Un récit de l’islam naissant (re) découvert par des savants courageux
Comme ces archéologues israéliens émancipés qui ont creusé aux sources du récit judaïque, des historiens musulmans ont levé le voile de cette histoire religieuse ; guerres civiles impitoyables, fin de vie amer de Mahomet et débuts tragiques du califat sont passés au tamis fin par des savants modernes de l’Islam.
Ils racontent les origines peu dites d’un islam ensanglanté qui se perpétue avec le califat de daech et d'autres qui reproduisent les pratiques califales des débuts. Personne n'échappe pas à leurs assassinats.
En ce XXIe s. des musulmans instruits et courageux sidérés aussi par leurs coreligionnaires, ont cherché les sources de cette violence au nom de l'islam. Intellectuels et savants, croyants ou non, théologiens, mystiques, juristes, philosophes, scientifiques… ils racontent une histoire sans concession dans un ouvrage collectif (1). Ils éclairent l’islam des débuts avec leurs récits des événements, soucieux de dénouer l’amalgame d’un mariage impossible - Islam et paix -.
Le premier siècle auréolé de massacres successifs, avait fini par islamiser un récit avec des raconteurs religieux soucieux de figer un Coran parmi la demi-douzaine de versions identifiées. Les chiites ont prétendu que le texte coranique était trois fois plus volumineux avant d'être expurgé. Sous Abd Al-Malik (VIIe s.) il sera rédigé en arabe et figé (*) puisque décrété incréé, c’est-à-dire parole de Dieu. Fin des disputes.
Passée dans de nombreuses mains, l’histoire de la troisième religion du Livre manquait elle aussi de rigueur. Au tournant des années 2000 les événements islamistes provoqueront un élan de curiosité. Des chercheurs démontreront les invraisemblances de nombreuses sources notamment sunnites et intègreront celles des syriaques, juifs, manichéens, nestoriens… pour revoir les germes de la catéchèse islamique. Leur curiosité sera riche de révélations.
Pourtant avant eux, Jean Damascène (676-749) et d'autres avait déjà comparé le Coran avec les récits bibliques, mais des recherches sur l'islam qui n'impliquaient pas des musulmans ne pouvaient pas s'entendre des imams.
En Europe l'intérêt pour l’islam avait commencé tôt à l’Abbaye de Cluny après la première croisade, avec la première traduction latine du Coran pour mieux connaître les ennemis de la chrétienté. Le Figaro rappelait que les caricatures de Charlie n’étaient pas les premières avec cet extrait d’un manuscrit de Cluny (XIIe s.) présenté à la BNF en 2005… « … Mahomet avec une queue de poisson et des plumes sur le corps ».
Après Cluny, chrétiens, juifs et protestants attendront pour traduire le Coran en langue vernaculaire (1647 en français).
Des érudits produiront de nombreux travaux, dont Henri Lammens un jésuite belge qui vivra au Proche-Orient. Orientaliste, il devait publier une vie de Mahomet vers 1910 à l'aide de ces nombreuses sources documentaires. Possiblement freiné, il renoncera « par respect pour les consciences qui différaient de la sienne ». Il faudra attendre ces dernières décennies pour dépasser sa pudeur.
Avec "Les derniers jours du Prophète" et "Les califes maudits" Hela Ouardi (2) révèle une histoire généralement méconnue, y compris des musulmans peu enclins à propager les origines terrorisantes de leur religion. Comme Mohamed Ali Amir-Moezzi (1), elle justifie ses travaux par le besoin d’instruire les musulmans avec « une histoire démystifiée ».
Récemment aussi, Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye dirigeront cette fresque magistrale « Le CORAN des historiens » (1), une œuvre collective de 3000 pages rédigée par une quarantaine d’experts pendant plusieurs années. Ils s’inscrivent dans un mouvement commencé pendant la deuxième moitié du XXe s. avec des chercheurs pluridisciplinaires qui étudieront les sources innombrables. Ils puiseront leurs révélations dans les volumes de la jurisprudence musulmane conservés dans les ancienne bibliothèques islamiques comme l’Université d’al-Azhar du Caire (fondée par les chiites). La diversité contradictoire des sources n’a permis à aucun historien d’établir un profil fiable de Mahomet qui selon, était riche ou pauvre, guerrier ou sage, avec un nombre de femmes et d’enfants variable… Par contre l’analyse des textes a montré que le Coran ne serait pas que le recueil des paroles de Dieu transmises à Mahomet, mais qu’il y aurait plusieurs auteurs avec des parties plus anciennes et d'autres postérieures à la mort de Mahomet.
