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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Les chefs berbères sous Rome

Les chefs berbères sous Rome

Des royaumes berbères, sans importance notable, existaient sous l’occupation de l’Empire romain, toutefois certains, intérêt oblige, sont restés dans le giron des vainqueurs de Carthage.

Un des chefs berbères fera exception : Jugurtha (108.104) dont le nom "Yougarithène" signifiait "il les dépassait". Par sa bravoure, il se verra consacrer dans l’une des meilleures œuvres de l’historien romain Salluste, mais soixante-dix ans plus tard. Le titre du livre, La Guerre de jugurtha (Bellum Jugurthinum), illustre parfaitement l’aura de ce chef amazigh qui n’est autre que l’un des petits-fils du roi Massinissa qui livra une guerre sans merci à la puissance romaine durant plus de sept années. Trahi par son beau-père Bocchus, roi de la Maurétanie, il sera vaincu en 105 et fera l’objet d’une embuscade. Après avoir résisté farouchement à l’ennemi, il sera neutralisé et livré à Sylla, questeur de Marius le 1er janvier 105. il sera enfermé dans le "Tullianum" (même lieu où sera cinquante-cinq ans plus tard le chef gaulois Vercingétorix). Il jeûnera pendant six jours avant d’être étranglé.

A la suite de la mort de Jugurtha, Bocchus sera récompensé car Rome lui accordera le tiers occidental du royaume de la région comprise entre les deux Maurétanie (la tin gitane à l’ouest et la césarienne à l’est) et plus précisément dans l’actuel Oranie (ouest-algérien).

Les deux tiers restants seront divisés entre deux princes indigènes (berbères) locaux acquis à Rome que cette dernière gardera sous son administration directe le nord-est de la Tunisie appelée "Provinçia Africa". Après la défaite de Jugurtha, l’emprise de Rome sera très forte sur les princes vassaux qui seront même entraînés dans des guerres fratricides orchestrées par la puissance occupante qui appliquait la loi de la division pour régner. Lorsque la guerre opposera cette fois-ci les Pompéiens contre Jules César, ce dernier se verra combattu par Juba Ier. Disposant d’une solide armée composée de quatre légions organisées sur le modèle romain, Juba Ier avait sous ses ordres, outre les guerriers berbères plus de deux mille cavaliers ibères (espagnoles et portugais actuels) et gaulois. Zama, sa capitale était ornée de palais, de luxueux temples entourés de trois murailles. Il sortira vainqueur lors d’une grande bataille qui l’oppose aux hommes de César en 49. Il finira par être battu le 4 avril 46 à Thapsus et se suicidera le même jour avec son allié, le général pompéien, Metellus Scipion. Jules César procédera alors à un changement de son administration en triplant l’étendue de la province "Africa" lui ajoutant la Numidie orientale, actuellement l’extrême est de l’Algérie, et le Constantinois. En 25, Auguste organisa un vaste royaume de Maurétanie qui comprendra un territoire allant de la frontière actuelle algéro-tunisienne jusqu’au nord du Maroc (région du Rif habitée encore de nos jours par des Berbères). Il nommera, afin d’éviter toutes velléités, le fils du... vaincu, Juba II (25 av. J.-C.-23 ap. J.-C.). Elevé à Rome dès l’âge de 5 ans, il épousera l’une des filles de la grande Cléopatre et de Marc Antoine, Cléopâtre Séléné, élevée comme lui dans la capitale de l’Empire. Juba II installa sa capitale à Yol, ancien comptoir punique qu’il rebaptisera Caesarea, aujourd’hui appelée Cherchell (une région habitée par des Berbères chenouis en Algérie). Le nom de sa nouvelle capitale l’a été en hommage à Jules César. Devenue une grande métropole, Caesarea connaîtra une cour brillante et cosmopolite où les dieux grecs, berbères, égyptiens, romains et puniques étaient idolâtrés. On cultivait les terres et pratiquait une agriculture florissante ; les arts grecs avaient une importance particulière fort appréciée par Rome, Juba II ne l’était guère par ses sujets. Dès les premières années de l’ère chrétienne, des nomades Gétules (Berbères sahariens) s’attaquèrent aux villes en 17 av. J.-C., des Musulamès (Berbères de la Petite-Kabylie) s’insurgèrent contre le pouvoir central conduit par un Berbère déserteur de l’armée romaine, Takfarinas, ils menèrent une guerre de sept années, immobilisant même quatre généraux romains après la mort de Juba II, son fils Ptolémée le remplaça.

