Le Front National, entre mythes et réalités
Le Front National est considéré comme le seul parti politique français qui dénonce le fonctionnement de l’Union Européenne, la monnaie unique et les institutions européennes dans leur ensemble. Il serait le seul parti réellement eurosceptique qui prônerait la souveraineté et l’indépendance national avant toute chose. Retour au franc, retour des frontières, protectionnisme économique, beaucoup de propositions qui en ces temps de crise et de constat d’échec de l’union européenne trouvent un écho dans une grande parti de la population française.
Pourtant, quand on examine à la loupe le programme officiel du parti, on se rend compte d’une ambiguïté permanente sur les questions cruciales, voire même d’une évidente contradiction entre la manière dont sont présenté le parti et ses propositions dans les médias et la réalité de leur projet écrit.
La question que l’on va se poser ici est la suivante : Le Front National est-il réellement un parti antisystème ? A priori on pourrait tous le croire, entre les dénonciations de « l’UMPS », de l’euro, du mondialisme économique et politique, il semble en effet que le Front National soit un parti qui s’oppose à l’ordre établit. En creusant dans leur programme, nous allons tenter de voir ce qu’il en est réellement.
- Le Front National et l’Union Européenne
Quand on dénonce un système établi, deux solutions se posent à vous, soit vous en sortez, soit vous tentez de le changer. Le Front National a clairement fait le second choix. Contrairement à ce qu’on laisse croire dans les médias, le FN ne souhaite pas sortir de l’union européenne il souhaite en changer les modalités de fonctionnement. En clair, il est pour une autre Europe, et en cela, il ne fait rien d’original car c’est en résumé ce que proposent tous les partis politiques depuis plus de 20 ans à chaque campagne européenne. Le front de gauche veut une autre Europe, plus sociale, plus soucieuses des inégalités et des plus démunis, DLR veut une autre Europe plus respectueuse du droit des nations, le MoDem, le PS et l’UMP proposent une autre Europe à leurs électeurs à chaque échéance électorale, sans pour autant pouvoir y changer quoi que ce soit. Il y a pourtant là une contradiction majeure avec l’analyse que produisent les différents cadres du FN et leurs solutions. Comment peuvent-ils dénoncer la perte de souveraineté de la France causé par plus de 50 ans de construction européenne d’une part et souhaiter la recouvrer en demandant l’autorisation à cette même institution d’autre part ?
Il n’y a pas une seule fois sur les 106 pages que compte le programme politique du FN l’expression « sortie de l’union européenne ». Comment diantre alors le FN compte recouvrer la souveraineté nationale ?
- Le FN, un parti renégociateur
En un mot, le FN compte renégocier avec ses 27 partenaires tous les traités européens afin de rendre conforme cette institution à ses valeurs. On compte 15 fois dans le programme du FN l’occurrence « renégocier » dont 12 fois à propos des traités européens. Si pour un esprit modéré peu au fait du fonctionnement de l’Union Européenne cette solution semble être la plus raisonnable, c’est au contraire une véritable arnaque politicienne pour qui connait un peu son fonctionnement.
Changer en profondeur les traités comme le propose le FN n’est pas une mince affaire et c’est un euphémisme que de dire cela. Prenons par exemple la proposition faite à la page 65 sur la concurrence libre et non faussée : En particulier, une renégociation des traités européens mettra fin au dogme de « la concurrence libre et non faussée » qui promeut en réalité la loi de la jungle. Ce dogme que dénonce le FN est protégé par l’article 63 du TFUE : Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites, c’est cet article qui est directement responsable des délocalisations dans un pays comme la France, et qui profite largement aux pays de l’Est membres de l’union. Pour qu’un article aussi important que celui-ci soit modifié en faveur d’un protectionnisme intra européen par exemple, il faudrait alors une décision à l’unanimité des 28 membres de l’union, ce qui en raison des intérêts divergents des différents pays est purement et strictement impossible !
Et il en va de même sur toutes les autres demandes de renégociations du FN qui vont de la demande de la supériorité du droit français sur le droit européen dérivé p.6, l’abandon de la PAC p.55 ou bien l’accès aux marchés publics favorable au PME/PMI locales p.66. Entamer des négociations avec 27 autres partenaires, chacun mû par ses propres intérêts, ne peut aboutir qu’à une paralysie collective.
