Rapacités immobilières
Un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, à vos souhaits) met en lumière le peu de scrupules dont font preuve les professionnels de l’immobilier pour nous vendre des caves au prix du Ritz. On se disait, aussi...
Il roule en scooter, en Audi TT, a les cheveux gominés, toujours l’air pressé, le sourire engageant et pas trop de temps, beaucoup d’appartements à visiter, mais il a trouvé quelque chose qui correspond tout à fait à nos attentes. C’est l’agent immobilier, l’homme ou la femme providentiel(le), qui va nous dénicher un petit nid douillet grand comme il faut, agencé comme une cuisine Mobalpa, dans un quartier très prisé, qui nous permettra de nous épanouir professionnellement et intimement. Alors tant pis si quand on le voit il s’agit en fait d’un deux-pièces mal conçu, que la cuisine ressemble au local à poubelles, que l’ascenseur ne monte pas jusqu’au dernier étage ou qu’aucun placard ne se trouve dans la place. Tout est, sinon, exactement comme l’agent immobilier nous l’avait dit. Sauf le quartier, plutôt sale et inaccessible, sauf l’environnement, moche et gris. Mais l’agent immobilier ne ment pas, il fait ce qu’il peut. Vous savez, aujourd’hui, c’est difficile de trouver un produit comme celui que vous recherchez, dit-il. En plus avec parking, à moins de 900 euros par mois, franchement, il faut sortir de la ville.
Que voulez-vous ma bonne dame, à l’instar de la baguette de pain, l’immobilier flambe. Les loyers grimpent, le mètre carré semble doré à l’or fin, si l’on en croit le nombre de zéros derrière. Et en plus, il faut se farcir l’agent immobilier, cerise sur le gâteau déjà très lourd, qui vous reste sur l’estomac rien qu’à le voir, en plus il faut se taper le professionnel qui connaît les annonces par cœur, qui ne parle qu’en termes d’exclusivité, qui comprend très vite ce que vous voulez pour vous emmener aussi vite vers son contraire. Et les bonnes affaires ? Il y en a, mais elles partent vite. Les moyennes affaires, vous pouvez les visiter, mais il y a déjà quelqu’un dessus. Et les appartements franchement plus que moyens, alors là, pas de souci, quand vous voulez. Mais même pour ces derniers, il faut montrer patte blanche : gagner trois fois le loyer, obtenir une caution bancaire et, si ce sont les parents qui se portent caution, eux aussi doivent montrer patte blanche, avec les 18 dernières feuilles d’impôts, le détail des retraites, un arbre généalogique sur 120 générations, des empreintes digitales, une radio des poumons, le double des clés du coffre, le nom de votre animal de compagnie préféré, le tout en trois exemplaires, signez ici, ah comment vous n’avez pas les justificatifs, d’accord je peux vous le garder deux jours, mais pas plus, oui, j’ai un fax, bien sûr...
Tout cela ne repose sur rien de légal, sur rien d’obligatoire. Au nom de la protection des propriétaires, qui souhaitent encaisser chaque mois leur loyer, sans impayé, l’agent immobilier demande des garanties financières délirantes et à sa libre appréciation. Certains demandent trois fois le loyer en salaire net, d’autres deux fois, d’autres qu’une, d’autres rien du tout. Comme ils l’entendent, comme ils veulent. Ils parlent d’ « exclusivité », mais les annonces se retrouvent souvent dans plusieurs agences, parfois à des prix différents. Ils comptent les mètres carrés à la mord-moi-comme-je-te-pousse, à quelques-uns près. Ce n’est pas une vue de l’esprit ni même une charge revancharde, c’est dans le rapport remis par la DGCCRF, donc, qui signale que sur « 3 000 entreprises contrôlées, plus de 64 % ne respectaient pas la réglementation » et un peu plus loin que les agences immobilières décrochent le pompon : « Le taux infractionnel s’élève à 77,5 % : 830 agences sont en infraction sur les 1 070 contrôlées ». Un chiffre assourdissant : rien de moins que les trois-quarts du secteur ! Et vas-y que je te fais payer les frais de l’état des lieux au locataire, et vas-y que je démarche à qui mieux mieux, directement le particulier, pour lui proposer des prix soi-disant imbattables ! Tout, et n’importe quoi. Les syndics en prennent aussi pour leur grade, accusés de surfacturer et, même, les constructeurs de maisons individuelles sont pointés avec un « taux infractionnel » constaté de 74 % !
Et pendant ce temps, les ménages s’endettent ou, en tout cas, engloutissent une bonne partie de leurs revenus dans l’immobilier, « premier poste de dépense des Français », comme le souligne le rapport. Les jeunes achètent, de plus en plus. Aussi lourd de rembourser un prêt que de payer un loyer. C’est vrai dans la plupart des grandes villes. Alors qu’attend le président-gouvernant pour sévir ? A quand un Grenelle de l’immobilier ? A quand Sarko faisant la leçon aux employés du mois de Century 21 ? Lui qui n’a pas pu loger, faute de place, toute sa famille à l’Elysée... Mais au fait, comment se loge un agent immobilier ? Se facture-t-il des frais d’agence ? A quoi ça sert, au fait, les frais d’agence, c’est pour rembourser le diesel de l’Audi ou les bombonnes de la fontaine à eau ? Avez-vous déjà vu un agent immobilier donner l’impression d’avoir envie d’habiter le logement qu’il vous fait visiter ?
Il y a un temps, reculé, ou le
plombier cristallisait certaines haines : on l’appelait, il répondait,
puis se faisait attendre, attendre comme l’eau dans le désert. Mais les temps
ont changé et les professionnels de l’immobilier sont devenus, à force de
flagornerie, de mesquinerie et de duplicité les parfaits symboles d’une société
qui ruine. Charges comprises.
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