Ses nombreuses références bibliques avec ses personnages omniprésents, et les croyances avec Jésus messie verbe de Dieu, inscrivent le message prophétique dans celui judéo-chrétien, et s’adressait à des populations qui en étaient déjà instruites, avec un Jésus Messie, c'est à dire envoyé et fils de Dieu, une notion éminemment chrétienne du Coran (S3 v55) « Ô Jésus, certes, Je vais mettre fin à ta vie terrestre t'élever vers Moi, ... et mettre jusqu'au Jour de la Résurrection, ceux qui te suivent au-dessus de ceux qui ne croient pas… ». (6)
Le Coran d'inspiration biblique doit être distingué d'un islam qui s'est voulu son bras armé.
La tradition musulmane et les nombreux autres textes contemporains ont permis aux historiens de raconter la fin de vie du Prophète et les débuts du califat avec des vérités enfouies. Utilisant des sources sunnites et chiites reconnues par la tradition, Hela Ouardi a produit aussi un récit historique inattendu. Pour mesurer le poids de ses révélations, il faut s’entendre sur le sens de la tradition en islam. Suivant Bruno Etienne (3), « … pour comprendre et expliquer l’Autre, il faut admettre que ce que les gens, les acteurs, les agents – ici les religionnaires –, croient et qui fait sens pour eux est plus important que ce qui est vrai. » La tradition prophétique chez les sunnites (90% des musulmans) est liée à la « Sunna », une compilation (Hadith) des agissements et recommandations de Mahomet. Sans la tradition, pas de récit islamique. Hors la tradition il n'y a pas d'autres preuves de l'existence des 4 premiers califes, il faut attendre le 5e (un Omeyyade) pour en trouver.
Hela Ouardi (1) apporte sa pierre à l’histoire. Ci-après, un court digest de sa présentation des événements.
Elle fait le constat d’une violence politique en Islam qui n'est pas conjoncturelle mais structurelle. Le prophète en aurait sans doute été victime lui-même, les conditions obscures de sa mort laissent planer l'ombre d'un assassinat politique pour clore une fin de vie difficile. Son influence était très diminuée depuis les défaites de ses deux dernières campagnes militaires, pendant la dernière on tentera de l'assassiner. Lui qui connaissait ses agresseurs dont il aurait donné le nom à son confident, ne fera (ou ne pourra) rien contre eux, alors que plus tôt il faisait décapiter les auteurs de poèmes satiriques…
Un peu plus tard, il perdra le fils qu’il a eu avec sa concubine copte (chrétienne d’Egypte) et en éprouvera une grande tristesse. Le hadith de l'étang raconte son intention de confier sa succession à Ali son cousin, les opposants d'Ali tenteront alors d'assassiner Mahomet pour l’en empêcher.
Dans la semaine qui précède sa mort il se rendra au cimetière de Médine où il priera pour les morts, il y fera de sombres prédictions pour l'avenir des musulmans.
La tradition raconte sa fin de vie et les intrigues de ses compagnons pour sa succession. La veille de sa mort ses proches lui auraient administré pendant un moment de faiblesse une médication sans le prévenir, l'apprenant il demandera à tous ses proches de prendre devant lui le même médicament. Le lendemain il mourra. Ses fidèles seront pris d'effroi car il disait être venu pour annoncer l’imminence de l'apocalypse (2). On attendra trois jours avant de l'enterrer la nuit, malgré son interdiction des enterrements nocturnes. Certains avaient l'espoir d'une résurrection. Il sera dit qu'il n'est pas mort mais enlevé comme Jésus.
La fin du prophète est mentionnée dans un ouvrage de la tradition qui fait autorité avec deux récits. Il serait mort empoisonné par une juive, ou d'une pleurésie. Ces deux histoires émanent d’Aïcha l'épouse de Mahomet favorable à son père Abou Bakr, qui devenu 1er calife prétendra que Mahomet mourant lui avait demandé de le remplacer à la mosquée, ce que même les sources sunnites remettent en cause.
Sa fille Fatima s’y était opposée, rappelant que Mahomet avait choisi Ali (premier imam chiite), elle mourra quelques mois après Mahomet.
