15 mai : l’œuvre de Pierre Etaix à la merci d’un tribunal
Contre un escroc l’artiste est aussi désarmé que Pierrot contre un tueur. Depuis des années Pierre Etaix est empêché d’exploiter son œuvre, pis : de la restaurer, parce que deux escrocs ont obtenu sa signature à seule fin d’en tirer profit sans contrepartie. Explication d’Etaix.
Or ces 5 films, chéris des cinéphiles et désirés par de nombreux distributeurs dont Arte, pourrissent littéralement dans leurs boîtes depuis 1996, en attendant que la justice autorise, sinon leur exploitation, au moins leur urgente restauration. Rappel des faits :
1996. Parce que CAPAC, l’exploitant attitré, ne lui paraît plus à la hauteur, Pierre Etaix ne lui renouvelle pas la cession de ses droits d’auteur. Par un malencontreux quiproquo, son co-auteur cosignataire, le scénariste Jean-Claude Carrière, a de son côté renouvelé la sienne. Le défaut de synchronisation provoque un blocage juridique de l’exploitation destiné à durer dix ans.
2002. Etaix et Carrière décident, en attendant 2006, de faire restaurer les copies. Ils obtiennent le droit de le faire à leurs frais. Confirmation en 2003.
2004. L’avocate qui a plaidé leur cause leur propose de déléguer restauration et exploitation des films à une société : GAVROCHE Productions. Heureux d’en être libérés, les ingénus auteurs signent… l’arrêt de mort de leur œuvre ?
Ils ne savent pas encore que Me Wagner, la zélée avocate intermédiaire, détient 20% des parts de la société de son frère, société bidon, sans chiffre d’affaires. L’objectif des deux escrocs est d’attendre que les choses se fassent - sans eux - pour en tirer bénéfice, soit par dommages - intérêts, soit en touchant leur commission. Le plus fort est qu’ils y parviendront.
Le nez dans le ruisseau : la faute à GAVROCHE
Fin 2006. GAVROCHE restant inactif depuis la signature du contrat - deux ans -, et ne répondant pas à leurs courriers, Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière, devant ce qu’ils prennent pour un abandon, demandent à GROUPAMA GAN de restaurer Yoyo. Présenté à Cannes, puis à la Cinémathèque, le film fait un triomphe.
2007. Les Wagner, soudain réveillés, assignent les auteurs en justice. Une clause ajoutée au contrat (unilatérale !) ferait des deux petits malins les seuls bénéficiaires des droits d’auteur.
Découvrant enfin l’étendue de l’arnaque, Etaix et Carrière intentent un procès pour dénoncer le contrat. Ils sont condamnés (Etaix et Carrière, précisons-le) par le tribunal de grande instance de Paris à verser aux escrocs 5000 euros de dommages et intérêts. En décembre ils renouvellent l’assignation. La presse, l’Assemblée nationale s’émeuvent. Christine Albanel promet de “tout mettre en œuvre pour que les films de Pierre Etaix soient de nouveau diffusés”.
2008. Wagner attaque Groupama Gan pour avoir restauré le film sans son son autorisation.
2009, 15 mai : ultime audience de plaidoirie.
Quand les auteurs seront revenus de leur mésaventure (l’humour qui les caractérise devrait les y aider), ils n’auront pas à chercher longtemps le synopsis d’un ubuo-kafkaïo thriller. A condition de ne pas tomber vendredi sur un juge de même acabit que Me Wagner & Wagner - ou simplement lent d’esprit, comme ça arrive. Restaurer les films d’Etaix urge autant pour les sauver de la mort que pour redorer l’image d’un cinéma français qui a connu de meilleurs jours.
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON