PS : un an après le Congrès de Reims, où en est-on ?






Ce premier anniversaire est l’occasion pour nous de revenir sur un certain nombre d’événements marquants et de dresser également un premier bilan de l’actuelle direction du PS.
Congrès de Reims : l’échec et la haine
Avec le recul dont on dispose aujourd’hui, on se rend compte que le Congrès de Reims, malheureusement, ne pouvait qu’être l’expression paroxystique de la dérive du PS commencée le 21 avril 2002. Le Congrès de Reims a révélé ainsi le décalage entre les militants, les cadres et les représentants du PS au niveau national.
Rappelons qu’une partie de ceux qui entourent actuellement Martine Aubry ont nié le vote des militants relatif au projet de Constitution européenne en 2005 (Fabius, Montebourg, et compagnie). Ils ont ostensiblement fait campagne pour le « non ».
En 2006, ils n’ont pas davantage admis et respecté le résultat des Primaires (Jospin, Allègre, DSK, etc.). Au contraire, par des commentaires intempestifs, des attitudes et critiques déplacées, des alliances objectives avec Nicolas Sarkozy et l’UMP, ils ont tout fait pour court circuiter la campagne présidentielle de Ségolène Royal désignée pourtant par 63% des militants.
Ce sont donc les mêmes qui ont débuté le Congrès de Reims avec la ferme résolution de ne pas discuter avec l’équipe de la motion E arrivée en tête des suffrages. Contrairement à la pratique statutaire du PS, ils ont balayé dédaigneusement d’un revers de main toute discussion au sein de la Commission des résolutions pour ne pas aboutir à une synthèse. Chaque proposition formulée par l’équipe de Ségolène Royal a été systématiquement rejetée et les aspirations des militants avec.
Aux combines d’appareil, aux tractations de couloir, il a fallu en plus supporter l’affichage crasse de la haine imbécile de certains délégués qui ont ostensiblement hué Ségolène Royal en des points de son discours où, malicieusement, il était fait référence au lyrisme d’un Jean Jaurès, d’un Léon Blum ou d’un François Mitterrand.
A Ségolène Royal qui avait fait acte de candidature au premier secrétariat en toute transparence, et ce dès le 16 mai 2008, ils lui ont opposé Martine Aubry qui, après d’innombrables tergiversations et après avoir laissé croire le contraire, s’était finalement déclarée candidate le dimanche 16 novembre 2008 au matin, soit au dernier jour du Congrès. Comme par enchantement, la neutralité dominicale de Bertrand Delanoë s’était également transformée le lundi 17 novembre 2008 en soutien inconditionnel.
Ce vaudeville consternant ne pouvait que favoriser les pratiques douteuses, lesquelles se sont concrétisées lors du scrutin du 20 novembre 2008 par lequel les militants devaient désigner le premier secrétaire du Parti socialiste.
Une direction du PS née de la fraude et du soupçon
Vendredi 21 novembre 2008, ne heure et demi du matin. Comme une diarrhée que l’on ne peut contenir, on doit se rappeler que toute la clique « solferinesque » en avait mis partout, sans même attendre la fin des dépouillements du vote des militants socialistes appelés aux urnes la veille. Aubry avait gagné « sans contestation possible ».
Vendredi 21 novembre 2008, sept heures du matin, le triomphe annoncé quelques heures plus tôt a tourné court. Une dizaine de voix à peine séparait les candidates.
Une différence si infime, si microscopique même, que le PS a été ensuite dans l’incapacité de vérifier et de valider les résultats.
Un troisième tour aurait pourtant été nécessaire pour clarifier le scrutin.
Le même jour, Lionel Jospin avait laissé éclater sa haine en assimilant les amis de Ségolène Royal à des descendants politiques de Marcel Déat, politicien de l’entre-deux-guerres qui avait évolué du socialisme (SFIO) au fascisme (RNP) et collaboré avec le Régime de Vichy et l’occupant allemand (Jospin qui critique aujourd’hui l’impertinence de François Fillon…). On se doit de rappeler que l’ancien candidat socialiste aux élections présidentielles de 2002 n’avait pas tiqué lorsque l’inénarrable Razzy Hammadi avait utilisé une phraséologie maurassienne, le 17 novembre 2008, pour affirmer que Benoît Hamon incarnait le « parti réel ».
On préféra à l’organisation d’un troisième tour la convocation d’une commission de recollement qui a clairement démontré que l’appareil du PS était à la fois juge et partie.
Mardi 25 novembre 2008 à 17h45, ladite commission présidée par Daniel Vaillant (âme damnée de Jospin) confirma la victoire de Martine Aubry à l’élection du Premier secrétaire du parti avec… 102 voix d’avance.
Malgré les nombreuses irrégularités matériellement constatées, le Conseil national a entériné les conclusions de la commission de recollement.
Il faudra attendre septembre 2009 pour que la fraude soit révélée dans toute son ampleur, dans un livre d’André et Rissouli (journalistes à Europe 1 et Canal +), intitulé « Hold-uPS, arnaques et trahisons ».
Une direction du PS fondée sur le « TSS »
Le PS s’est donc perpétué dans une indifférence absolue non seulement à l’égard des attentes de sa base militante mais aussi de sa base électorale, après avoir mis en œuvre méthodiquement la stratégie du pire : « le Tout Sauf Ségolène » (TSS) .
Le « TSS », puisque c’est de cela dont il s’agit et de rien d’autre, a tout simplement abouti à la reconduction du système de la direction faible, tiraillée entre les coteries d’appareil et les batailles entre les prétendants à l’Elysée.
La soi-disant majorité dont bénéficie Martine Aubry est en réalité dépourvue de ligne politique parce qu’elle est avant tout une coalition de clans qui poursuivent leurs propres intérêts .
Martine Aubry représente en effet à peine 25% du PS par la grâce Fabius et de DSK. Le restant de sa majorité insignifiante est composée de camarades qui n’ont accepté de la rejoindre – parfois à contrecoeur tel Bertrand Delanoë – que pour faire barrage à Ségolène Royal. C’est le seul point d’entente entre « fabiusiens », « strauss-kihstes », « aubristes », « hamonistes », et tout ce que le PS compte en « istes ».
La direction du PS s’est alors fermée. L’appareil a été méthodiquement verrouillé.
La porte de la « Vieille Maison » (Léon Blum) a été fermée à double tour, pour ne pas dire à triple…
Porte fermée pour Ségolène Royal qui avait été prête à accepter un poste secondaire pour ne pas faire de sa personne un obstacle au rassemblement des socialistes, alors même que la moitié du PS (et sans doute un peu plus… s’il n’y avait pas eu de nombreuses irrégularités dans le scrutin du 20 novembre 2008) s’était retrouvée sur son nom.
Porte fermée pour Vincent Peillon qui était, lui aussi, légitime pour jouer un rôle au sein de la direction du PS à une fonction importante.
Quant aux autres représentants nationaux de la motion E, ils n’ont guère eu un sort plus enviable. Delphine Batho, Aurélie Filippetti, et Guillaume Garraud, se sont vus proposer trois secrétariats nationaux subalternes, soit à peine le tiers de ceux accordés à Benoît Hamon et ses amis, dont la motion n’a pourtant obtenu que 18% des suffrages…
Une direction sans ligne politique
Cette absence de ligne politique s’est manifestée, de façon criante, lors du conseil national du PS du samedi 6 décembre 2008 où ma nouvelle direction a dévoilé le prétendu « texte d’orientation » censé donner une stratégie jusqu’en 2011 à la plus importante formation de gauche du pays.
Une déception monumentale qui n’a été avalisée que par 146 délégués sur les 306 que compte le conseil national du PS.
Neuf pages de lieux communs rédigées à la va-vite entre deux portes. Neuf pages de galimatias mille fois entendus qui n’apportent aucun souffle, aucune promesse de changement et de rénovation. Neuf pages à vous donner honte de militer et qui témoignent de la sclérose morale et intellectuelle du PS.
Ce texte d’orientation, d’une vacuité insigne et communiqué à la dernière minute aux délégués au conseil national, fait irrésistiblement songer au Principe de Peter.
Selon ce principe, lorsque dans une hiérarchie quelconque (administration, club sportif, association, syndicat, parti politique, etc.), les hiérarques sont devenus réellement incompétents, ils se complaisent à fréquenter des réunions, colloques, séminaires, symposiums, conférences… Ils produisent du verbe, des textes, des discours qui tournent à vide. Ils se dissolvent dans l’inconsistance de leur pipotron. Le corps des hiérarques peut alors entrer en « lévitation ». Le sommet perd très rapidement le contact avec la réalité des choses. Les hiérarques se croient soutenus alors qu’ils reposent sur du vide.
Mais pouvait-il en être autrement ? Non hélas.
Une direction occupée à flinguer les siens
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L’affaire Julien Dray
Dans cette affaire complexe, sur laquelle l’intéressé est d’ailleurs revenu dans un ouvrage paru dernièrement, la direction du Parti socialiste s’est contentée d’assurer un service minimum au détour d’un communiqué et après de nombreuses circonvolutions . Mais uniquement pour susurrer du bout des lèvres un rappel de pure forme sur la présomption d’innocence alors qu’ucun magistrat n’était saisi de l’affaire, et que les avocats de Julien Dray, de SOS Racisme et de la FIDL n’avaient pas accès au dossier.
Il n’y avait qu’une enquête préliminaire. Et Dray n’avait pas été mis en examen. Il n’y avait donc pas lieu d’évoquer la présomption d’innocence, mais plutôt d’évoquer le nécessaire respect du droit à la défense malmené par la procédure accusatoire de la cellule TRACFIN.
La direction du PS n’a manifesté aucune solidarité à l’égard de Julien Dray et elle s’est évertuée à mettre en place une espèce de « cordon sanitaire » par l’intermédiaire de Bruno Julliard qui avait précisé qu’il s’agissait d’une affaire privée ne concernant pas le PS.
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Le délire de Benoît Hamon sur la rage des partisans de Ségolène Royal
Le nouveau porte-parole du PS, avait déclaré le 12 décembre dernier au magasine « Bretons » (paru janvier prochain).
« Ils [les partisans de Ségolène Royal] ont dans le sang ce poison de la division, dans des proportions qu’on n’a jamais connues auparavant (…) Leur rage se focalise contre nous et pas du tout contre la droite” “Je vois par exemple tous les jours sur dailymotion ou sur des blogs, des partisans de Ségolène Royal mettre en ligne des films, des podcasts ou de simples commentaires juste pour nous taper dessus ! »
Là encore, on n’a pas entendu le « vertueux » Lionel Jospin s’offusquer des propos de Benoît Hamon. Martine Aubry, elle, est demeurée muette. Pourtant, il y avait matière à réaction car les partisans de Ségolène Royal avaient été traités de malades enragés formant ensemble une espèce de tumeur cancéreuse dans le corps sain du Parti socialiste. Cet usage de la métaphore physiologique et médicale pour disqualifier et stigmatiser le concurrent politique résonnait étrangement dans la bouche d’un socialiste. On la croyait réservée au registre de langue de l’extrême droite.
Hamon n’a essuyé aucun rappel à l’ordre de la part de Martine Aubry. Et Jack Lang a bénéficié de la même mansuétude. Mais pas Manuel Valls qui avait eu le tort de soutenir Ségolène Royal au Congrès de Reims et de violemment dénoncer les fraudes avérées commises lors du scrutin du 20 novembre 2008.
Une direction responsable du gadin aux européennes
Confiée à Jean-Christophe Cambadélis, qui a fait preuve à cette occasion d’une redoutable incompétence, la campagne du PS pour les élections européennes s’est soldée par un désastre qui a inévitablement rappelé par son ampleur celui de 1994.
Martine Aubry, la première secrétaire, ne s’y est pas impliquée comme elle l’aurait dû alors que tous les signaux d’alarme étaient pourtant déclenchés (abstentionnisme et mauvais sondages pour le PS) et laissaient présager un monumental revers électoral.
De même, l’impréparation de la direction du PS a été manifeste et la constitution des listes a donné lieu à de pitoyables et mesquins règlement de compte.
La colère a été toute aussi forte chez les députés européens socialistes sortants dont plusieurs n’ont pas été reconduits sur les listes de candidats. Ce fut le cas de Gilles Savary en Île-de-France ou de Guy Bono dans le Sud-Est, deux parlementaires assidus et compétents à Strasbourg et Bruxelles, contrairement à certains autres.
On doit rappeler que les militants de la circonscription du Centre (Limousin, Auvergne, Centre) avaient rejeté les listes pour les élections européennes soumises à ratification.
Au lieu de prendre en considération le malaise exprimé par ses militants et ses élus, la direction du PS a au contraire minoré l’ampleur de la grogne. Et Claude Bartolone, toujours aussi éveillé, avait même préconisé le passage en force, appelant Martine Aubry à se montrer ferme.
On a vu le résultat.
