La gauche rêve d’un droit à l’opposition opposable
Abstention record, marée bleue, gauche en déroute : le premier tour des Législatives a confirmé en tout point les prévisions. Nicolas Sarkozy pourra, dès le 17 juin prochain, appliquer son programme, sans opposition.
La politique devient une science exacte, ou du moins hautement prévisible. Hier, pour le premier tour des législatives, les électeurs ont confirmé au pourcentage près les chiffres annoncés par les sondages, depuis de longs jours déjà. Comme au premier et au second tour de la présidentielle. Pas de surprise, donc, de l’attendu, du prévu. Un peu comme un match d’une équipe de France B contre les titulaires All Blacks : la défaite d’avance consommée n’étonne que les rêveurs.
La majorité présidentielle amenée par Nicolas Sarkozy tient un peu des All Blacks : par sa faculté à jouer en équipe, à avancer groupée, par sa discipline, sa rigueur, et par la puissance dévastatrice qui l’anime quand elle avance. Au final, une lourde défaite pour ceux d’en face, qui n’y croyaient déjà pas trop. C’est pas tous les jours qu’on déplace des montagnes. L’UMP a triomphé à la présidentielle avec une participation record. L’UMP « ouverte » a triomphé dans ce premier tour des législatives malgré une abstention record. Autrement dit, que les électeurs français se déplacent ou pas dans l’isoloir, le résultat est le même : une victoire qui résonne comme un glas pour les adversaires.
Alors, hier soir, c’est avec un brin de pitié que l’on a pu écouter François Hollande, puis Ségolène Royal, puis Laurent Fabius, puis Delanoë, essayer tant bien que mal de relancer une nouvelle fois la machine, de motiver une dernière fois des troupes usées, fatiguées, harassées et tellement vaincues qu’elles n’en peuvent plus. Battue déjà nettement en 2002 aux législatives, ratiboisée à la dernière présidentielle, la gauche dans son ensemble, de ses extrêmes à ses rouges moribonds, de ses roses pâles à ses démocrates sociaux en herbe, a encore encaissé hier une de ces défaites qui vous plombent une saison aussi sûrement qu’un orage de grêle vous condamne une récolte. Comme au soir du premier tour de la présidentielle, les bonnes volontés de ce qu’il faut quand même appeler « l’opposition » se bornaient à répéter que ce n’était qu’un premier tour, qu’il fallait « se mobiliser » pour ne pas laisser « les pleins pouvoirs à la droite », qu’une « majorité absolue ne pouvait qu’exercer un pouvoir absolu » comme dirait Hollande. On avait presque envie d’y croire pour eux, un peu au moins, voire même de demander à Sarkozy que le droit à l’opposition devienne un droit opposable, tant cette gauche-là laisse à désirer en terme de crédibilité. C’était comme si les masques tombaient d’un coup, emportés par la « vague bleue » (ou les mares roses) et ne restaient soudain devant nos yeux que des marionnettes inintelligibles.
La gauche de madame Royal a échoué dans sa tentative de mobilisation pour ce premier tour des législatives. Elle a échoué dans sa tentative de diaboliser à mort la majorité sarkozienne. Elle n’a pas réussi à faire suffisamment peur aux « 17 millions de Français » qui avaient voté Royal pour les persuader de confirmer leur vote. Elle n’a pas réussi à convaincre les électeurs qu’un groupe socialiste fort à l’Assemblée était indispensable au bon déroulement de la démocratie. Madame Royal, qui se verrait bien leader de Solférino, s’est trompée dans les grandes largeurs. Hollande avec elle. Fabius également. Strauss-Kahn, lui, n’espérait pas autre chose que cette fessée supplémentaire. Et la perspective de voir peut-être, dans de courtes semaines, quelques ténors (discrets hier soir) comme Lang, filer à l’anglaise chez les bleus, ne fait qu’ajouter au profond désarroi de cet ancien parti fort qui n’a plus grand-chose à envier à son historique frère d’armes, le PC, en voie, lui, d’extinction avancée, comme on dit de la décomposition. Mais Buffet veut encore y croire, à son groupe parlementaire, aussi convaincante qu’un Julien Dray qui, lui, demande un débat télévisé entre les deux tours. Avec François Bayrou ?
Bayrou, l’autre grand perdant de la soirée. En ballottage sur ses terres, mais surtout avec la glorieuse certitude de compter entre 1 et 4 députés, au mieux, branchés sur son MoDem. Du très bas débit, pour celui qui désormais peut enfiler de bonnes chaussures, un solide bâton, et se préparer au désert, qu’il faut savoir traverser, parfois, en politique comme ailleurs. Là encore, on est loin des 18% du premier tour de la présidentielle. Bayrou s’est trompé de tactique. Il sauve la face en la jouant sur l’honneur, les hommes debout, la fidélité aux idées, mais il a suffisamment de vécu dans le milieu pour savoir qu’il s’est trompé de braquet. Trop individualiste, l’homme du Béarn n’aura jusqu’au bout voulu écouter que lui-même, et ça l’a perdu. Sarkozy voulait le voir disparaître, il y est parvenu.
En fait, une fois de plus, tout s’est passé comme Sarkozy le désirait. Il réclamait une forte majorité, il va obtenir 80% des bancs de l’Assemblée à sa botte. Du jamais vu. Il voulait faire payer à Bayrou ses gesticulations, il laisse le centriste avec à peine assez d’élus pour faire une belotte. Il souhaitait enfin faire exploser la gauche, c’est réussi. L’après-législatives s’annonce apocalyptique chez les socialistes. Quant aux extrêmes, ils finissent de disparaître, avec un nouveau fort revers pour le FN, sauvé du ridicule par la fille du chef.
Certains diront que tout ça, c’est trop. Qu’il ne faut pas non plus exagérer. Qu’il y a dans cette mainmise UMP comme un danger pour la démocratie. Mais il ne faut pas oublier que ce sont les Français qui font l’élection. Que ceux qui ont voté ont d’abord accordé leur confiance à un homme de droite, ensuite donné à cet homme une majorité herculéenne. C’est leur choix. Et même s’ils retournent massivement aux urnes dimanche prochain, rien ne dit qu’ils ne confirmeront pas, une nouvelle fois, ce choix-là. Sarkoland n’effraie personne.
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