Avancées récentes en biologie quantique
Un nombre croissant d'organes biologiques semblent utiliser des particules quantiques (bits quantiques) comme le feraient des ordinateurs quantiques. Ceci pourraient expliquer les extraordinaires propriétés de la vie, dès ses origines. Nous présentons ici un domaine de la science qui devrait se développer considérablement.
- Michael Brooks. Quantum Life, the weirdness inside us http://www.newscientist.com/article/mg21128321.500-quantum-life-the-weirdness-inside-us.html?full=true#bx283215B1 ; Nous en avons adapté ici certains passages.
- Voir aussi Automates Intelligents. Du côté des labos. Processus quantiques interagissant avec des organismes biologiques http://www.automatesintelligents.com/labo/2009/jan/algueverte.html
Cette hypothèse a été récemment démontrée dans le cadre d'une série d'expériences que nous ne détaillerons pas ici (Voir Physical Review Letters http://prl.aps.org/abstract/PRL/v98/i3/e038101 ainsi que Proceedings of the National Academy of Sciences http://www.pnas.org/content/early/2011/02/08/1012293108.abstract . Elles tendent à prouver que sans l'effet tunnel et donc sans recours à la physique quantique, divers cas particuliers de discrimination entre odeurs, observables tant chez l'homme que chez une certaine espèce de mouche, ne seraient pas explicables.
D'autres processus biologiques semblent tout aussi inexplicables à moins de faire appel aux propositions de la mécanique quantique. C'est le cas de la production d'adénosine triphosphate (ATP) dans les mitochondries cellulaires. L'ATP est la molécule qui, dans la biochimie de tous les organismes vivants connus, fournit par hydrolyse l'énergie nécessaire aux réactions chimiques du métabolisme. Sans elle la vie n'existerait pas sous ses formes actuelles. Les stocks d'ATP de l'organisme ne dépassent pas quelques secondes de consommation. Elle doit donc être renouvelée très rapidement. Elle est produite en permanence à partir des molécules de créatine. La créatine recycle le phosphate libéré par hydrolyse de la molécule d'ATP originale. Ceci permet de conserver une énergie aussi facilement mobilisable que l'ATP, sans pour autant épuiser les réserves d'ATP. Mais le cycle de renouvellement doit être très rapide. Or le calcul a montré que cette rapidité, indispensable à la vie, ne se produirait pas dans les conditions de la chimie ordinaire. Il semble, selon une hypothèse présentée par le physicien Vlatko Vedral, de l'Université d'Oxford, que la rapidité du cycle découle de l'état de superposition des électrons impliqués dans le processus. Ceux-ci peuvent se trouver sur plusieurs sites à la fois, accélérant ainsi le processus de production de l'ATP.
L'intervention d'électrons se comportant comme de véritables bit quantiques dans la production de l'ATP n'est pas encore prouvée sans discussion. Mais elle est de plus en plus considérée comme probable, d'autant plus qu'il ne s'agirait pas du seul cas où de tels bits quantiques joueraient un rôle dans des mécanismes fondamentaux pour le développement de la vie. Dans notre article cité en exergue, nous avions présenté les hypothèses proposées par Graham Fleming de l'Université de Berkeley. En étudiant le cycle de la photosynthèse dans la bactérie sulfureuse marine Chlorobium tepidum, il avait détecté des signaux caractéristique d'interférences quantiques au sein des centres responsables de la photosynthèse chez de telles bactéries refroidies à 77 degrés Kelvin (Voir Nature http://www.nature.com/nature/journal/v446/n7137/abs/nature05678.html ) En 2010 le même phénomène avait été détecté à température ordinaire dans les protéines photosynthétiques d'algues marines, (Voir Nature http://www.nature.com/nature/journal/v463/n7281//full/nature08811.html ).
Dans un système macroscopique classique, l'électron se déplace au hasard des canaux de connexion, en les explorant l'un après l'autre. Dans un système quantique, il explore simultanément les différents canaux disponibles jusqu'à trouver le plus efficace. Ceci fait, sa fonction d'onde s'effondre, ce qui permet quasi instantanément l'établissement d'une liaison physique classique, qui par définition se révèle rétroactivement la voie plus efficace. Un processus analogue à celui se produisant dans un calculateur quantique permet ainsi à l'organisme photosynthétique, que ce soit une bactérie ou une feuille, de trouver à partir d'une recherche instantanée au hasard, le meilleur chemin possible pour assurer au sein du milieu interne la transmission de l'énergie solaire.
Ceci expliquerait pourquoi les plantes, même lorsque la lumière est faible, peuvent transformer en énergie plus de 90 % des photons qu'elles reçoivent. Par fort ensoleillement, elles sont obligées d'en évacuer la moitié, sinon elles périraient par surchauffe. Inutile de dire que reproduire de tels processus est l'enjeu de la photosynthèse artificielle. Mais aucun mécanisme probant n'a pu encore être mis au point. Serait-il possible d'envisager le recours à des bits quantiques jouant le rôle d'explorateurs dans le champ des possibles ?