Les deux premiers califes n'assisteront pas à l’enterrement du Prophète, Abou Bakr se déclarera calife pendant qu’Ali s’occupait de l’enterrement de Mahomet. Le pouvoir politique et théologique inventera le califat après sa mort.
Avec « Les califes maudits » Hela Ouardi explique les sombres arcanes de la succession de Mahomet à partir d’ouvrages canoniques, fondements d’une histoire musulmane peu répandue. Fatima fille de Mahomet prononcera une malédiction contre Abou Bakr pour « avoir déchiré les habits de la foi », et avoir spolié l’héritage de son père. Il entrera dans une profonde dépression et regrettera d’avoir accepté la succession. Les trois autres califes dits aussi « bien guidés » seront également assassinés par des musulmans.
Cet épisode avec Fatima, évoque le principe d’une femme inférieure aux hommes comme pour les héritages encore aujourd’hui chez les musulmans. Une ambiance complotiste entourera les quelques jours autour de la mort du prophète, Omar (2e calife) avait empêché Mahomet mourant de rédiger son testament, ce sera pour les musulmans la « calamité du jeudi ».
Le 3e calife Othmân sera assassiné à Médine par des musulmans. Le tunisien Hichem Djaït dans son livre « La grande discorde » raconte qu’Othmân aurait conduit la prière apparemment ivre et qu'il aurait eu des relations avec un poète. S’ensuivit l’envoi de trois contingents armés pour l'assassiner. Ali lui succédera, bien que contesté toujours par Aïcha et ses compagnons qui seront vaincus lors de la « bataille du chameau ». Ali, quatrième calife "bien guidé", prétendra être "Jésus ressuscité". Les imams chiites ses successeurs se revendiquent « Coran parlant », donc Dieu aussi. Après la mort d'Ali son fils tentera de lui succéder avant d'être probablement assassiné lui aussi. Les Omeyyade prendront en main le califat eux qui, à la tête des païens de la Mecque, avaient pourtant combattu Mahomet. Un siècle de guerres civiles et d’assassinats sur lequel Hela Ouardi s'appuie pour avancer que la violence est consubstantielle à l’Islam.
Dans ce monde arabe converti sous la contrainte des guerres successives, les secousses continueront avec un scepticisme revenu dès la mort de Mahomet. Et pour cause.
P. Casanova (4) souligne dans son livre « Mahomet la fin du monde » le caractère fondamental de l’apocalypse dans la prophétie. La fin du monde imminente reprise dans des dizaines de sourates, n’étant pas arrivée après sa mort, elle expliquera l’incrédulité revenue. Cette prophétie (1er verset de la sourate La lune), est aujourd’hui absente du discours religieux. Pour P. Casanova, il fallait que « l’union intime énoncée par le Prophète entre sa venue et la fin du monde fût dissimulée ou niée, sous peine d’anéantissement pour la nouvelle foi. »
L’importance des travaux de ces historiens confirment un archaïsme islamique destructeur, avec des courants prêts à quelles extrémités pour un 6e califat comme envisagé en Tunisie ? Un contre-pied manifeste pour les diffuseurs d’un islam de paix en mal de preuves. Seuls ceux instruits avec les imams sensés des mosquées occidentalisées viendront à bout de la violence enracinée chez certains de leurs coreligionnaires qu’ils devront combattre pour rendre l’islam acceptable, un dur chemin. Depuis sa naissance l’islam a soumis les populations à un pouvoir théologique et juridique, les tribus et les clans des califes et des imams ont asservis les populations en conservant le totalitarisme de leur origine avec les juristes théologiens et leur police.
Souligner aujourd’hui que les victimes des islamistes sont des musulmans est une banalité historique au vu des nombreuses guerres civiles entre musulmans voulues par Mahomet et les califes qui ont causé plus de morts que toutes les guerres de conquête. Plutôt que d'exonérer l'islam de sa responsabilité, on retrouve là aussi sa marque historique, au nom de l'islam on a toujours tué, musulmans compris. Daech et son califat s’inscrivent dans la tradition islamique originelle avec Abou Bakr al-Baghdadi qui a emprunté au 1er calife son nom et ses méthodes quand il contraignait avec ses guerres d'apostasie, les arabes qui ne croyaient plus au message de Mahomet.
Quand les djihadistes nous rappellent que l’islam est une religion née avec la guerre, opposée aux droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, les auteurs modernes de cette histoire entendent eux rompre avec ce symptôme condamnable de la tradition.
