Quarante ans après, que sont devenues les filles de mai 1968 ?
Enfin un sujet oublié dans cet anniversaire de mai 68, alors que plus de cent ouvrages sortent pour son quarantième anniversaire ! Quarante ans après, les filles de mai sont grands-mères : J’ai eu envie de prendre le risque du débat, en ce dimanche, et à la lumière d’une étude et d’un ouvrage que je publie à partir d’une enquête sur « Ces jolies filles de mai 1968, une génération pas comme les autres. »
« Odéon, don, don, tu as de la chance, mon ange, tu n’iras pas goûter rue Spontini, le dimanche, tu ne baisera pas la main des vieilles mémères, tu ne feras pas de première communion, tu ne seras pas photographié en aube blanche, tu ne chuchoteras pas tes péchés à monsieur le curé, le péché n’existe plus, le péché n’existe pas. Dis donc, Sophie, quel prénom avez-vous donné à ce môme ? Il n’a pas encore de prénom ni de nom : son père a dit qu’il ne pouvait pas se préoccuper de futilités, en un moment pareil » ( Anna de Céspedes, Chanson des filles de mai, écrit au quartier latin pendant les évènements Seuil, 1968)
Si le désir d’enfant ne peut être dissocié du regard que la société porte sur lui, ce bébé de 68 exprime parfaitement le paradoxe de 68 : Une rupture vers quoi ? Un pont vers quelle rive ?
Laissons nous guider vers ces filles de mai, habillées soit de mini jupes courtes donnant une silhouette à la Paco Rabanne, ou de fripes colorées à la mode hippies, toujours là, revendicatrices, mais veillant à être séduisantes, n’hésitant pas à faire les sandwich. Ces héroïnes de la révolte parfois matraquées, violentées, mais oubliées par les ténors du mouvement. Elles ont été le symbole éclatant d’un combat qui allait changer la société en changeant la condition des femmes.
Mai 68 n’a jamais été une révolution mais un point d’orgue, une fête et une crise, ou plutôt une crise et une fête. Le point d’orgue d’une société en mutation, et dont les avancées sont surtout le fait de la génération née avant la première guerre et autour de 1920. Au-delà des nuits d’émeutes, 1968 fut aussi la fête d’une jeunesse qui voulait vivre avec son époque, pour qui la liberté était plus importante que l’autorité, pour qui l’acte d’amour sexuel était un bonheur de la vie contraire aux valeurs d’une société qu’il fallait changer d’urgence. C’est le 29 avril 1968 que la production musicale Hair est présentée pour la première fois à Broadway ; Elle tiendra l’affiche à 1 742 reprises jusqu’au premier juillet 1972. On y retrouve notamment les chansons Aquarius, Let The Sunshine In et Good Morning Starshine. C’est ce même moi d’avril 1968 que sort le succès du duo, Simon et Gartfunkel “Mrs Robinson”, une composition de Paul Simon pour le film Le Lauréat, (en anglais, The Graduate). Oui, il y eu des histoires d’amour sur les barricades, des débats sur l’érotisme et l’amour vrai qui produit le plaisir vrai, même si le slogan dont on se souviens est « jouissons sans entrave ». Période esthétique, mai 68 fut, surtout dans sa part existentialiste, prolixe en mots et en slogans entrés depuis dans la mémoire collective, de « sous les pavés, la plages » au célèbre « Soyez réaliste, demandez l’impossible » [i]. C’est dans la Sorbonne occupée que le chanteur Renaud écrit sa première chanson. Mais au-delà de cette liberté, et même de ce pseudo libertanisme, il y avait aussi une crise, une crise à trois étages, culturelle, universitaire, et sociale. Culturelle car les codes établis étaient devenus obsolètes, universitaire car le mandarinat et la sélection l’étaient aussi, sociale, car l’action des ouvriers y a trouvé le débouché d’acquis sociaux. Ce ne fut qu’une courte - mais sévère - crise politique, le pouvoir étant conforté après la dissolution de l’assemblée du 30 mai et la majorité absolue donnée par les urnes au pouvoir Gaulliste. Aujourd’hui, nous pouvons évaluer le quatrième étage, sans doute le plus profond, en tous cas le plus long à mesurer : La crise générationnelle. 68 fut une succession de petits faits sur un lit de braises. Révélée le 8 janvier 1968, par la manifestation de quelques étudiants de l’université Nanterre criant au ministre François Missoffe venu inaugurer la piscine du campus « Vous inaugurez une piscine, mais que faites-vous pour les problèmes sexuels de la jeunesse ? », puis le 7 février à la suite d’une répression policière d’une manifestation contre la guerre du Vietnam, et déclenché le 22 mars, par l’occupation, toute une nuit, de la tour administrative du campus de Nanterre. S’il ne reste que des souvenirs des nuits des barricades, ce mouvement, fut à l’occasion d’une jonction inédite entre le mouvement des étudiants et les ouvriers donnant les grandes grèves et les accords de Grenelle du 27 mai sur l’augmentation des salaires, la réduction des horaires et l’abaissement de l’âge de la retraite. Même contredit par les urnes ce mouvement, qui n’a pas eu d’équivalent, a aussi été marqué, dans tous les milieux, par une prise de pouvoir de la jeunesse, rejetant les normes d’une société et ses modèles d’éducation. C’était donc aussi une crise de génération. Bien-sûr, celle-ci avait éclaté avant les évènements, mais nous ne pouvions en prendre la mesure qu’au terme d’un cycle. Et, c’est bien quand une génération prend le relais que ce temps s’accomplit. Et ce sont les femmes, ces filles de mai, présentent dans les manifs mais oubliées comme porte-paroles, qui révèlent la portée, le poids et les bienfaits de cette crise qui a appelée une classe d’âge la « génération de mai 1968 ».
