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Accueil du site > Actualités > Société > Regarder l’autre comme un acteur de son propre changement

Regarder l’autre comme un acteur de son propre changement

« Franck Farrelly, psychothérapeute et professeur à l’université de Wisconsin, est le concepteur de la thérapie provocatrice, une méthode qui utilise la provocation, telle que la position de l’avocat du diable, en conseillant par exemple au patient de poursuivre ses erreurs, de s’enfermer dans ses problèmes, dans un climat chaleureux, plein d’humour et de respect, non sans rappeler certaines stratégies de Milton Ericskon. » Olivier Piazza, Site Selfway, la voie du développement personnel. Farelly, Erickson, Rogers, autant de chevaliers de la digne lignée des précurseurs d’une nouvelle forme thérapeutique et éducative.

Franck Farrelly est l’auteur de La Thérapie provocatrice aux éditions Satas.

L’auteur part de "la thérapie centrée sur le client" de Carl Rogers dont il fut l’élève émérite. "J’étais décidé à faire tout ce qui était en mon pouvoir pour comprendre le cadre de référence intérieur de Rachel, pour partir d’où elle se trouvait et rester avec elle pas à pas afin de parvenir à une compréhension empathique de sa personnalité (...). C’était une façon complètement différente de voir les patients et de leur parler"*.

 

Mais cette méthode ne satisfait pas suffisamment l’auteur qui intervient en milieu psychiatrique et fait le constat suivant concernant un de ses patients : "Il pouvait faire ce qu’il voulait et comme il le voulait parce qu’il était perturbé ; Il devint clair aussi à mon esprit que je me trouvais face à un patient reconnu comme malade mental qui avait prétendument perdu contact avec la réalité. Avec une grande justesse, cependant, il avait décodé le message fondamental de la psychiatrie : les personnes qui souffrent de perturbations émotives ou psychiatriques "n’y peuvent rien", elles ne doivent pas être tenues responsables de leurs actes et demeurent à l’abri des conséquences sociales de leurs comportements"*.

 

Or, il me paraît que l’on pourrait être en mesure de faire ce même constat auprès des jeunes en difficultés éducatives. Le statut de la victime est en effet une posture très contemporaine, déplorait Elisabeth Badinter, il y a quelques mois,dans une interview sur une radio canadienne. Je vois cette manière d’appréhender l’autre, pour ma part, comme une véritable voie de l’échec.

 

Farelly, quant à lui, s’inscrit dans une dynamique créatrice et constructive passionnante : "Le potentiel qu’ont les clients d’adopter des comportements appropriés, productifs et socialement valables est beaucoup plus grand que ne le croient la plupart des cliniciens"*

Au fil de son expérimentation, l’auteur éprouve différents outils salvateurs pour amener le patient vers un changement : "Je me rendis compte que la douleur et l’humour pouvaient se côtoyer et que le masque comique tout comme le tragique semblaient contenir les principaux éléments de la thérapie". Il découvre ensuite le principe de congruence et d’authenticité dont il fera le ciment de la thérapie provocatrice : " J’avais lu un article de Carl Rogers qui m’avait donné l’envie d’expérimenter le niveau maximal de congruence et d’authenticité en entrevue afin d’en évaluer les effets (...). Il était entendu qu’au cours de l’entrevue, mon collègue et moi exprimerions au patient toutes nos pensées, nos sentiments et nos réactions. Nous serions authentiques, non seulement avec lui mais l’un avec l’autre (...). Je compris alors qu’en entrevue, la congruence totale, lorsqu’elle est constante, est très utile aux patients. Je ne "rongeais pas mon frein" et j’évitais que mes réactions envers mes clients aillent dans une direction alors que mes sentiments allaient dans une autre"*. L’auteur ajoute ensuite que "les gens peuvent changer de façon radicale et permanente et ces changements peuvent avoir lieu dans un temps relativement court". Il précise également que "si l’on peut aider les patients à prendre conscience de l’opinion ou des sentiments négatifs des autres envers eux et de la façon dont ils peuvent modifier ceux-ci, ils peuvent changer assez rapidement"*.