Dernier roi indigène de Maurétanie, il se conduira en fidèle vassal de Rome, mais son aveuglement lui sera fatal. Convoqué à Rome puis à Lyon par son cousin Caligula, il sera dès son arrivée pendu en 40. Ayant appris son assassinat et l’annexion de la Maurétanie à l’Empire romain, les Berbères se soulevèrent, mais ne pouvant poursuivre les insurgés, les Romains se cantonneront dans la région septentrionale appelée la Maurétanie tingitane, le Maroc oriental faisant partie de la Maurétanie césarienne. Ils laisseront les Berbères occuper l’ouest et le sud de l’actuel Maroc qui échapperont ainsi totalement à leur emprise.

RACHID YAHOU


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18 réactions à cet article    



    • Calito 25 août 2008 16:38

      Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas un précuseur de ce que ’lon pourrait appeler "guerilla".
      Encore que les scythes étaient très forts pour harceler les légions romaines.

      Un bémol quand à Salluste, qui par son rattachement aux populares, est à prendre avec des pincettes.
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Salluste

      On ne sait quand même pas grand chose de lui.
      Dommage que l’on n’ait pas le récit de Tite live pour cette période.


    • Forest Ent Forest Ent 25 août 2008 19:03

      Décidément, cette série sur l’histoire berbère est bien intéressante.


      • K K 25 août 2008 22:03

        Série passionnante sur des peuples à redécouvrir. Merci beaucoup. On attend la suite !


        • Bof 25 août 2008 22:27

          Merci beaucoup de ce rappel. Je me permets de vous signaler que lorsque vous écrivez : "Des royaumes berbères, sans importance notable," ...je ne sais dire et donc écrire pourquoi , MAIS...je sens au plus profond de moi-même que je ne suis pas du tout en accord avec cette phrase...Ils étaient puissants comme le prouve leur existence même et pas en armée puisque les Romains semblent les avoir éliminés ...d’où venait cette puissance ? Faut-il y voir un rapport avec les peuples d’Amérique du sud avec ces reliefs qui paraissent assez semblables ? ...Curieux mon impression .....Voilà, il fallait que je vous le signale...un souvenir scolaire ?


          • Calito 26 août 2008 09:50

            Tout les peuples n’ont pas nécéssairement brillés.
            Vous avez entendu parler des berbères, mais il y a une multitude d’autre peuples.
            Prenez les scythes par exemple... on ne sait guère pourquoi ils ont disparus... les restes de leur "civilisation".... nada.


          • Gilles Gilles 26 août 2008 10:16

            "Prenez les scythes par exemple... on ne sait guère pourquoi ils ont disparus... les restes de leur "civilisation".... nada."

            Marrant, j’ai lu dernièrement "grace" au conflit Russo-Géorgien que les descendants connus des Scythes sont les Alains puis ensuite les....... Ossètes !


          • Jack Nico 26 août 2008 07:37

            Les langues berbères font partie, avec l’ancien égyptien et le sémitique, de la branche nord-érythréenne des langues afro-asiatiques.
            Selon la glottochronologie, ces langues nord-érythréennes se sont séparées des autres langues afro-asiatiques il y a 8000 à11000 ans. Ce qui semble correspondre à l’arrivée de la civilisation capsienne en Afrique du nord.

            Mais il existe une autre langue afro-asiatique parlée au sud des berbères, dans la boucle du Niger : le tchadique (’haoussa).
            Cela pourrait indiquer que les berbères auraient eux-mêmes refoulé vers le sud d’autres peuples parents, de langues également afro-asiatiques.
            Mais il est difficile de dire si les Tchadiques étaient arrivés avant les Berbères (vers -1100) ou s’ils en sont une branche trés tôt séparée (vers -8000).

