Je pense qu’il y a confusion. La seule et unique problématique est celle de douleurs avérées rendant la vie impossible pour laquelle la médecine est impuissante. Cela ne concerne donc qu’un petit nombre de cas.
Mais peut-être faut-il être passé par ce genre de douleur pour comprendre. Merci @Claude pour son témoignage. Je connais également, mais dans mon cas, il s’agissait de crises temporaires, d’une demi-heure à quelques heures par jour, tous les jours, mais pour lesquelles on a pu trouver une solution, la cause ayant été déterminée. Donc plus de problème.
Mais cela m’a donné à réfléchir. Les crises étaient incapacitantes aussi bien physiquement qu’intellectuellement. J’en ressortais à chaque fois vidé. Pendant les crises, chaque seconde s’étirait et il n’y avait rien d’autre que la douleur et l’impression que cela ne finirait jamais.
J’aime passionnément la vie. Mais pas dans ces conditions, en admettant que cela dure tout le temps sans possibilité de vivre normalement. C’est totalement insupportable.
Les proches ne peuvent pas et ne doivent pas être impliqués dans le circuit de décision. On peut penser à des dérives types gens intéressés, mais il y a également l’inverse : ma femme, par exemple, serait totalement incapable d’accepter que je puisse partir comme cela et refuse totalement d’en parler, bien que le problème soit résolu. Elle connait pourtant la souffrance que j’éprouvais, puisque cela se voyait sur mon visage, c’était impossible à masquer.
Etant donné qu’effectivement le nombre de cas est réduit, voire exceptionnel, peut-être faudrait-il envisager le problème sous un autre angle : plutôt que de créer une loi complexe à rédiger et dont l’existence pose un problème pour certains, on pourrait proposer une gestion par exception.
La proposition consisterait à créer un collège national qui examinerait les cas et aurait la possibilité de déroger à la règle générale. Ce collège pourrait être composé de médecins, afin de déterminer si l’on est bien dans le cas d’une impuissance de la médecine à soulager et non dans un cas de suicide assisté. Des psychologues pourraient chercher à s’assurer que le demandeur n’est influencé par personne, qu’il est apte à prendre la décision et qu’il n’est pas sous le coup d’une déprime temporaire. Enfin, la commission comprendrait également des juristes pour garantir qu’il n’y a pas d’abus juridique.
Les possibilités de dérive seraient ainsi vraiment limitées.
L’ensemble des commentaires que j’ai fait jusqu’à présent ne traitait que le problème général, pas le cas spécifique de Mme Sébire.
En ce qui la concerne, d’abord, il me semble que c’est elle qui s’est mise sous les projecteurs et non quelqu’un d’autre qui l’y aurait mise. Cela me parait d’ailleurs courageux étant donné son état et cela me parait tendancieux que de penser à une manipulation. Le coma qu’on lui propose, seule possibilité laissée par la loi n’est pas une solution en soi. Effectivement, on supprime implicitement la douleur, mais elle ne pourra pas être réveillée : elle mourra dans cet état. Cela aussi est une démission : on ne traite pas le problème de fond.
"La question de l’euthanasie, en fait, c’est la question du bonheur de l’euthanasié ou la question du bonheur de son entourage ?". La seule question de l’euthanasie est de mettre fin à ses propres souffrances, sur la seule décision de la personne qui souffre. La seule question est de soulager une souffrance que la médecine n’est pas capable d’enrayer.
Ce n’est certainement pas une question de bonheur (quelle idée !) ou une assistance au suicide parce que la vie est triste. Ce n’est pas non plus une décision des proches.
"Je n’ai jamais dit le contraire" : j’ai pourtant repris votre propos à la lettre.
Au sujet du conservatisme, j’ai relu votre post précédent : le problème ne consiste pas à faire quelque chose à tout prix, mais de traiter un sujet que l’on a éludé. Tout ce que vous proposez, c’est de laisser faire. Si une personne est atteinte d’une maladie non léthale qui est une torture de chaque instant, et qui a une espérance de vie normale, ce que vous proposez consiste à laisser souffrir des années durant ? Génial !
"personnellement j’ai du mal a voir ou se trouve la dignité quand on choisit de piquer ses proches comme un vulgaire animal". Vous êtes totalement dans l’erreur. Il ne s’agit pas pour des proches de se libérer d’une personne qui souffre, mais d’avoir la possibilité pour une personne qui souffre de mettre un terme volontairement à ses souffrances.
"On a vu pas mal de dérives à ce sujet...". Comme chaque fois que l’on fait un choix ou que l’on prend une décision et c’est bien là le point délicat d’une législation.
C’est un appel au conservatisme (sans connotation politique) le plus profond que vous faites là. Cela revient à faire l’autruche plutôt que de prendre une responsabilité quelconque.
@Bernard Dugué. J’ai fait un commetaire sur votre article, qui s’est malheureusement accroché plus haut.
Votre article met bien en évidence le fait que l’on n’a pas traité en France le problème de la mort volontaire, lorsque la seule "vie" possible est une longue souffrance sans possibilité de rémission ni soulagement, jusqu’à ce que mort s’en suive.
En laissant la personne souffrante en l’état, on peut considérer que la société approuve sa torture de tous les instants. Bien sûr, étant donné que personne n’est directement à l’origine de la souffrance, il n’y a pas de responsable. Et pourtant, n’est-ce pas condamnable ?
Il s’agit évidemment d’une hypocrisie, que vous décrivez bien au travers de l’expression "humanisme euthanasié".
Mais votre article oublie un point : celui de l’éthique médicale. Même à ce niveau, le problème est éludé.
En effet, le serment d’Hippocrate dit "[...]Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté [...] Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.[...]".