Mélodie du bonheur
Le stress est-il un sujet que l’Etat doit prendre en charge, ou bien est-ce un sujet privé à traiter par les entrepreneurs ?
Xavier Bertrand a répondu : il veut s’occuper du bonheur au travail... Reste à voir comment...
Quand l’Etat vient s’occuper des entreprises, ce n’est pas toujours bon signe... ça parle souvent de nouvelles obligations et de contrôles.
Le nouveau sujet qui fait l’objet de l’attention du gouvernement est le stress au travail.
Xavier Bertrand a demandé en novembre dernier à Philippe Nasse, magistrat, et Patrick Légéron, médecin psychiatre, un rapport sur "la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail".
Ce rapport de 40 pages lui a été remis hier... (consultable ici sur le site du ministère du Travail).
Ce sujet dont l’Etat s’empare, c’est avec la motivation de rendre heureux au travail tous les salariés. Et pour ça, bien entendu, il n’est pas suffisant de faire confiance aux entrepreneurs et aux chefs d’entreprise, à leurs managers et collaborateurs, non, il faut mettre le grain de sel des "partenaires sociaux", des "experts", des instituts de toute nature, tels l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’institut de recherche et documentation en économie de la santé, et j’en passe : les deux experts nommés par le ministre ont rencontré près de quatre-vingts personnes de ce genre...
Cette envie de devenir "garant du bonheur" de la part des pouvoirs publics, ça pourrait faire sourire. C’est un peu comme dans les pays communistes, cette obsession de bureaucratiser le bonheur, comme en Corée du Nord... ça ne marche pas toujours terrible...
Mais là où l’on commence à prendre peur, c’est en lisant le rapport et le discours de présentation de Xavier Bertrand.
Les deux auteurs ont recherché les indicateurs qui permettent de diagnostiquer le "stress" au travail. Ils ont découvert qu’il y en a déjà énormément, mais que ces indicateurs se contredisent, sont incomplets, bref, ça déconne...
Donc, ils proposent de créer un "observatoire statistique" pour en ajouter encore, mais là ça sera super mieux. Citation p. 25 :
"Si nous partageons l’opinion qu’il sera difficile de tirer un, ou quelques indicateurs synthétiques de la masse des indicateurs spécifiques disponibles, nous souhaitons affirmer notre conviction forte, qu’il est nécessaire et possible de construire un ’indicateur global’ rapprochant deux mesures simultanées : d’une part, la mesure au sens médical du terme de la situation psychique des personnes concernées et, d’autre part, la mesure de l’exposition aux dangers et les risques encourus, tels que ressentis par ces personnes dans leur environnement social de travail".
Ce qui est fantastique, c’est cette histoire de "conviction forte", qui fait que, même si cela semble "difficile", il suffit d’y croire fort pour que ça marche..
Alors, forts de cette "conviction forte", les deux experts y vont à fond et nous livrent huit propositions brillantes que Xavier Bertrand, dans le rôle de Julie Andrews, est venu chanter sur les estrades ces deux derniers jours.
En gros, ces recommandations, ça consiste à créer des statistiques, à recenser les suicides, à lancer une "campagne publique d’information", et à "former les acteurs de l’entreprise, notamment les délégués du personnel, etc.". Ils pensent aussi qu’il va falloir "mettre à disposition de tous, entrepreneurs, salariés, syndicats, médecins, des guides méthodologiques et des référentiels, des exemples de bonnes pratiques, etc.". Tout ça bien sûr sur un portail internet. Bon, ça va faire du travail pour les consultants et les agences de communication tout ça...
De la paperasse, des statistiques, on est bien partis...
Le grand moment pour la suite, c’est, nous a rappelé le ministre, la "conférence sur les conditions de travail", en avril, avec plein d’experts et de "partenaires sociaux"...
Et puis, il y a une mesure phare : "un référentiel commun de formation obligatoire à la santé mentale et physique au travail dans les écoles de commerce et d’ingénieurs et les formations de DRH". Mais ce n’est pas complètement calé cette affaire et, donc, Xavier Bertrand a confié une nouvelle mission sur le sujet à William Dab, "qui rendra ses conclusions au début du mois de mai" (on attend ça avec impatience...). On croit rêver...
Et puis, j’adore aussi la phrase de conclusion du magistrat et du psychiatre :
"C’est finalement à la formation d’un consensus sur la nécessité d’agir que nous voudrions que ce rapport contribue...
Ainsi, point n’est besoin d’attendre pour agir ensemble, si nous le voulons, et pour remettre l’homme au centre du modèle et des préoccupations de l’entreprise...".
Comme si les entreprises les avaient attendus pour avoir de telles préoccupations !!
Pour résoudre les problèmes de stress au travail, par contre, au-delà de ces beaux discours, il va falloir attendre encore un peu, forcément... puisqu’on n’a pas "d’indicateur global"...
En attendant, on peut réécouter Julie Andrews dans La Mélodie du bonheur, c’est un excellent remède contre le stress que les deux experts auraient pu proposer comme neuvième recommandation...
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