McCain, autre fanfaron
Dans cette campagne électorale qui s’étire en mal, avec la dernière déclaration de l’ineffable colistière-boulet qui voudrait être "élue par Dieu", et de chaque adversaire qui rivalise de bassesses, une des dernières attaques de McCain semble être passée inaperçue. Elle concerne ses capacités supposées à régir en cas d’événement grave, histoire de faire passer Obama pour un jeunot ne sachant pas prendre de responsabilités. Dans un discours récent à Harrisburg, le candidat républicain s’est enflammé à évoquer la crise de Cuba, en agitant le spectre d’une guerre nucléaire (ben tiens !) et en parlant surtout sa participation directe à l’événement, et en affirmant avoir été sur le point lui-même d’aller bombarder l’île de Fidel Castro : "J’étais assis dans le cockpit sur la piste de décollage du (porte-avions) USS Enterprise au large de Cuba. J’avais une cible". Personne n’a relevé, tout le monde l’a cru sur parole. McCain, sanglé dans son avion, aurait attendu l’ordre de Kennedy d’attaquer. Comme ça date d’un peu moins de cinquante ans, tout le monde s’est dit que c’était plausible et crédible. Les Etats-Unis avaient effectivement projeté de bombarder Cuba au cas où. C’est vrai. Ce que McCain a tout simplement oublié de dire, c’était avec quel avion... certainement pas celui le sien. McCain, à l’époque, ne sait piloter ni un Crusader ni un Skyhawk, les deux jets offensifs embarqués sur l’Enterprise (avec l’élégant Vigilante, devenu par la force des choses avion de reconnaissance non armé). Notre vieux fanfaron aurait donc menti ?
Revenons tout d’abord sur le pilote McCain et ses états de service dans la Navy (et non l’Air Force). Devenu certes un héros, on va voir comment un peu plus loin, mais pas nécessairement un brillant pilote : le 12 mars 1960, il avait déjà mis en bouillie son AD-6 Skyraider, l’appareil pour lequel il avait été formé à la base, dans la baie de Corpus Christi après avoir raté son atterrissage : selon lui, son moteur "avait lâché". "The engine quit while I was practicing landings", avait-il écrit sur son compte-rendu de l’incident. "But an investigation board at the Naval Aviation Safety Center found no evidence of engine failure", note méchamment le Los Angeles Times. Selon les enquêteurs, McCain avait tourné trop bas en sous-évaluant sa puissance moteur et était tombé faute de portance sur les ailes, le coup classique de l’abattée en virage : une vraie faute de débutant. En décembre 1961, toujours à bord de son Skyraider, à bord du porte-avions Intrepid, parti faire le clown au-dessus de l’Espagne, il s’est retrouvé à couper des lignes téléphoniques à voler encore une fois trop bas. Il avait ramené à bord trois bons mètres de câbles derrière son appareil en se faisant sévèrement sermonner par le "pacha" du porte-avions. Ce jour-là, on lui fait remarquer qu’il a eu de la chance de ne pas embarquer avec la ferme sur laquelle était fixé le poteau télégraphique "I said, ’You’re lucky to be alive." McCain said, ’You bet your ass I am", Sherwood said. "He almost bought the farm", précise le dénommé Clark Sherwood qui était à bord pour constater les dégâts.
Sa conversion au jet en 1965 n’a guère été plus brillante : il a d’abord commencé par crasher en Virginie, un T-2 Buckeye de la VT-7, le 28 novembre de l’année, un avion d’entraînement, réputé comme étant… incrashable ou presque (sauf cas particulier !) par tous les pilotes, avec son aile droite, et sa vitesse limitée et sa très grande facilité de et stabilité de vol. La version qu’il pilotait était certes la première, une monomoteur (voici le second), mais l’explication de la panne de réacteur qui a précédé son crash a elle aussi été discutée : l’avion n’en avait pas eu semble-t-il ("no flameout"), et McCain semblait ce jour-là avoir "emprunté" cet appareil tout simplement pour aller voir le match de foot interarmes annuel..., en prime, en ratant son atterrissage d’urgence, il s’était éjecté… trop bas, sans avoir de combinaison adéquate ni même s’être correctement sanglé... Bref, le casse-cou inconscient intégral ! McCain à bord d’un avion, c’était bien une tête brûlée. L’avion venait juste d’être révisé à neuf et même repeint : "McCain came to the flight line that day, carrying his dress whites, and said, ’Give me a pretty plane’ ", Morrison said. "Nobody had ever asked me for a pretty plane before. I gave him this one because it was freshly painted. The next time I saw him, I said, ’Don’t ever ask me for a pretty plane again.’ I think he laughed."
Puis est survenu chez lui l’épisode dantesque de l’explosion du 29 juillet 1967, l’une des pires catastrophes survenues à bord d’un porte-avions. Pas sa faute, celle-là, il faut bien le reconnaître. Ce jour-là, sur le Forrestal, une roquette Zuni (un engin archaïque non guidé lancé par lots ou individuellement), tiré accidentellement d’un avion atteignit l’avion voisin de celui de McCain, un Skyhawk. L’événement dramatique a été entièrement filmé par les caméras d’appontage et les dégâts montrés après également. La réaction en chaîne - explosion des bombes chargées et de l’essence embarquée - entraîna la mort de 134 personnes et a détruit 20 avions, McCain ayant ce jour-là une chance incroyable en sautant de son cockpit sur le nez de son jet et en bondissant ensuite sur le pont au milieu des flammes pour s’en sortir avec quelques égratignures. A voir les images, on se dit qu’on aurait pu ne jamais l’avoir comme candidat présidentiel, ou alors comme clone d’un héros des Marvel Comics.
Trois mois plus tard, le 26 octobre 1967, lors de sa 23e mission de guerre, une attaque sur Hanoï effectuée… trop bas, à 3 000 pieds au lieu des 4 000 conseillés, son Skyhawk est atteint par un missile SAM SA-II, sur l’aile droite, alors qu’il s’apprêtait à balancer ses bombes. McCain s’éjecte aussitôt, et tombe pile dans le lac Truc Bach près de Hanoï, jambe et bras cassé. Repêché par les Viet-Congs, il reçoit un coup de fusil à l’épaule et une baïonnette au pied gauche (c’est pour ça qu’il ne peut plus lever les bras !). Emprisonné plus de cinq ans, il en ressort littéralement couvert de médailles : une Silver Star, une Legion of Merit for Valor, une Distinguished Flying Cross, trois Bronze Stars, deux Commendation Medals et deux Purple Hearts et une douzaine d’autres... pour au total un peu moins de 20 heures de vol passées au-dessus du Viet-Nam (plus la Prisoner of War (POW) Medal bien entendu) font remarquer certains. Ce que d’autres ayant passé 7 000 heures au combat, à terre et n’en ayant eu aucune lui feront remarquer. McCain est surtout le fils de l’amiral (fils lui-même d’amiral !) en charge à l’époque des opérations, ce que les Viet-Congs ont vite compris dès sa capture. Eux ne savent pas nécessairement qu’à son examen de pilote il a terminé 894e sur 899 (ce qui expliquerait en grande partie ses "exploits" aériens). Aujourd’hui, notre candidat casse-cou serait même devenu l’idole de son geôlier (on ne sait combien a touché l’ex-geôlier pour d’aussi touchants aveux) ! Selon le Los Angeles Times, la carrière aéronautique de McCain a donc surtout été marquée par ses erreurs et ses bévues lamentables. C’était avant tout un fort mauvais pilote. "This examination of his record revealed a pilot who early in his career was cocky, occasionally cavalier and prone to testing limits". MCCain, de retour aux Etats-Unis, crashera encore un cinquième appareil, paraît-il, malgré son interdiction de vol. "One possible reason : After McCain had returned from Vietnam as a war hero and was physically rehabilitated, he was urged by his medical caretakers and military colleagues never to fly again. But McCain insisted on going up. As Carl Bernstein reported in Vanity Fair, he piloted an ultra-light, single propeller plane — and crashed another time. His fifth loss of a plane has vanished from public records, but should be a subject of discussion in his Navy file. It wouldn’t be surprising if his naval superiors worried that McCain was just too defiant, too reckless and too crash prone". Remarquez, ça ne peut pas être pire que les états de service de Georges W. Bush, porté régulièrement absent de son "Champagne Squadron", des Gardes nationaux, à savoir ceux qui n’allaient pas au Vietnam car tous fils à papa exemptés de combats. Ses qualités de vol sur F-102 n’en parlons pas, il peine à faire décoller le Cessna de ses amis milliardaires texans ! Donnie Evans s’en souvient parfaitement : "the guy didn’t even know how to start the thing", Evans reportedly said. "That was a bad omen. Finally we get it started and roll down the runway, and he tries to take it straight up like a jet ! We go into a stall, buzzcrs are going off. I say, ’Give it some gas !’ We finally get it airborne, and he decides he better turn around and go back. I can tell he’s nervous, but he says, ’Okay, Evvie, got it under control.’ We come down and he lands half on the runway and half on the grass. And then he pats my leg and says don’t worry, and he takes it up again. This time he’s so scared he says, ’Hey, let’s fly around Midland.’ He had to get his confidence up. Somehow we got back safely. He’s never flown again".
La crise de Cuba démarre avec un autre pilote que McCain ou W. Bush : le major Anderson, pilote d’avion espion U-2, qui survole San Cristobal à Cuba... et ramène le 14 octobre, des clichés inquiétants montrant que les Russes construisent là-bas de quoi accueillir des missiles longue portée nucléaires. C’est de la provocation pure et simple et l’escalade ultime de la longue montée en force de la guerre froide démarrée quinze ans plus tôt. En réponse, du 9 octobre au 6 décembre, Kennedy envoie le tout premier porte-avions nucléaire des Etats-Unis (et le plus grand jamais construit, doté de 8 turbines nucléaires !) au large de Cuba. L’engin est neuf, il est entré en service le 25 novembre 1961 seulement. A bord, des Vigilantes de reconnaissance, des Skyhawks et des Crusaders de la VF-33 d’attaque (et un de reconnaissance comme l’a piloté John Glenn), un E1C-Tracker (avion radar) et des Skyhawks, de la VAW-33 NightHawks (des AD-50) et de la VA-65 Tigers de McCain, des AD-6. Le célèbre Phantom II, qui est entré en service il y a à peine un mois n’est pas encore sur son pont. A son arrivée, les Skyraiders disparaîtront de ce fameux pont.
Le 29 octobre, les Etats-Unis perdront un U2 : celui, justement, du major "sacrifié" Rudolf Anderson, abattu par les Cubains (et leurs alliés soviétiques présents, dont Leondi Garbuz) : on n’en saura rien, il faudra attendre plus de vingt ans pour l’apprendre. Et découvrir qu’Anderson avait volé 82 fois au-dessus du pays ! Les Russes avaient déployé en effet à Cuba des missiles SAM SA-2, qui étaient déjà fort redoutés. Gary Powers, abattu en URSS à bord de son U2 en savait quelque chose. Dans un rapport précis du 4 octobre 62, Robert Mac Namara prévoyait effectivement d’attaquer Cuba... en commençant par les sites de SA-2, trop dangereux. Avec pour ces attaques, une vague de Skyhawks, mais pas de Skyraiders, jugés bien trop lents par Robert Mac Namara lui-même : "The Navy plans to attack SA-2 targets at low level using 4 divisions of A-4D’s (4 aircraft per division) armed with 250 pds, 500 pds,, and 2000 pds, low drag bombs and napalm. All crews are proficient in the delivery techniques planned. Similarly, the Air Force plans primary use of napalm and 20 mm cannon delivered at low level, and crews are proficient. Both have made detailed target studies ; target folders are in the hands of crews ; and crews are familiar with their assigned targets. As new missile sites are located, they are picked up in the target and attack plans within a few hours of receipt of photographs". Dans un autre document sur le "plan d’attaque aérien de Cuba…" même topo : une attaque certes, mais rapide, à l’aide des jets disponibles et non avec les tortillards à hélices, même si du napalm devrait être emporté… par les Skyhawks, sur lesquels McCain ne sera certifié que trois ans après... Dans un rapport secret de la CIA déclassifié, idem : les batteries de missiles sont jugées bien trop dangereuses pour les Skyraiders. Un McCain qui est donc peut être allé un peu loin en affirmant de façon péremptoire qu’il avait reçu des plans pour une action éclair avec un appareil capable de 520 km/h maxi (à vide), dans un endroit infesté de missiles ! Au Vietnam, on ne déploiera jamais les Skyraiders (surnommé "le Spad" ou "Able Dog") autrement qu’en soutien terrestre ("Sandy"), et dans des zones éloignées de toute batteries de missiles SAM. Les trains étant ses cibles favorites, comme pour le P-47 Thunderbolt. La belle histoire d’oncle McCain est donc bien un racontar prétentieux. Un de plus.
Un Skyraider certes camion à bombes et roquettes, à qui on fera tout larguer, même les pires facéties d’artificier. Mais pas un Skyraider à envoyer sur Cuba. On avait déjà un pilote fanfaron, mauvais militaire au discours guerrier à la Maison-Blanche, espérons qu’un deuxième, qui a lui au moins combattu au Vietnam, ne va pas hériter des clés dans les jours à venir...
412 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON