Un savant conflit entre science moderne et philosophie naturelle dans le domaine des connaissances universelles
J’ai évoqué la crise de la cosmologie mais aussi de la physique quantique, sans oublier l’évolutionnisme qui ne répond pas aux exigences d’explications, pas plus que les neurosciences minées par le paradigme techniciste et mécaniste. La science va échouer au moment ou l’opinion pense qu’elle a triomphé. Elle échoue à expliquer la nature mais elle triomphe lorsqu’elle manipule la nature. L’opinion publique manifeste une attitude religieuse face à la science. Elle attend des résultats matériels, comme en d’autres temps les fidèles de l’Eglise attendaient des miracles. D’ailleurs, le Vatican examine les dossiers des candidats à la canonisation en cherchant à valider au moins deux cas de phénomènes miraculeux pour établir la liste des saints. C’est incroyable. L’Eglise qui utilise une méthode empirique comme la science. Dans ce dernier domaine, les « miracles » de l’expérimentation sont d’une banalité assommante. Ils sont consignés dans les publications. A Stockholm les pontifes de la science examinent les dossiers non pas pour allonger la liste des saints mais pour compléter chaque année celle des Nobel.
La science moderne est utile dans le domaine des moyens et loin de moi l’idée de la condamner. Je serai bien malheureux si je devais être privé de mon lecteur de CD ou de mon véhicule me permettant d’aller aux champignons et sur la plage déserte en hiver ou encore de mon PC qui me permet d’écrire et d’accéder à une somme de littérature scientifique. La science améliore le quotidien et c’est son rôle. Mais elle échoue à expliquer la nature bien que cet objectif lui soit aussi assigné. Finalement, il n’y a pas de crise en science, sauf si l’on confie à la science une mission très spéciale, celle de connaître l’univers. En ce cas, la science passe dans un état critique et ne peux se tirer d’affaire qu’en se transformant en philosophie. N’ayons pas peur des mots. J’évoquerai une transformation de la physique en métaphysique. La physique ne peut pas expliquer l’univers, la métaphysique oui, mais la métaphysique doit se construire en prenant comme matériau les résultats de la science moderne.
Le oui a besoin du non pour l’emporter contre le non. Vous vous souvenez de cette sentence prononcée par Jean-Pierre Raffarin à l’occasion du référendum sur le traité européen en 2005. J’aime bien paraphraser et m’en vais suggérer une sentence. La philosophie a besoin de la science pour vaincre (dépasser) la science ou alors la métaphysique a besoin de la physique pour triompher sur la physique dans le domaine des connaissances universelles.
La loi des trois états édictée par Auguste Comte ne tient plus. Une nouvelle histoire des savoirs a commencé. Elle comprend aussi trois époques. D’abord l’ère théologique (incluant la métaphysique classique des Descartes et autres Leibniz), ensuite l’ère positive de la science moderne et enfin l’âge métaphysique qui a commencé à la fin du 20ème siècle mais qui prendra son essor dans les années 2020. La bataille entre le quantique et la relativité n’est qu’une partie du conflit plus vaste qui opposera la science et la philosophie si le jeu est loyal et non truqué.
Les chouettes de Minerve ont envahi le ciel crépusculaire de la modernité. Les médias soufflent un épais brouillard de banalités, de basse culture, de lieux communs. Parfois, cet épais brouillard laisse transparaître d’étranges créatures volant très haut dans le ciel. Les aigles de la philosophie se sont déployés. Les badauds détournent le regard, les endormis ne les voient pas et les méchants seraient prêts à prendre leur fusil pour en abattre quelques-uns. La société moderne de masse, abreuvée de sciences utilitaires et d’industries culturelles, n’aime pas les pensées profondes et les aigles qui se déploient. C’est un trait de notre époque mais déjà en 1870, Nietzsche avait admirablement saisi et décrit les travers de la culture allemande avec ses tendances académiques sur fond de décadence. Ces traits crépusculaires se retrouvent à notre époque, surtout en France, dans un pays que l’on pensait immunisé contre les mauvais penchants du modernisme paresseux et des habitudes universitaires sclérosantes. Le troupeau docile écoute les intellectuels célèbres invités dans les médias. Un autre troupeau marche dans le rang, afin de suivre les parcours intellectuels conduisant aux diplômes universitaires.
L’homme du troupeau n’aime pas suivre les aigles volant trop haut pour sa pensée limitée encadrée par les œillères du système. Au vol de l’aigle, il préfère les combats de coqs sur les plateaux télévision. L’un des plus fameux a opposé il y a peu Yann Moix à Michel Onfray. Mais notre bon bougre de philosophe hédoniste se réclame du chien. Et si c’était un chien qui était entré dans le poulailler géré par Ruquier, producteur pour amateur d’aigrie culture ? L’homme du troupeau aboie sur les réseaux sociaux. Il se croit intelligent en diffusant le sein nu de Sophie Marceau ou les combats de coq vus à télé. Il n’ira pas voir ce qui se passe dans les aires stratosphériques de la métaphysique, là où les aigles volent librement et tracent le destin des connaissances de l’univers.
Le duel entre science et philosophie ne peut être disjoint du seul enjeu déterminant pour les civilisations. Quel doit être le ressort de l’ordre social ? Est-ce la liberté, la pensée, l’instruction, le débat, les aspirations et connaissances célestes accessibles à l’homme, ou alors l’ordre imposé par les calculs, les normes, les administrations, les feuilles de route des élites dotées des « contremètres » car à notre ère, l’ordre scientifique ressemble à l’ordre policier, un ordre qui mesure les effets des dispositifs techniques sur l’homme en usant d’outils statistiques et qui tend à imposer la disposition des existences et les normes de vie. Quel ordre, celui des hommes justes, libres et responsables ou celui totalitaire lié au système scientifique moderniste ? Chacun peut choisir mais encore faut-il présenter les deux pôles de l’alternative. La science occupe les médias et n’offre pas vraiment de prise à la critique et aux pensées alternatives. Je fais allusion aux philosophies de haut niveau et non pas aux charlatans. Concevoir et construire sur terre cette république céleste dont Nietzsche crut voir le hiéroglyphe dans l’œuvre de Platon prophétisant un lien entre la cité des hommes et le génie.
La philosophie ira plus loin que la science en s’appuyant sur les sciences mais notre époque n’est pas prête pour accueillir les philosophes. Sans doute faudrait-il analyser le phénomène totalitaire lié au système de la science. Je ne parle pas des pratiques scientifiques mais du levier idéologique construit à partir de ces sciences tronquées qui n’atteignent pas la nature et prétendent maintenant expliquer la conscience avec une physique incomplète et une conception mécaniste complètement stérile pour répondre à cette attente de comprendre la pensée humaine et ce qu’elle peut avoir de génial et de céleste.
Faut-il développer sur le thème du totalitarisme scientifique et moderniste ? Je ne sais pas si c’est utile. Le totalitarisme fonctionne parce que le peuple adhère, les uns se sentant « bien » les autres préférant être guidé par la peur. Quel intérêt d’analyser le totalitarisme quand il prend des formes acceptables par une majorité ?
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