Quelle place pour le nucléaire dans la transition énergétique ?
Le débat sur la transition énergétique s'oriente de façon irrationnelle vers la "sortie du nucléaire " laquelle est avant tout le retour du charbon. Cet article expose comment la nécessité d'empêcher la catastrophe climatique due aux rejets de gaz de serre et ceux lié à l'impérieuse necessité de prévoir d'ici le milieu du présent siècle le remplacement des combustibles fossiles en cours d'épuisement par des sources d'énergie plus durabales font qu'il est impossible de ne pas recourir au nucléaire.
par
François Ramade
Professeur Emérite d’Ecologie à la Faculté des Sciences d’Orsay
(Université de Paris-Sud),
Président d’Honneur de la Société Française d’Ecologie[1],
Membre Honoraire du Conseil scientifique de l’IPSN[2]
La transition énergétique, une ardente obligation
Depuis le premier choc pétrolier, celui d’Octobre 1973, voici donc quatre décennies, il est devenu évident au fil du temps que l’approvisionnement énergétique de la civilisation industrielle demeurait précaire dans le moyen terme, évidence perçue, même par le profane, à la suite de la tendance haussière, considérable et persistante du prix des carburants mais aussi des autres formes d’énergie. La conjonction de ces interrogations avec la prise de conscience d’un changement climatique majeur lié à l’usage croissant des combustibles fossiles a contribué à l’émergence du concept de « transition énergétique ».
En dépit de son usage devenu banal chez les citoyens concernés des pays industrialisés, le terme de transition énergétique recouvre bien des ambiguïtés[3] dans la façon dont certains l’appréhendent, tant au plan technique qu’économique. Pour beaucoup, cette transition s’impose en premier lieu à cause du réchauffement climatique global, lequel exige inexorablement une « décarbonation » de la civilisation industrielle, afin de prévenir une catastrophe climatique planétaire calamiteuse pour l’espèce humaine. Pour d’autres, il tient en l’absolue nécessité de trouver une substitution aux hydrocarbures dont l’épuisement se situe dans un avenir plus rapproché que d’aucuns ne l‘imaginent[4]. Cette nécessité de recourir à des énergies de substitution représente dès à présent un impératif catégorique et résulte de ce qu’il existe une corrélation absolue entre l’accès à une énergie abondante et bon marché et l’activité économique. En conséquence, toute raréfaction de l’énergie et toute hausse concomitante de son prix provoque fatalement une période de récession économique[5]. Enfin, pour certains inconditionnels de la « sortie du nucléaire », cette transition consiste avant tout en l’éradication de l’usage de l’énergie de fission pour la production d’électricité.
Le simple bon sens indique pourtant que cette transition s’impose dès à présent, en premier lieu afin d’assurer à l’humanité un approvisionnement durable en énergie et simultanément de prévenir une changement climatique global calamiteux voire cataclysmique, par une réduction rapide et planifiée de l’usage des combustibles fossiles. Elle implique en préalable de déterminer rapidement le meilleur « mix » énergétique qui permettrait aux générations futures de bénéficier d’une disponibilité satisfaisante en énergie tout en résolvant le problème du changement climatique.
N’en déplaise aux obsédés de la « sortie du nucléaire »[6], une réflexion rationnelle montre que la seule solution réalisable et durable dans le long terme tient dans une combinaison nucléaire - énergies renouvelables, la seule qui permettrait de disposer de ressources suffisantes en énergie tout en évitant un changement climatique majeur[7].
La fermeture de Fessenheim, une bien mauvaise initiative pour ouvrir le débat national sur l’énergie !
Peu après le lancement du débat national sur la transition énergétique[8], les pouvoirs publics, se conformant à une promesse de campagne du Président Hollande, hélas influencé par l’irrationalisme propre à certains courants de pensée dits « écologiques »[9] , ont initié la première étape de la fermeture de Fessenheim en nommant un liquidateur[10] ! Pis encore, ils ont déjà mis en œuvre, de façon inavouée voire clandestine, diverses mesures passées inaperçues qui préparent de facto une sortie progressive du nucléaire telles - parmi d’autres - l’abandon de l’EPR de Penly et le non financement du projet ASTRID (réacteur rapide au sodium de 600 MWe), filière dont on sait qu’elle constitue la base de la prochaine (4e) génération de réacteurs nucléaires civils .
Il est pourtant facile à quiconque dispose de quelque compétence sur les problèmes d’énergie de montrer d’une part la désastreuse confusion propre au débat gouvernemental sur la transition énergétique et dans l’immédiat, en préalable à ce dernier, l’absurdité tant technique qu’économique, que constitue la fermeture de Fessenheim.
A l’échelle de notre pays, c’est en effet par une approche scientifique, rationnelle en un mot, qu’il s’imposerait de reconsidérer en premier lieu la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et a fortiori de prévenir la diminution du nombre de réacteurs nucléaires fonctionnant en France d’ici 2025, décision intempestive du Président Hollande destinée à réduire à 50 % la part du nucléaire dans notre bilan électrique national !
Un faux motif de dangerosité
Il est d’emblée évident que la fermeture de Fessenheim ne s’impose aucunement pour des raisons de sûreté nucléaire, qui constituent pourtant l’argument majeur sur lequel s’appuient pour la justifier des « écologistes » frénétiques « d’une sortie du nucléaire » …et les pouvoirs publics. Faut-il rappeler qu’en 2011, à la suite de la catastrophe de Fukushima, l’Agence de Sûreté Nucléaire, après une inspection approfondie de l’ensemble du parc électronucléaire français, n’a demandé l’arrêt d’aucune centrale. Au contraire, elle a même confirmé lors de ses inspections que rien techniquement (enceintes, cuves, etc…) ne justifiait l’arrêt de Fessenheim. En effet, ses réacteurs ont la capacité de pouvoir fonctionner sans problème de sécurité pendant non pas la prochaine décennie mais dans les 20 années à venir par suite de la qualité très élevée de l’acier constituant sa cuve, dont les impuretés de cuivre ont été réduites à un très bas niveau, ce qui lui confère une particulière résistance aux dommages causés par le flux neutronique (fluence), générateur de fissures. De plus, en dépit de marges de sécurité déjà très élevée, l’ASN a demandé un renforcement du radier en béton situé à la base de l’enceinte des réacteurs, certes moins épais que celui des autres réacteurs de l’EDF, mais d’épaisseur équivalente à celle des réacteurs de Fukushima, qui ont pourtant résisté à la corrosion du corium[11] qui avait percé la cuve de ces réacteurs !
Quand au risque sismique, c’est un faux problème quand on songe que le pire des séismes ayant jamais eu lieu en Alsace - pris en compte lors de la construction de Fessenheim - est de niveau 6,5 sur l’échelle de Richter, intensité à laquelle ont résisté les réacteurs de Fukushima[12].I
Il résulte donc essentiellement de cette affaire que le Gouvernement actuel bafoue le respect des positions de l’ASN, qui est pourtant l’autorité indépendante en matière de sûreté nucléaire, pour de strictes raisons d’alliance électorale !
Conséquences techniques et économiques
La fermeture de Fessenheim - si elle advenait - soulèverait de nombreux problèmes techniques et économiques dont les coûts induits sont considérables et ont été abusivement sous-estimés par nos politiques au pouvoir. Elle pose d’abord de façon incontournable la question de renforcement du réseau électrique national à très haute tension. En effet, cet arrêt contraindrait de facto RTE, l’organisme gérant ce réseau, de procéder au plus vite à une série d’ « opérations palliatives » indispensables pour assurer l’approvisionnement électrique de l’Alsace, devenue de ce fait déficitaire, afin de maintenir la tension localement et d’adapter le réseau électrique alsacien aux changements de flux électriques afin de se prémunir contre une éventuelle surcharge du réseau consécutive à cette fermeture. Cette mesure exigera d’emblée 50 millions d’Euros[13] et au total 150 millions d’euros dans les toutes prochaines années….cela bien entendu ne préjuge pas du remplacement de la production électrique ainsi perdue qui devra d’une façon ou d’une autre l’être, et du coût des achats d’électricité, on imagine à l’Allemagne voisine, qu’elle impliquera !
Mais bien au delà, en fermant Fessenheim, on retirerait une pièce de la pyramide qui permet au réseau électrique national de répondre en permanence à la demande d’électricité car cette centrale est un élément important dans la régulation primaire et secondaire de ce réseau. Sa fermeture, en dépit de délestages impératifs en situation d’urgence, augmenterait de manière significative les risques de Black out électrique généralisé dans notre pays !
En définitive, il est impossible d’arrêter l’alimentation du réseau national par une centrale de la puissance de Fessenheim soit 1,8 Gw(el) sans avoir mis au préalable en service une puissance électrique installée de valeur équivalente, fonctionnant au moins en semi-base, pour des raisons de stabilité du réseau électrique - ce que Mme Batho lors d’une inconséquente intervention faite cet automne paraissait entièrement ignorer[14] ! En effet, un réseau électrique peut s’écrouler aussitôt que la baisse de fréquence ne peut être compensée immédiatement à la suite d’un manque de production résultant, par exemple, de la disparition brutale de l’électricité produites par des champs éoliens. Cet écroulement peut advenir pour une baisse de fréquence d’à peine quelques pour cent !
Un tel écroulement se produirait immanquablement en période de pointe, au delà d’impératifs délestages, sans mise en route immédiate d’une capacité de production supplémentaire, Fessenheim représentant à lui seul quelques 900 mW/hertz à comparer aux 12.000 MW/Herz du REF. A-t-on envisagé les conséquences matérielles pour les usagers - et économiques - d’un « black out » généralisé de notre pays pendant 24 h ( estimées pour l’Allemagne à 30 milliards d’euros) ?
Comment remplacer Fessenheim ?
En cas d’arrêt de Fessenheim, il s’imposerait donc de construire au préalable, un ensemble de centrales au charbon, ou au gaz à cycle combiné, de puissance totale identique qui puissent fonctionner en base. La première option paraît la plus vraisemblable car à l’heure actuelle, compte tenu des prix élevés du gaz en Europe et de la baisse de celui du charbon, l’usage de ce combustible dans la production d’électricité par des centrales thermiques connaît un accroissement rapide et considérable[15] !
L’option charbon est d’autant plus évidente qu’outre le prix du combustible, le coût de construction d’une centrale à gaz à cycle combiné, atteignant quelques 1500 € le KW(e) installé, tous investissements inclus, est bien supérieur à celui d’une centrale au charbon. En effet, l’arrêt de Fessenheim nécessiterait pour EDF dans cette dernière option près de 3 milliards d’investissements pour son remplacement et l‘importation de plus d’un milliard d’euros par an de gaz naturel !
On pourrait donc ironiser sur le fait que la fermeture de Fessenheim « améliorera » incontestablement la balance des échanges commerciaux extérieurs de notre pays, alors que notre faramineux déficit commercial annuel avait dépassé 69 milliards d’euros en 2012, les 69 milliards d’euros résultant des importations d’énergie fossile (charbon, pétrole et gaz naturel) ayant joué un rôle majeur dans le creusement de ce « trou » budgétaire . Qu’en sera- t-il alors si l’arrêt de la moitié de nos réacteurs prévue par le Président Hollande [16] devenait effectif ?
Déclin du nucléaire et emploi
En des temps marqués par une croissance continue et préoccupante du chômage, nos pouvoirs publics, en organisant la réduction du nucléaire, vont provoquer délibérément la disparition d’un nombre considérable d’emplois industriels souvent hautement qualifiés. Malgré les dénégations gouvernementales, des sources fort diverses, patronales et syndicales - représentant donc a priori des intérêts souvent antagonistes - convergent pour considérer que le nucléaire représente en France plus de 400 000 emplois (directs et indirects). Les pertes consécutives à une « sortie du nucléaire » ont été évaluées à 410 000 en fin 2011 par le Cabinet américain de Consultants Price Waterhouse Coopers, soit près de 4 % des emplois industriels recensés alors en France[17] !
Dans ce contexte, il est absurde sinon cynique de la part du Gouvernement de prétendre pouvoir accompagner cette désindustrialisation du nucléaire en compensant les emplois ainsi perdus par les activités de démantèlement des réacteurs arrêtés ! Outre que celles-ci exigeraient des financements supplémentaires sans pour autant créer de la valeur ajoutée, elles n’emploieraient par ailleurs qu’une faible fraction de l’effectif salarié actuellement engagé dans l’industrie nucléaire. De plus, ce démantèlement ne s’impose nullement dans l’immédiat car le temps travaille spontanément en faveur de la décontamination par suite de la décroissance radioactive dans ces installations. En conclusion, cette proposition d’alternative aux emplois perdus dans le nucléaire par le démantèlement des réacteurs déclassés s’avère au moins totalement irréaliste voire stupide. La raison voudrait au contraire que l’on renouvelle au plus vite les centrales ayant atteint l’âge de déclassement, l’actuel gouvernement paraissant « omettre » que dans les 10 ans à venir quelques 24 réacteurs de notre parc auront 40 ans, dont le remplacement impliquerait, au-delà du maintien des emplois existant, la création de nombreux autres…. Cela conforterait en outre un des rares savoir faire industriel encore reconnu à notre pays.
Emploi et énergies renouvelables
Le gouvernement actuel, prétend par ailleurs apporter une compensation des pertes d’activités induites par une sortie partielle du nucléaire par la création présumée de 200 000 emplois due au développement accéléré des énergies renouvelables. Une analyse même sommaire montre que cet argument est non seulement erroné, mais, en fait, tout aussi dérisoire que celui du démantèlement en ce qui concerne les alternatives offertes aux pertes d’emploi liées à une réduction du nucléaire.
Ces énergies, dont le développement est certes incontestablement nécessaire, ne pourront que prendre lentement leur place dans le bilan énergétique global, au cours des décennies à venir, au rythme des progrès techniques encore nécessaires pour les rendre économiquement soutenables. Les puissances électriques installées actuellement en éolien et solaire - en dépit de leur importante valeur absolue permise par de généreuses subventions publiques - ne représentent en fait que quelques pour cent du total des renouvelables[18] dont l’essentiel est constitué par l’hydraulique et la biomasse.
Comble de l’aveuglement, nos politiques au pouvoir considèrent que ce secteur constituerait rapidement un fabuleux gisement d’emplois. Or, l’on ne recensait au total en fin 2011 que 47982 emplois dans les énergies renouvelables dont 31 630 dans l’éolien et le solaire[19]. Il apparaît réellement utopique de prétendre multiplier par 6 cet effectif dans la décennie avenir, pour pallier (partiellement) le déclin du nucléaire. En réalité, dans le contexte de l’ultralibéralisme économique actuel, une incitation forte de nos pouvoirs publics pour les énergies renouvelables créerait certes de nombreux emplois….mais principalement en Chine[20]. Dans notre pays, nous remplacerions donc - très partiellement - les emplois hautement qualifiés perdus dans le secteur nucléaire par ceux, peu qualifiés, de « poseurs » de panneaux solaires. En effet, on omet souvent que la concurrence de la Chine[21] dans le secteur du photovoltaïque est telle que la majorité des panneaux solaires installés en Allemagne, pourtant longtemps leader dans ce domaine, ont été fabriqués dans ce pays. Il en est résulté en fin 2011 plusieurs faillites retentissantes chez les acteurs allemands du solaire, en particulier celle de Q-Cells, le plus grand fabricant européen de capteurs photovoltaïques[22] ! Quant au secteur de l’éolien, Vestas, au Danemark, le plus grand constructeur mondial d’aérogénérateurs, a licencié depuis 2009 plusieurs milliers de ses salariés par suite de la concurrence chinoise[23]. Dans le contexte socio-économique actuel, le développement de ces secteurs d’activité en France ne pourrait donc réellement pourvoir au remplacement que d’une fraction très minoritaire des emplois perdus !
Le cas allemand
Un autre grave conséquence d’un désengagement du nucléaire tient en l’accroissement du réchauffement climatique qu’il implique car il se traduit d’abord par un retour massif du charbon. Dès à présent, l’Allemagne ne pourra pas honorer ses engagements de réduction des rejets de CO2 pris dans le cadre des initiatives européennes destinées à mettre en œuvre le protocole de Kyoto, à la suite de sa sortie, pour l‘instant partielle, du nucléaire[24]. L’incontournable nécessité de disposer dans le réseau électrique d’une alimentation en base, implique qu’il est impossible d’assurer avec les éoliennes et autres énergies intermittentes le remplacement des réacteurs arrêtés d’où le recours à des centrales au charbon[25]. Ainsi, suite à l’arrêt de 8 centrales nucléaires en 2011 et celui prévu des 9 autres d’ici 2022 (soit au total 28 réacteurs), ce pays a du remettre en service plusieurs centrales thermiques déclassées et mis en construction 10 nouvelles centrales thermiques au charbon, 9 supplémentaires y étant en projet afin de pallier le risque de « black out » associé à la fermeture déjà faite ou prévue de ses 17 centrales nucléaires. Ainsi, après sa sortie complète du nucléaire en 2022, les énergies renouvelables produiront 47 % de la production totale d’électricité…… alors que 53 % sera assuré par le gaz et le charbon[26], magnifique illustration du fait que la sortie du nucléaire c’est d’abord le retour au charbon quand on sait que l’Allemagne a fermé en 2012 une centrale au gaz ultramoderne qui n’avait fonctionné que …90 h au cours de cette année à cause du coût très élevé du KWh produit !