D'autres exemples aussi surprenants tirés de l'observation de la nature suggèrent le rôle d'effets quantique dans les organes sensoriels ou cérébraux de divers animaux. Aujourd'hui, l'étude du sens de l'orientation des oiseaux, si efficace qu'il reste encore en partie incompréhensible, semble de démontrer. En 2004, Thorsten Ritz de l'University de Calfornie avait suggéré que les oiseaux possédent un organe sensoriel contenant des particules dont le spin enregistrerait les variations du champ magnétique terrestre, produisant des signaux que leur cerveau pourrait détecter. Mais le mécanisme nécessaire n'avait pas été découvert.
Récemment le Pr. Marshall Stoneham de l' University College London, malheureusement décédé au début de l'année, a suggéré (Voir arxiv, A new model for magnetoreception http://arxiv.org/abs/1003.2628 ) que les oiseaux « voient » à proprement parler les variations du champ magnétique. Ils utilisent pour cela une propriété permettant de détecter la polarisation de la lumière qui est également présente dans l'oeil humain, mais qui n'a pas été développé chez l'homme pour l'orientation. Il s'agit de l'effet dit de la brosse de Haidinger (http://en.wikipedia.org/wiki/Haidinger%27s_brush) se traduisant par l'apparition de zones de différentes couleurs dans le champ visuel.
Cet effet chez l'homme résulte d'une propriétés des cônes, l'une des deux espèces de cellules photoréceptrices. Ceux-ci sont dotés d'une molécule dite lutein sensible à la lumière bleue. Le champ magnétique pourrait produire une distorsion de cette nature dans le champ visuel de l'oiseau. Elle changerait avec les orientations du champ. Mais pour cela, il faudrait que les états quantiques impliqués durent assez longtemps pour affecter simultanément un nombre minimum de molécules photoréceptrices. Des photons quantiques maintenus en état de cohérence le temps suffisant grâce à un dispositif encore hypothétique présent dans l'oeil, pourraient permettre ce résultat.
Commentaires
Les observations et les hypothèses relatées ici semblent concordantes : elles feraient soupçonner dans la nature l'existence d'un continent inexploré considérable, comparable selon le mot d'un chercheur à la partie immergée d'un iceberg. Il sous tendrait ce que nous croyons être les réalités actuelles, celles du monde biologique macroscopique. Certes, il ne s'agit encore que d'indices dispersés, sur lesquels l'accord est loin d'être général. Mais si l'ensemble se confirmait, d'autres recherches seraient certainement entreprises et le phénomène apparaîtrait beaucoup plus répandu qu'il ne l'est actuellement. Il pourrait aussi apporter des solutions à bien des aspects de la vie qui restent encore mystérieux, par exemple son étonnante résilience aux agressions ou le fonctionnement du système nerveux, y compris celui du cerveau dit conscient.
Comment aujourd'hui pourrait-on décrire le phénomène ? En simplifiant, on dirait que les organismes vivants se comportent comme des calculateurs quantiques relativement simples. Un calculateur quantique génère en tout petits nombres, non sans difficultés techniques pour les laboratoires en charge de sa réalisation, des bits quantiques dont il exploite les propriétés, notamment la superposition et l'intrication. Il peut ainsi réaliser dans des temps très réduits une grande quantité d'opérations élémentaires, par exemple la mise en facteur d'un nombre très grand. Une fois l'opération accomplie, le résultat du calcul est utilisé par le mathématicien comme s'il provenait d'un calcul ordinaire. Mais le temps gagné et l'avalanche de résultats jusque là impossibles à obtenir devraient révolutionner l'exercice des mathématiques.
Les organismes biologiques impliqués dans les observations relatées ici font un peu de même. Ils ont spécialisé certains de leurs organes dans des tâches difficiles ou impossibles à réaliser avec des processus physiques ou chimiques traditionnels. Ces organes spécialisés sont capables d'utiliser des particules quantiques le temps de leur faire effectuer des opérations essentielles aux fonctions vitales basiques : se procurer de l'énergie, se doter d'organes sensoriels élémentaires, impossibles ou difficiles autrement. Mais, le résultat de l'opération obtenu, les organismes biologiques en question ne s'enferment pas dans les facilités permises par les processus quantiques. Ils les dépassent et, sous la pression de la compétition, accomplissent des performances bien plus complexes, relevant de la biochimie macroscopique. Ils se comportent comme le feront les mathématiciens utilisant les futurs calculateurs quantiques. Les mathématiciens ne se contenteront pas des performances de ces calculateurs. Ils continueront à perfectionner les algorithmes et les applications de la mathématique ordinaire.
On serait tenté de supposer que les organismes biologiques procèdent de la même façon, n'utilisant que par défaut les processus quantiques. Mais ce faisant, ne risque-t-on pas de passer à côté précisément du corps immergé de l'iceberg, qui serait l'intrication à tous les niveaux de particules quantiques et de composants biochimiques ordinaires. Pour progresser dans cette dernière hypothèse, il faudrait poser et tenter de résoudre un grand nombre de questions. Nous en suggérons ici un échantillon, rédigé dans le désordre et sans plan de recherche précis :
- à quel moment dans l'histoire de la vie seraient apparus les processus quantiques venus en soutien du développement de cette même vie ? dès les époques prébiotiques, chez les premiers procaryotes, chez les premiers eucaryotes, chez les premiers multicellulaires ?
- cette apparition était-elle « inévitable », compte tenu de l'évolution des systèmes géologiques et biophysiques. S'est-elle au contraire produite une seule fois, « par hasard » ? Sous quelles pressions évolutionnaires a-t-elle été exploitée par les premiers systèmes vivants ?
- dans la suite de la question précédente, existe-t-il des applications vitales auxquelles les processus quantiques auraient servi et continuent de servir de support, autres que celles identifiées ici (fonction chlorophyllienne, odorat, navigation) ? Autrement dit, ne pourrait-on pas suspecter que ces processus soient intervenus et interviennent encore dans de très nombreuses fonctions et dans les organes associés qu'ils conviendrait dorénavant d'identifier : métabolisme, perceptions sensorielles, transmissions nerveuses, fonctionnement du cerveau, reproduction et sexualité, langages intra et interspécifiques, tâches d'ingénierie variées, etc.
- pourquoi en ce cas seraient-ils jusque ici restés invisibles à nos yeux ? Soit du fait du manque de culture quantique de nos intelligences, soit parce qu'ils auraient été masqués par les constructions de la biologie et de la culture macroscopiques qui s'y sont superposés ?
- au plan le plus basique, souvent évoqué par les chercheurs, en quoi consistent les outils biologiques naturels capables d'obtenir et de traiter en les protégeant du bruit atomique, autrement dit de la décohérence, des bits quantiques que les techniques les plus perfectionnées de nos sociétés technologiques ont encore le plus grand mal à obtenir et manipuler ? Question qui n'est pas subsidiaire, ces outils naturels seraient-ils susceptibles d'être découverts et exploités par la science et la technologie moderne ? Et pourquoi ne les recherche-t-on pas plus activement ?
- Existe-t-il d'autres particules que les photons et électrons qui soient utilisées par les « processeurs quantiques » biologiques. L'omniprésence de celles-ci s'expliquent puisque ce sont eux qui transportent dans l'univers l'énergie indispensable à la vie. Mais d'autres particules ne pourraient-elles pas, y compris épisodiquement, avoir joué un rôle dans l'évolution ? On pourrait penser au neutrino accompagnant des émissions de rayons cosmiques, malgré son caractère fortement allusif.
Nous terminerons ce petit inventaire de questions en évoquant un problème souvent mentionné. Aujourd'hui, il suscite des hypothèses dont les unes ont déjà donné lieu, ou pourraient donner lieu, à des recherches scientifiques, mais dont les autres relèvent d'une sorte de métaphysique New Age : les neurones, faisceaux de neurones et aires cérébrales du cerveau supérieur, dit conscient, utilisent-ils et de quelle façon des particules quantiques pour produire les performances de notre cerveau ? Comment, si les réponses à ces questions étaient positives, les tissus nerveux auraient-ils acquis de telles propriétés ?
Le bon sens suggère qu'il n'y aurait rien d'étonnant à ce que les fonctions des organes sensoriels primaires, faisant appel au quantique comme dans le cas de l'odorat mentionné dans la première partie de cet article, aient trouvé un prolongement dans la construction des premiers organes centralisateurs et coordinateurs apparus simultanément, c'est-à-dire dans les systèmes nerveux et cerveaux primitifs. Il y a une continuité naturelle entre les neurones des aires sensorielles, ceux des cortex associés et ceux du reste du cerveau, y compris le cortex frontal généralement considéré comme responsable de l'intelligence et de la conscience. Ce serait donc en ce cas tous les mécanismes neurologiques qui pourraient relever de la recherche de solutions quantiques leur conférant leurs performances. Mais qu'en serait-il des traitements relevant de la conscience dite supérieure, notamment ceux relatif au moi, à qui l'on prête des qualités telles que le libre arbitre ?
Nous pensons qu'une première voie permettant de répondre à cette question difficile serait de soutenir les efforts de scientifiques tels qu'Alain Cardon. Celui-ci a entrepris de modéliser des systèmes de conscience artificielle faisant appel aux logiques et informatiques classiques. Il serait possible sur ces bases de se demander si de tels modèles seraient ou non rendus plus performants par l'introduction de calculateurs quantiques et des algorithmes correspondants. En cas d'expériences positives, nous pourrions parier sans risque que les neurologues et neuro-psychologues découvriraient alors, à leur vive surprise, des opérateurs quantiques plus ou moins puissants à l'oeuvre depuis des temps immémoriaux dans les cerveaux biologiques. .
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