Bonjour,
Tout d’abord, je me permets de féliciter les créateurs de ce forum, forum qui, selon moi, répond à un réel besoin. Internet est désormais synonyme de liberté d’expression !
Dans ce message, je tiens en premier lieu à préciser que je ne souhaite pas juger l’action syndicale ou encore les initiatives successives du gouvernement, mais seulement évoquer avec vous une tentative d’analyse sur ce drame qu’est « l’affaire SNCM ».
Je parle de « drame », en effet, car dans cette affaire tragique, il n’y a ni gagnants, ni perdants : les syndicats ont désormais compris que l’emploi et la survie de leur compagnie ne tiennent plus qu’à un fil, les citoyens ont pu constater qu’ils participeraient activement au sauvetage de cette entreprise sous-perfusion et l’Etat a réalisé que le tumulte de la rue et les sondages pouvaient mettre le gouvernement dans des positions assez inconfortables.
Nul ne me contredira - je pense - sur cet état de fait dont personne ne peut se satisfaire, à l’exception peut-être des médias toujours insatiables lorsqu’il s’agit de s’atarder sur la misère humaine. Mais laissons de côté le caractère ironique de cette affaire et penchons sur son contenu.
Certains verront dans mon message des mots disproportionnés mais qu’importe.
Au-delà de l’état de fait sur lequel je viens de revenir, attardons nous quelques instants sur la portée et la violence de cette affaire. A mon sens, l’Etat a multiplié les erreurs et les maladresses. Je sais bien que les gouvernements - de droite qui plus est - ne sont pas habitués à prendre position sur des questions relevant de la justice sociale notamment lorsqu’il s’agit d’agir dans l’urgence, cependant cette affaire frise le scandale. A une grève d’une violence et d’une durée inhabituelles se sont ajoutées des opérations de blocage (l’activité de la compagnie, des perturbations pour la concurence, des bouleversements pour le port de Marseilles cinquième port européen). Ces opérations ont malheuresment un coût... et ce dernier, face à une concurrence induite par l’avénement récent de la mondialisation, devient insupportable surtout lorsqu’il est assumé par une puissance en déclin, agitée par un chômage plus qu’handicapant et caractérisée par un manque cruel de croissance. Quelles étaient les solutions ? Je l’ignore.
Ce qui est sûr, c’est que je regrette que les syndicats (la CGT et le STC en tête) n’aient pas pris conscience de la gravité de la situation : cette grève était vue par certains comme un acte désespéré à l’image du détournement du pascal paoli pour d’autres elle était un suicide. Je pense que les deux parties ont raison. Par ailleurs, il ne faut pas négliger la part de responsabilité des syndicats qui dans cette affaire, même si l’issue de la crise parait proche avec les nouvelles propositions du gouvernement, ont attisé un feu qui pourrait bien conduire, dans les jours à venir, à la disparition d’une entreprise qui souffre de déficits annuels exhorbitants et d’une masse salariale disproportionnée. Une nouvelle mise sous perfusion (l’effacement d’une dette de 113 millions d’euros) permettra-t-elle à cette compagnie de survivre, à reprendre une activité normale, à faire des efforts dans sa gestion ?
Les syndicats ne sont pas les seuls fautifs et ne sont en aucun cas responsables de l’échec économique de cette société : ils n’ont fait que le dénoncer même si cette dénonciation s’est soldée par une aggravation de cet échec.
L’Etat a sa part de responsabilité. Il se doit de présenter des explications : comment peut-on en effet autoriser une si mauvaise gestion dans une entreprise appartenant à l’Etat ? Comment peut-on se permettre de résoudre un conflit en prolongeant une situation qui affaiblit l’intégralité des citoyens, qui financent sans broncher une compagnie placée dans une situation inconfortable par l’incompétence de certains et dans une impasse par le manque de réalisme voire le laxisme d’autres ?
La responsabilité de ces deux acteurs est pour moi grande et les victimes sont sans conteste les travailleurs, leurés par des syndicats jugeant inacceptable une privatisation de toute société pour des raisons purement idéologiques et étouffés par un gouvernement incompétent dans la gestion d’une telle crise.
Cependant, je vois beaucoup d’autres victimes dans cette affaire. Vous l’aurez compris, je fais ici allusion aux citoyens. Outre l’argument financier que je juge terre-à-terre, les citoyens ont vu s’étaller dans les journaux et à la télévision une affaire qui est le reflet d’un drame actuel. Il s’agit à mon sens de la dévalorisation de cette vieille valeur qu’est le travail. Je n’aime pas beaucoup Voltaire mais je dois reconnaître que je partage sa vision du travail : je n’ai pas l’intention de devenir le jardinier de mon jardin, mais il est vrai que le travail reste pour moi une formidable et essentielle valeur, source d’équilibre, protégeant du vice, du besoin et de l’ennui. Un autre fait est pour moi d’autant plus grave : il concerne l’idée de Justice. La dévalorisation du travail n’était que le partie émergée de l’iceberg. En effet, le gouvernement a ici montré qu’il entendait la justice comme un compromis. Ce compromis, tout comme cette vision étriquée de la justice, sont tout bonnement intolérables : comment peut-on comparer la justice à un juste milieu entre l’autorité et la violence, dans la mesure où la violence n’a pas sa place sur l’échiquier politique et autour d’une table dans des négociations en démocratie ? Je simplifie ici un schéma complexe mais avouez que la décision du gouvernement, ses multiples hésitations, l’action sociale durable et rude font penser à un conflit social avec d’un côté une autorité, l’Etat et de l’autre des travailleurs qui - dans un dernier espoir - choisissent la violence comme porte-parole. Et, le fait que le gouvernement prenne ses décisions en fonction de la violence occasionnée me parait très préoccupant. On voit donc sans difficulté le côté pervers que cache cette vision de la justice : celle-ci encourage en quelque sorte le tumulte, dans la mesure où ce dernier est source d’espoirs, d’avancées.
La justice ne mérite-t-elle pas mieux ? Dans un Etat de droit, est-ce cette image de la justice que l’on veut prôner et défendre ? Faut-il donc être nécessairement violent et déterminé pour se faire entendre ? Vous l’aurez compris : je pousse le débat à l’extrême...
Cependant, ce qui est sûr, c’est que la France est à mon sens peut-être en train de prendre un virage dangereux...