droite dont le président glousse aux doux mots « d’immigration et d’identité nationale », dont la figure emblématique swingue sur les moutons égorgés, la racaille et le Karcher ? Dont le représentant tenant de la fermeture des frontières envisage avec délectation de participer à un gouvernement de crise avec Sarkozy alors que 82% des Français l’ont refusé en 2002.
Où est la majorité de ces deux entités, quelle couleur aura ce gouvernement de droite ou de gauche qui prétend s’ouvrir aux autres tout en ne voyant la gouvernance que par leur partie uni, unique et hégémonique ? Alors on nous répète que dans une institution axée sur la majorité on ne peut tenir l’Assemblée que si on est majoritairement représenté... Bayrou avec un score moyen de 20% n’aura pas la majorité... comment Chirac avec 19% de voix a-t-il pu avoir 350 sièges à l’Assemblée nationale... ?
Si la Ve République ne peut qu’être majoritaire, comment a-t-il fait ? Qui a élu ces 350 députés ? Qui à part ceux qui ont élu Chirac, dont une majorité de gens de gauche ?!
Le peuple a toujours donné la majorité législative au président nouvellement élu ; comment Mitterand a-t-il pu gouverner la France, alors qu’il était minoritaire dans son parti ? Un grand nombre d’élus ou de primo accédants se sont présentés sous l’étiquette « majorité présidentielle », pourquoi ce qui a marché en 81 ne marcherait pas en 2007 ? Vous pensez qu’il n’y aura pas de candidat UDF/majorité présidentielle ? Qui vous a dit ça... vous connaissez déjà les listes des candidats aux législatives... ou l’UMPS vous l’a-t-il fait croire ? Il y a ce que l’on vous dit et il y a la réalité ! Celle des bancs de l’Assemblée nationale, celle des maires et autres élus locaux.
Chaque partie pour raison d’Etat a muselé ses membres. Le maître mot c’est « fermez-la ou devenez minoritaire ou banni »... Pas une tête ne doit dépasser, le parti prévaut sur les individualités... Des centaines de voix dans les parties sont étouffées, mieux à droite qu’à gauche mais le malaise est là, de plus en plus d’élus rongent leur frein et ne se retrouvent plus dans les combats dogmatiques de leur parti. De plus en plus d’élus attendent un soulèvement populaire pour faire exploser le couvercle de la marmite.
J’ai discuté avec un candidat aux législatives, j’ai discuté personnellement avec J.-C. Lagarde qui au milieu des bancs de l’Assemblée a recueilli les confidences de droite comme de gauche, de socialistes tendance démocrates, d’UMPistes tendance sociale..
Leur point commun est : « pour l’instant je ne peux rien dire sous peine d’être exclu des responsables potentiels ou ayant un avenir politique au sein de mon parti, je n’attends qu’une chose... c’est que les électeurs votent en masse contre ce système pour que je puisse enfin me libérer, enfin dire ce que je pense et enfin mettre en application ce que je pense juste et représenter fidèlement mes électeurs ».
Vous pouvez y croire ou pas... mais le « mur de Berlin politique » commence à se fissurer de partout. Les candidats pour une nouvelle France sont là...Ceux qui se taisent pour l’instant et ceux qui prennent les risques, les Goulards, les Begag, les Lepage, les Graques, les personnalités issues de tous bords.
S’il fallait une preuve, citez moi UN exemple depuis la cinquième République où le président n’a pu avoir une majorité de départ.
La France s’est tellement habituée à être la championne des droits de l’homme, du progrès social, l’une des cinq puissances de la planète, qu’elle a oublié de se réévaluer dans un monde qui a profondément évolué et changé. Nous ne sommes plus guère que les champions du nombrilisme !
On commence à regarder les autres pays européens et à reconnaître que la réussite sociale des pays du Nord, la réussite économique des pays germaniques, la formidable avancée des pays latins prouve bien que l’on peut espérer mieux... mais jamais on ne se demande si leur réussite n’est pas en grande partie due à un modèle politique différent, novateur, original et consensuel. On nous explique que « eux réussissent » mais on oublie de nous dire comment la volonté politique et les institutions ont permis, encouragé ou accompagné cette réussite !
On est le pays des droits de l’homme, on a la meilleure Constitution donc pas la peine de revoir nos institutions ! On fera aussi bien qu’eux ! On voit le but, mais on ne voit pas les moyens. Et là est toute la faiblesse de la France, sa frilosité constitutionnelle, son hémiplégie politique.
La proportionnelle est un tabou, un gros mot en politique. La France est pluraliste, riche de ses identités culturelles, de sa mixité, un grand nombre de municipalité réunissent des personnes de tout horizon et responsabilités. Nos entreprises françaises sont européennes dans l’âme,et l’article 2 des droits de l’homme stipule :
« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Chaque citoyen peut faire entendre sa voix, exprimer une opinion politique et religieuse à partir du moment où elle n’enfreint pas la règle de laïcité de la république. Les associations, les syndicats, les mouvements ont le droit de citer... mais pas en politique. La raison qui prévaut est celle du plus fort ! 20% de l’opinion représente la majorité à l’Assemblée, les altermondialistes, les nationalistes ont le droit de s’exprimer dans la rue, dans la presse, mais pas à l’Assemblée nationale, pas là où les décisions pour la France se prennent !
Comment peut-on vivre dans un pays où la minorité a le droit de vivre mais pas d’apporter sa pierre à l’édifice politique ? Au lieu d’entendre un discours démocratique du genre : « vous n’êtes pas d’accord, alors venez sur les bancs de l’Assemblée défendre votre position, petit ou grand vous avez le droit et le devoir de participer »., on entend « si vous n’êtes pas d’accord avec les lois qu’un Français impose aux quatre autres... vous n’avez qu’à quitter le pays » ! Qui peut prétendre que cette parabole est mensongère ?!
Alors peu importe que vous soyez de droite, de gauche, du centre, des extrêmes, si vous voulez faire entendre votre voix et faire partie des décisions vous avez entre les mains un outil formidable... le suffrage universel direct ! Vous pouvez avec votre bulletin donner une majorité à un homme qui désire ardemment refonder le système, donner plus de pouvoir à vos élus à l’Assemblée, permettre enfin qu’avec la majorité que vous aurez donné à ce président en votant pour les candidats aux législatives le soutenant, que ce dernier et son gouvernement puisse voter une révision constitutionnelle qui injectera la proportionnelle à tout type d’élection, pour que tous les Français puissent enfin être décideurs et non plus spectateurs aussi bien au niveau communal, régional que national.
Si vous ne le faites pas, vous en serez réduit pour encore cinq ans à pester contre une minorité politique qui a la majorité décisionnelle. La république au lendemain de la guerre a permis par l’union nationale de reconstruire le pays, a permis à deux grands partis de tracer une ligne directrice pour l’avenir. Aujourd’hui la France s’est enrichie de ses individus, s’est retrouvée face à une mondialisation qui a mis à bas tous les anciens repères.
Aujourd’hui la France a besoin de concilier son désir social et sa volonté économique, la France a besoin de tout le monde et avant tout de se réconcilier pour permettre à chacun d’offrir un avenir à ses enfants qu’ils soient mendiants ou nantis. La France a besoin de réconciliation et de coopération, d’un nouveau modèle, d’une politique nouvelle et fraîche, de fédérer et de partager... Elle n’y réussira jamais en restant enfermée dans un modèle sclérosé élitiste et hégémonique !
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