L’éducation au fait homosexuel dans l’école publique : l’état du droit
Revendications catégorielles et principes républicains
L'institution scolaire fait l'objet de sollicitations quotidiennes de la part des communautés de toutes obédiences. Chacune entend infléchir la politique éducative dans le sens de ses intérêts propres. L'action communautaire trouve ainsi dans l'école publique, un débouché naturel vers l'accomplissement de desseins individuels. La mission éducative n’est pas exclusive, bien entendu, de nouvelles avancées au bénéfice de telle ou telle catégorie. Mais les moyens désormais préconisés, soudoyant le maître devant sa classe, sont contraires à l’esprit comme à la lettre des textes fondateurs de la laïcité. L'éthique républicaine du savoir et de sa diffusion, aujourd'hui mise à mal, doit être défendue.
AUX ORIGINES REPUBLICAINES DE L'ESPRIT DE TOLERANCE, L'INDIFFERENCIATION DES GENRES
Pour les pédagogues de la « libre-homosexualité », il ne s'agit pas seulement de prohiber les discriminations mais de modéliser les comportements sexuels au motif allégué de tolérance. Méconnaissance profonde du droit et abus de conscience pédagogique : aucun « expert », savant messager de l'épanouissement infantile, ne peut prétendre imposer ses conceptions par voie de consignes officielles. L'indifférenciation républicaine des genres d'appartenance demeure le meilleur moyen d'une socialisation effective des minorités. D'où l'occultation des singularités minoritaires dans l'énoncé normatif : parce qu'elle est d'application générale et impersonnelle, toute confiscation identitaire est un amoindrissement de la règle de liberté. Telle est l'universalité du droit républicain, socle des libertés individuelles. Les rédacteurs de 1789 ont voulu les figer dans un ensemble plus vaste : celui de la nation toute entière, composante de l'Humanité. Cela au nom d'une philosophie permissive et non pas prescriptive (cf. article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ... »). Dans ses développements contemporains, le principe de tolérance suit la même axiomatique : indiscrimination plutôt que défense identitaire, à l'image de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Elle offre des garanties bien supérieures à tout acte de pédagogie militante, en prohibant la modélisation des comportements sexuels. Son article 14 stipule que « la jouissance des droits et libertés (...) doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur (...) l'appartenance à une minorité nationale (...) ou toute autre situation ». Les droits des homosexuels sont partie prenante de ce mouvement général en faveur de l'émancipation des minorités. Détail d'importance : ils ne le sont pas tant au motif de l'appartenance à une communauté qu'en raison d'un égal accès aux droits attachés à la qualité de citoyen, reconnus imprescriptibles. Ainsi, l'universalité sociologique du principe de liberté s'accomplit sur un mode dénégatoire - « ne pas distinguer » - plutôt qu'approbatif : énoncé limitatif de libertés positivement admises. De ce point de vue, toute déclinaison catégorielle au bénéfice des droits d'une minorité est déjà un paradoxe : elle constitue une entorse au principe de non discrimination, dans son acception indifférenciée. Les apologistes d'une pédagogie faussement « progressiste », rétrograde en vérité, au service de telle ou telle minorité doivent s'en souvenir : aucune n'est à décompter de la communauté des citoyens.
Second point juridique : les politiques éducatives doivent s’entendre dans une limite incontournable, celle de la liberté pédagogique des enseignants. Cela éclipse d’emblée l’argument, faussement pertinent, d’une « obligation de faire ». Les circulaires de rentrée, par exemple, ne fixent que des « orientations », conformément au principe de « la liberté pédagogique de l’enseignant (qui) s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale » (art. L. 912-1-1 du code de l’éducation). Les directives officielles demeurent donc exclusives de toute prescription de méthode, guidant les conduites individuelles. C’est pourquoi, par exemple, la circulaire de préparation de la rentrée de 2012 se contente de mentionner, dans la lignée des précédentes, sous le titre 9 de l’Annexe : « Faire vivre l'égalité filles-garçons : « Le règlement intérieur, qui intègre le principe constitutionnel d'égalité entre les filles et les garçons, le refus de toute forme de violence sexiste et sexuelle et toute forme de discrimination ». Les objectifs fixés, il incombe à chaque enseignant de déterminer les moyens appropriés pour les atteindre au mieux compte tenu, notamment, des spécificités du public visé (origines ethnique et socioculturelles des élèves, environnement urbain, suburbain ou situation en zone rurale de l’école …). Il est à noter, au demeurant, que l’éducation nationale a déjà dû modérer ses tentations dirigistes – voir la polémique autour du projet de confier la mémoire d’un enfant victime de la « Shoah » à tous les élèves de CM2. Ainsi, la note de service du 3 juillet 2008 relative aux instructions pédagogiques pour l’enseignement de la « Shoah » à l’école élémentaire concède, expressément, que « Pour aborder cet enseignement, les maîtres sont libres de leurs choix pédagogiques … ». La modélisation infantile, dans le schème homosexuel, est ensuite le terreau d’une vieille discorde : droits des parents en matière éducative – revendication catégorielle, indépendamment même de son bien-fondé.
LA REVENDICATION IDENTITAIRE, TERREAU DE LA DISCORDE
La modélisation infantile des comportements sexuels est de nature à raviver un débat qui n'a pas lieu d'être en son enceinte. Car il se trouvera toujours des minorités, d'opinion celles-là, pour contester la légitimité morale de la préférence homosexuelle. Elles le feront au nom du libre-consentement des parents à l'éducation de leurs enfants : le point 4 de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations Unies le 16 décembre 1966 ne stipule-t-il pas : « Les Etats parties (...) s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions » ? A l'opposé de tout simplisme militant, caution « scientifique » incluse, faire entrer le débat sur la question homosexuelle à l'école, c'est courir un risque majeur : celui de faire éclater la contradiction entre libre-choix d'orientation sexuelle et droits des parents en matière éducative. Une tribune sera ainsi offerte aux tenants des opinions les plus réactionnaires et aux intégrismes religieux de toutes confessions ... Bref, le résultat sera à l'exact opposé de l'effet escompté. Cela devrait inciter à la plus haute prudence. Rien de tel dans l'action communautaire : l'urgence est décrétée, l'exigence « éducative » notifiée en forme d'ultimatum. A l’image de la stratégie développée par l’association « SOS homophobie » et le Collectif « Education contre les LGBT phobies en milieu scolaire ». Leurs actions sont menées, le plus souvent, sur le mode de la coercition organisée, dans une rhétorique de citadelle à assiéger : « La circulaire de rentrée 2008-2009, publiée le 4 avril, consacre un paragraphe à la lutte ‘contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l'homophobie’ - se félicite Paul Parant, dans le magazine Têtu. Une première, selon l'Inter-LGBT, qui a obtenu cette avancée à la suite d'un bras de fer avec le gouvernement sur la question de l'Éducation », et qui « impose à l'institution scolaire la mise en œuvre d'actions contre les comportements discriminatoires subies par les jeunes ». L’auteur, se réjouissant que la circulaire de rentrée évoque le sujet de l' « homophobie en classe » écrit : « L'interassociative se félicite de ce premier résultat, une avancée symbolique qui impose à l'institution scolaire la mise en œuvre d'actions contre les comportements discriminatoires subies par les jeunes »1. Le discours associatif tend ainsi à déborder de la vocation réelle des circulaires. On y décèle tous les éléments d’une volonté d’investir le champ pédagogique.
Ainsi, le mouvement déjà amorcé au plan de l'enseignement de l'histoire, sous l'effet de revendications identitaires anciennes trouve, avec la cause homosexuelle, un aboutissement inédit. Il s'inscrit, de façon répétitive, à contresens des traditions de l'école républicaine, devoir d'intégration bien compris. Nul étendard juridique, « circulaires de rentrée » ou instructions officielles, ne peut masquer ce déficit.
Les crispations catégorielles sur tel ou tel titre d’une circulaire ou du socle commun sont, en définitive, à l’image d’une motivation ponctuelle, incapable de nourrir une réflexion achevée et donc efficace. Immédiatement perçues, de l’extérieur, comme l’avatar d’une revendication égoïste et donc peu légitime, elles ont peu de chance d’aboutir sinon auprès de ceux déjà gagnés à la cause. Le propre en effet, de l’entrisme communautaire est d’ignorer les motifs généraux dont procède le champ éducatif, même s’il s’en revendique, par commodités d’action. La condition d’une réappropriation positive, par les élèves, tient au contenu impersonnel des valeurs diffusées. Autrement dit, la transmission du savoir vaut par la faculté de distanciation causale de l’enseignant, qui n’est pas missionnaire dans sa classe. L’identification : valeur-cause singulière solde le message éducatif. L’édiction d’un politiquement, historiquement (et désormais sexuellement) correct, selon une typologie devenue extensive au fil des ans en vient, quant à elle, à opérer une confiscation par genre d’appartenance d’un principe universel : celui de la tolérance, clé de voûte de l’intégration. L’école en reste, à ce jour, le premier fondement, nonobstant les arguties juridiques, opportunément invoquées par voie de circulaires de rentrée ou abusivement extrapolées du « socle commun ».
CONCLUSION : la confiscation identitaire du principe de tolérance : DE COURTES VICTOIRES - LE PACTE REPUBLICAIN ENTAME
A l’opposé de tout simplisme militant, la confusion entre non discrimination et défense identitaire n’est pas de bon augure. Elle heurte, sous couvert de progrès social, au plus profond de la tradition laïque. L’éclatement du principe-support se paie de courtes victoires. A force d’orthodoxies bien-pensantes, déclinées au gré de telle ou telle fantaisie communautaire, on en vient, subrepticement mais sûrement, à dénaturer le pacte républicain tout entier. La contribution de l’école pourrait, au demeurant, se poursuivre jusqu’au terme d’une scolarité si toute communauté bafouée ou s’estimant telle, était admise à se pourvoir devant elle. D’où, encore une fois, la nécessité d’une dépersonnalisation du principe dans le champ éducatif. Sans préjudice, bien évidemment, d’un exposé des faits en lien avec la condition de telle ou telle communauté. Ce rappel appartient à l’enseignant. Il est de sa liberté propre utile, pareillement, au savoir collectif : diffuser notre culture d’intégration et non le prosélytisme communautaire.
Adrien
1 P. PARANT, 28 mai 2008, « La circulaire de rentrée parlera d'homophobie en classe », Disponible sur le site du magasine Têtu http://www.tetu.com.
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