RATP : des métros, des bus, des fraises, des courgettes
C’est désormais une réalité : la RATP implante des « fermes maraîchères » sur les terrasses de ses locaux. Par cette initiative, l’entreprise de transport rejoint les « Parisculteurs » dont l’objectif est de transformer le plus grand nombre possible de toits de la capitale en lieux d’agriculture...
Un mot tout d’abord sur les Parisculteurs. Créé en 2016 à l’initiative de Pénélope Komitès, maire-adjointe de Paris en charge des Espaces verts, de la Nature et de la Biodiversité, ce collectif associatif présente une ambition délibérément mise au service de la qualité de l’environnement et de la reconquête des espaces urbains : « Avec “Parisculteurs” nous souhaitons promouvoir une agriculture tournée vers les consommateurs locaux et la transformation à courte distance des produits franciliens. Vitrine de la gastronomie et de la qualité des produits français, Paris dispose de nombreux atouts pour construire cette politique innovante et pour inventer de nouvelles réciprocités entre les urbains et les ruraux, de nouveaux liens avec les agriculteurs franciliens. »
Une idée qui, au-delà de la posture politique, fait concrètement son chemin : d’ores et déjà, des dizaines d’entreprises partenaires ont adhéré au projet, tant à Paris que dans la petite couronne, l’une des futures réalisations les plus étonnantes étant à mettre au compte de l’Opéra Bastille sur le toit duquel verra prochainement le jour une ferme maraîchère comportant notamment 200 pieds de houblon dont la production sera destinée aux brasseries parisiennes.
Lundi 10 juillet 2017. Ce jour-là, il y a affluence sur la terrasse de l’immeuble RATP de la place Lachambeaudie (Paris 12e) où la Régie possède un centre médical en bordure des voies de la SNCF, à quelques centaines de mètres à l’est de l’Accord Arena (ex-POPB). Sont notamment présentes Pénélope Komitès, déjà évoquée ci-dessus, Catherine Baratti-Elbaz, maire du 12e arrondissement, Guillemette Karpelès, directrice de la SEDP, filiale de la RATP en charge de la gestion de son parc immobilier, et Louise Douillet, l’une des cofondatrices d’Aéromate, une start-up pionnière de la technique hydroponique dans la capitale. L’objet de leur présence : l’inauguration de la « Ferme Lachambeaudie ».
C’est en effet sur le toit de l’immeuble RATP qu’ont été installées au mois de mars, moyennant un investissement de 32 500 euros, toutes les structures nécessaires au développement d’une culture maraîchère sur cet espace de 450 m². Depuis cette date, on cultive sur ce toit qui domine les voies SNCF une grande variété de produits respectueux à 100 % de l’environnement. De quoi satisfaire les employés du site qui peuvent se procurer sur place non seulement des fruits (fraises, groseilles) et des légumes (courgettes, endives, poivrons, salades, tomates), mais également des plantes aromatiques (aneth, basilic, bourrache, cerfeuil, coriandre, menthe, romarin, persil). Les employés de la RATP ne sont d’ailleurs pas les seuls à se fournir en produits frais de qualité à la Ferme Lachambeaudie : des restaurateurs et commerçants du voisinage viennent eux aussi s’approvisionner sur ce site.
Qu’est-ce que l’hydroponie ?
Il s’agit d’une technique de culture parfaitement adaptée aux espaces immobiliers urbains et dont les origines remontent aux Incas. En l’occurrence, c’est la société Aéromate qui a été chargée de créer l’espace de culture maraîchère du site Lachambeaudie. Il lui appartient également d’en superviser l’entretien en faisant appel à des personnes en insertion dont la formation professionnelle est assurée par la start-up. L’hydroponie fonctionne hors-sol : les plants sont disposés dans des pots remplis de billes d’argile, puis constamment arrosés par une eau enrichie des sels minéraux et des nutriments naturels nécessaires au développement des végétaux. Comme le montre l’illustration jointe, l’eau circule en boucle, ce qui permet d’en économiser 90 %.
La technique hydroponique évite non seulement les contaminations et les pollutions venues du sol, mais elle se traduit de surcroît par une production record comme le confirme Théo Manesse, autre cofondateur d’Aéromate : « En maîtrisant la nutrition de nos plantes, nous obtenons un rendement 3 à 4 fois plus élevé qu'une culture en terre, le tout sans herbicides, ni pesticides. » L’objectif de la Ferme Lachambeaudie est ambitieux : Aéromate mise sur une production annuelle de... 31 tonnes ! Un pari que la start-up, lauréate du prix 2016 des Parisculteurs, entend gagner afin de « confirmer la viabilité de notre technologie et de notre modèle économique » déclarait Louise Douillet en septembre.
La RATP n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai en matière d’expérimentation agricole. C’est ainsi qu’en 2016 a été aménagé sur la terrasse de son siège social rue de Bercy (Paris 12e) un espace* de 250 m² où se côtoient des bacs de culture hors-sol, un petit poulailler et même un bassin d’écrevisses, élevées là pour la qualité nutritive de leurs déjections ! La Régie ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là : d’ores et déjà deux ateliers techniques font l’objet de nouveaux amégaments horticoles, et l’entreprise de transport s’est fixé un objectif de 4 hectares végétalisés d’ici à 2020, ce qui en fait l’un des principaux contributeurs à la démarche engagée par le collectif.
Ambition déclarée des Parisculteurs pour la capitale : la végétalisation de 100 hectares de murs et de toitures en 2020, dont un tiers consacré à l’agriculture urbaine. Une intitative à suivre, avec d’autant plus d’intérêt que le temps n’est plus aux modes destructeurs des sols que continue de soutenir la FNSEA, mais à des techniques respecteuses de l’environnement et parfaitement adaptées aux besoins de proximité, notamment dans les espaces urbanisés. À cet égard, le développement prévisible de la permaculture en plein champ, et de l’hydroponie hors-sol ouvrent des perspectives de nature à changer radicalement l’approvisionnement des citadins.
* Cet espace a été créé en partenariat avec Exp’AU (bureau d’expertise en agricultures urbaines), l’université AgroParisTech (Institut des sciences et industries du Vivant et de l’Environnement) et l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique).
73 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON