Marc Touati, économiste, considère que la zone euro peut être sauvée. Il dit « En choisissant de colmater les brèches, les dirigeants européens ne font qu’amplifier la crise de la zone euro. Les désaccords entre Angela Merkel et François Hollande pourraient même précipiter sa chute. Pourtant, les solutions existent : la BCE doit acheter en direct de la dette publique et réduire son taux à 0,5 %, l’euro doit être dévalué à 1,18 dollar, et un vrai budget fédéral doit voir le jour ».
Marc Touati oublie, dans son analyse, que deux de ces trois mesures proposées (l’achat direct de dette publique par la BCE comme le font les banques centrales britannique et américaine, par exemple, qui est une forme de mutualisation de la dette comme les eurobonds) et le budget fédéral, ne peuvent pas, selon les allemands, et selon le simple bon sens je dirais, être mis en œuvre avant que des transferts de souveraineté importants aient été accordés par les Etats membres de la zone euro à un pouvoir européen. Plus question, pour la France, dans le cadre d’un tel transfert de souveraineté de pouvoir décider seule de mettre à 60 ans l’âge de la retraite pour certaines catégories de personnes. Car alors les allemands auraient alors, à juste titre, l’impression de devoir payer pour les pays dépensiers de la zone euro.
Donc il faudrait créer en zone euro un véritable État Fédéral avec un exécutif et un législatif élu au suffrage universel direct pour que l’énorme pouvoir qu’il va avoir soit légitime et que ce soient des élus et pas des fonctionnaires qui l’exercent. Combien de temps faudrait-il pour que les 17 pays membres de la zone euro se mettent d’accord sur modalités d’un tel État fédéral et est-ce que le temps que cela prendrait répond à l’urgence de la crise actuelle en zone euro ?
Voici une étude de Patrick ARTUS (banque natixis) dont j’extrais ces lignes :
« On parle de plus en plus de mettre en place des mécanismes fédéralistes (Eurobonds, Eurobills) et de mutualiser certains risques et certains investissements entre les pays de la zone euro (garantie européenne des banques, recapitalisation des banques par l’EFSF-ESM, accroissement des investissements de la BEI, accès de l’EFSF-ESM au refinancement de la BCE, achats de dettes publiques par la BCE). La critique allemande de ces propositions est qu’elles font reposer in fine tous les coûts et tous les risques sur l’Allemagne, en raison de sa situation économique, budgétaire et financière, de sa crédibilité sur les marchés financiers : finalement, « toutes les factures seraient envoyées à l’Allemagne », les autres pays n’ayant pas de marge de manoeuvre budgétaire ou financière, n’ayant pas de crédibilité pour garantir des dépôts, des emprunts.Nous examinons donc l’économie de la zone euro hors Allemagne. Est-elle en si mauvaise situation que le fédéralisme ou la mutualisation des risques et des investissements entre les pays de la zone euro revienne en réalité à tout mettre potentiellement à la charge de l’Allemagne ?La crainte des Allemands nous paraît fondée. »
Donc les propositions de l’économiste Marc Touati pour sauver la zone euro en difficulté doivent être considérés pour ce qu’elles valent, c’est à dire rien.
Actuellement en zone euro la France avec une situation caractérisée par la désindustrialisation, le déficit extérieur chronique, le déficit public qui sera difficile à réduire, est l’un des pays de la zone euro qui a tout intérêt à promouvoir des solutions mutualistes ou fédéralistes en zone euro et que celles-ci soient mises en œuvre, avant que les marchés financiers ne lui fassent payer les taux d’intérêt qu’elle mérite. C’est à dire des taux d’intérêt plus élevés que les taux actuels. Par certains aspects la situation de la France est pire que celle de l’Italie actuellement malmenée par les marchés financiers.
En revanche l’Allemagne craint que compte tenu de l’état de délabrement actuel de plusieurs de ses partenaires dans la zone euro, le fédéralisme ou la mutualisation des risques et des investissements entre les pays de la zone euro revienne en réalité à tout mettre potentiellement à sa charge. Elle n’a pas tord de le penser.
Il est sans doute trop tard pour sauver le soldat euro qui devrait s’écrouler sur l’effet des dettes, des déficits et des taux d’intérêt.
L’Italie est probablement le seul des pays en difficulté de la zone euro à pouvoir en sortir et en tirer profit car son secteur industriel n’a pas encore été trop détruit par l’aventure de l’Euro contrairement à ce qui est le cas pour d’autres pays de la zone euro dont la France :
Elle pourrait sans doute encore tirer profit d’exportations plus compétitives avec une monnaie dévaluée si elle ne tarde plus à sortir de l’Euro car sa base industrielle risque de décliner rapidement et une sortie de l’euro deviendrait alors poblématique :