Ce sont donc ces femmes, ces filles de mai dont la vie va être bouleversée par l’évolution des mœurs et des mentalités qui a précédé et va suivre mai 68 qui nous intéressent. Celles qui ont été en avant, féministes, écrivains, mais aussi les anonymes et toutes celles qui sont restées en dehors du mouvement. C’est avec elles que nous allons essayer de retracer ces quarante ans, cet espace de temps qui nous sépare aujourd’hui du moi de mai 1968, à Paris, rue Gay Lussac ou boulevard Saint-Germain.
Le 6 mai 1968, des heurts violents entre étudiants et policiers font 900 blessés - 600 étudiants et plus de 300 policiers - b au quartier latin, à Paris... Dans la nuit du 10 mai, c’est une nuit d’émeute, avec plus de soixante barricades et une charge violente des CRS vers deux heures du matin qui fera plus de mille blessés des deux cotés. Heureusement, et malgré le nombre de blessés, aucun mort ne sera à déplorer. Le pouvoir vacille, le monde s’inquiète, le 15 mai, après la Sorbonne, le théâtre de l’Odéon est occupé, en même temps que l’usine Renault de Cléon. Curieux mois de mai ! En quelques années, et sans rappeler mai 1981, le vingtième siècle a en effet connu de nombreux mois de mai marquants. Le 4 mai 1924 Hitler les nationaux-allemands font une poussée remarquée aux élections du Reichstag. Il sera élu le 30 janvier 1933. Le 5 mai 1930, Gandhi est arrêté en Inde par les Anglais. Le 11 mai 1931, la crise économique touche l’Europe avec la faillite du Kreditbank à Vienne. Le 3 mai 1936, le Front Populaire gagne les élections législatives en France. Le 14 mai 1940 l’armée Allemande passe Sedan. Le 15 mai 1943, constitution du Conseil National de la résistance française, De gaulle quitte Londres pour Alger. Le 8 mai 1945 le IIIe Reich capitule sans condition à Reims, puis à Berlin. Le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël est proclamé. Le 9 mai 1950 Robert Schumann, ministre français des affaires étrangère, lance la communauté européenne par l’idée d’un « pool charbon-acier ». Le 17 mai 1954, la Cour suprême des Etats Unis déclare inconstitutionnelle la discrimination raciale dans les écoles. Le 14 mai 1955 le pacte de Varsovie d’assistance mutuelle est signé entre l’URSS et les républiques populaires, à l’exception de la Yougoslavie. Le 28 mai 1957 le FLN massacre trois cents partisans de Messali Hadj à Mélouza, en Algérie. Le 13 mai 1958 Salan « prend en main les destinées de l’Algérie Française lors de l’insurrection d’Alger. Le 29, Coty fait appel à de Gaulle, qui sera investi des pleins pouvoirs. En mai 1961 une vague d’attentats OAS et FLN secoue l’Algérie. Mai 1962, début de l’exode des Français d’Algérie. Le 25 mai 1963 la charte de l’unité africaine (OUA) est adoptée à Adis Abeba. Le 18 mai 1967 les troupes sud-vietnamiennes et américaines pénètrent dans la zone démilitarisée séparant les deux Vietnam. Le 1er mai 1970 Nixon intervient au Cambodge et reprend le 3 les bombardements sur le Nord Vietnam. Le 9, 100 000 étudiants manifestent à Washington contre l’intervention au Cambodge. Le 9 mai 1972 Nixon ordonne le blocus total du Vietnam du Nord et mine ses ports. Le 17 mai 1973, le Sénat américain ouvre une enquête sur le scandale du Watergate.
Les méprises de mai 68
Aujourd’hui Mai 68 continue à alimenter des débats - nous l’avons vu lors d’un épisode de la dernière élection présidentielle - et à provoquer autant d’interrogations, et de questions quarante ans après. Est-il possible de tourner la page de 68 comme nous y invitait Nicolas Sarkozy il y a quelques mois, en campagne ? Sa concurrente socialiste pouvait-elle lui répondre que ce qui avait eu lieu il y a quarante ans ne comptait plus aujourd’hui ? Ou sommes- nous toutes et tous des enfants de 68 ? Ou les victimes d’une génération égoïste et névrosée ? Quelle est la réalité ou le cliché du péjoratif « soixante-huitard » ? Les idéaux de 68 restent-t-il à défendre aujourd’hui ? Lesquels, où, par qui et comment ? Ces différentes questions ont plus d’une fois été posées, sans que jamais il ne soit donné de réponse irréfutable, consensuelle ou durable.
Notre prétention n’est pas de faire le bilan de mai 1968, quarante ans après, mais d’écouter la parole de ceux et surtout de celles qui l’on vécu et d’approcher certaines permanences historiques. Cela pour tenter de révéler les enjeux d’un mai 2008 bien différent. Car il faudrait d’abord considérer que la société a changé depuis quarante ans, de façon de plus en plus accélérée, et que, en 68, elle avait déjà considérablement changé par rapport aux quarante dernières années, c’est-à-dire 1928 ! Il faut aussi être prudent avec l’histoire contemporaine, car avons-nous suffisamment de recul par rapport aux années 60 ? Nous arrivons juste à avoir des débats dépassionnés sur 1936, qui fut un bouleversement plus grand que 68, et nous avions même encore des débats passionnés sur la Révolution française, à l’occasion de son bicentenaire, en 1989. Alors, quarante ans, c’est à la fois loin et très proche et la mémoire vivante se porte bien. Les enfants des baby-boomer ayant fait des enfants plus tard que leurs parents, on ne peut pas dire que 40 ans, c’est deux générations. Retenons juste que c’est une génération et demi et que cela peut donc devenir un sujet de transmission entre les générations. D’autant plus que celles et ceux qui avaient vingt ans en 1968 arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite et même de la grand-parentalité. A eux aussi de se dégager d’accusations, de dénégations, ou de mythes. A eux aussi de se saisir de ce sujet si actuel, en profitant du fait que le débat n’a jamais autant tourné autour de ces Baby-boomers nés à partir de 1946 et qui deviennent mamy boomeuses et papy boomers.
