Responsabilité : avantage à la magistrature !
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Participant récemment à un colloque sur la réforme de la Justice, j’ai senti une forte adhésion du public lorsque j’ai dénoncé le corporatisme des magistrats et souhaité un régime de responsabilité accrue pour eux, pour nous. Outreau a permis à ce discours hier très minoritaire de devenir non seulement audible mais respecté.
J’en veux pour preuve que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont les jours sont comptés, je l’espère, dans sa composition actuelle, a éprouvé le besoin de publier un recueil des 201 sanctions prises depuis depuis 1959, dont les deux tiers depuis le début des années 1990. Le nombre des procédures a nettement augmenté depuis 2001, année à partir de laquelle le droit de saisine a été élargi du garde des Sceaux aux chefs de cours d’appel.
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas la nature des sanctions disciplinaires mais le fait qu’aujourd’hui, le CSM a tellement peur d’être taxé de faiblesse à l’égard d’agissements professionnels contestables qu’il prend les devants et se justifie en présentant son bilan.
Cela me fait plaisir. Non par une sorte de masochisme qui me ferait souhaiter à notre encontre des fourches caudines toujours plus contraignantes, ni par sadisme, à cause du bonheur pervers de voir réprimander des collègues. Je suis ravi, au contraire, de cette avancée du CSM qui rend hommage à l’intense débat qui se déroule depuis des mois, depuis plus longtemps même puisque c’est Nicolas Sarkozy qui l’a véritablement lancé après la terrible mort de Nelly Cremel.
La magistrature si lente à réagir, si rétive en d’autres circonstances, a fait du chemin. Elle a même approuvé la création d’une commission chargée d’examiner de nouvelles modalités de responsabilité, notamment au regard de la grossière erreur d’appréciation. Elle a sans doute compris que son pouvoir se devait d’avoir sa contrepartie.
Il me semble que je suis suffisamment
exigeant à l’égard de mon monde professionnel pour pouvoir dire que,
sur ce plan capital, je suis fier de lui. Certes, il avait tant de
retard que son mérite peut sembler bien mince.
A juste titre, on n’a
cessé de réclamer des magistrats qu’ils rendent des comptes au cas où
ils auraient failli. Ceux-ci ne discutent plus la légitimité de cette
obligation qui pèse sur eux. Ils attendent.
D’ailleurs, une question, juste une. Les politiques qui ont échoué, les intellectuels qui se sont gravement trompés, les chefs d’entreprise qui ont démérité, les journalistes qui se sont fourvoyés, si je ne m’abuse, sont toujours en place, tiennent le haut du pavé. Dans le pire des cas, on ne leur demande que de reconnaître qu’ils ont fauté. Un petit coup de télé et c’est vite effacé.
Alors, qu’au moins ce procès-là, on ne le fasse
pas à la magistrature. Pour la responsabilité, elle n’a de leçons à
recevoir de personne.
Pour une fois, elle est en avance sur la société.
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