Lecture : explications de texte !
Le ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, vient de rappeler, lors de la rentrée politique, l’accent qui doit être mis sur la lecture, et notamment sur un retour à la méthode dite syllabique.
Méthode syllabique, globale, semi-globale, etc. Qu’en est-il réellement sur le terrain, et quoi ces méthodes consistent-elles ?
Tout d’abord, rappelons quelques chiffres : selon les résultats des évaluations d’entrée en sixième, 15 % des élèves éprouvent des difficultés en lecture. 11 % rencontrent des difficultés de compréhension, et seulement 4 % des problèmes de déchiffrage, ce qui laisse entendre que ce n’est pas un problème lié à l’association des lettres dans le mot qui se pose, mais plutôt des manques en matière de vocabulaire, dans la mémorisation des énoncés ou encore dans les stratégies de lecture qui sont rencontrés. N’oublions pas non plus de noter que l’on a peu de comparaisons possibles avec le passé, dans la mesure où ces évaluations ont été instaurées il y a peu (1989). Difficile donc de dire : "C’était mieux avant".
Ensuite, rappelons en quoi consistent ces méthodes.
La méthode globale part du principe qu’un adulte lit sans déchiffrer. En effet, l’enrichissement de son vocabulaire, les habitudes qu’il a prises et les procédés qu’il a mis en place lui permettent de lire les mots sans les déchiffrer pour la plupart. Il lit donc plus vite, et sa compréhension en est renforcée. Par conséquent, certains pédagogues se sont dit que si l’enfant apprend des mots par coeur, il va acquérir ses procédés plus rapidement et sa compréhension sera meilleure. Il développera des analogies entre les mots connus et les mots nouveaux, afin de lire ces derniers. Ces mêmes analogies l’amèneront à comprendre la correspondance entre l’association des lettres (graphèmes) et le son qu’elles produisent (phonèmes) : ce que l’on appelle la combinatoire. Cette méthode montrant des limites, notamment pour les élèves en difficultés scolaires, auxquels elle n’est pas adaptée, elle a été interdite dans les écoles si elle n’était pas accompagnée d’un travail sur la combinatoire, depuis 2002. Elle ne concernait de toute manière auparavant que peu d’élèves, puisqu’on estime à 5 % la proportion d’enseignants de CP l’ayant utilisée (elle fut plus couramment utilisée dans les années 1980).
La méthode syllabique, elle, s’appuie uniquement sur l’association des lettres entre elles. On apprend les lettres et les sons qui leur correspondent, puis on passe à la syllabe, et enfin au mot, et à la phrase. C’est une méthode peu ludique, puisqu’elle retire à la lecture tout son sens. Elle est peu motivante et laisse sur le carreau des élèves pour qui l’école devient un établissement de torture intellectuelle. Si les élèves apprennent à déchiffrer correctement, ils peuvent par contre connaître des problèmes de compréhension. Si celle-ci n’est pas accompagnée d’un travail sur le sens, elle peut avoir des effets aussi catastrophiques que la méthode globale. En effet, beaucoup d’individus (des adultes aussi), lisent parfaitement à haute voix mais ne peuvent répondre à de simples questions sur le texte qu’ils viennent de lire. Cela n’a aucun intérêt de savoir déchiffrer si on ne sait pas se servir de ce qu’on vient d’énoncer.
La dernière grande méthode est la méthode mixte (qui connaît des variantes). On s’appuie sur des mots connus par les élèves (souvent des mots vus à la maternelle), comme son prénom ou encore papa, maman, école ou police, c’est-à-dire des mots que les enfants ont identifiés et qu’ils reconnaissent de manière globale (puisqu’ils n’ont pas encore acquis le principe de la combinatoire). A partir de ces mots, on va isoler des sons (syllabes) comme le ma de maman et essayer de trouver des mots qui comportent le même son. On obtient alors les mots Marie, Mathilde, marron, etc. Le but est alors de mettre l’enfant dans une situation de recherche et de lui demander quelles lettres donnent le son ma. Ensuite, on dissocie la syllabe en lettres. Quels sons correspondent à la lettre m ? Que se passe-t-il si je place un o derrière ? Puis on repasse alors sur le mot. On repère les syllabes que l’on a apprises et on les lit. Ce travail est suivi d’un enrichissement du vocabulaire, et on donne ainsi du sens à la lecture. L’élève reste acteur, et n’est pas spectateur.
M. de Robien veut laisser une trace. Tous les spécialistes sont contre lui. Les enseignants de CP ne veulent pas revenir sur leur méthode, les inspecteurs les soutiennent à demi-mots et les chercheurs sont horrifiés. Les parents, à qui l’on vend à tout bout de champ l’échec scolaire, croient que c’est le déchiffrage qui pose problème actuellement, mais on se trompe de cible. La résolution de problèmes en mathématiques, l’orthographe (de toute manière très difficile en français), la compréhension des langues étrangères (l’écrit est au contraire très bon), l’éducation à la citoyenneté et la compréhension en lecture posent plus de problèmes.
27 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON