Je reprends votre citation dans la partie illisible : Dans notre
société française « occidentale », au sein de laquelle le corps n’est
plus sacralisé, nous parions sur la prééminence de préoccupations économiques
dégagées de considérations philosophico-religieuses conduisant à incinérer les
hommes comme on incinère les déchets.
Votre article s’adresse donc aux catholiques puisque le
« sacré chrétien » ne peut pas atteindre les autres qui sont dans un
sacré émotionnel, vulgaire. Or, la société française contemporaine est
composée des uns et des autres. A moins de les vouloir tous réduire à la foi
chrétienne, les catholiques ne peuvent parler en leur nom. Les cérémonies
affligeantes ne les concernent pas non plus puisqu’ils ont, eux, le choix des
funérailles, depuis 1963 devant l’autorité vaticane et 1887, devant la
République. Ils peuvent rendre les sacrements aux défunts avec un rituel
adéquat. D’ailleurs vous le dites : « Précisons, cependant,
que choisir ce « mode de disparaître » n’est pas incompatible avec une
cérémonie religieuse »
Nous avons admis que la dispersion des cendres d’athée dans
un lieu symbolique pouvait convenir, à la rigueur…
Maintenant, « Les cimetières les plus récents,
eux-mêmes, ont été aménagés à la périphérie des villes. » par la
volonté du Conseil Royal grâce à « l’édit du 10 mars 1776 qui aboutit
[à] une définition moderne du cimetière[. L]e champ de repos est transféré
en dehors de la cité la sépulture intérieur des églises et des hôpitaux est
sauf exceptions qui tiennent aux règles canoniques interprétées stricto sensu
formellement interdite » [1] Il ne semble pas que ceci puisse être
reproché à notre époque vide de sens, d’autant que cette décision anticipait
les craintes des hygiénistes du 19ème siècle.
[1]Daniel Ligou L’Evolution
des cimetières In : Archives des sciences sociales des religions.
Est-ce la faute des adeptes de la crémation si le
corps des chrétiens n’est plus sacralisé et si la crémation est, pour le
moment, moins chère qu’une inhumation ? Demandons-nous pourquoi tant de défunts
(ou de familles) y ont recours : La
France compte entre 4,8 et 8,6 millions de pauvres selon la définition
adoptée... Depuis 2002, le nombre de personnes concernées a augmenté d’un
million. (Observatoire des inégalités – 07/09/2012)
Le « pour faits de résistance » a été un
vrai questionnement. Je l’ai enlevé plusieurs fois avant de le maintenir. Il
était là pour lever une ambiguïté ; on me demande si mon père était juif
quand je le dis déporté. Certains lobbies juifs veulent détourner la
déportation à la seule extermination des juifs d’Europe et j’ai connu des juifs
(comme des musulmans) qui se sont fait incinérer, même s’ils ne sont pas la
majorité du genre. Je voulais gagner du temps. Raté !
Mon père était du côté des vainqueurs mais serait resté un
terroriste si l’issue de cette guerre avait été différente. Je n’en tire pas,
pour moi, de gloire particulière ; à quel titre ? Il se trouve que
les valeurs que ces gens défendaient nous permettent aujourd’hui de nous
écharper joyeusement, vous qui dites, moi qui refuse d’entendre. Remercions-les
pour cette conviction… Et pardonnez-moi si j’ai pu laisser entendre le
contraire vous concernant, mon autisme ne m’entraîne pas jusque là !
Je voulais juste répondre, par un exemple, à votre
propos concernant l’absence de lieux de mémoires etde symbolisme, parce que je ne comprends toujours pas pourquoi
vous écrivez ceci : « […] Le sacré, dans l’acte de crémation
dans nos régions, n’intervient en aucune manière. […] » L’acte
symbolique de mon père est forcément le premier qui m’est venu à
l’esprit ; j’en ai d’autres. Les religions, et depuis les Lumières sous
d’autres formes, des assemblées humanistes ont sacralisé l’homme. Le
comportement de l’individu, face à la mort, est dicté par cette
« valeur » sacrée qui l’imprègne et qu’il a acquise bien avant le
christianisme, qu’il soit croyant ou se pensant athée.
Pardonnez-moi, mais je ne me souviens pas avoir parlé de
progrès quand je me réfère à la recherche scientifique. Qu’il en soit une
conséquence par ses applications techniques ne fait aucun doute, mais il n’en
est pas le but. Je pensais, sans doute naïvement, que la science se
contentait d’essayer comprendre le monde : « nous reconnaissons
l’éternelle aspiration à comprendre » Le capitalisme (privé ou
d’état !) faisant le reste. (vous allez me ressortir Pavlov et je vais
encore rigoler…)
Le problème se complique dès lors qu’on y cherche une harmonie.
C’est déjà sous-entendre une singularité, une prédisposition d’un univers
« fait » pour l’homme. Et c’est là que nous achoppons, nous deux.
Einstein disait aussi : "Quiconque prétend s’ériger en juge de la
vérité et du savoir, s’expose à périr sous les éclats de rire des dieux,
puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n’en
connaissons que la représentation que nous en faisons", renvoyant
ainsi chacun à sa vision égocentrique et subjective du monde. Il n’y a donc pas
de vérité hors notre conviction ? Ce brave Nietzsche n’y changera rien
avec sa question qui se mord la queue : « Faut-il une conviction pour
permettre à la science d’exister ? Oui ! »
Comme toujours, sortir une phrase de son contexte est, au sens
littéral, insensé. Et c’est valable pour celles que je cite !
La philosophie permet à l’homme d’accepter le monde à un
moment donné, en un lieu donné et à « apprendre » à mourir. Je n’ai
pas l’outrecuidance de vous l’apprendre. Voir les cyniques, Platon, Montaigne
ou qui vous voulez à propos de la mort… C’est leur fond de commerce et vous les
connaissez bien mieux que moi. Le philosophe se substitue ainsi au cagot [1] en
nous proposant un éventail de visions pour rendre ce monde moins absurde qu’il
n’est. Diriez-vous « qu’il ne paraît » ? L’un et l’autre ne nous
aident pas à comprendre la mort.
Devant l’absurdité du monde, Sisyphe, avec ou sans la
punition, a-t-il une alternative à l’existence ? Les religions condamnent le
suicide : parce que c’est un acte libertaire ?
[1] : Qui manifeste du
fanatisme religieux, de la bigoterie hypocrite, puisqu’il faut tout vous
dire…
Je vais vous raconter une histoire toute personnelle :
mon père a passé un an dans un camp de concentration pour faits de résistance. Cinquante
deux seulement des français détenus en sont revenus. Il a toujours été coupable
d’être rentré en laissant ses « copains » là-bas. Il a voulu les
rejoindre après sa mort, une fois incinéré. La symbolique de ce geste est, à
mon avis, tout aussi respectable que celle de vouloir à tout prix (!) une place
sous une pierre tombale pour permettre aux héritiers d’avoir un lieu de mémoire
GPS et « revitaliser » la ville.
Dans le cas que je vous expose :« comment faire
le deuil pour les êtres souffrants, si pas de lieu, plus de repères symboliques »
il y a lieu, repère symbolique et respect des volontés que vous semblez, si je
puis dire, enterrer. Il y a même eu hommage public avec fanfare drapeaux,
écharpes tricolores et képis. Sommes-nous toujours icidans le
domaine du profane, sans bénédiction ?
Dieu peut-il poser un acte d’amour comme la création et
proposer le néant comme seule fin à notre courte et misérable vie ? Après
tout, pourquoi pas ?
Croire n’est en rien répréhensible et fait partie de la
panoplie de l’homme « libre( !?) » (cf. toute l’œuvre de
Laborit) et de son libre arbitre si cher aux examinateurs du bac ; ce qui
l’est moins, c’est sa récupération par ces cagots qui déplorent une
déchristianisation généralisée et qui ont besoin de boucs-émissaire pour
expliquer le désenchantement du monde de (et entre autres) Weber :
« Horreur ! Le monde est devenu rationnel ! Nous voudrions
pourtant bien conserver une certaine tradition, la rédemption et les
pierres tombales ! » (Entre parenthèse et entre nous, aucune étude
sérieuse n’est faite (ou ne paraît ?) sur la pollution des terres, nappes
phréatiques et autres lieux soumis à l’ « action » des
cimetières. Pourquoi ? Les résultats des désordres générés par la
crémation sont connus et constammentaméliorés.)
Le doute ne peut donc être que scientifique puisque la
recherche n’a pas, elle, d’a priori ; elle repousse chaque jour un peu
plus et jusqu’à maintenant, je vous le concède, le royaume de Dieu. A ma
connaissance, Giordano Bruno n’a toujours pas été réhabilité, lui qui
« croyait » à la pluralité des mondes alors que Dieu lui-même n’y
avait même pas pensé… 412 ans tout de même ! L’Eglise ne prend pas ses
décisions à la légère.
Heureusement que certains tentent de bousculer un peu cette
tradition sclérosante ! Pas étonnant alors qu’ils soient traînés aux
Gémonies par ceux qui détiennent la « vraie » vérité…