On constate ici les effets désastreux qu’a entrainé la construction européenne en matière de politique nationale ; tout comme l’avait prédit le général De Gaulle lors d’une conférence de presse le 15 mai 1962 : Et puis, en effet, dès lors qu'il n'y aurait pas de France, pas d'Europe, qu'il n'y aurait qu'une politique, et faute qu'on puisse en imposer une à chacun des six Etats, on s'abstiendrait d'en faire. Mais alors, peut-être, tout ce monde se mettrait à la suite de quelqu'un du dehors, et qui, lui, en aurait une. Il y aurait peut-être un fédérateur, mais il ne serait pas européen, et ça ne serait pas l'Europe intégrée. Ce serait tout autre chose de beaucoup plus large et de beaucoup plus étendu avec, je le répète, un fédérateur. Et peut-être que c'est ça qui, dans quelque mesure et quelquefois, inspire certains propos de tels ou tels partisans de l'intégration de l'Europe. Alors, il vaudrait mieux le dire.
Une référence claire du général de Gaulle aux Etats-Unis et à leur volonté hégémonique que le FN s’abstient de dénoncer dans son programme. Car c’est là le fond du problème, la construction européenne est intrinsèquement voulue pour annihiler toute tentative de politique indépendante de ses membres. Alors de deux choses l’une, soit le FN se moque purement et simplement de ses électeurs en proposant des solutions impossibles à mettre en œuvre par des renégociations interminables et non souhaitées par les autres états membres, soit le FN est un parti d’incompétents.
La seule analyse valable serait de dire que la construction européenne bloque par nature les politiques nationales et qu’il faut en sortir. La volonté d’une autre Europe, c’est présupposer que l’Europe politique est possible alors que plus de 50 ans d’histoire nous prouve le contraire.
- Un programme ambigu
Que dit le programme du FN en cas d’échec des négociations ? Car de fait, une négociation peut échouer. Dans le cadre de la renégociation des traités sur la supériorité du droit français sur le droit européen dérivé, le FN dit vouloir maintenir la position de la France en cas d’échec des négociations p.102 ou encore se tenir à sa doctrine en cas d’échec des négociations p.6. Qu’est-ce que maintenir sa position signifie ? Est-ce que le FN compte continuer d’hurler seul dans son coin en cas d’échec ? Ce qui n’aurait absolument aucun effet en termes politiques. Ou bien est-ce que le FN compte désobéir aux traités qui l’ennuient à la manière d’un Mélenchon ? Rien de bien sérieux dans tout ça puisque le FN fait ici un aveu d’impuissance face aux mécanismes sclérosants de l’union européenne vis-à-vis des états membres. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’échec des négociations n’est pas abordé dans le cadre des thèmes les plus importants défendus par le FN tel la libre circulation des capitaux. Que ferait le FN si par exemple la Roumanie, la Hongrie ou l’Espagne s’opposent à l’abrogation de l’article 63 du TFUE ?
- Le mystère de l’article 50
Sur l’article 50 du TUE, le FN propose une solution plus qu’incompréhensible quand il déclare “ Dans le cadre de l’article 50 du Traité de l’Union Européenne, il convient d’initier une renégociation des traités afin de rompre avec la construction européenne dogmatique en total échec. Il faut désormais jeter les bases d’une Europe respectueuse des souverainetés populaires, des identités nationales, etc…”
L’article 50 permet à tout état membre de se retirer de l’union en négociant les modalités de sortie avec les membres ou à défaut d’accord en sort 2 ans après sa notification. Pourtant ici, le FN compte l’utiliser afin de renégocier les traités, donc de rester dans l’union. Pourquoi évoquer cet article qui permet la sortie unilatéral d’un pays membre de l’union européenne, pour reconstruire cette même union ? Ici, on remarque qu’il n’est pas suggéré d’utiliser l’article 50 pour sortir de l’union en cas d’échec des négociations.
Il semble en réalité que la mention vague et ambiguë de l’article 50 soit une réponse aux détracteurs du parti qui lui reprochaient justement de dénoncer la construction européenne sans jamais évoquer cet article pourtant central pour quiconque prétend rendre la souveraineté nationale au peuple de France. Encore un leurre pour les électeurs naïfs qui pourraient y voir la volonté de sortie unilatérale de l’UE.
