Ils vont évaluer mon train de vie, je suis au RMI !
Avertissement : cette histoire est de pure fiction
Certains n’ont peut-être pas encore lu la nouvelle. Personnellement, je n’étais pas au courant et pourtant cela a été voté en 2007, mais voilà, les décrets d’applications vont bientôt paraître.
Je l’ai lu ici.
Si cela ne vous ennuie pas, je vais vous raconter un peu mon histoire.
J’étais commerçant, enfin commerçant ambulant. Je vendais des chaussures avec ma femme Janine. On n’est pas trop de deux pour ce genre de métier, on se soutenait l’hiver quand il fallait démarrer à 5 heures du matin pour être à l’heure au marché. Plus de vingt ans qu’on faisait ce boulot !
Le problème, c’est que je suis tombé malade, genre maladie longue durée, vous connaissez ? Très dur pour Janine, elle m’a épaulé tant qu’elle a pu : "Non, Rémi, ce matin, tu restes couché, je vais bien me débrouiller toute seule !" Seulement, elle n’arrivait plus à faire tout, toute seule, aller se fournir en marchandise, les marchés tous les matins, les enfants (on a deux ados à la maison, 14 et 16 ans), tout gérer, le boulot et la maison, c’était trop. Elle n’en pouvait plus ! Et petit à petit, on n’arrivait plus à payer les charges sociales, on commençait à avoir les huissiers à la maison, un coup pour l’URSSAF, un coup l’Organic, et aussi les impôts, nous avons été obligés d’arrêter l’activité. Les dettes, on les a toujours, ils ont bien voulu échelonner, c’est tout.
On s’est renseigné, Janine a
pensé reprendre une formation, elle n’a que 40 ans, elle n’a
pas de diplôme, mais aide-soignante, on lui a dit qu’il y avait
du boulot, elle a commencé à préparer le
concours pour rentrer à l’école de formation. Le
problème, c’est qu’on n’a droit à rien. Eh oui, quand
on est commerçant, pas droit à l’erreur, pas
d’assedics, rien de versé après fermeture.
Et le petit pécule qu’on avait
en banque a commencé à fondre comme un glaçon
dans le whisky.
Restait plus qu’à demander le
RMI, comme nous l’a conseillé une assistante sociale, pas de
gaieté de coeur, oh non. Moi, qui avait dénigré
les rmistes, fut un temps, je n’étais pas fier. Mais la faim
fait sortir le loup de la honte, et puis la maladie aussi, ça
m’a fait voir les choses autrement, avec moins d’importance.
Quoi qu’il en soit, nous voilà avec les
aides de la CAF, ça nous aide à ne pas mourir de faim
et à payer certaines choses. Oh pas tout, certes, la petite de
16 ans donne quelques cours de math (eh oui elle est douée en
math, 18/20 de moyenne, on n’est pas peu fier, c’est pour ça
que je le dis) à des collégiens, ça lui paye son
portable et quelques cinés. Et si Janine ne revendait pas la
fin du stock de chaussures sur Ebay, on serait obligé de
vendre la voiture et la maison pour payer les huissiers et se
retrouver à la rue. Cela ne va pas tarder d’ailleurs, parce que nous n’avons plus de chaussures à vendre. Janine dit qu’elle ira faire
des ménages. Le RMI, c’est vraiment l’aide nécessaire
mais non suffisante pour vivre ; avec les allocations pour les
enfants, on a presque 1000 euros par mois. C’est sûr, si je
vais mieux, je vais rechercher du boulot, mais j’ai 48 ans, malade,
ça va être dur ! Janine dit de ne pas désespérer,
elle va réussir le concours.
Quand même le RMI, c’est une
bonne chose, ça permet de passer des caps difficiles, alors
quand j’ai su qu’ils allaient évaluer le train de vie des
rmistes, cela m’a tout retourné !
Apparemment, voila ce qu’ils vont évaluer :
"Un quart de valeur locative annuelle de logement détenu ou occupé par l’allocataire, 80% du montant des dépenses de travaux, charges et frais d’entretien des immeubles, 80% des dépenses en personnels et services domestiques, 6,25% de la valeur vénale d’une voiture si elle dépasse 10 000 euros, 0,75% de la valeur des objets d’art, bijoux et métaux précieux, 80% des dépenses de voyages ou de clubs de sport." L’évaluation pourra être demandée par l’organisme payeur (principalement les Caisses d’allocations familiales), "après croisement de fichiers entre services sociaux, par exemple", explique le quotidien. Néanmoins, "la suppression des prestations ne sera pas automatique, le directeur de la CAF conservant une marge de manoeuvre en cas de ’circonstances exceptionnelles’ liées à la situation économique et sociale du foyer".
Et ils pourront supprimer le RMI : "Le droit au RMI sera ainsi remis en cause lorsque le montant de l’évaluation atteindra ou dépassera la moitié du montant annuel du revenu minimum."
Notre maison, on l’a achetée à
crédit en 1980, aujourd’hui elle a fini d’être payée.
C’est un pavillon de 120 m2 en banlieue sympa, pas trop loin de
Bordeaux, 3 chambres, un grand salon et une cuisine où on peut
manger dedans. Nous avons même un jardin et un garage. C’est
sûr, aujourd’hui, impossible de me payer une baraque pareille.
S’ils comptent un quart de la valeur locative, on est presque foutu !
C’est 800 euros par mois une baraque comme la nôtre
actuellement.
Ben, il n’y a plus qu’à espérer
que le directeur de la CAF soit sympa.
Je vois d’ici la tête de
l’inspecteur s’il vient à la maison.
"Oh, mais vous avez une jolie
maison, et une belle voiture avec ça !" (C’est le
monospace qu’on a mis cinq ans à payer, on avait privilégié
cet achat pour remplacer le vieux camion du marché quand il
était en panne et au garage, on pouvait toujours déballer
un peu.)
Je me vois penaud, regardant mes
chaussures et disant embarrassé :
"Heu, oui, monsieur l’inspecteur
de la CAF, mais nous avons mis 15 ans à nous la payer cette
maison, nous avons beaucoup travaillé pour ça" en
tentant de me justifier.
Et s’il voit les deux bagues de ma
femme ? L’alliance en or et la bague de sa grand-mère, une
belle émeraude entourée de brillants. Il va les compter
aussi ? Et les meubles anciens de mon grand-père ? Les
travaux, on a quand même refait toute l’électricité
l’année dernière, ça devenait dangereux, ils
vont les compter aussi ? Parce que là, on va y arriver à
la moitié du montant, faut pas grand-chose en plus... Qu’est-ce qu’ils veulent, qu’on vende tout, qu’on se retrouve à
la rue, qu’on soit bien bien pauvre, au bout du rouleau, misérables,
à genoux pour faire l’aumône ! Qu’on puisse plus se
relever, quoi !
Mon Dieu, si j’avais pensé à
20 ans que j’en arriverai là !
66 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON