Yvan Colonna transféré à Réau au nom d’un principe de précaution explosif
Dix ans après son arrestation, on s’intéresse de nouveau à son cas. Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, a été transféré hier de la maison d’arrêt d’Arles (Bouches-du-Rhône) à la centrale de Réau (Seine-et-Marne). Si dans un premier temps la Chancellerie indiquait aux journalistes que le Berger de Cargèse entreprenait de s’évader de « manière très violente », en quelques heures l’affirmation – information est retombée comme un soufflé.
« Yvan Colonna transféré à la prison de Réau pour « tentative d’évasion » », titre en exclusivité Corse-Matin sur son site Internet. Il est 13 heures 31. Commentaires immédiats d’un des avocats d’Yvan Colonna, maître Pascal Garbarini, au journal qui confirme l’information. Tout laisse donc à penser que le détenu envisageait de se faire la belle. Mais heureusement, le ministère de la Justice veille au grain. Cependant première petite confusion lorsque la directrice de la maison d’Arles dit ne pas être en mesure de donner le motif de ce transfert, mais dément toute tentative d’évasion. De son côté, le porte-parole adjoint de la Chancellerie, Olivier Pedro-José, assure qu’Yvan Colonna projetait de s’évader : « Nous nous sommes basés sur des informations recoupées provenant de l’intérieur et de l’extérieur de la détention (…), Yvan Colonna songeait à s’évader de manière très violente ». Il est environ 15 heures 30, dernière minute d’Itélé : « Yvan Colonna voulait s’évader à l’aide d’explosifs ». Titre prometteur pour la suite, mais actualité oblige, la Une de l’info change après le déraillement d’un train à Brétigny-sur-Orge faisant six morts. Sauf qu’en fin d’après-midi, la Chancellerie n’a plus le même ton.
« On s’est mal compris »
« Yvan Colonna ne préparait rien du tout », lance au téléphone Pierre Rancé, porte-parole de la Chancellerie. S’en suit une explication quelque peu rocambolesque : la Chancellerie s’est bien basée sur plusieurs sources. « Des informations au départ peu fiables, voire fantaisistes ». Selon certaines sources, Yvan Colonna faisait des pompes dans sa cellule tous les matins et cela étonnait la direction. Cette dernière concluant ainsi à une préparation d’évasion. Aucun risque ne devant être pris, les enquêteurs enquêtent... Rapport bouclé ou presque par les services de renseignements pour qui « Yvan Colonna aurait pu rencontrer un détenu à Arles qui aurait pu lui parler d’une évasion ». Tout au conditionnel ! Mais le risque est trop gros et l’on décide de le transférer loin d’Arles. « Un principe de précaution à l’heure où la Garde des Sceaux dépense 33 millions d’euros pour la sécurisation des prisons », ajoute Pierre Rancé. « Si Yvan Colonna s’était évadé à l’aide d’explosifs, cela n’aurait pas été bon pour nous ». Et on vous croit ! Mais à la question « Pourquoi avoir laissé penser qu’Yvan Colonna était en train de préparer son évasion ? », le porte-parole de la Chancellerie répond : « On s’est mal compris. Ce sont des choses qui arrivent ». Avec tous les journalistes de France ???
Entre les murs, Yvan Colonna donne sa version
Difficile de joindre le principal concerné. Mais par la voix de sa femme, Stéphanie, Yvan Colonna raconte qu’un groupe d’hommes cagoulés et armés appartenant au GIGN s’est introduit très tôt vendredi matin dans sa cellule alors qu’il dormait. Réveillé en sursaut avec des armes braquées sur lui, le Berger de Cargèse a aussitôt pensé que c’en était fini, qu’on ne voulait plus de lui et l’éliminer. On le garde en vie, mais lui ordonne de signer un papier disant qu’il préparait son évasion. Yvan Colonna refuse de signer. Peu importe, sous garde très rapprochée, on l’emmène à la centrale de Réau qu’il rejoint en milieu de journée.
Yvan Colonna dénonce ce transfert. A l’heure où il se bat pour un rapprochement familial à Borgo (son statut de détenu particulièrement surveillé l’en empêche), à l’heure où il attend la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qu’il a saisi en janvier dernier. Le Berger de Cargèse s’éloigne de plus en plus de son île. Après Fresnes, Toulon puis Arles, Yvan Colonna est aujourd’hui à la centrale de Réau. Centrale pas mieux sécurisée que les autres. « A Réau, la prison du laisser-aller » (Europe 1.fr du 19 juin 2013), et dans laquelle est incarcéré le braqueur Antonio Ferrara que l’on surnomme « le roi de l’évasion ».
Les raisons du transfert d’Yvan Colonna de la maison d’arrêt d’Arles à celle de Réau paraissent bien floues, se basant sur du conditionnel. Impossible d’en savoir plus sur ces « explosifs », de quelle aide il aurait pu bénéficier etc. France 3 parle également en plus des explosifs, d’un hélicoptère. Les gardiens de la prison d’Arles affirment qu’ils n’étaient au courant de rien, qu’ils n’avaient pas été prévenus. Un peu plus au nord, les gardiens de Réau, eux, se disent inquiets et dénoncent les manques de moyens pour l’accueil de pareils détenus. Incarcéré depuis 10 ans, le Berger de Cargèse ne semblait jusqu’à hier ne jamais avoir posé de problèmes au sein des prisons (Article de Var-Matin – 24 novembre 2011 – « Des bouts de vie derrière le béton de la prison ». « On en voudrait 700 comme Colonna, une paix royale »). Mais pour la Chancellerie, le déblocage de 33 millions dans la sécurisation des prisons justifie bien le transfert d’Yvan Colonna en Seine-et-Marne. Dernière question : combien pour ce petit voyage ?
Caroline Groizeleau
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