 

Au sujet du transfert et du contre-transfert, la pensée de Farrelly est particulièrement innovatrice : "Au début des années 60, une des plus grandes absurdités prévalant dans le domaine clinique avait trait à la nécessité de "surveiller ses sentiments de contre-transfert à l’égard des clients", dit-il. "A une époque, je discutais avec un travailleur social de mes "invectives" et de mes "sentiments de contre-transfert". J’entends encore ses paroles : "j’essaie toujours de garder pour moi mes sentiments irrationnels". Ce à quoi je répliquai : "Eh bien, moi, je les inclus de plus en plus dans mes entrevues. Ils semblent être plus efficaces que mes réactions professionnelles apprises"*. Le livre de l’auteur ne manque pas d’exemples illustrant la théorie.

Un jour, une patiente demande à Farrelly, "Qu’est-ce que vous pensez de moi ?" : "Je lui tins un discours de dix à quinze minutes sur elle-même pour lui dire surtout qu’elle cassait les pieds de tout le monde. Je ne choisis pas mes mots, ni ne feignis chaleur ou empathie. J’étais en colère et ne m’en cachais pas ; à la fin de ma tirade, ma cliente sourit et dit avec assurance : "Je le savais". La leçon pour moi était très claire, une colère sincère peut vraiment aider le patient."*.

 

Farrelly est encore trop peu connu en France. Son livre, distribué en Belgique, n’est d’ailleurs pas disponible dans l’Hexagone. Il semble ici, comme sur bien d’autres points, que nous restions campés sur de bonnes vieilles méthodes qui, tel le modèle unique de la sécurité sociale, auraient fait leurs preuves. Nous sommes frileux, pendus au prétexte de l’éthique, comme si nous étions les seuls à nous soucier du respect de l’autre.

 

« Le président Kennedy demanda une fois à son conseiller scientifique pourquoi les hommes de science en arrivaient avec une fréquence navrante à des conclusions remarquablement opposées face à un problème, une question ou un phénomène donné. Il obtint la réponse suivante : "Ils abordent le même phénomène avec des hypothèses différentes au départ. Cet énoncé explique en grande partie pourquoi les thérapeutes qui font face aux mêmes types de comportement humain emploient des approches aussi divergentes. Ils partent de postulats différents au sujet de l’homme, de la société, de la signification du langage et du comportement. (...). La vérité, c’est qu’il n’existe pas (et il n’en existera probablement jamais) de théorie universelle sur le comportement humain. Mais (...) il est impossible de ne pas faire d’hypothèses quand on travail avec l’humain. (...). En thérapie provocatrice, le thérapeute n’appartient à aucune école particulière(...). La thérapie provocatrice n’en est pas moins fondée sur des hypothèses."*. L’idée que le sujet possède les ressources nécessaires au changement fait partie de ces hypothèses. Dans ce contexte, « la tâche du thérapeute est de provoquer son client assez mais pas trop (il doit user de jugement) afin de le pousser à faire face à la situation problématique »*.

 

Et si le thérapeute était un éducateur ? Et si le client était un jeune en difficulté ? Je fais dans ce contexte, l’hypothèse d’une responsabilité du jeune dans ses actes et dans le déroulement de sa vie. Je fais l’hypothèse qu’il est, tout comme moi, acteur de son propre changement. Je le considère comme mon égal, aussi je me permets la sincérité la plus large à son égard.Voici une forme nouvelle de relation éducative que les acteurs de terrain de la prévention spécialisée devraient oser.

