Sabotages en série à la SNCF : quelle cible ?
Consternation dans le monde ferroviaire : les quatre lignes à grande vitesse (LGV) au départ de Paris ont fait l’objet d’actes de dégradation dans la matinée. Analyses et réflexions à chaud.
La direction de la SNCF a annoncé mercredi qu’une action coordonnée de sabotage destinée à contrer la reprise observée des trafics avait eu lieu sur des lignes à grande vitesse (LGV). Sur la LGV Est, un incendie volontaire de câbles au kilomètre 28 empêche la circulation normale des trains. Même dégradation sur la LGV Atlantique, où un incendie important a endommagé sur 30 km le réseau de signalisation. Aucun train ne peut donc circuler sur cette ligne. Sur les LGV Nord et Sud-Est, la « fermeture volontaire de commutateurs de signalisation » crée des incidents de signalisation, tandis que d’autres incendies ponctuels de câbles ont été signalés [1,2].
Face à ces actes, le secrétaire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau, a dénoncé mercredi sur RMC ces exactions graves et a qualifié "d’inadmissible le caractère coordonné" de ces actes [1,2]. A la SNCF, "scandalisée que de telles actions irresponsables et illégales puissent se produire », on précise qu’une plainte a été déposée pour chaque exaction [2]. Le monde syndical n’est pas en reste. La CGT condamne, par la voie de son leader Bernard Thibault interrogé sur Europe 1, les actes de sabotage sur les voies ferrées. De même, le secrétaire général de la CGT-cheminots, Didier Le Reste a qualifié "d’actes inqualifiables commis par des lâches" ces exactions [3]. Contacté par Agoravox, Sud-Rail annonce un communiqué de presse en préparation. Son secrétaire fédéral, Christian Mahieux, a démenti sur RTL toute implication dans ces actes, affirmant que "les questions de sécurité, les cheminots ne jouent pas avec ça. Ce que nous organisons actuellement, c’est un conflit social" [1].
On peut cependant se poser un certain nombre de questions sur la survenue de ces actes de malveillance précisément ce matin. En effet, c’est aujourd’hui qu’ont commencé les négociations tripartites réclamées par les syndicats, en tous cas à la RATP [1]. Soit dit en passant, ces négociations ont eu lieu sans que la reprise du travail réclamée par les pouvoirs publics ait eu lieu. Dans ce cadre, les pouvoirs publics ont sauté sur l’occasion : Eric Woerth, ministre de la Fonction publique, déclarant que nous sommes en présence "d’une grève qui s’étiole et qui commence à manquer d’oxygène. Quand on voit des actes de radicalisation, c’est la preuve qu’on n’est plus sur le sujet dans de l’idéologie". Les syndicats ne s’y sont pas trompés non plus. Didier Le Reste (CGT cheminots) affirme que « ces opération de commando [...] n’ont pour but que de discréditer le mouvement social en cours, les cheminots, leurs syndicats et peut-être de faire capoter les négociations qui vont s’ouvrir pour livrer les cheminots à la vindicte populaire ou faire passer cheminots et les grévistes pour des irresponsables ». Interrogé par téléphone par Agoravox, Thierry Nier, de la CGT Cheminots, qualifie ces actes de « regrettables » et précise que le mouvement en cours est une action syndicale, pas une action politique. Même réaction à FO où l’on condamne fermement ces exactions qui n’ont rien à voir avec le combat actuel de cheminots et où s’interroge « sur les motifs réels de tels actes » [1][2].
Interrogé par Agoravox, un ancien [4] du dépôt de Lyon Mouche, se dit « totalement incrédule » quant au fait que des cheminots aient pu saboter leur outil de travail tout en jouant avec la sécurité des circulations. Ce n’est pas « l’esprit de la maison ». Cet avis correspond globalement à un sentiment général de ces professions, même s’il doit être pondéré par le fait que certains ont récemment utilisé des pétards d’alerte pour ralentir la circulation de trains aux abords de gares. Ajoutons cependant que les dégradations de ce matin ne necessitent que peu de technicité ferroviaire : mettre le feu à des cables, à des capteurs ou à des armoires situés le long des voies ne semble pas bien compliqué. La question se poserait diféremment si les commutateurs actionnés se trouvaient à l’intérieur de postes de commandement, éléments qu’Agoravox n’a pas été en mesure de préciser.
Au-delà des négociations en cours, il convient de se
demander « à qui profite le crime » ? Là aussi, difficile de
croire que les cheminots pourraient tirer avantage de ces actions. La SNCF non
plus à vrai dire, même si sa direction a souvent tenté de dramatiser le conflit.
Seuls les tenants d’une ligne dure face aux revendications syndicales semblent
pouvoir être les bénéficiaires de tels actes de dégradation. C’est l’avis de
Stéphane Blanc (Sud rail). Interrogé par téléphone par Agoravox, il indique que
ces actes « n’ont aucun sens », les cheminots « n’attendant que l’ouverture
des négociations ». En aucun cas, nous précise-t-il, de tels actes n’ont
été évoqués dans les assemblées générales, un avis relayé par quelques cheminots
grévistes contactés par Agoravox, et par Thierry Nier de la CGT cheminots. Ce
dernier précise que le point fort du mouvement social en cours est d’avoir
permis d’amorcer une réflexion de fond sur la nature réelle de la volonté du
gouvernement d’aligner les régimes spéciaux sur le régime général, celle-ci préfigurant
des attaques fortes qui seront dirigées d’ici peu contre ce même régime
général, et au-delà contre la protection sociale en France. Les évolutions politiques
récentes, tels la mise en place du traité européen simplifié sans référendum, l’accord
général sur le commerce et les services, ou les velléités de ressortir de ses cartons la
directive Bolkenstein ne lui donnent pas tort.
[1] Brèves AP, Paris, le 21/11/07
[2] Brève AFP, Paris, le 21/11/07
[3] http://www.cheminotcgt.fr/new_site/accueil_essentiel_actu.html
[4] souhaite rester anonyme
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