Plaidoyer pour un nouveau discours libéral en France
Les libéraux français des années 80 et 90 ont échoué dans leur défense du libéralisme. Ils ont échoué parce que leur discours n’était pas toujours réellement libéral.
A l’heure ou les limites de l’Etatisme sont chaque jour plus criantes, il est urgent de diffuser un autre message que le ronron des étatistes de droite comme de gauche et de leur Etat omniscient et omnipotent.
I- Le libéralisme, le vilain petit canard du paysage politique.
Le libéralisme a (encore) une mauvaise réputation en France. Il y a quatre ans. Il fallait voter OUI au référendum sur l’Europe pour résister au libéralisme ou voter NON pour résister au libéralisme. Autant dire que le choix pour un libéral était difficile..
Aujourd’hui, une crise majeure a pour source l’interventionnisme étatique dans le domaine de la monnaie et du crédit, et l’immense majorité du public (comme des journalistes) est sincèrement convaincu qu’il s’agit d’une crise libérale.
Les exemples peuvent se multiplier. Le mot libéralisme est utilisé à tort et à travers avec des significations parfois diamétralement opposées à ce qu’est le libéralisme. (Pour en savoir plus sur le libéralisme : Le libéralisme pour les débutants : http://www.dantou.fr/liberalisme.htm)
Cela étant, même si les Etatistes sont très présents, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi le libéralisme se retrouve aussi marginal.
Et là, beaucoup de libéraux ont une analyse assez brève des causes de cette désaffectation. "C’est la faute à nos adversaires politiques. Ils sont très forts.".
Certes, mais enfin, si une équipe de foot perd tout ses matchs depuis 20 ans et que l’entraineur explique " C’est vrai, on perd, mais on a une raison. Il y a une équipe adverse sur le terrain et elle joue mieux que nous.", vous aurez le droit de penser "rigolo" en l’écoutant.
Aujourd’hui, alors que plus un homme politique de premier plan ne défend le libéralisme, nous pouvons sans fâcher aucun mandarin (y’en a plus) évoquer une hypothèse incroyable :
La désaffection du public pour le libéralisme, ce n’est pas (uniquement) la faute aux méchants Etatistes, mais aussi aux Libéraux et à leur discours depuis quelques dizaines d’années.
Un discours :
- trop sec, sans assez de place pour l’affirmation de nos valeurs, pourtant fédératrices.
- truffé de scories qui ne sont ni libérales, ni attractives.
A l’heure ou un nouveau parti politique libéral se développe (Le parti libéral démocrate : http://www.lepartiliberal.fr/), il est temps de réfléchir à un vrai discours libéral en France.
II- Les valeurs libérales et le discours
Les électeurs en sortant de l’isoloir sont souvent incapables de détailler UNE mesure technique prônée par le candidat pour qui ils ont voté.
Ils parlent d’une intention ’travailler plus pour gagner plus’ et d’une série de valeurs ’la nation, la justice sociale’ etc…
Lors de la campagne présidentielle, N. Sarkozy, en bon conservateur, a vraiment pris un avantage lorsqu’il a commencé à parler de Jaurès, de Victor Hugo, des poilus ou de la France qui s’excuse tout le temps. Pas vraiment des mesures concrètes.
Certains libéraux connaissent bien les valeurs libérales. Ils sont très seuls. Demandez à votre entourage -y compris des sympathisants potentiels- ou à des inconnus les valeurs défendues par les libéraux :
Il y a de forte chance pour que cela donne : « la compétition, l’argent et l’entreprise comme unique vision de la vie ».
Ce n’est pas seulement faux. C’est totalement anti-sexy pour 95% de la population.
Et qui voudrait faire confiance -sur des mesures techniques qu’on ne comprend pas tout à fait- à des gens qui ont l’argent, la compétition et l’entreprise comme unique vision de la vie ?
Pas moi. Ni vous sans doute. Les autres électeurs, les journalistes non plus.
Et le pire dans ce malentendu, c’est que les valeurs libérales sont TRES populaires et que cette famille philosophique en est très officiellement à l’origine.
Il s’agit de la liberté, de l’égalité devant la loi, de la propriété, du droit des citoyens de contrôler ce que font les Etats ou du droit de chercher le bonheur sans avoir un Etat pour nous dicter comment mener notre vie.
En gros, la déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Rien que ça.
Les électeurs ne veulent pas d’un discours intellectuel stratosphérique, mais ils ont aussi besoin de savoir que les mesures concrètes qu’ils vont soutenir ne sont pas seulement efficaces, elles sont aussi justes.
Le rôle d’un parti politique n’est donc pas seulement de défendre des propositions concrètes, mais aussi d’affirmer les valeurs qui en font des propositions justes.
Si les libéraux parviennent à faire coïncider leur image avec leurs valeurs, ils auront beaucoup plus de facilité à faire passer nos propositions concrètes.
Mais affirmer des valeurs ne sera pas très efficace, si les libéraux persistent à polluer leur discours avec des considérations qui ne sont ni libérales, ni attrayantes…
III) Le Syndrome ’Communiste soviétique refoulé"
Les injonctions collectivistes pour « travailler plus, s’adapter plus » appartiennent aux communistes soviétiques, pas aux libéraux. Elles sont à la fois inutiles, illibérales et franchement paternalistes (tendance sévère).
Ce n’est pas à l’Etat et certainement pas à un parti politique libéral de dire aux Français s’ils doivent travailler plus ou moins, s’ils doivent fabriquer plus ou moins de chaussures, de savonnettes, s’ils doivent faire des efforts pour tenir les objectifs d’un hypothétique gosplan républicain.
Ce que les libéraux défendent c’est un Etat qui n’empêche pas de travailler ceux qui veulent travailler, et qui ne leur pique pas le fruit du travail à la fin de la journée.
Après c’est à chacun de décider s’il veut travailler plus ou moins, selon ses besoins, la période de sa vie ou ses objectifs personnels.
De toute manière les individus laissés libres vont plutôt naturellement construire, imaginer et travailler. Sans avoir besoin de les gronder ou de les culpabiliser.
Les libéraux n’ont rien à gagner à adopter un langage collectiviste, éloigné de leurs valeurs et très agaçant pour beaucoup d’électeurs.
De même, les libéraux n’ont pas à dire "Les Français doivent faire l’amour 4 millions de fois par semaine". Ce serait grotesque.
Ils disent "Les libéraux défendent le droit à une vie personnelle libre entre adultes consentants."
Le résultat sera strictement le même, et il vaut 1000 fois mieux être celui qui défend des droits fondamentaux que celui qui fixe des objectifs macroscopiques contraignants.
Ce qui est valable pour les câlins l’est aussi pour toutes les activités humaines. Y compris le travail, l’adaptation, le goût d’entreprendre ou de créer.
Les libéraux défendent les droits fondamentaux de la personne et un Etat taillé pour les défendre, ils ne défendent pas des objectifs collectifs.
IV Le syndrome « Etre libre, c’est porter un costume-cravate »
Les libéraux défendent la personne libre.
Et par ricochet la libre entreprise. Mais il ne faut pas inverser la hiérarchie. Les libéraux ne sont pas les supplétifs des ressources humaines ou des directions générales des entreprises.
Ils sont très respectables, mais ils sont surtout assez grands pour motiver eux-mêmes leurs salariés, pour définir eux-mêmes leurs valeurs ou leurs mythes fédérateurs.
Ce n’est pas le rôle d’un parti libéral.
L’usage que fait –ou voudrait faire- chaque personne de sa liberté est personnel.
A part s’ils veulent se fâcher avec tous ceux qui n’ont pas pour objectif d’être cadre dirigeant, les libéraux ont tout intérêt à tenir un discours positif et le plus large possible.
Presque un discours sonnant comme certaines méthodes de développement personnel.
Vous savez le genre :
« Tu veux faire de la guitare électrique ? Alors fais la guitare électrique et fais en le mieux possible.
Tu veux faire de la recherche scientifique ? Alors deviens chercheur, fais en le mieux possible.
Tu as le talent d’enseigner ? Alors deviens enseignant, et fais le, le mieux possible… »
Le libéralisme affirme que les différents usages de la liberté ne s’opposent pas –pour peu qu’ils n’empiètent pas sur la liberté & propriété du voisin.
Le libéralisme affirme que les intérêts s’harmonisent spontanément, sans planificateur étatique.
Le libéralisme affirme que l’avenir est imprévisible et que des découvertes positives pour toute la société proviennent d’essais parfois improbables effectués par des excentriques.
A partir de là, les libéraux ont toutes les fondations pour bâtir un discours à la fois juste d’un point de vue libéral et qui parle à davantage de gens que les décideurs de plus de 45 ans.
Et qui sera en plus beaucoup plus efficace pour défendre la liberté économique.
Je n’utilise pas la liberté d’écrire des symphonies. Pourtant je suis bien content que Beethoven ait disposé de cette liberté là. Sa liberté m’enrichit parce qu’elle lui a permis de faire usage de son talent qui profite ensuite à toute la société.
Je n’utilise pas la liberté d’inventer des vaccins. Pourtant je suis bien content que Pasteur ait disposé de cette liberté là. Sa liberté m’enrichit parce qu’elle lui a permis de faire usage de son talent qui profite ensuite à toute la société.
De même, je n’utilise pas forcement la liberté de créer une entreprise. Pourtant je suis bien content que des entrepreneurs disposent de cette liberté là. Leur liberté m’enrichit parce qu’elle leur permet de faire usage au mieux de leur talent.
Défendre toutes les libertés, y compris celles dont nous n’avons pas l’usage ou dont nous ne comprenons pas l’usage, est dans l’intérêt des libéraux.
Et les libéraux rassembleront beaucoup plus électeurs s’ils ne défendent pas quelques libertés, mais toutes les libertés à la fois.
Ne parler des libertés ou des talents qui n’intéressent/ ne valorisent que les gestionnaires, les décideurs ou les cadres –comme cela a été le cas dans le passé-, c’est se condamner à n’avoir comme bassin d’électeurs que les gestionnaires, les décideurs ou les cadres. Et à avoir une certaine hostilité de tous les autres…
V- Conclusion.
Les libéraux français des années 80 et 90 ont échoué dans leur défense du libéralisme.
Aujourd’hui le libéralisme est un gros mot pour beaucoup de nos concitoyens.
Cet échec est bien sur dû à la force structurelle des étatistes en France mais aussi à un discours faussement libéral qui a rendu le libéralisme antipathique à beaucoup de personne pourtant proches des idées libérales sans le savoir.
A l’heure ou les limites de l’Etatisme sont chaque jour plus criantes, il est urgent de diffuser un autre message que le ronron des étatistes de droite comme de gauche et de leur Etat omniscient et omnipotent.
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