Gifler ses gosses est-ce uniquement une faute de frappe ?
A une époque où Elizabeth Lévy en appelle à l’armée pour calmer les
banlieues, alors qu’une parlementaire UMP (Edwige Antier) demandait il y
a tout juste quelques mois (novembre 2009) l’interdiction légale de la
fessée, que doit-on penser finalement et comment doit-on réagir ? Est-il
légitime de s’orienter vers une société plus répressive et moins
tolérante pour ne pas dire laxiste et reprendre en main la situation par
la manière forte, ou bien, faut-il continuer inlassablement dans la
direction d’une civilisation non violente et consensuelle donnant la
priorité au dialogue comme le proposent certains pédagogues, en espérant
qu’à la longue la méthode portera ses fruits.
La question est à la fois académique et pratique. Que faire face à ceux qui ne sont même plus les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement, car ils en ont dépassé largement les limites ces dix dernières années ? Mais aussi, comment ne pas s’inquiéter à la lecture des faits divers de la presse qui narrent dans le détail le calvaire d’enfants martyrs, victime de corrections qui ont mal tourné. Comment faire la part entre une dérive sadique et criminelle de certains monstres et une éducation des enfants juste mais stricte ?
Alors quelle voie médiane adopter entre la démission lamentable face à une certaine jeunesse qui entre en délinquance souvent bien avant douze ans et une sévérité d’un autre âge dont le martinet reste le symbole désormais bien dérisoire ?
Jadis, c’est-à-dire jusqu’à la fin des années 60, il était admis par une immense majorité de Français que quelques gifles et fessées pas trop fortes et administrées à bon escient avaient une indéniable valeur pédagogique. Mais il y eut des débordements, du fait de véritables tortionnaires, ceux que l’on appelait « bourreaux d’enfants ». Le terme fut repris d’ailleurs non sans ironie dans un sketch de Fernand Raynaud, qui avait compris comment les gamins arrivaient à faire du chantage affectif sur un phénomène de société. Puis arriva le règne de l’enfant roi, qui coïncida avec une forte dénatalité commencée dès le début des années 60 et qui s’est prolongée jusqu’au début du nouveau millénaire. Il n’était plus question d’être sévère, le chef de famille ayant d’ailleurs disparu du vocabulaire légal. La priorité a alors été donnée au dialogue, l’enfant devenant une personne à part entière et non plus un individu en devenir qui « devait obéir pour son bien ».
Il est hors de propos de justifier des méthodes éducatives de brutes avinées et sadiques, mais il faut faire la part des choses. D’ailleurs dans l’un de ses dessins, Jean-Marc Reiser, l’un des derniers philosophes français, posait avec ironie une question que plus personne n’oserait de nos jours. Qu’est-ce qui est mieux, ou plutôt moins pire pour un gosse : un père alcoolique qui le cogne à coup de ceinture après son troisième litre de rouge, ou un prof de lettres qui le prend sur ses genoux et le tripote en lui parlant des auteurs grecs ?
Le laxisme et la démission se sont ressentis d’abord au niveau de l’éducation nationale, plus question de fessée ou de petite gifle de la part de l’institutrice et encore moins de magistrale (dans les deux sens du mot) paire de baffe de la part d’un censeur ou proviseur de lycée ou de collège à la moindre connerie. Les nouvelles méthodes pédagogiques se devaient d’être modernes ! Cependant, apprendre n’a jamais été un plaisir quand on est petit, on préfère mille fois plus jouer et s’amuser. Aller à l’école est une contrainte nécessaire et non un jeu, les enseignants semblent l’avoir oublié.
A la maison, il n’était plus question d’éduquer et encore moins d’élever ou de dresser ses gosses, le verbe faisant trop référence aux méthodes réservées aux volailles, aux bestiaux et aux animaux de cirque. Il fallait dialoguer et faire pratiquer l’éveil de façon ludique. Pas non plus question de réprimande humiliante qui pouvait être considérée par l’enfant comme un outrage à sa dignité et de ce fait bloquer son développement social et intellectuel. Claire Bretécher nous montre fort justement dans ses dessins sarcastiques, des mères modernes totalement dépassées par leurs gamins : « Robert, c’est le dix-huitième bonbon de la journée, ça suffit, je ne le dirais pas deux fois ! ». Pour parodier la dessinatrice on pourrait ajouter dans la même veine : « Jean-Philippe, pose cette hache immédiatement, ce n’est pas un jouet ! » ou encore : « Christophe, on n’enfonce pas des pièces de monnaie dans le cul de la petite fille, ce n’est pas une tirelire ! ».
