Toujours aussi sournoise
Et elle me fait délirer.
Elle m'a cueilli par traîtrise, se faisant passer pour une autre. Quelques petits maux de gorge, une voix légèrement enrouée me convainquirent que ce n'était qu'une angine quoique mes compétences en diagnostic médical sont assez quelconques. Puis je me suis mis à beaucoup tousser, histoire sans doute d'émettre une nouvelle hypothèse, toute aussi hasardeuse. Puis il fallut me convaincre de l'évidence, ce n'était pas non plus une bronchite avec ce 39,5° affiché au thermomètre.
Les jambes coupées, la tête comme une courge, des frissons ininterrompus et une faiblesse générale me laissèrent alité pour plusieurs jours, ne pouvant avaler qu'un bouillon de légumes et rien de plus. Je retrouvais alors les hivers d'enfance où je ne manquais jamais le rendez-vous auquel me conviait la grippe. Une sorte de rituel histoire sans doute de couper une semaine avec l'école que pourtant j'aimais tant.
Mais à la différence de ce passé évanoui, la suite n'était pas du même tonneau. Jadis, un simple coup de fil et dans la matinée surgissait le brave docteur Kuypers, dressant sans défaillir le diagnostic et prescrivant tout ce qu'il fallait pour supporter la sournoise attaque grippale. Il est vrai qu'en ce temps-là, les apports du Conseil Français de la Résistance demeuraient frais dans les mémoires, tandis que le système de santé était en pleine forme.
Cette fois, pas de médecin disponible et du reste je n'ai même pas essayé d'en joindre un. La médecine est devenue un organe de gestion à distance des crises, un lieu pour renouveler une ordonnance après un coup dur en prenant bien garde de s'y prendre longtemps à l'avance. Au moindre problème médical aigu, il est tout à fait illusoire de compter sur le médecin traitant.
Celui-ci traite les affaires courantes et ne peut répondre à l'urgence qu'il délègue comme tous ses confrères à l’hôpital qui a bien autre chose à faire que prendre en charge des grippes. Alors que faire ? L'automédication de base et le repos, attendre que ça se passe sans rien attendre d'un système dans le rouge. Bien sûr, il convient plus encore de ne pas se plaindre, ni de crier à l'incompétence en la matière des gens au pouvoir depuis quarante ans.
Curieusement, beaucoup de médecins, chirurgiens, spécialistes en toutes disciplines siègent ou ont siégé au parlement sans jamais avoir vu venir la catastrophe actuelle. Ce serait à douter de leur incompétence si leur compte en banque ne donnait pas un indicateur contraire. Est-ce à croire qu'ils se sont coalisés avec les différents gouvernements afin de créer une médecine à deux vitesses, toujours plus juteuse pour leurs confrères ?
Je vous mets sur le dos de la fièvre cette pensée affreusement négative. Je vais devoir garder la chambre, pas celle hélas où se prennent les grandes décisions et dans laquelle les gens du peuple réel ne sont pratiquement jamais représentés. Nous avons finalement ce que nous méritons à confier sans cesse les grandes décisions à une classe bourgeoise qui s'accapare tous les leviers du pouvoir sans jamais se soucier de ceux qui constituent le plus grand nombre de ce pays.
Pourquoi je tousse encore ? De dépit et de colère tout en m'estimant heureux d'être retraité. J'eusse encore travaillé que malgré mon état, pour éviter les odieux et injustes trois jours de carence, je serais allé joyeusement contaminer mes élèves et mes collègues. D'ailleurs ce n'est pas l'esprit qui prévaut dans cette nouvelle organisation des soins qui impose aux malades de se déplacer pour aller porter vers le plus grand nombre microbes et miasmes. Tout ceci dans une belle logique économique pour ceux qui profitent du système.
Il me faut reprendre mes esprits. La fièvre me fait écrire n'importe quoi. J'ai même des hallucinations et des bourdonnements d'oreilles. Il est préférable que j'aille me recoucher. Je vous souhaite de bien vous porter.
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