 

Les jeunes des quartiers rencontrent souvent des difficultés de différentes natures : éducatives, sociales, affectives, psychologiques. La réponse que nous leur apportons est celle de la bonne vieille relation éducative. Une relation engluée dans le respect absolu d’un autre appréhendé selon des relents judéo-chrétiens. Cet autre est victime, il souffre perpétuellement de la violence de la société. Face à Caliméro : écoute infinie, patience absolue et parfois insuffisance de cadre et de limites, sont les mots d’ordre. Mais la relation peut encore aller au-delà, le travailleur social peut être animé d’une certaine culpabilité face à la situation du jeune. Etre blanc et français depuis plusieurs générations semble en effet, parfois amener certains éducateurs à se vivre comme des dignes descendants de colons qui, à leur niveau estiment, plus ou moins consciemment, porter une certaine responsabilité des violations des droits de l’homme du passé à l’égard des personnes de couleur. Ainsi, le jeune est-il perçu comme une victime (notion discutable), descendante d’une autre victime (ce qui n’est plus discutable en termes de droits de l’homme). Dans ce contexte, une forme de relation masochiste peut s’inscrire entre le travailleur social et l’adolescent ou le jeune adulte. L’échange inscrit le gamin dans une forme de toute puissance, tandis que le professionnel se débat dans un dédale de sentiments qui l’amènent en dehors de la réalité de la relation et l’empêchent surtout d’être un repère fiable et strucurant pour le jeune.

 

 

Or, ne peut-on pas envisager la relation éducative sous cette forme de questionnement : et si le respect de l’autre n’étaitpas plutôt de lui parler comme à un acteur de sa propre vie ? Nous avons tous été, à des degrés divers, certes, mais tout de même, victimes de l’autre, de l’adulte, du monde, de la société. Certains ont d’ailleurs traversé des périodes extrêmement douloureuses dans leur vie, sans pour autant sombrer dans la folie ou dans la délinquance. Cela signifie que l’homme, au sens universel du terme, a de réelles ressources. Le devoir des travailleurs sociaux, n’est évidemment pas de juger qui aurait le droit de sombrer et qui ne l’aurait pas mais bien de regarder l’autre comme possédant les ressources nécessaires à son développement, comme étant acteur de son propre changement. Le patient, l’usager ou le client passe alors du statut de victime à protéger à celui d’acteur de sa vie à accompagner. Cela change tout ! C’est ce que Franck Farrelly tente de nous dire. Et c’est bien ce qui semble le plus adapté et le plus juste en terme d’accompagnement de l’autre dans la conduite du changement, qu’elle se nomme relation éducative, coaching, concelling ou autre forme d’accompagnement humaniste.

 

* La thérapie provocatrice, Franck Farelly, éditions Satas, Belgique.


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26 réactions à cet article    


  • roumi (---.---.74.206) 29 janvier 2007 14:34

    oh ! j’ai voté le premier oui a votre article et clac cent pour cent intérèssant !!!

    pourvu que ça dure .


    • Nicolas (---.---.191.132) 29 janvier 2007 16:25

      Oui, très bon article. je ferais un parallèle avec la situation d’handicapé physique pour lesquels, jusque dans les années 60 ou 70 on ne donnait que de la pitié, de la commisération, bref des bons sentiments, mais qui n’aidaient pratiquement pas à se reconstruire. Il existait même à la radio une émission pour les handicapés avec un indicatif à fendre l’âme et des discussion d’une tristesse épouvantable. Heureusement tout cela a changé aujourd’hui, et ce jusqu’à des jeux olympiques.

      La démarche de l’auteur que vous citez va dans le bon sens. L’enfant, l’adolescent à problèmes ont besoin d’un accompagnement actif, mais l’énergie doit venir d’eux-mêmes. Mais il faut à l’éducateur, la technique, le talent, la ténacité pour la mettre à jour. C’est un effort maïeutique.

      Il reste à savoir que dans un contexte socio-économique extrêmement handicapant, cette énergie risque très vite de s’épuiser.

      Merci encore.

      P.S. Je ne suis pas handicapé


      • La Taverne des Poètes 29 janvier 2007 17:03

        Article intéressant. La phrase de trop -peut-être- ou en tout cas mal formulée : « Une relation engluée dans le respect absolu d’un autre appréhendé selon des relents judéo-chrétiens ». Ce qui serait intéressant, c’est d’avoir le point de vue d’autres éducateurs ou ex-éducateurs de rue sur ce point dans ce forum. Cela pourrait créer une discussion intéressante. L’approche consistant à faire reposer en partie le dénouement de la situation sur le potentiel de la personne n’est pas nouvelle. Et j’avais déjà entendu parler il y a plusieurs années de la méthode consistant à prescrire au patient son symptôme y compris en travail social. (avant les travaux signalés dans cet article, ce n’est donc pas complètement nouveau).


        • roumi (---.---.74.206) 29 janvier 2007 21:25

          ouh là là ne’ket hom ( ça caille )

          non seulement tu synthétise mais tu rétrécis le propos . décidement ce n’est pas ta journée.


        • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 30 janvier 2007 00:44

          Bonsoir Taverne des poètes, Vous avez totalement raison, l’approche n’est pas nouvelle, elle trouve ses sources dans l’école de Palo Alto, génèse de la systémie. Nous sommes aux environs des années 60, me semble-t’il, à confirmer ! En revanche, ce qui serait nouveau ce serait que certains champs du secteur social soient moins frileux face à aux autres approches que les classiques bien institutionnalisés. Et ce qui serait encore plus idéal, ce serait que l’usager soit accompagné comme un véritable acteur de son destin et non comme cela est parfois le cas comme une victime à protéger face à une société « raciste, fasciste et totalitaire ». Ma carricature est légère ! Quant à votre souhait d’échange avec d’autres éducateurs, il est exaucé puisque Toto est venu nous rejoindre dans le débat. Au plaisir. I.B.B.


        • Christophe (---.---.18.90) 31 janvier 2007 12:48

          l’approche n’est pas nouvelle, elle trouve ses sources dans l’école de Palo Alto, génèse de la systémie

          La systémie est plus ancienne que l’école Palo Alto ; vous parlez de la systémie appliquée au domaine de la psychiatrie. La systémie a été abordée dans un sens plus large par Bronislaw Malinovski (1884-1942) anthropologue de son état. Au cours de ses nombreux voyages, Malinowski étudiera les moeurs sexuelles des Mélanésiens, remettant en cause, au passage, le postulat freudien de l’universalité de l’OEdipe.

          Mais c’est un détail, j’en conviens !


        • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 31 janvier 2007 22:51

          Bonsoir, Christophe, Non, ce n’est pas un détail. Je ne savais pas que le concept systémique était aussi ancien, et dire que j’avais toujours cru ne dire que des choses intelligentes ! Quelle claque !!! smiley au plaisir de lire vos apports théoriques très intéressants. I.B.B.


        • (---.---.173.44) 29 janvier 2007 20:15

          merci pour cet article. « Acteur de sa vie » voilà qui me plait aux oreilles accepter de tomber dans le ridicule de sa propre situation est à mon avis percutant pour certains êtres, mais pas pour tous. je coache aussi,et cette théorie ne peut fonctionner en groupe que si le coacheur est,accepté, pertinant et dénué de malice dans l’imaginaire du groupe. En s’étant assuré que le groupe sait que le coacheur est équitable. J’ai déjà pratiqué cette méthode, mais il faut s’assurer de l’adhésion du groupe et passer pour une personne bienvaillante et sincère dans l’accompagnement de la réalisation du groupe. A manier avec beaucoup de précautions en fin de sessions.Mélodie


          • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 30 janvier 2007 00:33

            à (IP:xxx.x12.173.44) le 29 janvier 2007 à 20H15 Je porte bien entendu un grand interêt à la pratique à laquellle je fais référence dans l’article (pratique toutefois que je ne maîtrise pas) mais elle représente aussi un prétexte, d’autant qu’elle porte bien son nom « la thérapie porvocatrice » pour traiter le sujet principal de mon propos : la question du regard que l’on porte sur l’autre. Celle-ci est déterminante. Un livre intéressant à ce sujet : « le plasir de changer » de Françoise Kourilsky, éditions Dunod. Mais vous avez raison de préciser que cette forme d’accompagnement nécessite une très grande expérience, dans le cas contraire, je crains qu’elle ne fasse plus de dégats qu’elle ne soit bénéfique. Cordialement. I.B.B.


          • toto1701 (---.---.134.249) 29 janvier 2007 20:58

            chere collegue,ton analyse est séduisante en ce sens qu’elle « aiguillonne » le sentiment d’estime que je me porte a moi memeet que j’essaie de transmettre aux jeunes en difficutes.cependant aucun acteur du social ne peut ignorer que chaque jeune est unique et a la fois le produit d’un itinéraire de vie (on ne choisit pas ses parents ni son quartier)c’est dire comment il me parait risquer d’apprehender la prévention educative avec une seule paire de lunettes. comme tu l’as d’ailleurs ecrit . il ne saurait y avoir de connaissance universelle sur le comportement humain !!!!autant dire que toutes les pratiques éducatives se valent,il y a pas d’un coté le bonnes et de l’autre les décalées. salut


            • toto1701 (---.---.134.249) 29 janvier 2007 21:03

              les bonnes pratiques éducatives se vendraient en kit si elles etaient transposables d’un coin a un autre de la planete !


            • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 30 janvier 2007 00:23

              Bonsoir Collègue Toto, Une seule valeur valable en terme de transmission éducative ? Non, bien entendu ! Point d’universalité qui ne pourrait rimer qu’avec totalitarisme ! Mais pour avoir exercé dans différents champs de l’éducation spécialisée, il me paraît toutefois que les pratiques ne se renouvellent pas suffisamment. Les travailleurs sociaux, rongés par une « psychose » de l’ethique me paraissent trop souvent frileux face à de nouvelles approches qui mériteraient parfois d’y regarder un peu plus près. Combien de fois les acteurs de terrain vivent un sentiment d’échec et d’impuissance ? combien de fois ils ont le sentiment de regarder le jeune aller tout simplement droit dans le mur avec une impuissance qui peut prendre à la gorge si l’on en prend pas suffimment de recul ? L’éducateur travaille avec la « matière humaine » donc point de recettes magiques, point de vérité, point de doctrine salvatrice mais le questionnement autour de sa pratique, la capacité de remise en cause, la connaissance suffisante de soi pour exercer ce métier et l’acceptation de la simple idée que de nouvelles approches puissent être dignes d’interêt et salvatrices pour un jeune (tandis qu’elles ne le seront pas nécessairement pour un autre, nous sommes bien d’accord), autant d’insuffisances que je reproche au secteur social et particulièrement à la prévention spécialisée. Celle-ci est, selon mon expérience de terrain beaucoup trop repliée sur elle-même et s’inscrit trop souvent dans un mouvement de paranoïa. Le jeune, y est, à mon sens, trop souvent perçu comme une victime, d’ou l’objet de mon article qui ne prônait pas nécessairement l’utilisation d’une méthode éducative plus qu’une autre. Mon article est un appel à un changement de regard. Regarder la personne que l’on accompagne comme étant actrice de son changement, partir du postulat qu’elle possède elle-même ses propres ressources. Mon combat, cher collègue, est celui d’une victimisation ambiante qui nuit à tous les acteurs concernés. Et même s’il est vrai que la situation, en terme d’insertion, de formation et de recherche d’emploi est plus difficile pour certains que pour d’autres, le message que je ne manquais pas de leur adresser sur le terrain était d’utiliser la colère engendrée par leur situation pour « mettre les bouchées doubles ». En effet, quoi de plus narcissisant que de parvenir à obtenir, grace à sa détermination et sa volonté, quelque chose qui est plus accessible aux autres, qu’à soi, et ce, parfois, pour des raisons inacceptables ! N’est-ce pas là une revanche de taille qui ne manque pas de faire taire les mauvaises langues qui ne croyaient pas en la dite personne ? Voila, à mon sens, tout ce que représente le refus de la victimisation. Au plaisir. smiley I.B.B.