- Le Front National et l’Euro
En ce qui concerne l’euro, le Front National a d’abord évoqué la sortie de la France, avant de se rétracter sur une ligne « préparer la sortie de l’euro puisque celui-ci va de toute les manières s’effondrer de lui-même », ce qui n’est pas la même chose que de vouloir expressément en sortir. En effet, aucun article dans le TFUE ou le TUE, ne prévoit la possibilité de sortir de la zone euro unilatéralement. La seule solution pour sortir de l’euro reste la sortie de l’union européenne par l’article 50 cité précédemment, car seul les pays membres de l’UE peuvent utiliser l’euro. Dans ce cadre-là, le FN se retrouve dans une impasse politique puisque celui-ci ne veut pas la sortie de l’UE. Comment procède-t-il alors ? C’est simple, il prend encore une fois ses désirs pour des réalités acquises à l’avance, à lire le programme du FN, une fois au pouvoir ils n’auront qu’à faire leurs propositions pour que les reste des pays de l’UE acceptent de tout changer du jour au lendemain. On peut lire ainsi à la page 69 : la France doit préparer, avec ses partenaires européens, l’arrêt de l’expérience malheureuse de l’euro, et le retour bénéfique aux monnaies nationales […] Afin d’accompagner la sortie de l’euro, un ministère chargé des Souverainetés devra prendre en charge techniquement et juridiquement la renégociation des Traités et la restauration de notre souveraineté nationale dans l’ensemble des domaines où elle a disparu, notamment monétaire. Une des renégociations majeures des traités prévue dans le programme du FN est la fin de la monnaie unique, qui, soit dit en passant est un des piliers de cette même construction qu’il prétend dénoncer.
En ce qui concerne le revirement sur la question de l’euro, c’est le père qui en donne la raison dans un documentaire sur la campagne présidentielle de Marien Le Pen, car selon lui cette proposition a été interprétée de façon négative, en particulier par les milieux patronaux, avant d’ajouter je pense qu’il fallait dire, nous savons que l’euro va s’écrouler, il serait préférable que nous nous mettions en état et en accord avec nos partenaires européens pour pallier ces inconvénients… C’est donc à cause de la pression des milieux patronaux que Marine Le Pen feint de fustiger quand elle parle des puissances d’argents qu’elle révisera ses idées sur l’euro.
En résumé, le FN compte sur le fait que ses partenaires européens se rendent compte par eux-mêmes, au moment où le FN sera au pouvoir, que l’euro est condamné à l’échec pour enfin préparer sa sortie. Il faudra donc que le timing soit parfait !
- La sortie de l’OTAN
On pourrait s’attendre à ce qu’un parti qui prône la souveraineté nationale décide enfin de sortir de l’OTAN qui n’a plus de raison d’être depuis la chute du bloc soviétique, comme le pensait le général De Gaulle en son temps, or ici encore, le FN ne propose que la sortie du commandement intégré appliqué en 2009 sous la présidence Sarkozy. Ce serait pourtant un message d’indépendance fort lancé aux Etats-Unis que de proposer la sortie de la France d’une alliance militaire qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui et qui risque surtout de nous entrainer dans des guerres qui ne nous concernent pas.
- Conclusions
- Le front national ne propose pas la sortie de l’UE, il faut insister sur ce point tant énormément de gens croient le contraire faute d’écouter ou de lire dans les détails la ligne du parti à ce sujet.
- Par conséquent, il n’a aucun moyen de sortir de l’euro qu’il prétend vouloir quitter tous les jours à longueur d’interview, sa solution est passive, attendre que tous les états se rendent comptent par eux-mêmes de la chute inéluctable de cette monnaie pour enfin préparer sa sortie concertée et en accord avec les 27
- Le front national est un énième parti qui propose une autre Europe
- Il ne fait donc pas la bonne analyse qui est que la construction européenne est intrinsèquement voulue pour paralyser toute politique des états membres, faisant le jeu d’un fédérateur extérieur. Ce glacis géopolitique a été pensé tel quel dès l’origine par les américains. Nous savons aujourd’hui que Jean Monnet était un salarié de la CIA et que la soit disant déclaration Schuman provient des mêmes services américains. C’est pourquoi la seule bonne analyse est de mettre un terme à cette construction.
- Le FN ne prétend à aucun moment dans les 106 pages de son programme user de l’article 50 pour quitter l’union européenne et par la même occasion l’euro, ce qui serait pourtant la solution la plus directe et la plus simple.
- Le front national ne veut pas sortir de l’OTAN
- Le front national n’est donc pas réellement antisystème, il en fait intégralement parti en envoyant dans une impasse ses électeurs légitimement déçu par l’Europe et l’euro.
Quelques liens pour prouver l'impasse politique du FN
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