Paquet fiscal, le coût du péché originel
Mardi paraissait dans les colonnes des Echos le bilan chiffré pour 2008 des baisses d’impôts décidées à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. L’occasion pour l’opposition et une partie de la majorité de faire entendre leur voix.
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Revenons tout d’abord sur les chiffres parus ce mardi. Première remarque qui doit ravir la majorité, le paquet fiscal a coûté moins cher que prévu. Près de 5 milliards de moins que prévu, en ces temps de crise, c’est toujours ça de pris. Le problème pour la majorité c’est que ce chiffre est à peu près le seul point positif du bilan.
La principale mesure de la loi TEPA concerne bien entendu l’exonération des charges sur les heures supplémentaires. Elles auraient coûtées environ 4,3 milliards aux contribuables français ce qui représente environ 40 millions d’heures supplémentaires qui ont permis à 4,3 million de foyers de gagner en moyenne 150 €. A priori, cela pourrait ressembler à un bon point, d’autant plus que ces foyers appartiennent à ce qu’il convient d’appeler la classe moyenne (la moitié d’entre eux déclarant entre 11 345 € et 25 195 €). Le problème c’est que ces heures supplémentaires sont tellement attractives pour les entreprises qu’il n’y a aucune raison de se tourner vers de nouvelles embauches voire vers de l’intérim. On estime que les heures supplémentaires effectuées dans le cadre de cette loi TEPA correspondent à 90.000 emplois. Pendant ce temps là, la France perdait environ 115 000 emplois. Même s’il serait un peu facile de croire que les deux chiffres pourraient s’équilibrer, force est de constater que la loi TEPA est une mesure qui décourage l’emploi. A titre d’exemple on aurait pu donner une prime de 150 € aux 4,3 millions de foyers concernés par les heures supplémentaires pour quasiment le même coût sans décourager l’emploi. Cela s’appelle une politique de relance. La différence de coût (2 milliards environ) aurait largement été compensée par les indemnités chômage que l’État n’aurait pas eu à verser puisque les entreprises auraient dû embaucher…
Mais la mesure la plus contestée, bien que moins chère que prévue, est bien sûr le bouclier fiscal. En tout, il aurait coûté 458 millions d’euros aux contribuables. Mais ce n’est pas le montant total qui choque, c’est que le nombre de bénéficiaires de ce bouclier à diminué (ce qui est surprenant) pour ne concerner que quelques 14 000 contribuables qui ont gagné en moyenne 33 000 euros. Ce gain a doublé par rapport à l’année précédente, ce qui est lié au passage du bouclier fiscal de 50 à 60 %… choquant en ces temps de crise ! Le pire dans l’histoire c’est que ceci n’a pas vraiment encouragé des fortunes exilées à revenir ni n’a découragé ceux qui le souhaitait à partir. On avait recensé 843 départs en 2006, il y en a eu 719 en 2007… avouons que la différence n’est pas énorme… Pendant ce temps là, le retour des expatriés n’augmentait que de 9%… A titre de provocation et de pavé dans la marre, rappelons qu’il y avait en moyenne moins de 400 fortunes exilées par an sous la gouvernement Jospin… C’est sûr, c’est la politique du gouvernement qui les retient !
Face à ces chiffres pour le moins décevants, les réactions ne se sont pas faites attendre. Bien sûr, la gauche a sauté sur l’occasion pour remonter à l’assaut contre cette loi. Le bouclier fiscal « est un scandale, ça fait un an et demi que nous le dénonçons. » déclarait hier Jean-Marc Ayrault. On pouvait lire dans L’Humanité sous la plume de Jean-Paul Piérot : « L’opinion publique, un temps en partie abusée, ne comprend pas pourquoi, lorsque la crise frappe dur la majorité des Français, la caste de la finance, les grandes fortunes de notre pays ne rendraient pas au moins une partie des cadeaux mirifiques qu’elles ont encaissés. ». Mais ce qui est nouveau c’est que certains membres de la majorité grondent. Même, l’ultra libéral Alain Madelin critiquait hier sur BFM cette mesure. Le PS a salué hier « la lucidité et le courage de ceux qui à droite expriment cette volonté de revenir sur une mesure inique et inefficace ». Comme Pierre Méhaignerie, Dominique de Villepin a appelé à une contribution exceptionnelle portant sur les plus hauts revenus. L’éternel rival de Nicolas Sarkozy a d’ores et déjà souhaité qu’on « réexamine très sévèrement et de façon très exigeante » la loi TEPA.
Mais les habituels défenseurs de Nicolas Sarkozy sont montés au créneau. Frédéric Lefebvre s’est enflammé contre ceux qui voudraient faire des milliardaires « des boucs émissaires ». Pour lui, « Le bouclier fiscal est un principe sur lequel [la majorité] n’entend pas transiger » Pendant ce temps là, le patron des députés UMP, Jean-François Copé, a trouvé cette belle formule : « en temps de crise, on a besoin de gens fortunés ! ». A côté de cette provocation, les propos d’Eric Woerth sont passés inaperçus. Il affirmait pourtant que la loi TEPA est une mesure « juste » qui a permis que « les gens reviennent en France avec leurs capitaux et leurs investissements ». Ce n’est pourtant pas vraiment ce que dit le bilan, n’aurait-il pas eu le temps de le lire ?
Le bouclier fiscal est à Sarkozy ce que les 35 heures étaient à Jospin. Il ne peut pas permettre qu’on le touche et pourtant il le plombe. C’est la base de sa politique économique. C’est sur ce thème libéral emblématique qu’il a bâti sa campagne électorale et sa victoire présidentielle. Même si comme on l’a vu le fameux bouclier fiscal est devenu - et pas seulement à gauche - le symbole même de l’injustice du moment. Un chiffon rouge sous les yeux des français qui souffrent de la crise. Le symbole du soutien aux riches contre les pauvres. Trop rapides sont ceux qui pensent que le gouvernement va faire marche arrière, ce serait un désaveu beaucoup trop grand pour Nicolas Sarkozy, il y a peu de chance que l’on ne change quoi que ce soit.
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