            • (---.---.141.217) 31 janvier 2007 00:16

              a labo for u and me ?


            • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 31 janvier 2007 00:09

              Bonsoir Talleyrand ne pourrait-on pas dire la même chose lorsque l’on parle d’acte éducatif auprès d’une population adulte ? (Les éducateurs interviennent effectivement aussi beaucoup auprès d’adultes : relation mère-enfant, personnes handicapées, personnes en difficultés sociales, personnes sans domicile fixe....) Au plaisir. I.B.B.


            • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 31 janvier 2007 22:46

              Mais Talleyrand, les éducateurs interviennent aussi dans le secteur psy, auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes atteints d’autisme et de psychose ! I.B.B.


            • La Taverne des Poètes 30 janvier 2007 08:21

              A l’auteure : Là où un pas me paraît franchi à tort c’est quand vous dites « Et si le thérapeute était un éducateur ? ». Tout votre article repose sur des études faites en psychatrie et à leur transposition aux jeunes en difficultés éducatives qui ont le statut de la victime. Le travail social et l’aide ne sauraient se réduire à cette relation entre le thérapeute (que vous n’êtes pas) et un client déclaré patient.

              On ne peut traiter le jeune d’emblée en malade. Or, votre article parle bien d’une « nouvelle forme thérapeutique et éducative » et votre dernier commentaire est assez éloquent sur votre vision de l’aide aussi : il parle de « psychose de l’ethnique », de « mouvement de paranoïa ». Comme le souligne Talleyrand l’assimilation de la relation à une relation docteur-patient peut s’avérer rabaissante et tout le moins inappropriée.

              Ne faut-il pas plus raisonnablement revenir au sens du travail social qui repose sur une relation d’aide basée sur le contrat ? L’aide étant la résultante de la rencontre de la demande de soutien et de l’offre de services. La contractutalisation partant du bilan établi sur le potentiel et les limites du client (bilan réactualisé à chaque contrat), des mécanismes de défense que le client a développés, de l’auto-dignostic de sa situation qu’il a posé et de la prescription de remèdes et qu’ils s’est lui-même prodigués. La prise en compte de l’environnement est également importante. Par exemple comment inculquer individuellement à un client la tolérance envers les homosexuels s’il baigne dans un milieu machiste avec lequel il nourrit un fort lien d’identité et d’appartenance. La méthode d’approche paraît ici plutôt collective et précoce dans le combat éducatif contre les préjugés de groupe.

              Ne voyez en ces commentaires que des réflexions personnelles car je ne suis pas un professionnel de terrain.


              • (---.---.22.58) 30 janvier 2007 09:02

                 smiley C’EST LA PREMIÈRE FOIS DE MA VIE QUE JE LIS UN COMMENTAIRE INTÉRESSANT DE LA TAVERNE ! smiley


              • La Taverne des Poètes 30 janvier 2007 09:27

                à l’auteure (2) : Le contrat est responsabilisant.

                Il me semble pertinent d’ajouter que la base de la responsablité est le contrat, d’égal à égal entre citoyens, qui repose sur des obligations réciproques autour d’objectifs clairs et réalistes. Le contrat est responsabilisant et je ne pense pas qu’il définisse l’une des parties comme victime. Ne pensez-vous pas ?

                L’autre levier est la confiance entre l’éducateur et le jeune. Cette confiance serait faussée si le contrat s’appuyait sur une relation de « thérapeute » à « patient ».


              • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 30 janvier 2007 23:46

                Bonsoir la taverne des poètes,

                Je vous rejoins totalement sur la notion de contrat et de responsabilisation mais ces bases de relation sont les mêmes dans un contexte thérapeutique. N’oublions pas que les thérapeutes ne se résument pas aux psychiatres et aux psychologues. S’il est vrai que la psychiatrie (corps médical) a encore tendance à instaurer une forme de hiérarchie entre le médecin et le patient et à infantiliser ce dernier, il n’en est heureusement pas de même pour tous les thérapeutes. Je n’aurais pas suffisamment de place ici pour évoquer tous les courants thérapeutiques qui existent mais citons à titre d’exemple, la systémie, la gestalt thérapie, la thérapie bio-dynamique, la thérapie cognitive, les thérapies brèves... Or le cadre de travail entre un thérapeute et son client et entre un éducateur et l’usager est le même : contrat de relation, confiance, responsabilisation, libre choix, et égalité en termes humain mais pas en termes de relation qu’elle soit thérapeutique ou éducative. Pourquoi ? Non pas parce que le thérapeute ou l’éducateur seraient des êtres supérieurs au client mais parce que le client met toujours « l’aidant » à une place de « supposé savoir ». Qu’il soit thérapeute, coach ou éducateur, le professionnel est perçu comme supposé savoir ce qui est bon pour le client. Bien sur, cela est faux mais cette condition intrinsèque à la relation d’aide vient s’inscrire dans cette fameuse notion de transfert et de contre-transfert. Et ce sont ces notions, entres autres, qui feront que la relation sera opérante d’un point de vue éducatif ou thérapeutique. Enfin, le terme de patient est en effet discutable mais il est aussi utilisé dans le milieu médical. Une personne qui vient voir son médecin pour un rhume est un patient. Le terme employé dans le secteur social est « l’usager », n’est-ce pas aussi tout aussi discutable ? Le terme « client » fait froid dans le dos à bon nombre de protagonistes du social, probablement parce qu’il introduit une notion monétaire. Or les travailleurs sociaux sont bien rémunérés pour exercer leur métier ?! En ce sens, ils font partie, ne leur en déplaise, du système capitaliste (je travaille pour un salaire, puis je consomme et mon salaire est réinjecté de cette manière dans le système). Je me demande si toutes ces questions sémantiques ne sont pas de faux débats. Une personne qui demande à être accompagnée, qu’elle se nomme patient, client ou usager, est bien entendu l’égale, en termes humains, de l’accompagnant. Toutefois, celui-ci, qu’il soit thérapeute, coach ou éducateur est perçu comme supposé savoir, cette condition est un aspect moteur de la relation. Enfin, que le besoin de la personne qui demande à être accompagnée se situe sur un plan social, éducatif, physique, ou psychique, quelle différence ? Il n’y a pas, à mon sens de hiérachie des besoins et des difficultés, il n’en est pas de plus nobles que d’autres. La maladie mentale est donc une difficulté (et surtout une souffrance) qui n’est pas moins digne ni plus honteuse qu’une difficulté d’ordre social. Cordialement. I.B.B.


              • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 31 janvier 2007 00:02

                Taverne des poètes,

                « Le travail social et l’aide ne sauraient se réduire à cette relation entre le thérapeute (que vous n’êtes pas) et un client déclaré patient. » Dites, vous. Or, l’accompagnement éducatif et l’accompagnement thérapeutique sont deux types d’accompagnement qui diffèrent dans l’ensemble et se rejoigent sur certains points. Aucun des deux n’est supérieur à l’autre, aucun ne peut donc « se réduire » à l’autre. Ils diffèrent, tout simplement. Point de titre de noblesse dans ce contexte. Quant à la notion de victime, le jeune n’est réduit à ce statut que lorsque l’éducateur porte ce regard sur lui. Ce n’est heureusement pas le cas de tous les éducateurs. L’autre est souvent le regard que l’on porte sur lui. Des études ont ainsi été faites sur des classes d’élèves. Pour résumer, deux classes, une d’élèves en difficultés, une autre d’élèves ayant de bons résultats ; deux professeurs. A celui qui aura la classe des « mauvais élèves », on lui dit qu’il enseignera auprès des bons élèves. On fait la même chose avec l’autre professeur. Résultat de l’expérience : les résultats des bons élèves ont baissé et ceux des élèves en difficultés ont augmenté. L’exemple est connu mais il illustre bien que le regard que l’on porte sur l’autre a une forte influence sur son comportement. Au plaisir. I.B.B.


