Bombes volantes
La nouvelle est tombée dans l’indifférence générale d’un début d’été maussade, accablé par l’organisation d’un Congrès où les turpitudes politiques nationales ont été étalées au grand jour. Etonnant oubli, car la décision prise risque d’handicaper sérieusement les départs en vacances de ces prochaines semaines, voire ces prochains mois. Une décision qui aura demandé douze années pour être prise et qui fait suite à une des plus grandes catastrophes aériennes de ces dernières années, survenue en 1996. On aura mis treize ans à retrouver Karadzic et douze à statuer sur les décisions à prendre pour éviter une nouvelle catastrophe aérienne d’ampleur. Etrange similitude : a-t-on tout fait réellement dans les deux cas pour perdre visiblement autant de temps ? Douze ans donc que des avions non modifiés volent en constituant de véritables cercueils potentiels. C’est incompréhensible. Pourquoi si peu, si tard ? Pourquoi avoir attendu si longtemps avec l’incroyable danger potentiel que représentent ces avions universellement répandus ? Est-ce véritablement raisonnable, si la catastrophe s’est bien produite en raison d’une erreur de conception du modèle d’avion, de ne vouloir y remédier que maintenant ? Et de manière aussi peu médiatique ? Craint-on un vent de panique sur les transports aériens ? Probablement, car ce que vous allez lire est tout simplement... effrayant.
Reprenons : le 17 juillet 1996, un Boeing 747-131 de la TWA, immatriculé N93119, le vol n° 800, décolle de l’aéroport Kennedy, direction Rome Fiumicino, via Paris Charles-de-Gaulle France. A son bord, notamment, je vous l’ai déjà dit, le rédacteur en chef de la revue Guitares et claviers, Guy Dupont, et son pote archi-connu, Marcel Dadi, 46 ans qui rentrent de Nashville par ce vol de nuit. Marcel Dadi vient d’être honoré par le Country Music Hall of Fame in Nashville, c’est une reconnaissance unique pour un de nos compatriotes. Ils font partie tous deux des 43 Français parmi les 230 passagers à bord. Après à peine 11 minutes de vol, l’avion est déjà à 13 700 pieds d’altitude (4 175 m), mais encore loin de son plafond, car il vient juste de baisser un peu le nez pour laisser passer la descente d’un avion filant au-dessus de Rhode Island. Il est alors au-dessus de East Moriche quand il explose brusquement en son milieu ; à 00 h 31 min 12 secondes précises du début du vol (à 20 h 31’12" locales EDT), le nez et la portion avant du fuselage se séparant du reste de l’avion à la hauteur de l’avant de l’aile. Les deux morceaux plongent dans l’océan (le corps principal, sans commandes, remontant quelques secondes sous la poussée des réacteurs), tous les passagers sont déjà morts, dépressurisés trop violemment, comme les pilotes qui ne pouvaient de toute façon strictement plus rien faire dans un cockpit détaché du fuselage et virevoltant de partout. Ils meurent exactement comme les cosmonautes de Challenger, tués à l’impact sur l’océan à près de 200 g. Ceux-là non plus ne sont pas morts instantanément comme l’a indiqué le rapport méconnu de la Commission Rogers. Dadi meurt lui à quelques encablures d’un de ces meilleurs potes : Jerry Barberine, le créateur des cordes d’Angelico, qui vit depuis toujours à Long Island. Tout de suite plusieurs questions se posent : s’agit-il d’un accident ou d’un attentat, que s’est-il passé pour qu’un avion certes vieux de 25 ans d’âge, mais qui semblait en bon état général, se coupe ainsi en deux en explosant ? Les débris sont éparpillés sur l’océan, certains brûlent toute la nuit. Un morceau d’aile baigne encore le lendemain matin à moitié immergé... L’image fait la une de tous les journaux. Certains titrent déjà sur un possible attentat. L’exposition de certains corps de passagers pose un problème d’éthique à certains magazines. Pas à d’autres, à en choquer l’opinion américaine.
Très vite, les premiers témoignages arrivent. Des gens sur la côte indiquent avoir vu une fine lueur juste avant l’explosion proprement dite : la presse avide de scoops s’emballe et met en marche la théorie du complot. L’avion aurait été abattu par un missile, c’est évident. Pas nécessairement, mais ça on va le découvrir après.
Comme toute enquête de ce type, on cherche d’abord à retrouver les morceaux. Ils gisent par 37 m de fond seulement. On les retrouve à trois endroits différents. Enfin, les plongeurs de la Navy (149 au total !), seuls habilités à aller les chercher. L’examen des boîtes noires repêchées n’indique rien de spécial à part une explosion, mais les bandes-son semblent avoir été charcutées par ceux qui les ont examinées. Il manque quelques secondes aux enregistrements (on saura plus tard que c’était dû à l’interruption de courant du court-circuit dans le réservoir !). La carlingue éclatée est reconstruite dans un hangar. Une procédure désormais habituelle. La première fois qu’une journaliste indépendante pénètre dedans, elle remarque qu’il manque une rangée de sièges, en avant de l’aile. La seconde fois qu’elle y retourne, la rangée mystère est présente. Des morceaux complets du fuselage, visiblement, ne proviennent pas du vol 800. La rangée de hublots supérieurs de l’épave ne correspond pas du tout avec le modèle N93119, un 747-131 (série 100), qui n’en comportait que trois de chaque côté. Des erreurs ou manquements qui laissent planer le doute sur l’impartialité de la reconstitution. Malgré les bizarreries évidentes de l’enquête, le bureau d’investigation chargé de l’enquête remet le 23 août 2000 son rapport final de 349 pages qui aura coûté au total 35 millions de dollars aux contribuables américains. Ces experts s’engagent à faire verser à Boeing entre 3 millions et 1 million de dollars pour chacune des victimes, car, selon eux, c’est bien une défaillance matérielle qui est à l’origine du sinistre. La cause "probable" et non "certaine" de l’accident... est l’explosion du réservoir principal de l’avion, suite à un échauffement au sol du carburant et un court-circuit, ou une remontée de flamme le long d’une conduite d’évacuation de carburant. Enflammé brièvement à l’extrémité de l’aile, cela expliquerait en plus la vision fugitive de la flamme. Mais d’une seule. Historiquement, on a du mal à trouver des accidents similaires, depuis la mise en service du premier 747 qui remonte à...1969. 27 ans sans ce genre d’accident, et selon les experts, tous les modèles ou presque de la marque présenteraient un risque pareil, dû peut -être également à des pompes à carburant Hydro-Aire fautives. On ne recense qu’un B-52 qui aurait subi le même sort en 1988. Difficile à croire, surtout que l’année suivante le bureau d’investigation émet des remarques et des recommandations pour modifier les avions existants... mais sans en faire obligation aux compagnies concernées, ce qui étonne tout le monde. Ne pas imposer carrément des modifications rend la thèse de l’accident un peu trop éloignée des réalités : pourquoi ne pas changer tout de suite les éléments fautifs si cela peut éviter un désastre ? L’autre théorie, celle de l’erreur militaire, a donc alors de bons jours devant elle.
Il faudra attendre 2002, en effet, pour avoir une autre explication, non officielle, mais structurée, celle du FIRO (Flight 800 Independent Researchers Organization). Selon ces enquêteurs privés, la thèse du missile évoquée dès le lendemain de la catastrophe se tient tout autant : des débris ont été découverts bien avant l’endroit de la chute, ils contiennent des traces de métaux (zirconium, cerium, du barium et un alliage aluminium-titanium), des traces retrouvées en impact également lors des autopsies (sur 89 corps). Le placement des corps aussi à bord de la carlingue indique une explosion autre que par le dessous de l’appareil. Des autres traces d’explosifs, infimes, ont certes également été détectées dans les restes du compartiment à bagages, mais elles proviennent d’un exercice de détection canin qui a eu lieu quelques heures avant le vol. Et surtout, des témoignages visuels nombreux (736 cas recensés !) abondent sur ces fameuses lueurs perçues juste avant l’explosion. L’ancien conseiller Pierre Salinger, en France, reprend l’idée et devient partisan de la thèse du missile, leurré semble-t-il par une rumeur venue... d’internet. Pas un, mais deux missiles même selon certains. Le capitaine David McClaine et le premier officier Vincent Fruschetti, pilotes du vol 507 d’Eastwind, l’avion qui surgit en face au-dessus du vol 800 dans sa descente, ont nettement aperçu deux traces lumineuses avant l’explosion, juste avant que l’avion descendant des deux pilotes n’allume ses feux d’atterrissages. Le Chief Petty Officer Dwight Brumley, passager du vol 217 d’US Air, a distingué lui aussi au moins une lueur. Ces trois personnes ne seront jamais interrogées par le NTSB.
Une enquête plus approfondie faite par des journalistes plus curieux montre en effet que ce jour-là la Marine américaine est en essais... de largage de missiles par des sous-marins (huit de présents !), via leurs tubes lance-torpilles et non par des largages classiques pour les sous-marins équipés de missiles de type Tomahawk ou Harpoon... dans un reportage télévisé, l’embarras de l’amiral Kristensen, responsable de la Marine, est plus que visible face aux journalistes qui lui demandent des éclaircissements... sur les activités exactes de la Navy à cet endroit. Sous le 747, le 153e construit, ce soir-là, il n’y a pas moins de 22 navires militaires de toute sorte. Ce reportage révèle, par exemple, que l’USS Normandy, un lanceur de missiles de classe Ticonderoga, était également présent sur les lieux, et qu’il ne garde pas mémoire sur son livret de bord de ce qu’il a fait ni de ce que les autres navires ont pu faire ce jour-là, ce qui est plutôt singulier. Il revenait d’une campagne en Bosnie où il avait tiré 13 Tomahawks. Il en avait déjà tiré 26 pendant la guerre du Golfe. On sait aussi qu’un navire de ce type, l’USS Vincennes, avait déjà abattu un airbus le 3 juillet 1988 au-dessus du détroit d’Ormuz, à la fin de la guerre Irak-Iran, tuant 290 personnes dont 66 enfants, prouvant par l’horreur l’efficacité des missiles guidés tirés de navires. L’année 1996, justement, les Etats-Unis concluaient leur erreur magistrale en versant 61,8 millions de dollars aux Iraniens. Difficile cependant d’imaginer qu’ils puissent refaire une erreur similaire la même année. Mais les lanceurs de missiles, sous-marins ou croiseurs, ne manquent pas à ce moment-là dans le coin : il y avait eu tentative d’interception de missile par un autre ? La zone d’exclusion militaire toute proche existait... les militaires l’ont-elle dépassée ? Ce ne sont pas les militaires seuls qui posent problème : l’attitude des autorités elle-même est sujette à caution. Tout se passe comme si on avait affaire à un dossier hyper-sensible, dans lequel le FBI intervient à tout moment pour brouiller les pistes ou faire disparaître les preuves.
Deux journalistes plus curieuses que d’autres, dont Kristina Borjesson, s’aperçoivent en effet lors de leur enquête, qui s’oriente vers la thèse du missile, que ce fameux FBI les "serre" de plus en plus près de façon manifeste. Elles se feront voler documents et ordinateurs dans leur voiture, juste avant un rendez-vous avec la chaîne de TV de l’une d’entre elles. Les pressions deviennent énormes. La journaliste d’ABC est promptement virée de sa chaîne, juste après avoir été contactée par Oliver Stone pour la réalisation d’un documentaire sur le sujet. Au dernier moment, Oliver Stone laisse tomber le projet, sans aucune explication autre qu’un coup de fil d’un de ses agents. Dans une émission récente de télévision, Michel Breistroff, le père d’une victime (roubaisienne, son fils étant un jeune et prometteur champion de hockey) avoue lui avoir signé un papier s’engageant à ne plus jamais attaquer les autorités des Etats-Unis en échange d’une somme de dédommagement pour la mort de son fils. Trop de poids, trop de pressions ont fini par avoir raison de sa ténacité. Mais il n’est toujours pas persuadé par l’explication officielle, et affirme toujours vouloir... se venger. Pour lui, la thèse de l’accident est tout simplement... invraisemblable.
Accident ou erreur militaire, ne reste donc aujourd’hui que cette annonce tardive et incroyablement surprenante : douze ans après, l’aviation civile américaine accrédite une deuxième fois la seule thèse officielle et recommande impérativement cette fois de modifier tous les réservoirs centraux des Boeing 747. Autant dire que c’est irréalisable. L’emplacement est tel (c’est au cœur de l’avion !) et la dimension si importante (il peut contenir 50 000 litres !) qu’on est en droit de se demander pourquoi seulement maintenant... autant insister, et passer à l’obligation de le faire alors que cela fait douze ans que ça aurait dû être fait. Pourquoi le redemander avec une telle insistance maintenant ? Au départ, comme vous, je suppose, je n’ai pas compris pourquoi douze ans jour pour jour après la catastrophe un organisme officiel ressortait cette nouvelle recommandation, en forme d’obligation cette fois, et la faisait débouler en plein été sur les téléscripteurs. Jusqu’à ce qu’on trouve une explication plausible. Elle nous vient directement de la crise pétrolière, en fait. C’est la seule raison valable, et c’est absolument... terrifiant.
Selon le rapport officiel, en effet, c’est un court-circuit sur un des câbles d’arrivée de courant des pompes chargées de l’air conditionné des cabines, situées étrangement juste au-dessous du réservoir qui aurait provoqué l’explosion. Ces mêmes conditionneurs d’air de cabine ayant fonctionné à plein régime pendant plusieurs heures avant le décollage ont fait monter la température du kérosène dans le réservoir situé juste au-dessus. La résultante d’un long scénario : l’avion avait attendu en plein soleil tout l’après-midi avec un réservoir central presque à vide, car dans le sens Washington-Paris l’avion prend un jet-stream en altitude qui lui fait consommer nettement moins de carburant qu’en sens contraire. Le kérosène résiduel s’était alors vaporisé, devenant une bombe potentielle. Selon une première théorie, le kérosène se serait enflammé à partir d’une simple étincelle, en atteignant 52 °C (127 °F) bien au-dessus de son point éclair (qui est de 100 °F ou 37,7 °C), tant la tôle avait chauffé cet après-midi-là (le réservoir central déborde sur les deux ailes). Sur les avions militaires, pour éviter ce genre de choses, on injecte de l’azote à la place de l’air, ce qui empêche la formation d’un mélange explosif. Pas sur un 747, où rien n’a été prévu dans ce cas précis. Selon certains experts, l’embrasement aurait provoqué cette fameuse lueur préalable, car la flamme aurait cherché d’abord à sortir par les vide-vite de bout d’aile, se serait éteinte à cet endroit pour refluer dans l’autre sens et tout faire sauter. Ce serait l’explication de la lueur vue avant la destruction en vol. Une autre théorie veut que ce soit le transfert de carburant d’un réservoir à l’autre qui aurait chargé en électricité statique les tuyauteries... mais toutes les théories partent de la même constatation : le mélange kérosène était explosif car il y avait fort peu d’essence et beaucoup d’air... Depuis, pris par le temps, on avait résolu le problème d’une façon radicale : comme Boeing ou les compagnies n’avaient en effet pas le temps (ou la volonté ?) de modifier le caisson central de l’avion... on avait choisi de mettre tout simplement davantage de carburant inutilisé dans ce fameux réservoir : il en rafraîchissait en effet les parois ! Et ainsi le mélange air/vapeurs de kérosène devenait trop pauvre... en air. Cela évitait surtout à Boeing d’avoir à installer des cartouches d’azote... Mais faisait consommer davantage aussi, l’avion étant plus lourd... ainsi lesté d’un kérosène servant de réfrigérant avant même de servir de carburant. Un emplâtre, pas une solution définitive. Une solution bâtarde, qui durait et dure encore depuis... douze ans.
Vous voyez enfin où je veux en venir : depuis quelques mois, les prix du carburant montent en flèche et le kérosène aussi. On assiste à des scènes pendables déjà : des syndicats de commandants de bord se plaignent depuis peu des restrictions de carburant qu’ils subissent. Certaines compagnies négligent déjà les 10 % de capacité de réservoir nécessaires à la sécurité, du type carburant nécessaire pour se mettre en attente dans une boucle en cas de piste inutilisable ou indisponible. "American figures it will save $10.5 million this year by going to Europe with a 5% fuel reserve instead of its customary 10%, though it will need federal approval to do so. Other airlines, United and Continental, are looking for similar ways to containfuel costs". Se poser va bientôt relever de la roulette russe, aucun délai d’attente ne sera permis, on ne pourra pas tenter deux atterrissages, faute de carburant. Et certains, parmi les pilotes, c’est évident, voient d’un mauvais œil le non-remplissage du réservoir central dans le cas d’un vol Etats-Unis vers Europe. Y compris sur des Boeing 757 qui présentent le même problème de conception que les 747. Ils ne souhaitent pas voler sur une bombe similaire à celle du vol TWA 800. Comme chez Continental, où un pilote interviewé a vendu la mèche récemment : "à quatre-vingt-seize reprises l’an dernier, les boeings 757 de la compagnie Continental Airlines ont atterri à New York-Newark en provenance d’Europe avec les jauges des réservoirs dans le rouge." Et ceci pour le vol contraire, qui en nécessite davantage, on l’a vu. Sachant qu’on remplira d’abord les réservoirs d’ailes avant le réservoir central (c’était le cas du TWA 800 ou le central était quasi vide !)... calculez la probabilité pour reproduire les circonstances de l’explosion de la TWA dans les semaines à venir...
