Le jeu vidéo est-il un art ?
Tétris, Space Invaider, Pac Man… si vous avez moins de 50 ans, vous avez déjà sûrement joué à l’un de ces jeux. Ce week-end je suis allée à la Gaîté Lyrique pour visiter l’exposition « Joue le jeu ». Inimaginable il y a dix ans, ce genre de manifestation interroge sur la place du jeu vidéo dans le paysage culturel.
J’ai passé beaucoup de temps, dans ma prime jeunesse, à échapper à des monstres dans « Alone in the dark », à résoudre les énigmes de « Myst » ou à bâtir des villes démentes avec « Sim City ».
Mes parents râlaient en disant que ces jeux étaient abrutissant. Et voilà qu'aujourd'hui, la Gaîté Lyrique et même le Grand-Palais leur consacrent des expos !
Ma génération a grandi en même temps que le jeu vidéo. Le premier jeu, Spacewar, a été créé en 1960 mais c’est surtout dans les années 80 avec le développement des jeux d’Arcade que nous avons tous été happés par Pac-Man et consort.
Depuis cette époque, l’économie « vidéo-ludique » a dépassé celle du cinéma en terme de recettes, et se classe parmi les industries culturelles au même titre que la musique ou le livre.
Pour autant, le jeu vidéo est-il un art ?
La question fait débat. La poser consiste déjà à se demander ce qu’est une œuvre d’art… Par solidarité avec les lycéens qui ont passé le bac philo, je sens qu’il me faut plancher un peu sur la question !
Bon, une définition de l’art que j’aime particulièrement, c’est celle qui dit que l’art « nous donne à voir l’invisible ». Il transcende le réel. Par exemple, quand Van Gogh peint un arbre, cet arbre est unique. En même temps, cet arbre est si fort, si vibrant, qu’il est une sorte de quintessence de l’arbre.
Y a t-il des quintessences de l’arbre dans les jeux vidéo ? Est-ce que le réel est transcendé dans Sonic ?
Par ailleurs, les grandes œuvres d’art sont aussi capables de nous révéler à nous-mêmes. Par exemple, nous avons tous fait l’expérience de lire de grands récits en se disant : cet écrivain a exprimé ce que je pensais, ce que je ressentais de manière subtile et magnifique ! Fait-on ce genre d’expériences avec le jeu vidéo ?
De même si l’art éclaire le monde ou réveille les consciences, peut-on dire que tous les jeux de « Shoot’em up » (littéralement : « tuez-les tous »), participent à une élévation de nos consciences morales et politiques ? J’en doute !
Et puis enfin, on oublie que le jeu vidéo est avant tout un jeu. Dirait-on du jeu des sept familles, des échecs ou du jeu de l’oie que c’est de l’art ? Certainement pas !
Et pourtant les jeux vidéo sont des créations originales, qui ont leur esthétique et qui procure du plaisir… Ils placent nos corps et nos sens au cœur des aventures et nous donnent à vivre des expériences sensorielles et émotionnelles inédites comme peuvent le faire certaines œuvres d’art. Ils nous immergent dans des univers forts et parfois poétiques.
Alors art ou pas ? Il faudra sans doute que les jeux vidéo attendent la reconnaissance de tous pour conquérir un statut artistique. Et ça n’est pas pour tout de suite ! Car la méfiance règne encore à tort ou à raison auprès du public. Les jeux vidéo seraient idiots, chronophages, violents et se feraient au détriment de « vraies » activités.
S’il est vrai que pour ma part, en passant du temps agrippé à un joystick, j’ai sans doute davantage musclé mes doigts que mes jambes ; pour autant, cette hyperactivité vidéo-ludique n’a pas fait de moi un être asocial, violent et acculturé. Le jeu vidéo n’a jamais remplacé ni le livre, ni le film, ni la musique. Il n’a fait que se surajouter.
Une chose est sûre pourtant : aujourd’hui j’ai grandi et mes attentes ne sont plus les mêmes. Je voudrais que le jeu vidéo entre lui aussi dans sa phase adulte et se nourrisse davantage de ses ainés : le cinéma, la littérature, la peinture… pour enrichir sa palette et offrir des jeux plus sophistiqués et plus représentatifs de la diversité des joueurs… et surtout des joueuses !
Or, pour l’instant le jeu vidéo est dans sa phase « primitive ». Contrainte par la technologie, formatée parfois par les grands studios et conçu à 99% par des garçons, la création vidéo ludique est à ses balbutiements. Le plus souvent partagés entre deux esthétiques visuelles : le kawaï ou la 3D gris-vert, les jeux vidéos n‘offrent pas encore assez de diversité. Tout reste à faire… La voie est libre pour que des écrivains, des plasticiens, des philosophes (pourquoi pas !)… s’en emparent et fasse rentrer le jeu vidéo dans la cour des grand(e)s !
En attendant que le jeu vidéo devienne un art, on peut toujours s'amuser et admirer les très beaux portraits de l’histoire de l’art dans Speedart !
L’exposition « Joue le jeu » a lieu du 21 juin au 12 août à la Gaîté Lyriquehttp://www.gaite-lyrique.net/
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