Wikipédia dans le (hyper) texte
Ces trois phrases résument parfaitement le principe de ce site internet, son ampleur et ses intentions.
Wikipédia est à la juste croisée de deux tendances fortes du Web 2.0 : le contributif et le collaboratif. D’une part, chacun d’entre nous peut apporter un peu de son savoir en contribuant à l’écriture de nouveaux articles ou participer à l’enrichissement des contenus existants. D’autre part, nous pouvons également collaborer à la régulation de ce site en rectifiant, commentant et discutant ces articles et les nombreuses thématiques connexes.
Nous devons la genèse de ce projet à Jimmy Donal Wales, homme d’affaires américain qui, en 2000, créa Nupédia, une encyclopédie libre alimentée et corrigée à l’époque par des rédacteurs sélectionnés. Faute d’articles en nombre suffisant, Nupédia fut contraint d’arrêter son activité en 2003. Mais son rédacteur en chef Larry Sanger avait soufflé à Wales quelques années auparavant d’approfondir l’idée en utilisant la technologie Wiki (voir plus loin Un Wiki c’est quoi ?). Wikipédia naît officiellement en 2001 et devient peu à peu le « monstre » que nous connaissons, parmi les dix sites les plus visités au monde en 2008 (10ème sur 30 en France en décembre dernier – source Médiamétrie).
Aujourd’hui, le site propose donc des millions d’articles libres de droits et modifiables à loisir.
En France, on recense près de 500 000 contributeurs.
Mais comment tout cela fonctionne-t-il ?
Si les premiers articles qui ont constitué le terreau de Wikipédia ont été rédigés, pour la plupart, par Wales et Sanger eux-mêmes, depuis huit ans, la plupart des sujets ont été circonscrits grâce aux contributions wikipédiennes.
Cela ne signifie pas pour autant que toutes les définitions ou notions sont très développées ou fournies. Cela ne signifie pas non plus que ces articles sont fiables à 100% et qu’ils ne contiennent aucune erreur.
C’est cette réalité qui pousse les internautes du monde entier à décider d’enrichir l’encyclopédie. En corrigeant une faute d’orthographe, une date, un lieu. En ajoutant un détail, une anecdote, un lien. En confrontant leur point de vue aux auteurs précédents.
Et c’est ce nouvel état de faits qui amène les mêmes internautes (ou de nouveaux), à modérer les corrections, discuter de leur bien-fondé ou signaler les abus de toutes sortes.
Sur le papier, ce fonctionnement paraît simple et idyllique, en coulisse, la machine Wikipédia est un enchevêtrement de rouages plus ou moins bien huilés et plus ou moins justifiés.
Ainsi, pour un simple concept, on pourra passer des jours, voire des semaines à batailler dans les forums pour savoir quelle version d’une définition est la plus légitime.
Car, chose importante et principe fondamental du Wiki, toutes les versions sont archivées et chaque trace de modification visible par tous.
Un rêve… qui peut se transformer en cauchemar aussi rapidement qu’un prince charmant en crapaud.
De quoi parfois décourager les plus motivés à faire avancer le projet encyclopédique. C’est peut-être la raison pour laquelle sur les 500 000 contributeurs cités précédemment, on n’en recense, suivant les sources, que 3 à 36% de véritablement actifs (l’écart entre ces chiffres rajoutant une inconnue supplémentaire à un système nébuleux).
Heureusement que pour pallier au manque de forces humaines, l’encyclopédie est dotée de robots chargés des basses œuvres. Hormis ceux gérant l’intendance, on retiendra surtout Salebot, le robot qui traque les vandales.
Tests d’internautes incrédules, amas de majuscules ou de ponctuations, injures ou mots suspects, Salebot porte un intérêt plus prononcé aux nouveaux utilisateurs et à ceux qui, au lieu de créer un compte, se servent de leur adresse I.P pour collaborer.
Partant du principe que ne pas vouloir s’identifier… c’est louche.
Suspicion qui a parfois du bon, notamment pour démasquer les entreprises ou les personnes physiques qui s’attèlent à édulcorer les articles les concernant.
Car, étant donné le nombre de visiteurs uniques que Wikipédia draine (plus de 13 millions rien que pour la France recensés par Médiamétrie en janvier 2009), il est évident que de grands groupes ou personnalités ont bien compris qu’il y avait un intérêt à y figurer. Oui mais, sous un angle favorable voire flatteur s’il vous plaît !
L’aventure Wikipédia a beau posséder ses règles et ses garde-fous, nombreux sont ceux qui tentent quotidiennement de les transgresser. Nous verrons d’ailleurs un peu plus loin à quelles limites du système cela peut mener.
En attendant, cherchons à cerner, justement, ce qui rend fous d’elle les 684 millions de visiteurs de l’encyclopédie de par le monde.
Wikipédia = Google repetita ?
Le parallèle est facile. Pourtant, il vient rapidement à l’esprit dès qu’on se penche un peu sur les phénomènes purement web. Notamment sur un point, exemplaire et en même temps, terriblement dérangeant : difficile de citer des concurrents crédibles à ces deux bêtes virtuelles tant nous les utilisons comme nous respirons.
Combien sommes-nous à avoir juste essayé de faire une requête dans un moteur de recherche autre que Google ? Pas beaucoup (en décembre 2008 moins de 9% des utilisateurs français de moteurs de recherche – source Xiti Monitor).
Combien sommes-nous à en être revenus, dépités par les résultats obtenus (peu nombreux et/ou peu pertinents et/ou trop orientés, etc…) ? La plupart d’entre nous.
Combien sommes-nous à avoir complètement éloigné Wikipédia de nos recherches sur un thème précis ? Pas beaucoup.
Combien restons-nous à privilégier d’autres sources encyclopédiques lorsque nous avons besoin d’éclaircir un sujet ? Pas beaucoup mieux(2).
Et là d’intervenir le second point de comparaison. Ou plutôt d’interaction : à une requête d’ordre général (comprenez pas trop commerciale), Google vous proposera toujours dans les résultats, un ou plusieurs liens vers Wikipédia (en 2006 déjà, une étude américaine chiffrait qu’un internaute sur deux arrivait sur l’encyclopédie via Google).
De quoi rendre fou effectivement tous ceux qui passent des budgets notables dans le référencement de leur marque avec pour objectif de figurer sur la première page du moteur de recherche numéro un.
Google et Wikipédia, un duo de choc donc. Quoiqu’à y regarder de plus près, la relation semble plus parasitaire que mutuelle.
En effet, si Wikipédia grâce à ses contenus vertigineux, ses liens hypertextes archi-nombreux et ses mises à jour quotidiennes fait figure de bon élève lui permettant de coller aux critères d’indexation du géant Google, celui-ci, en revanche, ne profite pas vraiment des bons points de l’encyclopédie.
Wikipédia refusant depuis sa création toute forme de publicité sur ses pages.
Déconcertant pour un moteur de recherche qui se verrait bien cribler chaque article ou chaque définition d’un ou plusieurs de ses liens commerciaux (liens contextuels) en rapport avec le sujet développé et menant d’un simple clic sur l’une des pages de ses annonceurs.
Ainsi, Wikipédia rend probablement dingue même Google !
Cette absence de publicité dans un site aussi visité fait figure d’exception sur la planète Internet. On peut penser que cet argument – pour ne pas dire engagement – séduit d’autant plus les utilisateurs. Pour preuve, le dernier appel aux dons de Jimmy Wales en juillet 2008 a réussi à mobiliser 125 000 personnes et de nombreuses fondations pour une somme totale de 6 millions de dollars et ce, en à peine six mois.
Argent permettant, entre autres, d’écarter la publicité des pages de l’encyclopédie.
Une exception qui va dans le sens du projet tel que Wales l’a toujours présenté : gratuit, collectif et même caritatif. La fondation Wikimédia qu’il a créé en 2003 dans le but de financer le fonctionnement de Wikipédia et diverses actions liées, affiche d’ailleurs très clairement sa vision utopico-charitable : « Imaginez un monde dans lequel chaque personne pourrait partager librement l’ensemble des connaissances humaines. Et nous avons besoin de votre aide. Vous pouvez aider la Wikimedia Foundation en donnant dès aujourd’hui. »
Un site pourvoyeur de connaissances transformé en organisation humanitaire… original et forcément séduisant par les temps qui courent.
Car le succès de Wikipédia est aussi certainement conjoncturel. En plus de s’inscrire dans la vague sociale propre au Web 2.0, le site nous rend tous égaux devant la connaissance, qu’il s’agisse de celle que l’on produit ou de celle que l’on se procure. Grâce à son utilisation facile comme à sa gratuité. Deux enjeux majeurs aujourd’hui.
Pour en finir avec les armes de séduction massives, l’encyclopédie a mis récemment ses contributeurs à l’honneur en éditant une version papier de certains de ses articles allemands. Au total, 90 000 rédacteurs/correcteurs se sont retrouvés cités sur 27 pages d’un véritable bouquin commercialisé vingt euros par la maison d’édition Bertelsmann. Une manière de passer à la postérité qui doit encore plus motiver les fans maintenant qu’il existe un précédent.
Un coup de pub aussi pour une encyclopédie qui a enchaîné les bourdes récemment. Une manière de mettre en lumière les « bons » rédacteurs, par opposition avec les mauvais élèves s’acharnant à distiller des infos erronées dans certains articles et à saper la réputation de l’encyclopédie-star.
Mais qui veut la peau de Wikipédia ?
En effet, si finalement le côté full open du procédé décourage les vrais hackers par un trop simple accès au vandalisme, il séduit par contre les vrais ennemis de Wikipédia qui, quant à eux, maîtrisent parfaitement les moyens de communication. Au final, les grossières erreurs ne sont pas si nombreuses à passer entre les mailles du filet (humain ou robotisé). Le problème, c’est qu’elles sont ultra-médiatisées et concourent à discréditer la vocation même de l’outil. Morts annoncées de personnalités célèbres bien vivantes (Edward Kennedy, Philippe Manœuvre…), articles farfelus ou approximatifs, informations diffamantes (affirmation que le journaliste américain John Seigenthaler était l’assassin de John F. Kennedy…), les malveillants s’en donnent à cœur joie pour faire flancher le système. Parfois juste pour voir à quelle vitesse l’erreur aura été corrigée, parfois redisons-le pour contribuer à noircir la réputation de Wikipédia jusqu’ici plutôt favorable.
Jusqu’ici mais après ? Victime de son succès, l’encyclopédie déchaîne une à une les polémiques. Pour la raison que nous venons de citer, à savoir une fiabilité contestable.
Mais aussi à cause d’une omniprésence discutable sur un média (le net) où l’on aime la polyvalence et l’offre multiple. Doublée d’une facilité d’utilisation qui agace.
Car si on en revient à la fonction première d’une encyclopédie et de Wikipédia en particulier : distiller du savoir, on peut comprendre le danger qu’un manque de concurrence dans le domaine et un accès gratuit peuvent entraîner.
Et entraîner certains à prôner l’interdiction de l’outil dans les écoles ou les universités.
Comme ce fut le cas dans le New Jersey il y a deux ans où certains professeurs sont partis en croisade contre l’utilisation de l’encyclopédie au sein d’un collège.
Motif ? L’usage abusif de Wikipédia comme unique source dans les travaux nécessitant des recherches documentaires.
Les élèves ou étudiants se borneraient à cette source sans vérification préalable des informations trouvées. Qu’on se rassure, ce constat ne concerne pas seulement la population américaine. De nombreux professeurs de facultés françaises ont noté le phénomène (certains témoignent même de l’utilisation de l’encyclopédie pendant les cours pour mieux répondre aux questions). Et on ne compte plus les mémoires recalés pour cause de copier/coller flagrants.