On en est là aujourd’hui, avec cette terrible menace, liée à la nouvelle gestion de la pénurie de kérosène, ou de ses restrictions. Les Boeing 747 et 757 produits, dont la liste est impressionnante, car elle atteint aujourd’hui 3 000 avions dont la moitié encore en exercice, s’ils devaient être tous modifiés, reviendraient à 700 millions de dollars, avec un changement "en douceur" étalé sur neuf années. Le hic, c’est que ça concerne donc plusieurs modèles de la firme, le 757 datant de 1982, tous handicapés par cette disposition de pompes pour conditionnement d’air au-dessous du réservoir central : seuls le 777 cargo (tout récent, il vient juste de faire son premier vol) et le futur 787 Dreamliner échappent à cette recommandation. Si on n’y installe pas des bonbonnes d’azote, et si l’on joue un peu trop serré sur les quantités de carburant embarquées, une bonne paire d’avions pourrait rééditer l’accident de la TWA. On en est là donc aujourd’hui, à attendre bêtement le prochain massacre en vol pour qu’à la place de fortes recommandations, on ait des obligations pures et simples. Mais le marché du transport aérien ne peut, en l’état actuel des choses, décider de clouer au sol 1 500 de ses plus gros porteurs pour leur faire subir des modifications indispensables. On comprend pourquoi une décision aussi importante est sortie en catimini. Ce n’est pas l’heure, ni le moment, de faire fuir les passagers, et il faut les faire patienter les clients de Boeing jusqu’à l ’arrivée du fameux Dreamliner, qui, à mon humble avis, est allé trop vite en besogne avec trop de carbone, dont les effets sur l’électricité statique à cette échelle demeurent par trop inconnus. La découverte de bulles d’air dans les différentes couches de carbone du fuselage n’est pas faite pour rassurer, et évoque tout de suite les criques de fatigue apparues autour des hublots des avions de De Havilland. Le choix du tout-carbone est un pari risqué dans lequel Airbus n’a pas voulu autant s’engouffrer, en laissant au fuselage une bonne place à l’aluminium. Les cycles de vol en air chaud, au sol, et en air d’altitude, extrêmement froid, provoquent des phénomènes de dilatation ou de contraction connus pour des pans entiers de revêtement de carbone, mais pas pour un fuselage complet. Certains voient déjà en plus dans le Dreamliner un appareil qui automatiquement asphyxierait ses passagers en cas d’embrasement, qui serait beaucoup plus rapide. Bref, l’avion de rêve pourrait très bien devenir le cauchemar de la firme de Seattle.
Cet été démarre mal pour le tourisme, espérons que les bombes volantes potentielles ne le deviendront pas réellement. Et espérons également que l’avion de rêve futur ne redevienne pas non plus le cauchemar du Comet. Boeing est aujourd’hui sur la sellette, et il le sait : lors du tout dernier crash du 747 de Kalitta Air près de Bogota, ce 7 juillet dernier, il s’est senti obligé de mettre rapidement en ligne ses excuses aux familles touchées. Un signe qui ne trompe pas sur le sentiment que la firme a de sa responsabilité commerciale actuelle, qui est fortement engagée. Le très récent incident de Quantas démontre qu’il peut encore y avoir d’autres problèmes dans le secteur du réservoir central de l’avion incriminé. On a échappé de peu, ce jour-là, à une catastrophe, pas moins, due cette fois très certainement à l’explosion d’une bouteille d’oxygène interne. Sa répétition trois jours après n’est pas due au simple hasard : les avions fatiguent, leurs cellules vieillissent. Et les restrictions budgétaires coupent en premier les dépenses d’entretien ou de sécurité. Obama lui-même avait goutté récemment aux joies d’un déploiement intempestif en plein vol d’un toboggan gonflable arrière... de sécurité, sur un MD81 de Midwest... anciennement McDonnell Douglas, devenu depuis... Boeing.
Tout cela tombe très mal au moment où l’ensemble de la profession est en crise. La décision surprise de l’agence d’aviation civile américaine sonne véritablement comme un cri d’alarme : demain d’autres catastrophes sont annoncées si on ne réagit pas mieux qu’on a pu le faire depuis douze ans. Pour l’instant, c’est triste à dire, mais son cri ne semble pas beaucoup avoir été entendu. Les médias traditionnels, qui ont déjà oublié la catastrophe de 1996, n’ont pas fait le lien entre restrictions de kérosène et agrandissement du risque de catastrophe aérienne sur une bonne partie de la flotte mondiale. Souvent, en effet, les gens ne savent pas retenir les leçons de l’Histoire. Même quand elles sont particulièrement dramatiques, comme c’est le cas pour le vol 800 de la TWA.
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