            Mais c’est difficile de voir ce que les cultures préhistoriques peuvent nous dire sur la division entre les Berbères et les Tchadiques.
            On peut raisonnablement penser que les cro-magnoïdes ibéromaurussiens n’étaient pas les ancètres des tchadiques, refoulés par les capsiens proto-berbères.
            Sinon on peut voir d’autres mouvements qui ont pu avoir un rapport avec l’expansion des berbères dans le Sahara au détriment des Tchadiques :
            Le peuple d’Iheren-tahilahi, branche détachée des Capsiens, s’était installé dans le Tassili et le nord du Niger vers 2800 av.Jc. Il sera remplacé par des Berbères (issus des Capsiens) venus du nord vers1800 av.Jc. Ceux-ci seront remplacés vers 1600/1200 av.JC par les Équidiens, autre tribu berbère possédant les 1ers chevaux. Mais toutes ces dates semblent trop tardives : les Tchadiques s’étaient séparés des autres Afro-Asiatiques bien avant cela.


            En ce qui concerne le Maghreb, il semble avoir subi pas mal d’influences venues d’Europe (et peut-être même quelques migrations limitées sur les cotes).
            Ainsi l’agriculture et les poteries cardiales sont venues d’Europe (par les peuples à poteries cardiales) et ont été adoptées par les capsiens pour donner le néolithique capsien.
            L’utilisation des dolmens et des poteries campaniformes sera plus tard introduite sur les cotes par les Ibères d’Espagne. Certaines tribus d’Ibères se sont même probablement installées sur les cotes puisqu’on retrouve des mêmes noms de tribus des deux cotés de la Méditerranée : Accitans / Icositans d’Espagne du sud et Icositans d’Alger ; Turdétans d’Espagne du sud et Turzétans du Maghreb.
            Mais les Ibères et les Berbères n’étaient pas apparentés par la langue (le peu que l’on connaisse de la langue des Ibères est différent du berbère).

            En ce qui concerne les berbères blonds aux yeux bleus (les Lybous) que les Égyptiens avaient décrits, on remarquera qu’ils apparaissent au momment ou le speuples de la mer, venus de l’Égée, avaient commencé à coloniser la Cyrénaïque. Il est donc probable que ces Berbères Lybous (Lybiens) étaient commandés par des guerriers venus d’Europe (des grecs, probablement, puisque Cyrène est connue comme étant une colonie brecque).

            A noter qu’Hérodote mentionne des Atlantes et des Atarantes dans l’Atlas. Les Atlantes étaient donc un peuple réel (sans rapport avec l’Atlantide inventée un peu plus tard par Platon), décrit comme trés primitif. C’était probablement une tribu berbère (ou peut-être des Ibéromaurussiens atardés réfugiés dans les montagnes ?)


            • Jack Nico 26 août 2008 07:40

              Les premiers Berbères

              Sur le plan anthropologique les hommes capsiens présentent si peu de différence avec les habitants actuels de l’Afrique du Nord, Berbères et prétendus Arabes qui sont presque toujours des Berbères arabisés, que les archéologues négligèrent de conserver les squelettes découverts dans les escargotières car ils croyaient qu’il s’agissait d’intrus inhumés à une époque récente dans les buttes que constituent les gisements. Un de ces crânes séjourna même un certain temps dans le greffe du tribunal d’une petite ville d’Algérie orientale, Ain M’Lila, car on avait cru à l’inhumation clandestine de la victime d’un meurtre

              Quoi qu’il en soit nous tenons, avec les Protoméditerranéens capsiens, les premiers Maghrébins que l’on peut, sans imprudence, placer en tête de la lignée berbère. Cela se situe il y a quelque 9 000 ans ! Certes tout concorde à faire admettre, comme nous l’avons dit ci-dessus, que ces Capsiens ont une origine orientale. Rien ne permet de croire à une brusque mutation des Mechtoïdes en Méditerranéens alors que les Natoufiens du Proche Orient dont les caractères anthropologiques affirmés antérieurement aux Capsiens sont du même groupe humain qu’eux et dans leur civilisation on peut retrouver certains traits culturels qui s’apparentent au Capsien.

              Mais cette arrivée est si ancienne qu’il n’est pas exagéré de qualifier leurs descendants de vrais autochtones. Cette assertion est d’autant plus recevable qu’il ne subsiste que quelques traces des premiers occupants Mechtoïdes. Il est même troublant de constater que si Protoméditerranéens et Mechta el-Arbi ont pendant longtemps cohabité dans les mêmes régions, puisque ces derniers ont survécu jusqu’au Néolithique, même dans la partie orientale que fut "capsianisée" plus tôt, ils ne se sont pas métissés entre eux. L’atténuation des caractères mechtoïdes que l’anthropologue constate chez certaines populations antérieures à l’arrivée des Protoméditerranéens, ne peut s’expliquer que par une évolution interne répondant au phénomène général de gracilisation. De même, les Protoméditerranéens les plus robustes ou les plus archaïques ne présentent aucun caractère mechtoïde et les plus évolués s’écartent encore davantage de ce type.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:41

              La mise en place des Paléo-Berbères
              Si nous passons aux temps néolithiques il n’est pas possible de saisir un changement notable dans l’évolution anthropologique du Maghreb. On note la persistance du type de Mechta el-Arbi dans l’Ouest et même sa progression vers le Sud le long des côtes atlantiques tandis que le reste du Sahara, du moins au Sud du Tropique du Cancer, est alors uniquement occupé par des négroïdes. Les Protoméditerranéens s’étendent progressivement. Arrivés à l’aube des temps historiques nous constatons que les hommes enterrés dans les tumulus et autres monuments mégalithiques sont du type méditerranéen quelle que soit leur localisation, sauf dans les régions méridionales où des éléments négroïdes sont discernables. Le Maghreb s’est donc, sur le plan anthropologique "méditerranéisé" sinon déjà berbérisé.

              Méditerranéens robustes et Méditerranéens graciles

              Mais une autre constatation s’impose immédiatement : certains de ces Méditerranéens sont de stature plus petite, leurs reliefs musculaires plus effacés, les os moins épais, en un mot, leur squelette est plus gracile. A vrai dire, les différences avec les Protoméditerranéens ne sont pas tranchées : il existe des formes de passage et de nombreuses transitions entre les Méditerranéens robustes et les Méditerranéens graciles. De plus, il n’y a pas eu élimination des uns par les autres puisque ces deux sous-types de la race méditerranéenne subsistent encore aujourd’hui. Les premiers forment le sous-type atlanto-méditerranéen bien représenté en Europe depuis l’Italie du Nord jusqu’en Galice le second est appelé ibéro-insulaire qui domine en Espagne du Sud, dans les îles et l’Italie péninsulaire.

              En Afrique du Nord, ce sous-type est très largement répandu dans la zone tellienne, en particulier dans les massifs littoraux, du Nord de la Tunisie, en Kabylie, au Rif dans le Nord du Maroc, tandis que le type robuste s’est mieux conservé chez les Berbères nomades du Sahara (Touareg) dans les groupes nomades arabisés de l’Ouest (Regueibat), chez les Marocains du Centre et surtout du Sud (Ait Atta, Chleuh). Mais les deux variétés coexistent jusqu’à nos jours dans les mêmes régions. Ainsi en Kabylie d’après une étude récente de M.C. Chainla, le type méditerranéen se rencontre dans 70 % de la population mais se subdivise en trois sous-types : l’ibéro-insulaire dominant caractérisé par une stature petite à moyenne, à face très étroite et longue, l’atlanto-méditerranéen également bien représenté, plus robuste et de stature plus élevée, mésocéphale, un sous-type "saharien", moins fréquent (15 %) de stature élevée, dolicocéphale à face longue.

              Un second élément qualifié d’alpin en raison de sa brachycéphalie, sa face courte et sa stature peu élevée, représente environ 10 % de la population, mais M.C. Chainla répugne à les confondre avec des Alpins véritables et songe plutôt à une variante "brachycéphalisée" du type méditerranéen.

              Un troisième élément à affinités arménoïdes, de fréquence égale au précédent, se caractérise par une face allongée associée à un crâne brachycéphale.

              En quantités infimes s’ajoutent à ce stock quelques individus conservant des caractères mechtoïdes, quelques métis issus d’un élément négroïde plus ou moins ancien et des sujets à pigmentation claire de la peau, des yeux et des cheveux.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:42

              Complexité et variabilité

              Cet exemple montre la diversité du peuplement du Maghreb. Mais nous ne sommes plus au temps où la typologie raciale était le but ultime de la recherche anthropologique. Il était alors tentant d’assimiler les "types" ou "races" à des groupes humains venant s’agglutiner, au cours des siècles, à un ou plusieurs types plus anciens. Les recherches modernes, dans le monde entier, ont montré combien l’homme était, dans son corps infiniment plus malléable et sensible aux variations et particulièrement à l’amélioration des conditions de vie. La croissance de la taille, au cours des trois dernières générations, est un phénomène général largement ressenti et connu de l’opinion publique mais, aussi, facilement mesurable grâce aux archives des bureaux de recrutement. En moins d’un siècle la stature moyenne des Français a gagné 7 cm, ce qui est considérable et ne s’explique ni par une invasion ni par l’émigration systématique des hommes de petite taille. Cette croissance est due à l’amélioration des conditions de vie, à une alimentation plus riche et surtout à la disparition des travaux pénibles chez les enfants et adolescents. De fait, cette croissance de la stature est inégale entre les nations et, à l’intérieur de celle-ci, entre les régions en relation directe avec les développements économiques. Ainsi, entre 1927 et 1958, en quelques années, la stature moyenne à Tizi-Ouzou (Kabylie, Algérie) est passée de 164,6 cm à 167,4 cm alors que dans la région voisine plus deshéritée de Lakhdaria (ex. Palestro), de 1880 à 1958, l’augmentation ne fut que de 1,2 cm et ne semble pas significative.

              D’autres travaux ont montré que la forme du crâne variait par "dérive génétique" comme disent les biologistes sans qu’il soit possible de faire appel au moindre apport étranger pour expliquer ce phénomène. Des variations séculaires ont pu être mises en lumière en France, ainsi les Auvergnats, de tendance dolichocéphale au Moyen Age, Sont devenus brachycéphales ; leur crâne s’est raccourci et élargi sans que la moindre invasion de la "race" alpine d’Europe centrale ait pu modifier la composante humaine du Massif central.

              Cette malléabilité, cette sensibilité aux facteurs extérieurs tels que les conditions de vie et une orientation imprévisible due au hasard de la génétique paraissent à bien des anthropologues modernes, suffisantes pour faire l’économie de nombreuses et mythiques migrations et invasions dans la constitution des populations historiques. De nos jours l’évolution sur place paraît plus probable.

              Ainsi M.C. Chamla explique l’apparition de la variété ibéro-insulaire à l’intérieur du groupe méditerranéen africain par le simple jeu de la gracilisation. Aucune différence de forme n’apparaît entre les crânes des époques capsienne, protohistorique et moderne ; seules varient les dimensions et dans un sens général qui est celui de la gracilisation.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:43

              Une Constante pression venue de l’Orient

              Les Protoméditerranéens capsiens constituent certes le fond du peuplement actuel du Maghreb, mais le mouvement qui les amena, dans les temps préhistoriques, du Proche-Orient en Afrique du Nord, ne cessa à aucun moment. Ils ne sont que les prédécesseurs d’une longue suite de groupes, certains peu nombreux, d’autres plus importants. Ce mouvement, quasiment incessant au cours des millénaires, a été, pour les besoins de la recherche archéologique ou historique, sectionné en "invasions" ou "conquêtes" qui ne sont que des moments d’une durée ininterrompue.