L’énergie Nucléaire, une alternative à l’épuisement des réserves d’hydrocarbures fossiles
Au-delà des graves problèmes de changements climatiques, la plupart de nos politiciens n’ont pas encore « intégré » le fait qu’il faut prévoir dès 2035 - soit dans moins de 25 ans - un inexorable déclin du pétrole[27] et une décennie après celui du gaz - en dépit du sursis accordé par le recours au gaz de schiste. Cette échéance peut paraître lointaine pour des hommes politiques. Néanmoins, compte tenu de la longueur des temps de latence propres au renouvellement des systèmes énergétiques, 25 ans représentent une échéance proche ….sinon demain. Il ne s’agit donc pas seulement d’ « économiser l’énergie », évidence largement documentée, car ces économies ne pourront jamais que combler partiellement le déclin, puis l’épuisement des hydrocarbures fossiles lequel, pour le pétrole, est même déjà amorcé[28]…..Ceux qui ergotent sur une prétendue faiblesse des réserves d’uranium à bas coût paraissent ignorer qu’elles sont multipliées par 80 avec les réacteurs nucléaires surrégénérateurs de 4e générations et qu’en outre, que celles de thorium, sont 5 fois plus abondantes que scelles d’Uranium à coût égal d’extraction[29]. Ainsi l’Inde, qui possède à l’échelle mondiale les plus importantes réserves connues en Thorium a mis en route un réacteur au Thorium (filière de l’uranium 233, dont la faisabilité avait été démontrée en Grande – Bretagne avec le réacteur Dragon dès les années 1950…) ………Tout cela place les matières fissiles loin devant les réserves globales en combustibles fossiles, y inclus celles en charbon pourtant de beaucoup les plus abondantes, car leur Q∞[30] est supérieur d’un facteur 1000 à celui de ce combustible…..
Dans un tel contexte, et même en postulant une considérable augmentation de l’« efficacité » énergétique, on voit mal comment les pays industrialisés pourront pallier la disparition progressive des combustibles fossiles sans recours au nucléaire[31]. Cela est d’autant plus évident qu’à somme constante, la part de l’électricité dans le bilan énergétique global ne pourra que continuer à s’accroître. Cela résulte du fait que les besoins intrinsèques en électricité augmentent sans cesse. Pensons simplement à l’accroissement de la climatisation des habitations dont l’irrésistible ascension est en cours dans notre pays et ailleurs en Europe depuis le caniculaire été 2003. Que dire alors si l’on décidait enfin de transférer une part importante du trafic routier de marchandises, fortement émetteur de gaz de serre et générateur de rejets massifs de gaz toxiques, vers le fer électrifié non polluant et plus économe de beaucoup en énergie, a fortiori si l’automobile électrique connaissait le développement spectaculaire qui lui est prédit ?
On ne soulignera donc jamais assez que dans le contexte actuel de changements climatiques globaux liés à l’usage massif des combustibles fossiles, l’énergie nucléaire est celle qui permet de lutter le plus efficacement contre le réchauffement planétaire car elle présente le bilan le plus favorable en matière de réduction des émissions de gaz de serre, son bilan carbone se situant au plus bas niveau, bien au-dessous du solaire et même de l’éolien !
Les arguments précédents impliquent par ailleurs que « tout argent mis dans les énergies renouvelables pour remplacer de l’énergie nucléaire est sans effet pour diminuer la dépendance aux combustibles fossiles, et donc sans effet pour éviter les récessions futures liées aux chocs pétroliers futurs »[32]
En définitive un désengagement dans l’électronucléaire justifié par un développement volontariste des énergies renouvelables constituera un gâchis colossal tout autant que scandaleux, et à bien des égards aberrant, quand on songe qu’existent de nombreux chercheurs et Ingénieurs hautement qualifiés dans nos Institutions spécialisées et réputées mondialement pour la qualité de leurs activités dans ce domaine que sont le CNRS, le CEA, l’IRSN et certains laboratoires universitaires ou encore dans les entreprises concernées telles l’EDF, au moment où s’impose un nouvel et important effort de recherche afin de mettre au point les réacteurs de la 4e génération ! On ne saurait aussi manquer de souligner l‘incohérence d’un Gouvernement actuel actant de facto dans notre pays le déclin du nucléaire - et proposant simultanément par ailleurs à la Pologne et à d’autres pays de construire[33] les réacteurs nucléaires mis au point par les divers organismes de recherche et/ou industriels précédents
Quel mix énergétique ?
En réalité, on peut imaginer bien d’autres modalités de mise en œuvre de la décision de notre Président de réduire à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans notre bilan électrique. Une première alternative, pourtant minimaliste car elle n’implique pas un accroissement du nombre de réacteurs en fonction, serait qu’au lieu d’arrêter sans les remplacer ceux que l’âge a rendu obsolète, la puissance électrique installée dans le nucléaire soit maintenue constante dans les décennies à venir en remplaçant en temps utile les réacteurs déclassés. Dans le même temps serait progressivement accrue la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national au fur et à mesure de la construction de nouvelles installations et de la réduction de l’usage des combustibles fossiles. Cela conduirait certes, de la même façon, a diminuer de facto la part du nucléaire, mais ici dans un bilan global positif à l’opposé de la démarche que propose l’Elysée, aux effets inéluctablement négatifs par suite à la fois des pertes d’emplois et du déficit de production qu’implique cette sortie, fut elle partielle, du nucléaire !
Les faits sont têtus et la réalité imposerait dès à présent aux pouvoirs publics des pays développés de mettre en œuvre les substitutions qu’impose le déclin annoncé, voire déjà en cours et inéluctable, du pétrole et peu après du gaz naturel... sans omettre la lutte contre le réchauffement climatique[34]. Cette problématique a été parfaitement comprise par divers pays, pourtant souvent plus avancés que le notre dans le domaine de la protection environnementale, qui, eux, persévèrent dans la construction de centrales nucléaires et/ou prévoient d’en édifier de nouvelles. Outre la Finlande, la Norvège, en dépit de ses importantes réserves en hydrocarbures, a décidé très récemment de mettre en service un réacteur expérimental au thorium, prévoyant dès à présent l’ « après-pétrole »[35]. Faut il aussi rappeler que la Grande–Bretagne[36] continue le développement de son programme électronucléaire considérant à juste titre que l’accident de Fukushima, compte tenu de ses circonstances très particulières, est un faux problème en matière de sûreté nucléaire pour le Royaume-Uni. Il en est de même des Etats-Unis alors qu’au Japon, qui poursuit ses travaux sur la filière surrégénératrice, les réacteurs n° 3 et 4 de la centrale d’Oi ont été remis en route en Juillet dernier, et que ce pays prévoit le redémarrage de la plupart des réacteurs arrêtés après Fukushima. Quant à la Chine elle devrait mettre en chantier ou en service plus de 150 réacteurs d’ici 2025 soit de 40 à 50 % des nouvelles tranches nucléaires en projet dans le monde[37] !
En conclusion, il paraît essentiel que les politiciens au pouvoir dans notre pays comprennent enfin que la disponibilité d’énergie en quantité suffisante et au moindre prix conditionne directement l’emploi et le retour à la croissance économique qu’ils évoquent pourtant de façon incantatoire dans leur propos ! Une sortie du nucléaire réduirait fortement cette dernière ainsi que nos capacités exportatrices déjà considérablement affaiblies. L’électricité nucléaire, grâce à son faible coût du KWh, constitue un des trop rares facteurs grâce auquel nos entreprises bénéficient encore d’un atout pour leur compétitivité. Il serait enfin temps que nos pouvoirs publics en prennent conscience avant qu’il ne soit trop tard, et reviennent sur des décisions aberrantes en matière de politique énergétique, dont il faut craindre que celle de l’arrêt de Fessenheim ne représente hélas, que le prologue !
[1] Société savante qui réunit la majorité des chercheurs en Ecologie de notre pays et une fraction significative de ceux du Monde francophone qui travaillent dans cette discipline Biologique.
[2] IPSN = Institut de Protection et Sureté Nucléaire, inclus depuis 2003 dans l’Institut de Radioproctection et Sureté Nucléaire , Instance indépendante des pouvoirs publics et des Organisations Industrielles de production d’énergie”.
[3] Jancovici J.M., La transition énergétique, certes, mais quelle transition ? », http://www. manicore.com/ documentation/transition_energie.html, Septembre 2012.
[4] F. Ramade, “Les limites énergétiques” in “Ecologie appliquée”, Dunod Sciences Ed., Octobre 2012, Chap. 10, p. 656 et suiv.
[5] Jancovici J.M., Voir 3
[6] Echaubard M. “Après Fukushima” , Le Courrier de la Nature, n°258, paru en Juillet 2011, p. 42 – 43.
[7] C’est en particulier la conclusion qui émerge du très récent ouvrage collectif de l’Académie des Sciences « La recherche scientifique face au défi de l’Energie », EDP Science, Les Ullis, Janvier 2013.
[8] Baudet M.B., “ Six personalités pour incarner le débat national sur l’Energie”, Le Monde, 10/11/2012”.
[9] Sainteny « L’introuvable écologisme français ? », Presses Universitaires de France, Coll. « Politique aujourd’hui », 2000, 537 p
[10] Barboux R., “Fessenheim acceuille son fossoyeur par une grève”, Le Monde, 15/12/2012, p.7.
[11] Terme désignant la masse métallique formée par la fusion des éléments combustibles contenus dans le cœur du réacteur consécutive à un accident nucléaire.
[12] Le séisme d’intensité 9 à 180 km de la côte, s’est traduit sur le site de Fukushima par une intensité de l’ordre de 6.5, légèrement supérieure à celle du séisme de sécurité, Ss, donnée conservative prise en ingénierie nucléaire pour les calculs de résistance au séisme des bâtiments, réacteurs, équipements.
[13] L’Alsace, 21/11/2012. « Fermer Fesssenheim nécessitera 50 millions d’euros de travail sur le réseau ».
14 In « Dernières Nouvelles d’Alsace », 23 /12/ 2012.
[15] Cosnard D. , “Electricité : l’Europe retourne au charbon”, Le Monde, 29/11/2012, p. 14. La “sortie” du nucléaire c’est donc d’abord le retour massif du charbon, calamiteux en matière d’hygiène publique par suite des rejets considérables en HAP cancérogènes que cela implique. L ‘OMS a récemment estimé à 30 000 morts par an dans la populaiton civile de l’ Union européenne la mortalité due à la production de l’électricité par le charbon ( essentiellemnt par cancers du poumon induits par les HAP et l’emphysme surout lié aux rejets de SO2 et NOx !). Ce fait est volontairement “ignoré” de nos « écologistes » qui paraissent “ oublier” que le risque cancérogène pour la production d’un Kwh au charbon est 100 fois plus élevé que celle du kwh nucléaire !
[16] Pellen A. « Après la dette abyssale, une électricité précaire et hors de prix : non content d’avoir causé la ruine de nos finances publiques, le même clientélisme politicien sans scrupule ourdit en ce moment le sabotage du système électrique français ». Agoravox, mobile.agoravox.fr/.../apres-la-dette-abyssale-une- électricité-precaire-et-hors-de-prix, 8 Octobre 2011.
[17] Bezat J.M., « Evaluer le coût de la sortie du nucléaire », Le Monde, 25 Novembre 2011, p. 9. L’Union des industries utilisatrices d’énergie estime elle que la mise en œuvre du dit plan Hollande de « transition énergétique » supprimerait 250 000 emplois dans la décennie avenir et fragiliserait au total 2,5 millions d’emplois à terme !
[18] Syndicat des énergies renouvelables, « Etat des lieux et perspectives de développement des énergies renouvelables en France : Focus sur l’électricité », 2011. En 2010, l’éolien représentait à peine 1,7 % et le photovoltaïque 0,1 % du « mix » électrique en France.
[19] Observ’ER, « Baromètre des énergies renouvelables en France », 2011, 2e Ed ., 114 p. Ouvrage oublié avec le soutien d e l’ADEME. www.energies-renouvelables.org.
[20] Kempf H. « Solaire : l’Europe ouvre les hostilités contre la Chine : les chinois sont passés en 3 ans de 60 à 80 % de parts de marché des panneaux solaires ». Le Monde, Vendredi 7 Septembre 2012, p. 6.
[21] Stroobants J.P., “La filière solaire européenne dans le tourmente : confronté à la concurrence chinoise, le secteur s’interroge sur son avenir”, Le Monde, 5 Avril 2012, p. 11.
[22] Boughriet R., “Allemagne, vers la fin des subventions au renouvelable d’ici 2015 ?”, Actu-environnement, 17 Aout 2012.
[23] Grasland E., “ Les licenciements chez Vestas sèment le doute sur l’emploi dans les énergies vertes”, Le Monde, 13-14 Janvier 2012, p. 20. Au total Vestas a déjà effectué 7200 licenciements dont 2300 dans le seul été 2012 !
[24] Berghmans N. « Allemagne : hausse prévisible des émission de dioxyde de Carbone ». La Recherche, 2011, n° 453, p. 16 – 17.
[25] Lemaïtre F., “Allemagne : la fin du nucléaire passe par le charbon”, Le Monde,25/10/2011, p. 7
[26] Wettmann R. W . « La sortie du nucléaire en Allemagne. Les raisons et les stratégies d’une nouvelle politique énergétique », Analyse et documents, Friedrich Ebert Stiftung, Bureau de Paris, Août 2011.
[27] International Energy Agency, « World Energy Outlook Report 2011 », Vienne, Novembre 2011.
[28] Campbell C., “Peak oil came in 2008”, http://www.heatingoil.com/home/geologist-campbell-iea-inflates-oil-supply-data-peak-oil-20081123/, 2009
[29] CEA, Le Nucléaire du Futur : « Le cycle du Thorium », http://nucleaire.cea.fr/fr/nucleaire_futur/autres_voies.htm, Novembre 2005.
[30] Le Q∞ est un paramètre qui désigne la quantité totale d’une ressource naturelle minérable existant dans la lithosphère extractible à un coût économiquement acceptable.
[31] Nous n’évequerons même pas ici les scénario de l’Association Négawatt, qui hélas paraissent être actuelelmnt la référence des pouvours publics dans le débat gouvernemental sur la transition énergétique. Negawat prétend pouvoir se passer totalement d’ici 2050 …à la fois des combustibles fossiles et du nucléaire ! En réalité, ses scénarios relèvent plus de la Science fiction que de la rationalité et font rapidement preuve d’une absolu irréalisme, même après un examen assez superficiel. On notera par exemple qu’ils font un recours massif à la biomasse afin de pouvoir boucler le bilan énergétique de notre pays. On ceonstate rapirdement que la quantité de biomasse provenant des forêts qu’ils se proposent d’exploiter annauelelment est telel qu’elle excède de beaucoup la productivité totale de nos écosystèmes forestiers…. Ce qui revient à consommer annullement non seulement les intérêts ais une partie du capaital, propsective qui selon totue évide-dence parafit difficilement durabeel….
[32] Jancovici J. M., « La transition énergétique, certes, mais quelle transition ? ». www.Manicore.com, Mai 2012.
[33] Sans omettre les EPR actuellement en construction en Chine - dans le même temps que l’on annule celui de Penly ! Faut il aussi rappeller à ceux qui concluent un peu vite que le surcoût de Flamanville condamne la filière des EPR que ceux en construction en Chine ne connaissent ni retard ni surcoût !
[34] Pour l’Agence Internationale de l’énergie, le maintien du Statu Quo énergétique “met l’environnement global sur une trajectoire dangereuse” par suite du maintien de la prépondérance des combustibles fossiles et de son impact climatique. Ces derniers assureraient encore 80 % de la consommation mondiale d’énergie en 2030, donnée sous estimée car, établie en 2009, eelle ne tient pas compte de l’accroissement de l’usage du charbon pour produire de l’électricité consécutif à la “Sortie du nucléaire” de certains pays suite à Fukushima ! (In International Energy Agency, « World Energy Outlook Report 2009 », Vienne, Novembre 2009).
[35] Truc O., “ La Norvège, tentée par le nucléaire pour exploiter ses réserves de Thorium : le combustible alternatif à l ‘uranium va être testé dans un réacteur d’essai malgré l’impopularité de l’atome”, Le Monde, 5/01/2013, p. 7.
[36] Albert E., « Londres va appuyer le développement du nucléaire », Le Monde, 8 Novembre 2012, p. 15.
[37] Bezat J.M., « L’avenir chinois du nucléaire mondial », Le Monde, 6 Novembre 2012, p. 18.
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