Sida, encore une découverte majeure et une incroyable hypothèse, le Sida Vinci code
De
nouveau, une découverte importante sur le sida, encore moins médiatisée que la
précédente concernant la protéine FOXO3a associée à l’apoptose, mais tout aussi
intéressante pour ce qu’elle dévoile sur les mécanismes de défense immunitaire,
leur effondrement en cas d’infection du virus HIV ou bien les possibilités de
résilience avérées chez quelques sujets ou encore imaginées en vertu de quelques
traitement visant à inventer un improbable vaccin. Stephen Barr, de
l’université d’Alberta, a montré avec son équipe le rôle important d’une
protéine issue du gène TRIM22, capable de neutraliser le processus d’assemblage
du virus HIV dans une cellule infectée (PLoS). Il est connu depuis peu
comme étant impliqué dans la lutte des cellules humaines contre les virus. Son
mécanisme d’expression est inopérant chez les sujets infectés par le virus HIV.
Une
fois de plus, les processus décrits sont complexes et, sans doute, entrelacés au
possible, déjouant les investigations scientifiques qui pourtant, progressent
par de petites et moyennes étapes afin de saisir comment cette machinerie aussi
sophistiquée que le système immunitaire se trouve déjoué par la ruse d’un virus,
provoquant l’effondrement des défenses lorsqu’il pénètre dans les cellules
portant le déterminant de surface CD4, notamment les cellules T, support de la
mémoire immunitaire, en induisant l’apoptose. La découverte initiée par Barr
concerne une autre voie que celle impliquant la protéine FOXO. C’est un peu
comme si le sida était une conquête d’un sommet avec des faces Nord, Sud et
encore d’autres permettant d’accéder au sommet, ou du moins à un certain niveau
où l’on contemple les résultats et on se dit, enfin, qu’on comprend ce qui se
passe et qu’on peut songer à dominer la situation. Plus de vingt ans après la
découverte du Pr Montagnier, la lutte contre le sida en est encore à
ses balbutiements. Une nouvelle piste pour envisager une nouvelle cible,
affirme Debra Jakubec, responsable de HIV Edmonton, insistant sur la
prévention en pratiquant des rapports protégés, seul lutte efficace contre le
virus ; alors que Barr abonde dans ce sens en évoquant sa découverte qu’il
place dans l’enfance de la lutte contre HIV. Une bonne mise au point dans un
contexte où la plupart pensent que l’affaire est solutionnée avec les
trithérapies permettant de reculer la date fatidique de la mort chez les
porteurs et, donc, de mener une vie « normale » comme s’il s’agissait
d’un banal rhume persistant. Voilà une mise au point nécessaire. Le sida a deux
volets, l’un d’ordre sanitaire et social, se préserver de la maladie par des
pratiques efficaces, l’autre scientifique, distinct, visant à comprendre
comment cette infection mine le sujet atteint en interférant avec les
mécanismes moléculaires de l’immunité. C’est que font les chercheurs depuis vingt
ans, avec des résultats, mais sans promesse de réussite permettant de contourner
la chimiothérapie actuelle.
Et
les chercheurs sont franchement déconcertés par ce virus qui ruse à l’échelle
moléculaire et ne se laisse pas cerner en dépit de tous les efforts. C’est un
peu comme la traque d’un tueur en série laissant des indices, mais échappant à
la police. La découverte de Barr complique plus qu’elle n’éclaircit l’affaire.
La protéine TRIM22 est induite par l’interféron, médiateur bien connu dans
l’immunité ; elle permet de réduire la transcription du virus HIV, tout en
étant soupçonnée de participer à la défense immunitaire contre d’autre virus.
Les travaux de Barr ont montré que cette protéine empêcherait l’assemblage du
virus dans la cellule. Le virus, faut-il le préciser, est composé d’une
séquence d’information génique, ARN dans le cas du HIV, rétrovirus (ADN pour
d’autres virus) et d’une enveloppe qui lui sert de protection et de vecteur
pour infecter les cellules. C’est à ce niveau où cela devient ambigu car
empêcher la réplication du virus suppose une action dans le noyau et au niveau
des enzymes agissant sur les supports génétiques, alors qu’empêcher
l’assemblage suppose une action bien distincte. Une action précisément
identifiée par Barr qui semble avoir éclairci cette énigme. La protéine TRIM22 interfère
avec le fonctionnement des protéines Gag, indispensables à la formation de la
capside. Elle n’empêche pas son expression à partir du gène rétroviral, mais
interagit une fois la protéine gag synthétisée (avec deux mécanismes possibles,
migration intracellulaire ou bien dans le processus d’assemblage). Et, donc, si
le virus continue à infecter la cellule, il ne peut plus en sortir équipé de cette
enveloppe, avec une structure complète lui permettant de migrer et pénétrer
dans d’autres cellules. TRIM22 agit grâce à deux résidus cystéine, acide aminé
connu pour ses propriétés actives en termes de réaction biochimique catalytique.
L’article
de Barr fait état par ailleurs d’une liaison de TRIM22 avec la protéine gag du
virus HIV, mais pas avec les protéines gag du virus de la leucémie murine (MLV)
et de celui de l’anémie infectieuse des équidés (EIAV), tous deux rétrovirus
comme HIV, le premier de la famille gamma rétrovirus, capable d’induire des
sarcomes et le second appartement aux lentivirus comme du reste HIV (dénommés
ainsi pour leur temps d’incubation élevé). Par contre, une autre protéine
antivirale humaine, la TRIM5alpha, possède des propriétés antivirales contre
MLV et EIAV, en utilisant un même mécanisme, à savoir une interférence avec les
protéines gag de la capside virale.
