La résistible ascension du vote invérifiable
Ce 21 juillet, le Congrès réuni à Versailles se prononce sur la réforme des institutions, et cette décision est prise au moyen d’un système de vote électronique.
Comme ce vote s’annonce serré, M. Bernard Accoyer a cru bon de le doubler d’un décompte manuel des bulletins de vote « de façon à écarter toute contestation ». Cette précision confirme que le président de l’Assemblée sait que même un décompte informatique peut être sujet à erreur et, partant de là, que sa sincérité pourrait être questionnée.
Cette première indique que nos élus ont maintenant conscience qu’un vote électronique échappe par essence à toute observation, conclusion à laquelle sont déjà arrivés de nombreux électeurs « cobaye » dans les villes dotées d’ordinateurs de vote.
En revanche, M. Accoyer feint d’ignorer que le contrôle d’un vote électronique parlementaire ne repose pas sur son recompte manuel. Le vote électronique n’a rien d’exceptionnel au sein de l’Assemblée nationale, mais, contrairement aux votes des citoyens, le secret n’y existe pas : une liste nominative des votes effectués permet à chaque député de vérifier la prise en compte de son vote. La sincérité du scrutin ne dépend donc pas de l’informatique.
L’irruption au Congrès de cet inutile double décompte – informatique et humain – nous amène à cette alternative : soit ses organisateurs sont peu au fait de la façon dont se vérifie un vote électronique parlementaire, soit il s’agit d’une opération de communication à destination de nos députés et sénateurs, afin que ceux-ci quittent le Congrès avec l’impression qu’enfin a été trouvé le moyen de maîtriser un vote électronique. Nos représentants seront ainsi par la suite plus à même d’accepter une réforme du code électoral qui irait dans ce sens, réforme que prépare actuellement le Conseil d’État.
Malheureusement, Versailles n’est pas la France : un double décompte, possible dans l’environnement exceptionnel de cet unique bureau de vote de 908 électeurs qu’est le Congrès, devient irréaliste dans le cadre d’une élection nationale avec ses milliers de bureaux de vote, ses millions d’électeurs et, surtout, un vote qui se déroule cette fois à bulletins secrets.
L’extension de ce principe de double décompte – informatique et humain - à un large électorat ne sera que fragmentaire : les résultats de certains bureaux de vote seront vérifiés tandis que d’autres ne le seront pas. De plus, en cas de désaccord entre le résultat informatique et le dépouillement manuel des urnes qu’on aura pris la peine de contrôler, il est probable que la sincérité des résultats restés non vérifiés ne sera pas juridiquement contestable.
Il arrive qu’un parlementaire fasse rectifier son vote postérieurement au scrutin, qu’il ait fait une erreur de manipulation ou que son vote ait été mal transmis. L’absence de secret du vote et l’autorité attachée à sa fonction lui donnent ce pouvoir. Il n’en sera rien pour le simple citoyen dépourvu de preuve face au juge de l’élection et de la capacité juridique d’exiger un décompte. Ainsi, bien que ce nouveau principe de vote électronique se prétende vérifiable, il échappera toujours, dans les faits, à une vérification complète, la seule qui puisse inspirer confiance aux électeurs comme aux parlementaires.
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