Que de tirades désormais pour se faire obéir de sa marmaille ! Impossible de les déscotcher de la télévision ou de la console de jeux, même en beuglant comme un stentor. Au moindre caprice il faut dialoguer et le mot est lâché, faire preuve de psychologie, alors qu’auparavant une seule gifle aurait suffi. La permissivité va au delà de l’abandon des punitions physiques, elle laisse toute une génération se gaver de chips, de pizzas bas de gamme, de sucreries et de hamburgers, dont les enfants raffolent, mais qui sont catastrophiques sur la prise de poids. Nous en arrivons à une lignée de gamins en surcharge pondérale incapables de résister à la moindre frustration, alimentaire ou non. Or, tout ou presque s’acquiert dans les premières années d’existence. Passé un certain âge, il est difficile si ce n’est impossible de faire marche arrière.
De l’autre côté du cocon familial ou a contrario de sa désespérante absence se trouve le monde du travail qui n’a pas évolué à la même vitesse. Il demande encore de l’assiduité, de l’obéissance et de faire semblant de respecter certaines valeurs éthiques, pour ne pas dire morales car le terme a désormais une connotation vieillotte. Un fois adulte, le jeune est confronté à un monde qui est tout sauf celui des Bisounours et des papas gâteaux et encore moins de la téléréalité. Et là, le réveil fait mal, la déception est amère surtout quand elle débouche sur le licenciement, le chômage et la précarité.
Celui qui a été préparé « à en chier » par ses parents, qui à su dès tout petit qu’on ne pouvait pas tout avoir est mieux armé à subir l’adversité, les injustices et les inégalités du monde adulte. Il est même paradoxalement plus apte à se révolter intelligemment. Car c’est la frustration et le désir de revanche qui crée la rébellion constructive. On ne peut se révolter efficacement contre le néant. Une mère ou un père sévère (qui persévère, aurait dit Jacques Lacan dans ses aphorismes yo de poêle) est une garantie de conscientisation de l’individu. On pourrait même dire que l’on ne devient anarchiste ou rebelle qu’après quelques paires de baffes didactiques. La loi et la discipline existent pour être enfreintes avec lucidité et après mûre réflexion. Plus l’individu est contraint de façon intelligente dans sa jeunesse, plus il développera son imagination et des stratégies de contournement qui lui seront utiles par la suite. Par contre celui qui a tout obtenu sans contrainte, se comportera en enfant gâté une fois adulte et deviendra ingérable et malheureux.
Ceux qui cassent tout, qui n’acceptent aucune frustration et veulent facilement tout, tout de suite ne sont pas des révolutionnaires, des nouveaux damnés de la terre qui prennent les armes, mais de petits cons à qui personne n’a jamais su dire non. Père démissionnaire ou absent, mère débordée souvent inculte, éducation nationale inefficace baissant en permanence son pantalon (et les bras pour maintenir le pantalon) au nom d’un angélisme pathétique, appareil judiciaire et justice des mineurs totalement inadapté, tout est réuni pour aboutir à une dérive.
Non, il ne faut pas envoyer l’armée dans les banlieues avec ou sans chars, non il ne faut pas recréer les bataillons d’Afrique pour les délinquants mineurs, ni de nouveau Biribi ou Foun Tataouine encadré par la Légion. Juste remettre l’enfant, puis l’adolescent à sa place, si possible dès la prime enfance, c’est-à-dire celle d’un dépendant qui doit obéir et subir jusqu’à ce que vienne son tour de l’ouvrir. Et pour ceux qui sont de grands ados qui ont dérapé, appliquer tout simplement la loi, elle existe, est suffisante, mais hélas un trop grand nombre passe au travers.
Dans ces conditions, il est hors de question de faire le procès de l’islam ou de l’Afrique, même si l’on est attaché aux traditions et à la culture autochtone. Les petits merdeux qui polluent l’existence de leur quartier n’auraient jamais été aussi mal éduqués s’ils étaient restés dans leur pays d’origine. Les parents, s’ils ne les avaient cognés eux-mêmes, auraient demandé aux enseignants de le faire à leur place et leur auraient baisé les mains de les avoir corrigés.
Quant à l’islam, il inculque le respect des ainés, de la propriété et des traditions ; allez faire un tour dans une école coranique pour y constater la discipline ! Ceux qui cassent tout et brulent des voitures ne sont en aucun cas des musulmans même s’ils se réclament d’un islam mythifié. C’est finalement la France qui a généré la marginalisation d’une part (une part uniquement) de son émigration. Si vous n’êtes pas convaincus, allez voir comment se comportent les jeunes Africains ou Maghrébins quand ils vont travailler dans les pays du Golfe, où pourtant la condition d’émigré est peu enviable, et vous serez surpris par leur docilité.
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