Un chemin de Damas qu'ils ont trouvé.
Quraych ( petit requin ), était un des surnoms de la tribu de Mahomet.
(*) en 1923 une nouvelle version du Coran sera réimprimée après que l'institution Al-Azhar ait ordonné "la confiscation du livre précédent pour causes d'erreurs et par manque de pureté de l'encre utilisée".
(1) Mohammad Ali Amir-Moezzi historien, islamologue français né à Téhéran et Guillaume Dye, islamologue, orientaliste ont produit cet ouvrage collectif avec une trentaine de spécialistes pluridisciplinaires de l’islam, ils produiront après quatre années d’études le remarquable « CORAN des historiens » qui a reçu la réprobation de religieux tunisiens. Il soulignera l’origine christologique du Coran avec ses références au Messie Jésus verbe de Dieu et Marie dont l’histoire des christianismes orientaux ne pouvait être comprise que par ceux déjà instruits de celle chrétienne et juive transmise par les courants syriaques.
(2) Hela Ouardi est professeure de littérature et de civilisation françaises à Tunis, chercheuse au Laboratoire d'études sur les monothéismes, effarée par les attentats islamiques, elle produira des travaux révélateurs sur l’origine de l’islam avec Les derniers jours de Muhammad. Elle est déjà censurée dans certains pays musulmans où toute vérité ne semble pas bonne à dire.
Hela Ouardi recommande l’ouvrage de P. Casanova Mohammed et la fin du monde étude critique sur l’islam primitif qui raconte la mission de Mahomet venu pour annoncer l’imminence de l’Apocalypse. P. Casanova (4) affirme dans son livre « que la doctrine réelle de Mohammed a été, sinon falsifiée, du moins dissimulée avec le plus grand soin par Abou Bakr et Othman au point qu’il parait impossible de reconstituer le Coran primitif. » en rejetant « à priori toute théorie tendant à suspecter la sincérité de Mohammed » La fin du monde imminente, omniprésente dans le Coran et tout au long de la vie de Mahomet ne s’étant pas produite, il fallait trouver une explication pour perpétrer la religion et contredire ceux qui abandonnèrent l’islam pour ce motif.
(3) Bruno Etienne est sociologue, anthropologue et politologue connaisseur du monde musulman et auteur de « Mohamed et la fin du monde ».
(4) P. Casanova « Mohammed Et La Fin Du Monde Etude Critique Sur l’Islam Primitif »
(5) Les historiens appellent "arguments d’embarras" les passages du texte jugés crédibles car contraires à l’intérêt coranique.
Pendant trois ou quatre siècles, les chiites diront que la version du coran officiel du 3e calife Othman est une version falsifiée, censurée, altérée qui ne représenterait que le tiers du vrai coran. Au moins cinq corans circuleront pendant cette période qui alimentera des guerres intestines.
Le 5e calife Abd A-Malik sera le véritable instigateur de la religion musulmane qui inventera le nom " islam ".
(6) Les numismates apportent leur pierre à l’histoire islamique.
Odon Lafontaine signale la première inscription de Mahomet en arabe MHMD (muhammad) dans le rectangle vert sur une pièce de monnaie omeyyade du VIIe s. associée à des croix chrétiennes.
Elle reprenait le modèle de la pièce ci-dessous à l’effigie de l’empereur byzantin Constantin fin du VIe s.
Les Ghassanides sont une tribu arabe prospère, chrétienne, vassale au VIe s. de l’empereur byzantin, cultivée qui a influencé l’art Omeyyade. Al-Walid 1er (668-715) est représenté sur une pièce de monnaie coiffé d’une croix, c’est le fils du 1er calife Ommeyade Abd Al-Malik rédacteur du premier Coran. Al-Walid construira la mosquée de Damas (avec des byzantins pour les mosaïques), à l'emplacement de l'église dédiée à Saint Jean Baptiste dont les reliques sont toujours conservées dans la mosquée, un de ses minaret blanc est sensé recevoir Jésus à la fin des temps.
Ces recherches suivent le chemin d’un syncrétisme Christo-islamique des débuts qu’explique une population arabe quasi exclusivement chrétienne alors, dont le Coran et les descendants -chrétiens d’Orient- persécutés aujourd’hui encore témoignent. Mais pas l’Islam.
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