Nicolas et les gaullistes
Non, ce n’est pas le titre du prochain Astérix. A force de ne plus entendre parler du général de Gaulle dans les discours du champion du mouvement d’origine gaulliste, mais plutôt de tout ce qui lui tombe sous la main, Mitterrand, Jaurès et Blum compris, nous nous sommes posés la question de savoir ce qu’en pensent les « grands anciens » de la politique française, rangés depuis le début de la campagne 2007 au rang de dinosaures politiques.
Et là, surprise : un flot d’invectives, voire de haine, à l’égard de celui qui a hérité de la direction de leur parti : du jamais-vu en politique (http://philippecartellier.over-blog.com/article-6349246.html). Même sous Khrouchtchev, les invectives antistaliniennes paraissent en regard... assez modérées. Tout se passe comme si la méthode du rouleau compresseur au sein du parti utilisé par Nicolas Sarkozy était restée en travers de la gorge de certains militants, surpris eux-mêmes et outrés par la dérive droitière accentuée de leur leader.
A l’extrême droite, où on a l’habitude de l’ignominie, Jean-Marie Le Pen, lors du procès Papon, avait osé un retentissant "il était plus confortable de résister à Londres que de résister à Paris", que beaucoup de monde semble avoir oublié, et spécialement Nicolas Sarkozy ou ses proches, qui, ouvertement, courtisent depuis peu avec assiduité les électeurs de l’auteur de cette phrase... abjecte, qui s’attaque à la base même du dogme gaullien : la résistance effective à l’occupation et son combat de tous les jours, sur le terrain comme dans les salons. Ce qui inquiète nos gaullistes, c’est bel et bien le propos sarkozien, qui se rapproche chaque jour davantage de celui qu’avait combattu en premier le général de Gaulle, à savoir... Philippe Pétain. Nicolas Sarkozy tient aujourd’hui des propos similaires à ceux qui ont insulté De Gaulle, ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette campagne tumultueuse.
Certains gaullistes, qui se retrouvent bizarrement chevénementistes, n’y vont pas avec le dos de la cuillère, tel Arnaud Duranthon, qui n’hésite pas dans son blog à refaire la déco de l’entrée du bureau de campagne de Nicolas Sarkozy en y ajoutant en filigrane les têtes de Philippe Pétain et de Pierre Laval, il faut oser le faire ... et notre homme n’hésite pas à le faire ! D’autres, plus jeunes et non qualifiés pour la présidentielle comme Nicolas Dupont-Aignan sont tout aussi opposés à la candidature sarkozienne : "La rupture façon droite américaine proposée par Nicolas Sarkozy est aux antipodes sur quatre points principaux de la pensée gaulliste." Le jeune évincé crie ouvertement depuis sur son blog (http://www.nda2007.fr/) à l’imposture pure et simple.
Jacques Chirac, héritier contesté du gaullisme, vis-à-vis des idées sulfureuses entendues récemment, lui, avait au moins tranché, en reconnaissant la responsabilité dans les crimes contre l’humanité de l’Etat français de Vichy. Une chose reconnue par le président de la République en juillet 1995. C’est oublier rapidement le livre au vitriol du directeur de l’Express, Christophe Barbier, sur "Chirac en fossoyeur du gaullisme", qui rappelle le jugement cinglant de Pierre Messmer à son propos, après la dissolution ratée de l’Assemblée nationale. Le jugement de Barbier est pire encore : "A force de vouloir être le président de tous les Français et n’être rien de plus, Chirac est devenu un président comme tous les Français. Son style simple et populaire n’a pas changé depuis son élection, parce qu’il a abaissé sa fonction à la hauteur de son caractère et non hissé son caractère à la hauteur de la fonction". Ce qu’on lui reproche, chez les gaullistes, c’est bien ce manque de charisme et ses louvoiements politiques. Pour d’autres encore, Chirac est le "pompier pyromane du gaullisme" (http://legaullismeenpartage.hautetfort.com/tag/Chirac). On n’ose imaginer à partir de là ce que contient l’extincteur de Nicolas Sarkozy : du kérosène, du pétrole lampant ?
Chez les gaullistes, en fait, on a aussi une personne encombrante à gérer : le petit-fils de De Gaulle, qui porte... le même prénom que son grand père. Lui n’a pas la constance politique familiale, c’est le moins qu’on puisse dire. Elu député européen sur une liste UDF-RPR, passé chez De Villiers... pour atterrir au Front national. Il déclare sans ambiguïté dans National Hebdo que" l’on assiste à l’implosion du RPR. En réalité ce mouvement n’est plus gaulliste depuis la mort du président Pompidou en 1974. Le RPR, globalement, est devenu un mouvement de centre droit, avec de moins en moins de militants, et qui ne vise plus qu’à se perpétuer, au gré de petites querelles et de grandes ambitions qui n’ont guère d’importance et n’intéressent pas vraiment les Français". des propos dont il est le seul responsable, mais qui ne lui donne pas de dimension politique véritable : comme on a pu le dire à propos d’autres personnes dans cette campagne, "qui se souvient du petit-fils De Gaulle ?" qui n’a effectivement aucun rôle en politique française aujourd’hui.
Dans la famille, heureusement, tout le monde ne pense pas pareil : l’ Amiral Philippe de Gaulle, fils de De Gaulle, à l’occasion de la sortie de son livre « Mon père en images » précise, s’il fallait encore le faire, ce qu’est le gaullisme : « pas une idéologie », mais une « éthique, un principe, un sens de l’Etat et de la nation ». A voir le nombre de politiques qui se réclament du gaullisme en proie aux affaires ou à la justice, on peut en effet douter de la pérennité du mouvement. La notion de servir l’Etat et non ses intérêts propres, voire un compte en banque exclusivement, semble en effet avoir quitté certaines sphères dirigeantes françaises. Les électeurs, gaullistes ou non, s’inquiètent tous en effet du manque de hauteur de vues de la campagne, comme le relève finement le site des "républicains et gaullistes en ligne" (http://www.revue-republicaine.fr/spip.php?article1477).
Restent les vieux fidèles, dont un étonnant Jean-Marcel Jeanneney, bientôt centenaire, qui dans une touchante lettre en forme de déclaration (d’amour ?), affirme un soutien effectif et sans faille à Ségolène Royal (http://segolenepour2007.over-blog.com/article-6364257.html), et non à François Bayrou. L’homme a du poids : fils d’un ministre du gouvernement provisoire de 1946, il fut un proche (du premier cercle) de De Gaulle, ministre du gouvernement Debré puis de Georges Pompidou.
Les gaullistes, qui assistent aujourd’hui en direct à la mort de leur parti sont bien incapables de se reconnaître dans l’héritier officiel qu’on leur a présenté sur un plateau (de télévision ?), et cherchent à faire entendre ce qui n’est déjà plus qu’une petite voix.
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