Une omniprésence qui gênerait également les grands patrons d’entreprises du CAC 40. Selon une étude de l’agence de communication Euro RSCG, Wikipédia « cannibaliserait » les informations sur ces entreprises. Par exemple, dans la recherche sur une grande enseigne du luxe, vous aurez dans les deux premiers résultats, le site officiel et vitrine de ce groupe et la définition de l’encyclopédie.
Définition saisie par n’importe quel internaute et non par le service de communication de la marque. Une information factuelle et impartiale remettant parfois au goût du jour des événements que les pros du marketing préfèreraient faire oublier.
Et, somme toute, une deuxième position sur la première page du moteur de recherche très chère et du coup, très enviée par les annonceurs.
Wikipédia présente ainsi aujourd’hui des détracteurs dans des domaines aussi opposés que l’éducatif et le commercial. Et même si les critiques peuvent elles-mêmes être mises à mal, elles semblent rendre l’encyclopédie nerveuse. Car à ne pas verser dans la publicité, on n’en est pas moins attentif à son image.
Au final, un repli sur soi menant à quelques rumeurs de censures pas forcément prouvées et surtout, le récent débat de rendre les auteurs moins anonymes pour tenter de regagner des points crédibilité auprès du grand public.
Une crédibilité écornée pour toutes les raisons que nous venons de citer, mais aussi probablement à cause de la concurrence qui point… et qui, forcément, appuie là où ça fait mal.
Des concurrences loyales
En premier lieu, et en mauvais joueur patent, on retrouve Google qui présentait il y a un peu plus d’un an, son nouveau projet Knol sur son blog en ces termes : « L’idée principale du projet Knol est de mettre en lumière les auteurs (...) Nous pensons que connaître l’identité des personnes qui écrivent les articles aiderait significativement les utilisateurs à mieux se servir du contenu du Web ».
Lancé en France à la fin de l’année dernière, Knol est une base d’articles rédigés en effet par des personnes dont les noms, prénoms et visages (quand les utilisateurs chargent leur photo) sont identifiés. Un argument de poids face aux défaillances du poids lourd encyclopédique dans le domaine. Et une comparaison qui s’arrête là…
Wikipédia tend – qu’elle y réussisse ou pas – vers un projet encyclopédique fondé sur la collaboration de chacun à la définition la plus juste, la plus renseignée et la objective possible. Pour Knol, une définition correspond à un auteur. Si celui-ci a la possibilité d’inviter des co-auteurs, il n’en reste pas moins que chaque personne désirant apporter son point de vue sur un sujet peut créer un nouvel article. Venant s’ajouter à tous les autres et non pas s’intégrer à un seul autre. Difficile de s’y retrouver donc, dans le flot de définitions.
Wikipédia maintient l’anonymat de ses contributeurs – volonté fortement discutée actuellement au sein de l’administration du site – afin que la patte individuelle s’efface devant le projet collectif. Knol met en avant l’identité de chacun de ses rédacteurs qualifiés à la va-vite d’experts sans vérifier la qualité des contributions et la réelle connaissance des auteurs. Mettre en avant cette caractéristique pour justifier une « meilleure utilisation du Web » est un argument sans fondement voire même dangereux. Ce qui saute aux yeux lorsqu’on visite Knol, c’est d’une part le peu de contributions en ligne après six mois d’existence en français, d’autre part, les risques évidents de dérive des articles vers des micro-sujets n’intéressant qu’une infime partie de la population. De plus, la hiérarchisation et l’énonciation des sujets fait ressembler le tout à un fouillis ordinaire très peu attractif, n’incitant pour l’instant pas à une « meilleure utilisation du Web ».
Ajoutons à cela, une dernière différence fondamentale : Knol propose à chaque expert de faire apparaître sur son article de la publicité en rapport avec les mots de sa page (liens contextuels) dont chaque clic du lecteur permet la rémunération du rédacteur. Différence fondamentale et probablement raison principale de la décision de Google de participer au modèle encyclopédique. A sa façon.
A ce stade, pas un concurrent très dangereux pour Wikipédia. Le manque de participants et le manque de sérieux dans les contenus et la présentation lui laissent de beaux jours à venir.
Le vrai danger est ailleurs…
Et tout simplement là où il doit être : du côté des encyclopédies dites « classiques ».
On a souvent dit que Wikipédia dépassait l’Encyclopédia Britannica en termes d’utilisateurs. On a souvent dit également que Wikipédia proposait un contenu quasiment aussi fiable que Britannica.
Pourquoi une telle comparaison ? Parce que dans l’imaginaire collectif, le véritable savoir rime encore avec Britannica, Universalis ou Larousse. De vieilles encyclopédies jamais contestées (pourtant, on s’aperçoit maintenant qu’elles contiennent tout autant leur marge d’erreurs) et à la réputation inébranlable jusqu’à… Wikipédia.
Pourtant, il semblerait que la baisse de consultations de ces encyclopédies n’est en fait due qu’à un manque de réactivité. Si ces marques avaient pris à temps le tournant numérique, on peut penser que leur visibilité serait actuellement comparable à celle de leur concurrent.
Leur problème est d’avoir continué à croire uniquement dans leur version papier (et éventuellement CD-Roms) puis, dans une version tarifée sur Internet.
Ce sont, à notre avis, plutôt ces mauvais jugements qu’elles ont payés jusqu’à présent, qu’un modèle encyclopédique obsolète.
D’ailleurs, ce retard pourrait finalement leur servir.
Il aura fallu attendre sept ans après la naissance de Wikipédia pour que Larousse lance une version collaborative en ligne de son encyclopédie. Sept ans c’est long.
Mais on peut dire que le concept proposé a le mérite d’avoir été mûrement réfléchi. Et ça se voit.
Larousse propose donc un accès gratuit à sa base de définitions sous diverses formes (texte, image, film, lien…) et de manière plutôt soignée. Premier point sur lequel nous n’avons pas insisté mais qui fait défaut dans la plupart des Wiki et auquel Wikipédia ne déroge pas : le manque d’esthétisme. Une partie du budget collecté par la fondation Wikimédia cette année étant d’ailleurs prévue pour embellir le site.
En parallèle de ses propres définitions, Larousse présente des contributions d’auteurs identifiés (comme Knol). L’utilisateur peut donc piocher soit dans le savoir estampillé Larousse, non modifiable, soit dans les définitions apportées par des internautes lambda.
Probablement la proposition encyclopédique la plus aboutie jusque-là. Avec les précautions qu’il faut, la réputation qu’il faut et surtout, pour l’instant, la gratuité.
Un acquis pas vraiment remis en cause puisque Larousse parle de se diriger vers des espaces publicitaires plutôt que de faire payer ses visiteurs.
Alors que Britannica et Universalis (même groupe) ont choisi l’accès payant et donc, de s’amputer d’une part non négligeable d’utilisateurs.
Pour l’instant, tout ceci ne représente pas une concurrence trop déstabilisante pour Wikipédia. Plutôt des sonnettes d’alarme montrant que certains sont maintenant prêts à entrer dans la course collaborative et que l’encyclopédie a certainement elle aussi besoin de se remettre en question. Notamment concernant l’anonymat des contributeurs. Jimmy Wales appelle actuellement à dévoiler leur identité pour certains articles dits sensibles comme les biographies. Mais les administrateurs ne sont toujours pas d’accord pour mettre en place ce système qu’ils jugent en opposition avec les fondements du projet.
On sent bien que cette question est le nœud du problème qui permet à Wikipédia de garder son identité mais qui, en même temps, pourrait facilement la mener à sa perte.
Larry Sanger, le premier associé éclairé de Wales, depuis largement évincé, l’a bien compris. Il a repris le principe de Wiki encyclopédique en créant en 2007, Citizendium. Globalement la même chose que Wikipédia sauf que les articles sont chapeautés par des experts aux noms bien identifiés. S’il n’existe qu’une version anglaise jusqu’à présent, on peut penser que le projet devrait rapidement se développer dans le monde entier. En tout cas, on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas le cas. Il faut juste que l’ambition de Sanger soit aussi forte que celles de Wales et là, c’est une autre histoire. A moins finalement que la course aux experts ne condamne les sites ayant choisi cette option à ne toucher qu’un public restreint, expert lui aussi et ne laisse ainsi Wikipédia toute seule face au grand public.
De toute façon, étant donné les nombreux enjeux inhérents à la question des encyclopédies, Wikipédia devra évoluer si elle veut garder sa place de leader. Entre ceux qui poussent pour gagner des parts de marché publicitaires (Knol, Larousse), ceux qui veillent pour que le contenu soit irréprochable au regard de la mission éducative du projet (écoles, universités, chercheurs…) ou au regard de sa finalité culturelle (Citizendium), il reste peu de place pour lambiner et remettre les grandes questions à plus tard.
Parmi les grandes orientations du moment, on trouve, comme nous l’avons déjà évoqué, le débat sur la levée de l’anonymat pour certaines contributions dites sensibles.
Pas vraiment sûr d’aboutir mais symptomatique des questions existentielles de l’encyclopédie.
En parallèle, Wikipédia continue ses opérations en direction des écoles, notamment en Grande-Bretagne, où il est possible de télécharger une version consultable hors ligne et sur téléphone portable et imaginée pour répondre aux programmes scolaires.
Un parti-pris qui nous semble absolument nécessaire pour conserver une certaine crédibilité mais aussi et surtout pour construire des ponts avec les futurs utilisateurs de l’outil. Qu’ils soient juste lecteurs ou également contributeurs. Car le problème majeur de Wikipédia n’est pas tant son fonctionnement ou ses erreurs que la manière dont elle est utilisée (assez mal jusqu’à présent). On notera d’ailleurs l’existence d’un wiki encyclopédique uniquement à l’usage des enfants (initiative suisse) qui, sans représenter un concurrent de taille, a le mérite d’avoir cerné la nécessité d’allier savoir et pédagogie (3).
Wikipédia doit maintenant prendre la mesure de ses ambitions et de l’exemple qu’elle représente. Sans trop se soucier des critiques ou des concurrents, elle doit complètement intégrer l’idée que pour perdurer, elle a besoin de prescripteurs éclairés. A défaut d’experts et de publicité.
(2) Pour le test autant que pour le « fun », cet article a été rédigé sans l’aide de Wikipédia. NdA
(3) http://fr.wikimini.org/wiki/
Pour aller plus loin :
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-1-Wikilove,4601.html
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-2-Au-feu,4683.html
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-3-Maux-de-PaS,4696.html
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-4-Tuer-des,4736.html
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-5-Sous-haute,4770.html
http://www.ecrans.fr/Inside-Wikipedia-6-Les-vandales,4805.html
http://www.ecrans.fr/Un-Wikipedia-sans-filtre-s-il-vous,5912.html
http://www.ecrans.fr/Interview-Olivier-Ertzscheid,3015.html
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=83711
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2006/10/liens_affinitai.html
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2008/06/cest-wikipdie-q.html
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2008/09/cest-la-rentr-1.html
http://www.laviedesidees.fr/Portrait-de-l-intellectuel-en-DJ.html?decoupe_recherche=wikip%C3%A9dia
On utilise ou on cite à longueur de temps l’encyclopédie Wikipédia sans vraiment savoir, ni comment ça marche, ni comment c’est né.
A force, on trouve finalement le logo de ce site web plus explicite que son nom… non ?
C’est une chose acquise que Wikipédia est une encyclopédie (en ligne précisément). C’est aussi (voire surtout) un Wiki. Petite explication.
On attribue la paternité de l’outil Wiki à Ward Cunningham, informaticien américain qui, en 1995, a imaginé dans le cadre de son travail, une bibliothèque « accessible et enrichissable par tous »(1). Cela donna naissance au Wiki Wiki Web (Wiki wiki veut dire « vite » en hawaïen) affectueusement appelé depuis, Ward Wiki en hommage à son inventeur.
Le principe du Wiki est basé sur le travail collaboratif : il s’agit ici de la possibilité pour les personnes ayant accès à un Wiki d’enrichir son contenu par le biais de trois actions simples.
En anglais Edit, Save et Link, que nous choisirons de traduire par Editer, Sauvegarder et Lier.
Au commencement, le Wiki est une page blanche qui n’attend que de s’alimenter des contenus et données de ses utilisateurs. Ce que le canadien Michel Daumais nommait il y a quelques années, « le tableau blanc de l’intelligence collective »(2).
Pour remplir cette page blanche, il suffit de cliquer sur Editer (ou Editer cette page ou Editer ce texte). S’ouvre alors une page modifiable où il ne reste qu’à entrer les informations sur le sujet pour lequel le Wiki a été créé.
Une fois ces informations saisies, il n’y a plus qu’à cliquer sur Sauvegarder. La page ressemble alors à une page web basique.
Oui mais alors ? Quelle différence entre un Wiki et un Blog ?
Si au début des années 2000, il était nécessaire de connaître le langage propre à cet outil (pas très compliqué néanmoins) pour mettre en forme sa page, il est vrai qu’avec l’évolution des différentes interfaces Wiki il apparaît aujourd’hui que celui qui gère un Blog peut tout aussi facilement créer un Wiki.
Pourtant, les deux outils possèdent une différence fondamentale : l’un est un journal personnel, l’autre est un instrument résolument collectif.
En effet, le Wiki est ouvert à toute personne susceptible de vouloir faire évoluer son contenu.
Dans l’esprit de Ward Cunningham, tout anonyme peut alimenter le Wiki Wiki Web. Sans censure, contrainte ou avertissement. Une sorte d’utopie, uniquement « jardinée » par son « noyau de fidèles utilisateurs » (3). Fondée sur l’idée qu’il est tellement simple et transparent de venir modifier une donnée que les pirates et autres vandales du web n’y accorderont que peu d’intérêt. Un pari qui s’est plutôt vérifié au fil des années.
Même si quelques coquins entachent régulièrement la réputation du plus fameux des Wiki en diffusant des informations erronées, fantasques ou complètement fausses (lire aussi le paragraphe « Mais qui veut la peau de Wikipédia ? » ci-contre), il apparaît bel et bien qu’un Wiki a une réelle tendance à s’autoréguler.
Mais revenons aux trois actions de base citées précédemment. Si Editer et Sauvegarder peuvent vous permettre d’amorcer votre Wiki, Lier va vous amener à le faire grandir.
Car l’une des principales caractéristiques du Wiki est l’interdépendance de ses pages. Très vite, il ne vous suffira plus de créer des articles en collaboration, vous ressentirez le besoin d’unir ces informations entre elles.
Peu de Wiki fournissent encore un véritable bouton Lier. Il a été remplacé le plus souvent par une icône sur laquelle il suffit de cliquer après avoir sélectionné un mot que l’on veut transformer en lien. La manipulation consistera alors à entrer, dans le champ qui apparaît, l’adresse d’une autre page du Wiki qui vous semble venir compléter le propos de celle-ci.
Enfin, dernière caractéristique et non des moindres, si, par hasard, par erreur ou par malveillance, un contenu aura été modifié sans fondement, sachez que le Wiki archive toutes les modifications réalisées sur une page et qu’il est très facile de réafficher des versions antérieures.
Concrètement, le Wiki ne doit et ne peut se résumer qu’à un usage encyclopédique. Fort utile au sein des entreprises pour la gestion de projets, il est aussi le moyen le plus performant pour produire des documents collectivement, ce qui, avouons-le, est un atout qui ne peut que questionner les professionnels de la documentation.
(1) http://www.journaldunet.com/0308/030820cunningham.shtml
(2) http://www.ledevoir.com/2004/05/03/53624.html
(3) http://wiki.crao.net/index.php/CommentExpliquerWikiAuxD%e9butants
Pour aller plus loin :
http://www.tice.ac-versailles.fr/Qu-est-ce-qu-un-Wiki.html
http://valeurdusage.net/wordpress/wiki/quest-ce-quun-wiki-1-definition-et-utilisation-de-loutil
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