              • (---.---.141.217) 31 janvier 2007 00:21

                c’est en free ride, funny way !?


              • La Taverne des Poètes 30 janvier 2007 11:09

                A signaler : le livre du mois sélectionné par la revue « Sciences Humaines » et qui traite de la banlieue justement.

                « Le capital guerrier » de Thomas Sauvadet" chez Armand Colin. 24 euros.

                L’enquête de l’auteur a été menée dans trois cités chaudes : deux de la région parisienne et une de Marseille. L’expression de « capital guerrier » est emrpruntée au sociologue Pierre Bourdieu.


                • Marsupilami Marsupilami 30 janvier 2007 12:24

                  Très bon article et très bons commentaires sans trollage débile c’est suffisamment rare pour être salué). Que demander de mieux ? Tout ça est très constructif et Carl Rogers et l’école de Palo Alto valent un détour enrichissant loin des divans ou l’on égrène des freudaines allo-maman-bobo et des éducateurs traumatisés par du psy pseudo-postcolonial qui ne change rien.


                  • BUOT-BOUTTIER BUOT-BOUTTIER 31 janvier 2007 00:05

                    Merci Marsupilami pour vos ajouts théoriques et au plaisir, effectivement, de vous retrouver sur de nouveaux débats dignes de ce nom. I.B.B.


                  • rantanplan (---.---.237.253) 31 janvier 2007 00:15

                    @ IBB:décidemment, nous nous rejoignons sur beaucoup d’analyses...Tu fais allusion à « changements,paradoxes,et psychothérapies » de P.Watzlawick,....ex : « Une des erreurs les plus courantes concernant le changement est de conclure que, si quelque chose est mauvais, son contraire est nécessairement bon »..... Palo Alto....

                    La question du contre-transfert est complexe : elle existe certes, mais a été interprétée par de nombreux psys, comme un prétexte à faire douiller un max les patients:transfert et contre-transfert, étaient le jeu de l’analyse et les lacaniens en ont tiré profit (espèces sonnantes et trébuchantes).

                    Lacan, ne s’est pas privé, mais comme il drainait le gratin, pourquoi aurait-il pris des gants ? Avoir été en contact avec le Grand Jacques était un sacré passeport, dans certains milieux....

                    Heureusement, il y avait d’autres psys, plus éthiques...

                    Amitiés. rantanplan.


                    • Christophe (---.---.18.90) 31 janvier 2007 17:05

                      Regarder l’autre comme un acteur de son propre changement

                      Votre titre ne reflète-t-il pas le regarder l’autre comme un acteur de son propre développement, celui du moi.

                      A cette égard, en abordant la question des maladies mentales, la problématique majeure me semble se situer au niveau d’une méthodologie adaptée au niveau d’enfermement du soi plus que d’une méthodologie universelle.

                      La méthode présentée peut poser problème dans le cadre de traitement de maladies mentale telles que l’autisme. La forteresse créée par le patient lui-même pour s’isoler du monde extérieur qui l’agresse, menant à la liquéfaction du soi, risque, par une telle méthode, de renforcer les murs plus que les affaiblir.

                      Cependant, la transposition sur des personnes ne souffrant pas particulièrement de troubles mentaux me parait tout à fait pertinente. Se construire au regard d’autrui ne peut se faire que dans une réalité interprétée ; modifier cette réalité, par un intervenant quelconque, posera des problèmes de mauvaises interprétations de la part du sujet qui auront une incidence sur le comportement dans le monde réel ; le monde de référence n’étant pas en adéquation avec le monde réel.

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