Le PS a fait un mauvais score faisant quasiment jeu égal avec les écologistes. Son électorat traditionnel s’est soit abstenu, soit reporté sur les listes vertes.
La direction du PS s’est obstinée à ne pas tirer les conclusions logiques de cette défaite cuisante. Et au lieu de présenter sa démission, Martine Aubry s’est empressée, une fois encore, de rejeter toute la faute sur l’ensemble du PS.
« Notre échec [aux élections européennes] c’est l’image que nous donnons, de ce que nous sommes [...] Les Français nous ont renvoyé l’image qui est la nôtre : divisés, recroquevillés sur nous-mêmes, cela me donne encore plus de responsabilité à porter cette refondation du Parti socialiste« .
Et parce que les souvenirs cuisants ont la vie dure, elle a même précisé que cette défaite électorale n’était pas un nouveau 21 avril (sic).
A la lumière de ce qui précède, on ne peut que constater le cynisme de la première secrétaire du PS et sa propension à travestir la réalité.
Tout ceci n’annonce rien de bon pour les régionales de 2010.
Une direction systématiquement à contretemps
Comment la direction du PS pourrait-elle se montrer présente et pugnace dans le débat public alors qu’elle a déjà tant de difficultés à communiquer sur sa propre ligne politique ?
Depuis un an, les militants et les délégués fédéraux sont ainsi plongés dans l’expectative la plus complète. Ce qui, hier encore, était l’objet d’hésitations et de tergiversations, devient aujourd’hui les objectifs de demain.
Tel est le cas, par exemple, de la rénovation du PS au sujet de laquelle Martine Aubry n’avait pourtant jamais fait mystère de ses réticences, notamment en ce qui concerne l’organisation de primaires ou de l’interdiction du cumul des mandats.
A l’université d’été de La Rochelle, le 28 août 2009, c’est un virage à 180 degré. La rénovation de A à Z du PS est annoncée par Martine Aubry, sans que les élus socialistes aient été associés à la réflexion de la Première secrétaire. D’où une grogne bien compréhensible.
La direction du PS a consulté dans l’urgence les militants dont beaucoup n’ont pas fait le déplacement.
Comme toujours, on lance de belles idées sans se préoccuper des modalités pratiques qui sont promises pour le premier semestre 2011, c’est-à-dire beaucoup trop tard.
En effet, il faut regarder la réalité en face, sans se raconter des histoires. Depuis le 21 avril 2002, le PS souffre de ne plus avoir de leader. Et depuis bientôt un an, il souffre de l’incurie d’une direction faible qui repose essentiellement sur des arrangements entre chefs d’écuries présidentielles où chacun joue sa carte personnelle au détriment de l’intérêt collectif.
Le PS est de surcroît prisonnier d’une logique inadaptée à la physionomie des institutions de notre pays clairement orientée vers une présidentialisation accrue.
Un an après Reims ? Où est le PS ?
Tout ce qui précède n’incite pas du tout à l’optimisme et ce tant que le PS ne tirera pas les enseignements de ce processus de déclin dans lequel il semble inexorablement engagé depuis au moins un an. Et ce n’est pas faute de l’avoir mis en lumière.
Par conséquent, si la gauche veut espérer remporter les présidentielles de 2012, il est évident que le PS a besoin d’un leader, ce qu’il n’a toujours pas, parce qu’il s’est révélé incapable de saisir l’opportunité qu’a représentée la clarté du choix des militants durant ces dernières années.
Hélas, on a toutes les raisons de douter qu’il s’en choisisse un rapidement. Et, pour masquer cette carence, il ne sert à rien de spéculer sur les divisions de la droite.
Eu égard au contexte politique, économique et social désastreux du pays, eu égard à la rage sourde qui monte de toutes les régions de France, le PS devrait aujourd’hui largement devancer l’UMP. En outre, le PS devrait être davantage présent dans le débat politique et offrir, dans le paysage médiatique, une image moins déplorable.
Cette situation est d’ailleurs foncièrement injuste, dans la mesure où le PS est la formation politique qui compte le plus d’élus locaux, lesquels effectuent un travail de terrain admirable au service des citoyens.
Comment se fait-il que ce travail soit si insuffisamment relayé par la direction actuelle ?
Comment se fait-il que l’on entend toujours les mêmes et qu’il faille regarder la chaîne parlementaire pour enfin voir des têtes nouvelles s’exprimer sur des sujets politiques, économiques et sociaux au nom du PS ?
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