La physique d’Einstein malmenée : E n’est pas toujours égal à mc2 ?

La physique contemporaine est en plein bouleversement et sans qu’il ait des crises de nerf, comme chez ceux qui gravitent autour de Cahuzac, des crises théoriques se précisent, notamment dans le champ très spécialisé de la gravitation. Il y a un an, j’avais évoqué l’étrange papier de Verlinde sur la nature entropique de la gravité. En ce début d’année 2013, la signature d’un jeune lycéen de 15 ans dans la revue Nature fut un prétexte pour que les médias envisagent la destitution d’Einstein, mais c’était un peu rapide. Les résultats publiés ont juste confirmé que la théorie de formation des galaxies basée sur la cosmologie relativiste doit être revue et qu’il y a dans le mouvement des galaxies naines un ordre qui semble échapper au cadre théorique consensuel. Cela étant, le socle de la physique moderne, issue de Galilée, Newton et Einstein, continue à être testé par les physiciens, espèce d’individus qui semble se scinder en deux catégories, d’un côté les conservateurs pour qui les fondamentaux doivent rester la base des théories et expérimentations alors que d’un autre côté, les iconoclastes, pour ne pas dire les rebelles, cherchent de nouvelles hypothèses et se prennent à rêver de remettre en cause quelques principes qu’on pensait inébranlables.
Parmi eux figure Andrei Lebed, physicien américain basé en Arizona, qui il y a quelques temps a suggéré une incroyable hypothèse capable de saper les fondements de la physique moderne. D’après Lebed, la masse inertielle et la masse gravitationnelle ne coïncident pas. C’est tout l’édifice de la physique du monde étendu (incluant la mécanique rationnelle et la cosmologie) qui s’effrite mais sans altérer les acquis puisque cette physique est vérifiée sur terre avec une incroyable précision et du reste, montre son efficacité en permettant les calculs indispensables au GPS. Depuis Galilée et Newton, la mécanique postule la stricte égalité et même l’équivalence entre masse gravitationnelle et masse inertielle. La masse inertielle, c’est ce qui fait qu’un véhicule qui dérape et passe de l’autre côté de la route ira s’encastrer dans le premier platane présent sur sa trajectoire. La masse gravitationnelle, c’est ce qu’on entend couramment par le poids. Une pierre de dix kilos possède une masse gravitationnelle égale au double de celle d’une pierre de cinq kilos. C’est pour cette raison qu’il est plus difficile de soulever la première. Une automobile dont la masse est de une tonne ira s’encastrer inertiellement dans un platane qui résistera. Par contre, je ne donne pas cher du même platane si c’est un 38 tonnes qui dérape. Bref, ces détails ne sont anecdotiques, illustrant la différence entre masse gravitationnelle et inertielle qui du point de vue physique, sont équivalentes, de Galilée à Einstein mais qui peut-être ne le seront plus si Lebed réussit son coup. Ce qui risque de troubler le monde des physiciens.
D’après Lebed, la non équivalence entre les deux masses proviendrait des effets quantiques sur les masses. Autant dire que la bisbille entre la relativité d’Einstein et la mécanique quantique n’est pas prête de s’achever. Ces deux théories ont produit ces étranges phénomènes que sont les évaporations des trous noirs et maintenant, voici que selon Lebed, les effets quantiques au niveau atomiques permettraient de calculer une différence entre inertie et gravitation et pourraient même être testés avec un dispositif expérimental. Je ne connais pas les détails des calculs qui ont été présentés l’été dernier par Lebed au congrès Marcel Grossman qui réunit tous les trois ans un bon millier de spécialistes en astrophysique et cosmologie relativistes. Ces calculs ont suscité l’étonnement général et leur principe est présenté par le service de communication de l’Université d’Arizona où travaille Lebed. Ils seront bientôt accessibles dans les actes du congrès.
Lebed est parti dans sa quête avec le souci d’unifier la relativité et la physique quantique. La fameuse équation d’Einstein E = mc2 est valable pour la masse inertielle mais serait mise en défaut pour le calcul de la masse gravitationnelle qui n’est pas la même. Si j’ai bien compris, cette équivalence serait vérifiée sur terre, dans le contexte d’un espace temps fortement courbé, mais ne serait plus valide loin de la terre, dans un endroit où l’espace est pratiquement plat. Ce serait donc le degré de courbure de l’espace qui ferait que les deux masses sont ou ne sont pas égales et cet effet pourrait être mesuré en utilisant des atomes d’hydrogène. Cet atome peut occuper des états d’énergie différents, en absorbant des rayonnements. La masse relativiste de cet atome est ainsi susceptible de varier mais alors, de quelle masse parle-t-on ? En principe des deux, l’inertielle et la gravitationnelle. Or, ce ne serait pas le cas et le moyen de le savoir imaginé par Lebed consiste à observer finement les transitions énergétiques des atomes en envoyant une sonde loin de la terre avec à l’intérieur un dispositif adéquat. Autrement dit, les transitions énergétiques dépendraient de la courbure gravitationnelle. Cette expérience devrait permettre (je ne sais pas comment) de tester cette hypothèse qui si elle se vérifie, pourrait ébranler la physique moderne. Cette non équivalence n’est pas anodine car la masse gravitationnelle intervient dans les équations d’Einstein au niveau du membre de droite, avec le tenseur impulsion énergie. Cela n’aurait aucune incidence pour nous mais conduirait sans doute à revoir les calculs effectués sur la formation des galaxies et leur mouvement. En résumé, si la masse inertielle est invariable, la masse gravitationnelle dépendrait de la courbure de l’espace et donc E ne serait pas toujours égal à mc2.
Autant dire que si l’expérience confirmait l’hypothèse de Lebed, c’est la physique moderne qui serait bouleversée. Mais le regard du métaphysicien ne sera nullement surpris car la non équivalence de la masse inertielle et de la masse gravitationnelle n’a rien d’obligatoire ni d’universel. Pour le dire avec quelques explications, la masse inertielle est le résultat d’une « effectricité positive et locale » de la « substance » (voir ma thèse Procès et Miroir) alors que la masse gravitationnelle répond à une exigence globale et relève de l’ « effectricité translocale » et négative. Bref, la masse inertielle étant intrinsèque à la matière, elle reste la même mais la masse gravitationnelle peut varier en fonction des propriétés du champ (la courbure). Voili voilou, alors on attend les prochaines nouvelles du front relativiste et quantique.
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