Y
a-t-il un Sida Vinci code ?
C’est
justement là où ça devient intéressant. La progression du virus est contrecarrée
par un effet sur la protéine gap qui ne peut plus s’intégrer dans l’enveloppe
virale, grâce à TRIM22, protéine régulatrice que l’on sait être activée par
l’interféron et qui, chez les patients séropositifs, s’avère inopérante. Comme
le dit Barr, pour des raisons inconnues, cette protéine ne fonctionne pas chez
les sujets porteurs du HIV. Ce qui voudrait dire que le virus HIV agit de
manière « intelligente » en neutralisant un processus (mais à quel
niveau) interférant avec son assemblage et, donc, sa capacité à se constituer en
particule virale prête pour quitter la cellule hôte et infecter d’autres
cellules. Et, comme on dit, ça se corse et l’affaire devient passionnante. Dans
doute plus que ne l’imaginent les scientifiques étudiant cette « bestiole
moléculaire » qu’est HIV. Autant dire que nous entrons au cœur des
mécanismes de la vie. Plus précisément, la mise à jour d’un réseau de signaux
interprétés par les cellules, mais dont nous ignorons le code complet. Et
d’ailleurs, rien ne dit que les cellules disposent d’un même code. Une
investigation bibliographique étendue montre quelques coïncidences. La protéine
TRIM22 joue un rôle antiprolifératif
dans l’activation d’une souche de lymphocytes T (Obad et all, JICT, 10,
657) suite à une action de la protéine p53, parfois désignée comme gardienne du
génome car elle intervient dans les régulations transcriptionnelles. On la
retrouve justement impliquée dans le fonctionnement de HIV et, pour cause,
puisque le virus a besoin d’activer les mécanismes de transcription
intranucléaire pour se multiplier. Par ailleurs, on a pu détecter une
intervention de cette protéine p53 dans les processus apoptotiques, sous
l’activation de la protéine FOXO3a (You et all, PNAS, 103, 9051), celle
qu’on retrouve justement impliquée chez les porteurs résilients, où elle présente
un phénotype différent. En cherchant plus loin, on trouverait une kyrielle de
découvertes de processus régulateurs mettant en scène tous ces modules protéiques
et nucléiques.
Alors
voilà une hypothèse à prendre pour ce qu’elle vaut de droit dans le champ
scientifique, c’est-à-dire comme une hypothèse. L’information « source »
du vivant est censée être portée par l’ADN, avec ses gènes, sorte de disque dur
duplicable de générations en générations, transmis de cellule à cellule durant
l’ontogenèse. A partir de ce système, un second dispositif devrait intervenir,
métaphoriquement comparable à celui d’un système d’exploitation d’ordinateur,
Windows ou Linux. Les logiciels informatiques sont composés de modules,
d’éléments, parfois cibles de virus, comme peut l’être kernell32. Les voies de
régulations épigénétiques, impliquant protéines régulatrices, gènes, ARN,
modifications pré ou post transcriptionnelles et post-traductionnelles
(phosphorylation par exemples) sont organisées comme un réseau où des motifs,
des réactions, des liaisons, des séquences, agissent mutuellement les uns sur
les autres, si bien que l’ensemble ressemble d’assez près à un logiciel
d’exploitation avec ses modules se renvoyant la balle. Bref, si Galilée
scrutait les mécanismes du vivant, il dirait, pensant à son idée d’un univers
physique écrit en langage mathématique, que l’univers complexe de la vie est
écrit en langage algorithmique.
Si
cette hypothèse se tient, le virus HIV possède un mécanisme d’action ayant
quelques similitudes avec un virus informatique étant donné que son action
semble être de perturber un logiciel d’application gérant les réponses immunitaires,
avec ses régulations complexes, de modules moléculaires interagissant en
réseaux pour donner une réponse globale et efficace. Il se peut aussi que le
virus n’agisse pas seul, soit avec des co-facteurs transmissibles, soit avec la
coopération d’un état physiologique du patient. Quoi qu’il en soit, on comprend
pourquoi la vaccination ne peut être une solution, face à un virus qui déjoue
le logiciel informatique. Alors qu’une vaccination classique agit efficacement
en introduisant une donnée formelle sur l’identité d’un éventuel intrus qui
sera alors détruit par la « police immunitaire » rendue plus efficace
dans le timing de la réponse.
Quelle
conclusion ? Le sida, comme le cancer, nécessite une approche nouvelle, ne
serait-ce que pour comprendre la logique d’ensemble de ces mécanismes de
dysfonctionnement portant sur des « logiciels du vivant ». Et comme
pour le cancer, je serai prudent en envisageant qu’il n’y ait pas de solution,
hormis la batterie chimiothérapique qui, certes, peut être améliorée, mais ne
peut pas avoir l’efficacité d’un « miraculeux » rétablissement de
l’intégrité d’un organisme auquel on aurait appris à refaire fonctionner son
« logiciel vital ». Mais...
Le
principe de Gabor dit que tout ce qui est techniquement possible sera réalisé
un jour. Alors j’énonce sa transposition en matière de science. Tout ce qui
est intellectuellement accessible au savoir sera découvert un jour !
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