L’impardonnable com’ sur l’insécurité
Mercredi soir, François Fillon a tué un policier. En meeting à la Mutualité pour soutenir Valérie Pécresse, tête de liste UMP en Ile-de-France, il a annoncé le décès du policier blessé à Epernay. Souhaitant jouer la carte sécuritaire, seule chance pour l’UMP d’essayer de re-mobiliser son électorat et de récupérer quelques voix frontistes, le Premier ministre est revenu sur le caillassage d’un brigadier chef. Manque de chance pour le Premier ministre, le policier est toujours en vie... Si cet épisode pourrait faire sourire, il est en fait un révélateur de l’insupportable communication de l’UMP depuis dimanche soir et leur débâcle au premier tour des élections régionales. Deux mots d’ordre, il faut nier la défaite et partir à la conquête des votes abstentionnistes quoi qu’il en coûte.
Nier à tout prix la défaite
Jamais on avait vu pareil déni de défaite un soir de résultats électoraux. Sur tous les plateaux, venant de tous les ministres, ou ancien ministre – Rachida Dati nous avant manqué – un seul mot d’ordre : ce n’est pas un vote sanction. La preuve ? Ce n’était pas un vote du tout puisque moins d’un Français sur deux s’est déplacé ; ce scrutin ne peut avoir de sens... Et partout les mêmes mots : « ce n’est que la mi-temps », « il n’y a pas eu de vote sanction », « l’abstention est trop forte pour donner du crédit à ce scrutin »... Refuser à ce point de reconnaître les mauvais résultats, faire preuve d’une telle mauvaise foi, ce n’est pas un déni de défaite, c’est un déni de démocratie. Le téléspectateur en venait à se demander si un ministre n’allait pas nous assurer que l’UMP était en tête au premier tour...
Ce sera chose faite le lendemain grâce à un tripatouillage des chiffres sans nom. Le ministère de l’Intérieur dévoile les résultats définitifs et surprise le PS est second derrière l’UMP. Ce dernier est présenté avec le score entendu à la télévision la veille, mais le Parti Socialiste apparaît mystérieusement seul sans ses alliés radicaux et chevènementistes avec qui ils ont pourtant systématiquement fait liste commune. Le ministère a créé une étrange catégorie « listes d’union de la gauche » créditée de 5,6% retirés au PS... Le PS n’aurait donc recueilli que 23,52 % des voix (contre 29,12% dans la réalité admise par tout le monde). Cette fois-ci, aucun doute, le gouvernement est prêt à tout pour ne pas apparaître défait. Les ministres le prouveront en menant une campagne pour le second tour basée sur des arguments risibles.
Battre campagne sur des arguments fallacieux
Nous le disions en introduction, l’UMP est reparti en campagne sur le thème éculé de l’insécurité. Essayant de faire oublier que les statistiques de l’insécurité sont toujours plus mauvaises depuis que la droite est au pouvoir, l’UMP se place comme le parti qui défend la sécurité des Français. Dans son meeting de mercredi soir, François Fillon a appelé « ceux que la violence inquiète » et « qui veulent faire reculer la peur » à ne pas se « disperser dans leurs votes » dimanche prochain. C’est dans ce cadre qu’il va commettre cette bévue impensable : annoncer la mort d’un policier en rétablissement. « Comme à chaque fois, les politiques réagissent à l’émotion, à l’affect, suite à certains événements » déplore un délégué syndical, « En cette période électorale, vouloir à tout prix faire de la récupération, je ne sais pas si c’est forcément de bon ton et judicieux » ajoute-t-il. Selon Julien Dray : « l’UMP et le premier ministre sont en proie à une frénésie qui les pousse, pour ramasser quelques voix, à dire et à faire n’importe quoi ». Ce n’est pourtant qu’un aperçu de ce que l’UMP et les membres du gouvernement peuvent mettre en place pour ce second tour.
Christine Lagarde n’a pas hésité à mettre en avant l’abstention de ses propres enfants pour mobiliser les abstentionnistes de son camp. La stratégie du parti unique à droite a montré ses limites dimanche passé puisque l’UMP ne bénéficie d’aucun report de voix pour le second tour. Pour que leurs résultats soient moins mauvais dimanche prochain, il n’y a donc qu’une seule solution : faire voter les abstentionnistes pour l’UMP. Comme on le voit sur la vidéo ci-dessous, la ministre affirme que ses enfants n’ont pas voté parce qu’ils ne « comprennent rien aux régions ». L’abstention massive de dimanche passée ne serait donc pas liée au rejet de la politique sarkozienne mais simplement à un scrutin trop opaque...
Les ministres ne s’arrêtent pas à ce stade, il faut limiter la victoire de la gauche. Une fiche a dû leur être préparée pour que partout ils transmettent un autre message : « il n’y a pas de fatalité à voter socialiste quand on a donné son scrutin à Europe Ecologie au premier tour ». C’est ce que montre très bien Luc Mandret sur ce billet. Deux autres messages étaient à livrer en même temps : les listes de gauche seraient bricolées alors que les listes UMP – identiques à celles du premier tour – seraient authentiques... quel argument. Le second : « voter FN c’est voter socialiste ». Sans vergogne, Xavier Bertrand répète ce slogan à l’envie. Après avoir reproché la vacuité programmatique du PS au premier tour, l’UMP fait campagne sur des petites phrases infondées espérant ainsi limiter la débâcle programmée.
A regarder cet échantillon de politique gouvernementale, on comprend que l’électorat UMP se soit abstenu au premier tour et il ne fait aucun doute qu’il s’abstiendra au second. Le PS doit toutefois être prévenu, il va falloir être armé pour les élections présidentielles de 2012 car la gauche devra affronter un parti qui mise tout sur la communication sans scrupule ni peur de mentir éhontément.
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