Quelles qu’aient été les proclamations d’hier, on le sait, cette révolution fut surtout une révolution culturelle. Elle eu une influence réelle et forte sur les modes d’éducation, et surtout sur la condition des femmes. Le mouvement social qui la accompagné fut aussi pour la seconde fois au cours du vingtième siècle, après 1936, la démonstration que un mouvement, des grèves, peuvent changer le cours de la condition concrète des salariés et des ouvriers. En cela les « accords de Grenelle » que l’on a connus à la fois en 36 mais aussi en 68, en sont une illustration. Cette possibilité d’agir et d’obtenir des résultats collectivement s’est conjuguée avec le droit à l’autonomie pour les individus. Ce droit à l’autonomie a été décliné tout au long des années 70, notamment avec les métamorphoses de la famille, l’acceptation du célibat, des familles monoparentales, et bien-sûr la généralisation des divorces après 1975.
Mais cette autonomie qui était une revendication forte des étudiants de 68, cette liberté de créer et de produire sa propre individualité s’est heurtée dès 1973, plus sévèrement en 1979 puis en 1993, à la crise économique, au chômage et à la montée des solitudes et de l’exclusion.
La brise de 68
Il est important de comprendre à la fois ce qui a changé et ce qui n’a pas changé depuis 1968. Nous pourrions nous demander si les conditions sociales et économiques sont pas au moins aussi favorable qu’à l’époque à une insurrection, et si d’autre part, le système éducatif mis en cause il y a quarante ans, n’est pas aujourd’hui, encore plus en question. Mais la grande différence avec 1968 est peut-être l’harmonie qui existe aujourd’hui entre les générations. Hier, il s’agissait véritablement de s’affronter à des rigidités incarnées par d’autres générations, à commencer par les parents, le professeur et toutes autorités. Aujourd’hui il ne s’agit plus de cela. Il ne s’agit plus non plus de s’engager dans une idéologie totale, d’inspiration maoïste ou autre, mais de réagir par rapport à des questions précises sur lesquelles peuvent se greffer des mouvements collectifs. Ces débats sont d’autant plus importants que nous entrons dans une période ou des réformes qui ont été engagées ou reportées devront être mises en œuvre. La réforme de l’Etat providence pourra-t-elle ignorer le fait que cette génération dite « de 68 » en réalité, les baby-boomers, vont être demain les générations du grand âge et qu’elles auront besoin, alors, du soutien de la collectivité, parce que elle sont aussi les générations qui ont fait le moins d’enfants, et qui aura donc le moins d’aidants familiaux ?
Il y a donc un certain nombre de questions d’actualité, et même des questions majeures, que nous devront traiter à partir d’une culture qui s’est exprimée au cours des années 60 et qui arrive au bout d’un cycle. Quel pourrait être aujourd’hui une nouvelle donne ? C’est aussi une autre question que nous posons dans cet article. En tentant de comprendre l’actualité de l’esprit de mai, notre réflexion nous invite à repenser la place de l’enfant dans la famille, l’école et la société, à retrouver l’esprit original des lumières tel que Condorcet l’exprimait, et donc à mettre en œuvre une éducation tout au long de la vie, facilitée aujourd’hui par les nouvelles technologies de la communication. Mais le souvenir des luttes passées ne peux faire l’économie d’une réflexion sur l’individu dans la société et donc de la démocratie susceptible de libérer les initiatives, de créer du lien social et des richesses nouvelles.
Quarante ans après 1968, atteignant les limites de la société de consommation mondialisée, l’homme peut-il s’abstraire de son prochain et de environnement ? Non. C’est alors que l’on prend conscience de la permanence et de la pertinence de l’esprit de révolte, intemporel et impérieux par delà les générations successives. Sans entrer dans les différentes « chapelles » des maoïstes, des trotskystes, des surréalistes, de la gauche prolétarienne ou des communistes, combien étaient-ils, ces étudiants révolutionnaires de 1968 ? Combien sont-ils aujourd’hui ? Et combien le revendiquent-ils ? Qui sont-ils ? Quels sont les points communs de leurs parcours depuis quarante ans ? De leurs engagements. Y-a-t-il d’ailleurs d’autres points communs que cette jeunesse partagée ? Certains étaient ou son devenus célèbres, comme Daniel Cohn-Bendit, député vert européen, Bernard Kouchner, ministre ou Serge July, ancien patron de Libération. Certaines figures emblématiques de l’époque, comme Alain Geismar, se sont tournés vers l’éducation. D’autres se sont révélés dans le domaine artistique, comme le peintre Gérard Fromanger. Il ya aussi des intellectuels, compagnons de route de Sartre, Foucault ou Deleuze. Si nous nous limitions aux personnalités « visibles », comment ne pas retenir un point commun : la modernité ? Un peu comme si le désir de changer le monde et les pratique, de rechercher une certaine vérité ne les avait jamais quittés, quitte à assumer, de façon pragmatique, et pour certains, des contradictions, qui sont en fait des expériences et des tentatives. Si je prends le cas de mon ami Gérard Fromanger, je retiendrai aussi une maturité dynamique, toujours partante pour faire bouger les lignes.
On retrouve aussi l’esprit de mai dans le courant altermondialiste, en France, comme partout dans le monde. Les congressistes de Porto Allègre trouvent dans la dénonciation des échanges commerciaux internationaux qui dominent par la dette et ses intérêts les pays les moins avancés, pillent leurs richesses minières et agricoles sans leur offrir l’autosuffisance alimentaire et la dignité une voie qui fait écho aux écrits de mai 68, comme chez tous les militants anti-guerre du Vietnam dans le monde. Les théorie du « village-monde », cette engagement dans l’internationalisme, avant que la mondialisation ne se réalise par la monnaie et l’économie, puis par l’accélération des rythmes des échanges, donne, d’une certaine façon, raison à la parole de 68, même si la plupart de ses références idéologiques ont été démenties par les faits, que ce soit en Chine, en Union Soviétique, et aussi à Cuba. Mais, après tout, les revanches du peuple Chilien, la démocratie portugaise et espagnole, et, en France, l’alternance de mai 1981, ne donnent-elles pas raison à ceux qui pensent que le monde peut et doit être changé. Alors, bien-sûr, le temps se charge de distinguer le grain de l’ivraie. Qu’est devenu, en 2008, l’esprit du mouvement Solidarité de la Pologne des années 80 ? Que sont devenus les idéaux de la gauche française des années 70 et les premières années du pouvoir socialiste fasse aux contraintes de la rigueur économique de 1983 ? Et le pragmatisme Rocardien des années 90 ? Et l’équilibre cher à Lionel Jospin à la fin des années 90 ? Des réformes considérables, comme le RMI ou les 35 heures ont été réalisées, non sans débats persistants, mais jamais le PS n’a su levé l’ambigüité ancestrale qui l’accompagne depuis 1905 : Accepter ou non l’économie de marché, agir national ou penser mondial. Jugés « hors du coup » en 68, Mitterrand et Mendès France ont perçu le décalage qui existait entre des jeunes idéalistes et leur expérience du pouvoir comme leur pratique de la politique. Nous pourrions tout de même nous demandé si celles et ceux qui ont été les contemporains de 1968, on eu une expérience militante minoritaire, au PSU ou chez les trotskystes l’OCI, et on rejoint le PS dans les années 70, comme Jospin et Rocard notamment, n’ont pas gardé cette méthode et souvent cette force d’engagement combinée avec la volonté d’agir vrai avec pédagogie et lucidité, que l’on retrouve chez de nombreux ex-68. Ces engagements ne sont pas sans dérives, avec la déprime de nombreux jeunes, et l’agissement terroriste d’une minorité, notamment dans les groupuscules violents d’extrême gauche allemands ou italiens. A à un autre niveau est à partir de 68, aussi, alors même que les principaux leaders de 68 étaient juifs, que le glissement de certains engagements pour le peuple palestinien vers un antisionisme avec des dérives antisémites qui font toujours débat aujourd’hui. Mais dans sa profondeur, ce mouvement apparait surtout comme généreux. Généreux pour les plus faibles, contre le racisme, pour les peuples opprimés, pour la libération de la femme, les droits de l’enfant, la justice sociale et la liberté d’expression. Il y a sans doute eu beaucoup de temps et de salive perdus dans ces assemblées générales où chacun s’exprimait librement, mais, avec le recul, et à part le Front populaire de l’été 1936, cette utopie mobilisatrice n’a pas eu son égal, au point de devenir désormais un rituel dans tout cursus étudiant..
En repensant à eux, à leur génération, à leurs rêves passés, leur bilan et la justification de leurs politiques, il me vient en tête ce vers du poète René Char : « La lucidité est une blessure proche du soleil ». Ce faisant, nous n’expliqueront jamais pourquoi certains sont morts à 30 ans, morts mentalement ou physiquement, ces filles et ces garçons qui n’ont pu trouver leur unité personnelle, des raisons de survivre à la force de ce qui avait façonné leur adolescence et leur avait laissé croire que l’on pouvait changer la vie adulte. On ne peut résumer l’esprit de mai 68 à la France. Ce mouvement se voulait d’ailleurs plus large que les clivages sociaux, mais aussi plus large que toutes les frontières et tous les continents. A ce titre, l’expulsion de Daniel Cohn Bendit, n’a pu de rajouter au mythe de ce combat. Le slogan « Nous sommes tous des juifs Allemands » est en lui-même une alliance des temps et des causes. En 1968 Israël était un pays rescapé de la guerre des six jours, dirigé par Ben Gourion et Golda Meir, qui forçait l’admiration. On était loin de septembre noir et du massacre des palestiniens en Jordanie, des camps de réfugiés, et du relais de la cause palestinienne par une extrême gauche anti-israélienne. Mais ce mouvement a-t-il été aussi cohérent que l’on a pu le dire ?, Violement anti capitaliste, mais aussi anti raciste, anti xénophobe. Si l’esprit des barricades avait un peu l’esprit de la solidarité des tranchées, de l’union des résistants, des fronts communs qui transcendent les différences, c’était surtout par son aspect joyeux, et non en conscience. Car ce bouillonnement des années 60, ne se limitait pas à la France. On trouve notamment une profonde volonté de rupture chez les anglo-saxons, les américains confrontés au Vietnam bien sûr, mais aussi au racisme, aux outrances de la société de consommation et aux hypocrisies du puritanisme. Mais aussi, de l’autre coté de la manche, les britanniques en lutte contre une société figée jusqu’à la caricature.
Les témoignages de celles et ceux qui « ont fait 68 », ou qui ont été sympathisants du mouvement, m’invitent à corriger les clichés et à bannir les généralisations. Combien de fois a-ton pu lire cette question « Les soixante-huitards étaient-ils des d’authentiques révoltés ou bien des étudiants bourgeois d’abord préoccupés par leur égocentrisme ? Comment peut-on considérer que « jouir » est un programme ? S’ils ne sont pas partis cultiver des champs et élever des moutons dans le Larzac ou dans le Tarn, leur procès s’attarde aussi sur leurs reniements, sur ce qu’ils sont devenus dans la société, cadres, PDG, hommes d’affaires... Dès lors, une autre question est posée : N’y avait-il pas aussi un trait commun entre les années 80, années frics ou la réussite matérielle était l’essentiel, et l’esprit de 68 ? N’était-ce pas les mêmes ? Dès lors, la caricature d’enfants gâtés, de je-sais-tout faussement décontractés, alternant libéralisme et sectarisme, surfant sur les modes intellectuelles et ayant renoncé à changer une société, qu’après tout, ils trouvaient confortable, s’est imposée. Le « Nous » pouvait se diluer dans le « Moi je », et des repères fondamentaux disparaitre dans l’éducation, dans le couple, bref dans la cellule de base de la société. Avec 68 seraient apparus les intellectuels précaires, les célibataires endurcis, et les bourgeois bohèmes... A-t-on oublié de revisité aussi les autres socio-types, comme ceux des jeunes bourgeois de « Neuilly-Auteuil-Passy » avec leurs certitudes et leurs fréquentations tranchées, mais aussi le français moyen, râleur et tenté par le racisme et la xénophobie... Non, la société des individus laisse aujourd’hui à chacun la liberté de construire son propre personnage, une personnalité que la vie se charge aussi de sculpter. On ne peut dissocier un espace de temps de plus de dix ans - c’est aussi la durée de validité d’une carte d’identité - des cycles de vie et des marqueurs de vie. On ne peut abstraire de l’évolution d’une personne les changements intervenus dans sa vie et dans ses vies, vie personnelle, vie professionnelle, vie familiale. Son environnement quotidien l’influence, logement, cadre urbain, et même les nouvelles technologies comme le téléphone portable et Internet, ou le mode de transport choisi, individuel ou collectif, voiture, moto ou vélo. Le régime alimentaire aussi compte, tout comme l’assimilation de codes culturels, l’impact des voyages, des lectures, du cinéma ou de la télévision. Mais c’est surtout dans son rapport à l’autre, à ses parents, à son ou sa conjoint(e), à ses amis et bien-sûr à ses enfants, qui guident dans l’existence, que cette sculpture intime va prendre progressivement sa forme. Alors oui, il faut bien dépasser sa jeunesse et même ses références de jeunesse pour simplement vivre.
On a aussi mis sur le dos de 68 la métamorphose de l’autorité, désormais partagée et acceptée, ou refusée. Mais il serait trop facile de mettre au débit de 68 le déclin des usages, de la politesse et du savoir-vivre. Mais là encore, il y a concordance des temps, et la tolérance plus grande pour des comportements plus libre, a été constatée dans tous les pays. Mais, parce qu’elle était aussi au cœur de l’esprit de 68, nous ne pouvons échapper à une question de fond. L’autorité est-elle une nécessité ? Et est-elle d’abord une question de modèle, de conception de l’image de soi et de respect des autres ? Il est vrai que cette question a plus fait l’objet de slogans « Il est interdit d’interdire » que de débats dans les amphithéâtres... et le rejet de l’uniforme synonyme de service militaire obligatoire, a entrainé avec lui le rejet de tout autoritarisme, sans que la notion d’autorité soir redéfinie.
Dépassons tous ces clichés pour retenir un acquis de ces années 60 et 70 : Le droit à l’impertinence, et son corollaire, la vraie liberté de la presse et des ondes par rapport au pouvoir politique. Mis en musique par l’Atelier des Beaux Arts, qui fut tout à fois un atelier de création de mots, un laboratoire d’art contemporain, un ferment de cultures urbaine, donnant la parole aux murs par le pochoir ou l’affiche, avec des pictogrammes et des slogans qui ont traversés les années. Ce droit à l’impertinence a en fait remis à jour une vieille tradition française du « portrait à charge ». Charlie Hebdo ou Hara Kiri ont eu leur publicité faite par les procès et le saisies périodiques de leurs numéros comme celui sur la mort du Général de Gaulle en 1970 : « Bal tragique à Colombey : 1 mort » Si le Canard Enchainé, journal de tranché créé en 1915, n’a jamais abandonné le terrain de l’indépendance, de la liberté de ton, de l’enquête et de l’humour, si son alter-égo anarchiste de droite « Le Crapouillot » a lui-aussi sorti des dossiers explosifs, l’esprit de mai a renouvelé l’expression libre et créative. La « figuration narrative », courant d’art contemporain mélangeant la photo, le dessin, la peinture et l’art urbain, lui doit beaucoup, comme la vague des journaux de lycées, les Fanzines, ou la nouvelle vague de la bande dessinée. Mais l’esprit de mai a aussi été rapidement récupéré par la publicité commerciale moderne. Combien d’ex-68 ont été recrutés dans les teams créatifs d’agences, comme photographes ou comme commerciaux ? Et combien les dirigent aujourd’hui ? Les codes de mai 68 sont restés ceux d’une génération qui a aussi créé ses propres codes de communication et de consommation, jusqu’à en faire la marque d’une époque. Aujourd’hui, la question est plutôt de savoir si il y a eu ou non overdose...
D’ailleurs, curieusement, cet espace temps 1968-2008, est celui de l’explosion de la consommation de masse, des hypermarchés, de la voiture, de l’équipement des foyers. A titre d’exemple, c’est aussi le temps qu’il a fallut à McDonald’s pour conquérir le monde. En 1967, Ray Kroc, qui avait racheté l’enseigne aux frères McDonald’s en 1955 avait 1000 restaurants aux Etats Unis. Il en a près de 32 000 aujourd’hui dans le monde, dont 13 774 aux Etats Unis.
Individus, couples, enfants et générations
Seule une minorité de femmes ont participé aux évènements du quartier Latin, mais toutes ont vue leur vie changer en quarante ans.[ii][iii] Oubliée l’époque du film « Diabolo menthe » avec les écoles pour filles séparées des garçons, les avortements à l’étranger, les mariages obligatoires, les études courtes et l’astreinte à la maison pour élever une famille nombreuse. Ce n’est qu’en 1965 qu’une femme a eu le droit de travailler sans l’autorisation de son mari, et d’ouvrir seule un compte en banque. Ce n’est qu’en 1967 que la contraception a été légalisée, avant l’avortement, en 1975. Le divorce par consentement mutuel date, aussi de 1975. Plus encore que la maitrise du corps et la libéralisation des mœurs, c’est un renversement de valeurs qui s’est opéré. Ce n’est plus le couple mais l’enfant qui structure la famille, et ce ne sont plus les normes mais la qualité des liens qui la fédère. Le fait d’être ensemble tout en étant soi-même, de bouleverser les calendriers de vie, en quittant plus tard le domicile parental et en faisant des enfants plus tard, l’allongement de l’espérance de vie, de 15 années depuis 1950, ont modifié aussi les pyramides familiales en créant la « famille verticale » en référence à la tour que représentent davantage de générations, avec moins d’enfants à chaque étage...
La forte reprise de la natalité après la guerre (baby-boom) avait été obtenue avec le recul de la mortalité infantile, la baisse régulière et lente de la mortalité générale grâce aux progrès médicaux et à la hausse des niveaux de vie et une forte immigration .Depuis, notre population vieillit et notre croissance démographique lente ne permet pas le renouvellement des générations. En effet, si la France connait depuis deux ans un taux de. natalité élevé (voir en annexe le bilan publié par l’INSEE en janvier 2008) depuis la fin des années 60, les statistiques de tous les pays occidentaux ont accusé une baisse de la nuptialité et de la natalité et une hausse des divorces surtout demandés par les femmes. En France, le seuil de natalité a été l’année 1974 Mais si elles ne sont plus contraintes au mariage comme leurs mères, on observe aussi que plus le niveau d’éducation des femmes s’élève, moins elles se marient et plus elles divorcent. Il s’agit cependant moins d’un rejet du mariage que des relations d’inégalité à l’intérieur du couple, en particulier la charge exclusive des tâches domestiques. C’est ainsi que l’union libre et de la famille monoparentale se sont banalisés, tout comme la recherche d’une vie amoureuse y compris ailleurs que dans l’hétérosexualité En comparant les recensements de la population de 1968 et 1999, sur un nombre de ménages passant de 15,8 à 23, 8 millions, le pourcentage de femmes seules est passé de 13,8 % à 18,5%, de familles monoparentales de 2,9% à 7,4 % , de couples sans enfant de 21,1% à 24,8% alors que le nombre de couples avec enfant passait de 36 % à 31,5 %.
C’est ainsi que, comme sociologue, j’ai proposé une étude sur les « filles de mai ». Avec le soutien de l’association « Fête des Grands-mères », et dans la perspective de la fête du 2 mars prochain, DRS Dialogues et Relations Sociales a donc lancé il y a deux mois, sous ma direction une enquête sociologique sur le Thème « Ces filles de mai 1968 qui sont grands-mères aujourd’hui ». Cette enquête, dont le terrain s’achèvera dans les prochaines semaines, et sera rendue publique début février.
Quelle est sa problématique ? Comment les filles de 68, les avant-gardistes, les anticonformistes, vivent-elles aujourd’hui le fait d’être grands-mères ? A l’image d’une Jane Birkin, qui se dit ‘mère, grand mère et adolescente’, ces femmes qui ont vécu leur jeunesse dans les années 60, réinventent l’art et la manière d’être grand-mère. Entre souvenirs de révoltes, d’innovations et de conformisme revisité, un sujet vivant, à la veille du 40ème anniversaire de mai 68 Notre premier sujet de recherche portent donc sur le regard de ces jeunes grand-mères sur leur histoire, leur vieillissement et la façon dont elles vivent leur statut de grand-mère.
Sont-elles devenues des " grands mères innovatrices " ? Cette expression suggère qu’elles ne sont pas passives mais actives, dans leur relation avec leurs petits enfants. Quels types de relations veulent établir avec leurs petits-enfants ? En quoi ces relations sont-elles marquées par leur passé‘soixante-huitard et par les transformations de la société et de la famille qui ont marqué leur jeunesse ? Que veulent-elles transmettre de leur histoire ? Se comporte-t-elles de la même façon avec les petites filles et avec les petits-fils ? Ont-elles le sentiment d’avoir contribué et réussi à changer les rapports homme/femme, les rapports parents/enfants, grands-parents/petits-enfants ? En quoi la figure de la grand-mère qu’elles incarnent peut-elle être héritière de 68, ou en réaction à 68 ?
Notre deuxième sujet de recherche porte sur le décryptage de cet héritage de 68 dans le lien privilégié que la grand-mère noue avec un petits-enfants. Ces deux angles nous permettront de faire un portrait vivant de ces ex "filles de mai" devenues Grands Mères., dans la diversité de leurs origines et de leurs styles. Nous n’interrogerons pas que des femmes ayant été sur les barricades. C’est toute une génération qui nous interéresse, celle des femmes ayant vécu leur jeunesse dans les années 60 , qu’elles aient été dans ou en dehors du mouvement de cette époque. Il s’agissait d’étudiantes ou de jeunes travailleuses, elles étaient lycéennes ou en apprentissage, révoltées ou traditionnelles, parisiennes ou provinciales, vivant en communauté ou dans le conformisme bourgeois, créatives ou passives... etc... Ces portraits donneront lieu aussi à un livre, publié aux éditions Jacob-Duvernet
Il sera donc intéressant de consacrer ce focus à ces différentes « filles de mai devenues grands-mères » à l’occasion de la fête des grands-mères 2008, avec un échantillon significatif, et un questionnaire ouvert portant à la fois sur l’expression libre de leur personnalité, mais aussi sur l’approche de la vie qui est la leur à leur âge et dans le temps de leur grand-parentalité, la projection qu’elles font de leur avenir et ce qu’elles aimeraient transmettre à leurs petits enfants, avec des relances sur l’éthique, la nourriture, le savoir-vivre, les valeurs, etc... En croisant avec quelques parents, et à partir des nombreux travaux que nous avons déjà réalisés et publiés, nous pourrions tracer un portrait solide de ces "générations actives" de grands mères innovantes et vigilantes.
En effet, ces femmes du Baby boom, nées après 1946, celles qui ont eu 20 ans en 1968, sont nombreuses, ce sont aussi elles qui ont fait le moins d’enfants. Certaines ont considéré la grossesse comme une animalité, d’autres ont élevé leur enfant comme une personne adulte, la plupart ont privilégié leur vie professionnelle à leur vie familiale, et plus d’une sur deux ont divorcé. Alors que leurs enfants refont des enfants,[iv] elles deviennent de plus en plus, et à leur tour, grands-mères. Nous avons voulu comprendre comment elles vivent ce nouveau rôle, et quel bilan elles faisaient de mai 1968 Ce bilan n’est pas toujours celui que l’on pourrait penser. Ainsi, pour Dominique, une femme de 60 ans, qui était étudiante en Sociologie à la Sorbonne, chez les prochinois et sur les barricades, mai 68 a brouillé les repères et affaibli l’autorité parentale. « Parce que j’estime que j’ai complètement échoué dans l’éducation de mes enfants et, sans doute, que le « Fais ce qu’il te plait » ce n’est pas forcément un bon truc pour élever des gosses, comme « il est interdit d’interdire ». Les liens ne sont pas distendus avec ses fils, le problème est ailleurs. « Je ne leur ai pas donné ce qu’il fallait pour se positionner dans l’existence. Ils sont assez ‘anars’ et inadaptés à la cruauté du monde actuel ». En même temps, qu’en retire-t-elle ? C’était une période formidable, quelque chose de très joyeux. C’est l’impression forte, même si je suis très critique sur la naïveté et les dégâts qu’ont fait cette pensée » Elle pense avoir été mère trop jeune. Depuis, quelques années, elle apprécie son nouveau rôle de grand-mère, avec ses deux petites filles « Je me souviens des premières vacances que j’ai passées avec elles, elles avaient un an et demi et trois ans et demi. Je n’ai rien trouvé de mieux que de les emmener en Sicile, dans une ile qui était un caillou. Il y avait une chaleur monstrueuse. C’était aberrant. Je trouve que les parents étaient très courageux de me les avoirs confiés ».... Comme l’écrit Luce, une autre fille de mai « La marmite explose parfois, mais sans trop de dégâts (...) Et là, magique, une voix dit : On réfléchit. On se souvient. Et c’est pas triste ! » (3)
La sortie de l’étude est prévue en février, et celle du livre « Ces jolies filles de mai, enquête sur une génération pas comme les autres », (Editions Jacob Duvernet) en avril 2008. Ce livre est d’abord le portrait d’une génération de femmes, mais il va plus loin et n’élude pas le débat lancé par Nicolas Sarkozy. « Je vous invite à tourner la page de mai 68 ». Avril 2007 : En pleine campagne électorale, le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle lance ce défi en meeting. Mai 2008 : Quarante ans après, cette page est-elle vraiment tournée ? Quelle a été et quelle est aujourd’hui encore l’influence ou les conséquences de ce mouvement sur la société contemporaine ? Faisant le bilan des changements intervenus depuis quarante ans dans la famille et le travail notamment, ce livre révèle les nouveaux défis de cette génération de 68, les babyboomers aujourd’hui mamy et papy boomers. Mais il va plus loin, et démontre que l’esprit de révolte n’a jamais disparu de la culture Française, et qu’il est même devenu un rite d’insertion nécessaire pour sa jeunesse. Au-delà, cet essai s’interroge sur l’état de la démocratie française, du dialogue entre les générations, sur l’art et la manière d’être grand-mères de ces jolies filles de mai 68... Comme le dit si bien l’actrice Charlotte Rampling, « Je ne pense jamais à mon âge, je pense à ma vie »[v](5)
Eric Donfu
20 janvier 2008
[i]1°) Quelques slogans de mai 68 :
- Il est interdit d’interdire - Dessous les pavés, c’est la plage ! - Soyez réalistes, demandez l’impossible ! - Désirer la réalité, c’est bien ! Réaliser ses désirs, c’est mieux ! - La chienlit, c’est lui ! L’anarchie, c’est je ! - Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs.. - Ici, on spontane. - Le rêve est réalité - L’imagination prend le pouvoir. - Ne vous emmerdez plus ! Emmerdez les autres ! - Le mandarin est en vous - J’ai quelque chose à dire, mais je ne sais pas quoi. - Ouvrons les portes des asiles, des prisons et autres facultés. - Nous sommes des rats (peut-être) et nous mordons les enragés. - Une révolution qui demande que l’on se sacrifie pour elle est une révolution à papaIl
n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les
révolutionnaires. - En cas de mariage, ça fera des réveaulutionaires. - Les armes de la crique passent la critique des armes - J’emmerde la société et elle me le rend bien ! - Ne prenez plus l’ascenseur ! Prenez le pouvoir ! - Le respect se perd, n’allez pas le chercher - Contestation.
Mais con d’abord. (Escalier C, Nanterre) - Dieu, je vous soupçonne
d’être un intellectuel de gauche. (Condorcet) - Penser ensemble, non.
Pousser ensemble, oui. (Assas) - Les murs ont des oreilles. Vos
oreilles ont des murs. (Sciences Po) - Mettez un flic sous votre
moteur. (Censier) - Jouissez sans entraves. Vivez sans temps morts.
Baisez sans carottes. (Ascenseur, Cité U. Nanterre) - La liberté, c’est
le droit au silence. (Censier) - Ne vous emmerdez plus ! Emmerdez les
autres ! (Hall C, Nanterre) - Participez au balayage. Il n’y a pas de
bonnes ici. (Beaux-Arts) - La liberté n’est pas un bien que nous
possédions. Elle est un bien que l’on nous a empêché d’acquérir à
l’aide des lois, des règlements, des préjugés, ignorance... (Nanterre)
- Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. (Proverbe
chinois, Conservatoire de Musique) - Ô gentils messieurs de la
politique, vous abritez derrière vos regards vitreux un monde en voie
de destruction. Criez, criez, on ne saura jamais que vous avez été
castrés. (Galerie Lettres, Sorbonne) - Concours du prof le plus bête.
Osez donc signer les sujets d’examens. (Sorbonne) - Ne vous emmerdez
plus, merdifiez. (Censier) -Autrefois, nous n’avions que le pavot.
Aujourd’hui, le pavé. (Nanterre) - Vous finirez tous par crever du
confort. (Nanterre) - La forêt précède l’homme, le désert le suit.
(Sorbonne) - Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront
pas la venue du printemps. ( ?) - Le n’importe quoi érigé en système.
(Nanterre) - Je suis marxiste, tendance Groucho. (Nanterre) - Le
respect se perd, n’allez-pas le rechercher. (Condorcet) - Déboutonnez
votre cerveau aussi souvent que votre braguette. (Odéon) - A bas le
réalisme socialiste. Vive le surréalisme. (Condorcet) Laissons la peur
du rouge aux bêtes à cornes. (Beaux-Arts) - La Beautée est dans la rue
(Beaux-Arts, Toulouse)
[ii] 2°) Rappel des acquis obtenus par les femmes depuis la Libération :
1944 : Ordonnance du Conseil National de la résistance su 21 avril signée par le Général de Gaulle et
Donnant aux femmes le droit de vote et d’être élues.
1946 : Le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes est posé pour la première fois
Dans le préambule de la Constitution.
1965 : Le mari ne peut plus s’opposer à l’exercice de l’activité professionnelle des femmes.
1967 : Loi Neuwirth autorisant la contraception.
1970 : L’autorité parentale se substitue à l’autorité paternelle.
1975 : Loi Veil autorisant provisoirement l’interruption volontaire de grossesse.
: Instauration du divorce par consentement mutuel
1979 : Loi définitive sur l’interruption de grossesse.
1982 : Remboursement par la sécurité sociale de l’interruption volontaire de grossesse
1984 : Congé parental ouvert à chacun des parents salariés sans distinction de sexe.
1985 : Loi renforçant l’égalité des époux dans les gestions des biens de la famille
: Possibilité d’ajouter au nom de l’enfant le nom de l’autre parent (en général celui de la mère)
1991 : Loi autorisant, sous certaines conditions, la publicité pour les contraceptifs.
1999 : Révision de l’article 3 et 4 de la constitution portant égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
[iv] 3°) Bilan démographique 2007
L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a rendu public le 15 janvier 2008 son "Bilan démographique de l’année 2007". Il confirme la plupart des traits spécifiques déjà repérés depuis le début des années 2000.
La population de la France est estimé au 1er janvier 2008 à 63,753 millions d’habitants, soit 361 000 personnes de plus que l’année précédente (hausse de 0,6%). Cette augmentation est due d’abord à un solde naturel positif de 290 000 personnes (816 500 naissances contre 526 500 décès), le solde migratoire s’élevant quant à lui à 71 000 personnes (seulement un cinquième de l’accroissement total de la population). Cela n’empêche pas la poursuite du vieillissement (16,3% de plus de 65 dans la population contre 15,2 en 2000 et, surtout, augmentation de 9% en un an des 60-64 ans).
Le taux de fécondité français reste le plus élevé d’Europe avec celui de l’Irlande (198 enfants pour 100 femmes), mais cela s’accompagne d’importants changements sociétaux : les naissances hors mariages sont devenues majoritaires pour la première fois en 2007 (50,5%), l’âge moyen des mères est monté à 29,8 ans, le mariage continue de reculer alors que la progression du PACS se poursuit au rythme de 25% par an, l’espérance de vie a encore augmenté de 3 mois en un an.
[vi] 4°) Filles de mai. 68 mon mai à moi, Editions Le bord de l’eau. Bordeaux, 2004
5°) Psychologies magazine numéro 219, mai 2003
38 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON