Les études mènent à tout à condition d’en sortir
Chacun, dès lors qu’il est question de l’enseignement public, tend à s’ériger en censeur ou donneur de leçons. Il suffit de lire les commentaires des lecteurs d’Agoravox portant sur les sujets d’éducation. Nombreux sont ceux qui estiment avoir un droit de regard sur le travail effectif et la mission des enseignants.
Professeur depuis une quinzaine d’années, je considère que cette attitude est légitime car tout citoyen doit savoir ce qu’un fonctionnaire investi d’une mission de service public fait de la confiance qui lui est accordée.
C’est dans ce sens que j’entends l’art. 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
J’ai le dos large car j’accepte volontiers les critiques injustes et de mauvaise foi. Je les préfère, de loin, à une hypocrisie silencieuse.
En tant que citoyen blogueur, j’aime bien m’arrêter devant l’arbre qui cache la forêt. Or, il est de bon ton de relever l’investissement insuffisant des enseignants du secondaire dans l’éducation de nos enfants. D’une manière générale, cela n’est pas juste mais je ne souhaite pas nourrir le débat en la matière. A chacun de se faire une idée.
La réalité statistique est inquiétante. Combien d’étudiants en psychologie deviendront, in fine, psychologues ?
La réponse est difficile à donner précisément mais seulement 4 500 seulement décrochent un master recherche ou professionnel, indispensable pour devenir psychologue. Notre société aura-t-elle besoin de 4 500 psychologues par an ?
« Pour M. Lécuyer, également professeur à Paris-V, un tiers des étudiants qui s’engagent en psychologie n’ont pas le niveau, un autre tiers est mal orienté, seul un tiers s’en sortira ».
Ces propos semblent donner une explication rationnelle de ce phénomène. Ils serviront de base à mon analyse :
1. Un tiers des étudiants qui s’engagent en psychologie n’ont pas le niveau. Pourquoi ?
Première piste de
réflexion : une fois encore, les enseignants du secondaire n’ont pas su
préparer leurs élèves aux études supérieures. Cela est simple et même
simpliste. Si les étudiants n’ont pas un niveau suffisant à leur entrée en
université, la responsabilité en incombe d’abord aux professeurs de lycée.
Ceux-ci ne manqueront pas à leur tour de faire porter le chapeau à leurs
collègues de collège... Ce raisonnement finit par faire peser le poids de l’échec
sur l’école maternelle et les parents. Appelons ce raisonnement l’irresponsabilité
pyramidale.
Deuxième piste de réflexion : le baccalauréat, premier diplôme universitaire, ne permet pas objectivement d’envisager une poursuite d’études supérieures. Dans cette hypothèse, un tiers de tous les étudiants (psychologie, langues, droit, médecine...) ne disposerait pas d’un bagage culturel suffisamment solide pour obtenir une licence ou un master. Probable mais pas certain car il peut être soutenu que les étudiants en psychologie rencontrent davantage de difficultés (psychologiques ?) à réussir leurs études.
Soit le baccalauréat est bradé (80% de réussite), soit les professeurs du secondaire seraient à l’origine d’une situation paradoxale. En professionnels experts des difficultés de leurs élèves, ils seraient en mesure de les préparer à l’examen sans leur donner les moyens effectifs de réussir leurs études. Cessons cette démagogie car chacun connaît la réponse sauf parfois les élèves eux-mêmes qui s’imaginent êtres les seuls acteurs de leur réussite à l’examen.
2.Un autre tiers est mal orienté
Il serait tentant de considérer que l’orientation soit l’origine du problème de l’échec d’un nombre certain d’étudiants en psychologie. En tout bon citoyen passif, consommateur d’informations pré-mâchées, nous trouvons immédiatement le nœud du problème. Les professeurs de lycée ne font pas leur travail, se contentent d’être des dispensateurs de savoir et sont indifférents aux projets de leurs élèves. De plus, il n’y a pas suffisamment de conseillers d’orientation.
In abstracto, ce raisonnement est séduisant mais il s’inscrit dans la même approche : servir l’élève.
Force est de constater que le lycéen n’a jamais autant bénéficié d’informations sur les possibilités d’études supérieures. « Forum des métiers », « Forum des études » foisonnent chaque année dans toutes les académies.
In concreto, j’observe des élèves majeurs qui préfèrent bavarder le soir sur MSN plutôt que consulter l’adresse du site de l’ONISEP ou l’excellent « Dico des métiers ».
Non seulement le lycéen est noyé sous les informations mais il est de plus en plus dans l’incapacité de les trier, les analyser.
3. Seul un tiers s’en sortira
Pour un enseignant psychologue, on peut croire que le choix de la négation ne soit pas anodin. Seul un tiers s’en sortira ne signifie pas qu’un tiers réussira. Je joue peut-être sur les mots, mais pas sur les maux.
Il s’agit bien ici de souligner la faillite d’un système qui ne permet plus de concevoir un avenir fondé sur un épanouissement professionnel. C’est déjà bien de trouver du travail. A quoi bon espérer vivre d’une activité en adéquation avec sa formation initiale ?
Accepter cet état de fait, c’est accepter que des étudiants en troisième cycle vivotent en effectuant des petits boulots. Soyons honnêtes. Certains en ont fait un système de vie et rejettent le travail en tant que ciment de notre société. Je persiste à penser que l’immense majorité de notre jeunesse veut et mérite beaucoup mieux.
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