Le Conseil constitutionnel : une juridiction ?
Depuis 1968, le Conseil constitutionnel a connu de nombreuses évolutions. Ces évolutions (dues notamment à ses propres décisions mais aussi aux différentes révisions constitutionnelles) lui ont permis de devenir une quasi-juridiction. Pourtant il lui manque bien des éléments pour devenir une vraie juridiction, la Cour suprême de notre Etat.
Bref historique du Conseil constitutionnel
A sa création, cette nouvelle institution créée par le constituant de 1958 (portant la marque du Général De Gaulle et de Michel Debré) servait d’arbitre entre les pouvoirs exécutif et législatif. (L’extrême majorité des requêtes de 1958 aux années 1970 portaient sur des conflits de compétence entre législateur et exécutif, ou encore, sur des vices de procédures (constitutionnelles)).
Il permettait surtout de préserver le domaine de compétence (art. 37 de la Constitution) du pouvoir exécutif : Président et Gouvernement réunis.
En effet, différents éléments permettaient de penser que le Conseil constitutionnel ne servait que de « chien de garde » (pour reprendre l’expression de Michel Debré) à l’exécutif.
En premier lieu, en nommant le Président du Conseil constitutionnel, le Président de la République s’assurait d’avoir un lien fort avec Conseil.Ensuite, en assurant une place chaleureuse de membre du Conseil constitutionnel à vie et de Droit aux anciens Présidents de la République, le constituant devait vouloir faire du Conseil un gendarme s’assurant de la protection de l’exécutif. On ne juge jamais les siens de la même façon que l’on juge les étrangers. Certains membres du Conseil constitutionnel auraient déjà connaissance de la tâche difficile qu’est la présidence de la République.
De la même façon que le Conseil d’Etat était auparavant la curia regis : Cour du Roi, le Conseil constitutionnel était donc la Curia praesidentis : la Cour du Président de la République.
D’ailleurs appelée « Conseil » et non « Cour », l’Institution constitutionnelle ne pouvait être considérée comme une juridiction.
Il faudra attendre 1971 et l’importante décision « Association Loi 1901 » du Conseil constitutionnel pour que ce dernier sorte du « conflit de compétences » et « vices de procédure constitutionnelle » et se penche sur la protection des « Droits de l’Homme » et des libertés publiques. Il se met alors à protéger de la même façon que la Cour suprême le fait avec les amendements de la Constitution fédérale aux USA, les droits et libertés contenus dans les textes fondamentaux reconnus dans le Préambule de la Constitution de 1958 : la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen, le Préambule de la Constitution de 1946 et plus récemment, la Charte de l’environnement de 2004. Ainsi, un meilleur contrôle du législateur contre toute dérive arbitraire semblait assurer. Toutefois, le contrôle de la Loi aux droits et libertés fondamentaux n’était pas automatique. Ironiquement, seules les institutions chargées de l’élaboration de la Loi, Président des chambres, Premier ministre, Président de la République pouvait saisir le Conseil constitutionnel. Ainsi, la protection de la minorité contre les dérives arbitraires de la majorité politique (nous sommes dans un système majoritaire !) n’était pas garantie.
Heureusement, intervient en 1974 une révision constitutionnelle qui permet à 70 députés ou 70 sénateurs (beaucoup moins que la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat) la saisine du Conseil constitutionnel pour toutes questions relatives à la constitutionnalité de la Loi.
Enfin, dernière réforme importante, en 2008, la révision constitutionnelle voulue par le Président de la République Nicolas Sarkozy créée une nouvelle procédure de saisine du Conseil constitutionnel : la Question prioritaire de constitutionnalité. C’est une révolution en Droit constitutionnel.
Le principe posé à l’art. 61-1 de la Constitution dispose que « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
De la même façon que la Cour suprême protège aux USA les droits et libertés des particuliers, désormais le Conseil constitutionnel lui aussi assure cette protection.
Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de l’article 61-1 en 2010, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur de nombreux textes de Loi emblématiques : la constitutionnalité du mariage réservé aux hétérosexuels, la constitutionnalité de la garde à vue qu’il censurera d’ailleurs, de même pour la constitutionnalité du harcèlement sexuel et de l’inceste.
Remise en cause du Conseil constitutionnel ?
Les doutes vis-à-vis du Conseil constitutionnel ne datent pas de mon époque (« Gouvernement diabolique des juges »), si bien qu’il était même envisager par certains partis (Ndlr : Parti Socialiste notamment) de le supprimer fut une époque. Bref.
Désormais, permettez-moi différentes questions : la Conseil constitutionnel, considéré comme une juridiction, est toujours composé de membres nommés par des hauts responsables politiques… quid alors de son impartialité ?
Certes, aux Etats Unis, les membres de la Cour suprême sont nommés sur le même modèle français, mais pourtant, il semble que l’on pourrait attendre en France un mode de désignation différent. En effet, il ne faut pas oublier aux USA que la plupart des juges sont élus et ont le droit de faire de la politique jurisprudentielle, puisque on leur reconnait légalement un pouvoir règlementaire certain (Système de la Common Law). Or, en France, l’art. 5 du Code civil, symbole de tout notre système juridique, pose le principe selon le juge ne peut rendre des arrêts de règlements. Ainsi, les juges sont formés à l’ENM pour être le plus impartial possible. On leur demande une haute éthique personnelle et, fut un temps, les juges ne pouvaient voter aux élections politiques. Les juges sont donc, en toute indépendance, appeler à interpréter et appliquer la Loi et surtout pas autorisés à poser des principes nouveaux. Certes, la pratique devance parfois la théorie. Soit.
Quant à lui, le « juge » (bien que je n’adhère pas à l’idée de le considérer ainsi) constitutionnel créée pourtant des règles de toute sorte : principes à valeur constitutionnel, principes particulièrement nécessaires à notre temps… (Ndlr : jargon juridique) en dehors de tous textes constitutionnels !
Il me semble ainsi, que pour prétendre à devenir une Cour, le Conseil constitutionnel ne devrait plus être composé de membres nommés par des hauts responsables politiques élus. Car juger la Loi demande beaucoup d’éthique et beaucoup d’impartialité me semble t’il. Loin de diffamer et de douter de l’éthique et de l’impartialité des membres du Conseil, il existera malheureusement toujours un doute du fait de leur nomination par des personnalités politique. Les membres du Conseil étant parfois eux même aussi issus du milieu politique actif ! (ex : Président de la république, certains membres sont adhérents à des partis politiques ...)
Peut être, les magistrats siégeant au Conseil constitutionnel devraient il être tirés au sort parmi des magistrats ayant au moins 10 ans de pratiques ? Peut être, les magistrats devraient ils n’interpréter que stricto sensu la Constitution et les textes fondamentaux sans poser des principes nouveaux comme le fait le Conseil constitutionnel avec ses Principes à valeur constitutionnelle ou encore ses principe particulièrement nécessaire à notre temps… ? … beaucoup de questions qui peuvent mériter une réforme à l’avenir de cette « drôle » de juridiction appelée à protéger désormais les droits et libertés fondamentaux …
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