              Après les temps capsiens, en effet, au Néolithique, sont introduits animaux domestiques, moutons et chèvres dont les souches sont exotiques et les premières plantes cultivées qui sont elles aussi d’origine extérieure : ces animaux et ces plantes ne sont pas arrivés seuls, même si les hommes qui les introduisirent pouvaient être fort peu nombreux. A cette époque la plus grande partie du Sahara était occupée par des pasteurs négroïdes. Il est possible que chassés par l’assèchement intervenu après le IIIe millénaire, certains groupes se soient déplacés vers le Nord et aient atteint le Maghreb. Certains sujets négroïdes ont été reconnus dans les gisements néolithiques du Sud Tunisien, et au IVe siècle avant J.C., Diodore de Sicile connaît encore des populations semblables aux Éthiopiens (c’est-à-dire des gens de peau noire) dans le Tell tunisien, dans l’actuelle Kroumirie. Mais cet apport proprement africain semble insignifiant par rapport au mouvement insidieux mais continu qui se poursuit à l’Age des Métaux lorsque apparaissent les éleveurs de chevaux, d’abord "Équidiens", conducteurs de chars, puis cavaliers qui conquirent le Sahara en asservissant les Éthiopiens. Ces cavaliers, les historiens grecs et latins les nommeront Garamantes à l’Est, Gétules au Centre et à l’Ouest. Leurs descendants, les Berbères sahariens, dominèrent longtemps les Haratins qui semblent bien être les héritiers des anciens Éthiopiens.

              Au cours même de la domination romaine, puis vandale et byzantine, nous devinons de longs glissements de tribus plus ou moins turbulentes à l’extérieur du Limes romain puis dans les terres mêmes de ce qui avait été l’Empire. Ainsi la confédération que les Romains nomment Levathae (prononcer Leouathae), et qui était au IVe siècle en Tripolitaine, se retrouve au Moyen Age, sous le nom de Leuata, entre l’Aurès et l’Ouarsenis. Ces Louata appartiennent avec de nombreuses autres tribus au groupe Zénète, le plus récent des groupes berbérophones dont la langue se distingue assez nettement de celle des groupes plus anciens que l’on pourrait nommer Paléo-berbères. Les troubles provoqués par l’irruption zénète s’ajoutant aux convulsions politiques, religieuses et économiques que subirent les provinces d’Afrique, favorisèrent grandement les entreprises conquérantes des Arabes. Quatre siècles plus tard, la succession des invasions bédouines, des Beni Hilal, Solaym, Maqil, ne sont elles aussi, que des moments, retenus par l’Histoire parce qu’elles eurent des conséquences catastrophiques, d’un vaste mouvement qui débuta une dizaine de millénaires plus tôt.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:44

              Les apports méditerranéens

              Si la population du Maghreb a conservé, vis-à-vis du Proche-Orient, une originalité certaine, tant physique que culturelle, c’est qu’un second courant, nord-sud celui-ci, tout en interférant avec le premier, a marqué puissamment de son empreinte ces terres d’Occident.

              Ce courant méditerranéen s’est manifesté dès le Néolithique. Le littoral du Maghreb connaît alors les mêmes cultures que les autres régions de la Méditerranée occidentale, les mêmes styles de poterie. Tandis qu’au Sud du détroit de Gibraltar apparaissent des techniques aussi caractéristiques que le décor "cardial" fait à l’aide d’une coquille de mollusque marin, style européen qui déborde sur le Nord du Maroc, à l’Est se répandent les industries en obsidienne venues des îles italiennes. En des âges plus récents, la répartition de monuments funéraires, comme les dolmens et les hypogées cubiques, ne peut s’expliquer que par un établissement permanent d’un ou plusieurs groupes méditerranéens venus d’Europe. Cet apport méditerranéen proprement dit a eu certes plus d’importance culturelle qu’anthropologique. Mais si certains éléments culturels peuvent, pour ainsi dire, voyager tout seuls, les monuments et les rites funéraires me paraissent trop étroitement associés aux ethnies pour qu’on puisse imaginer que la construction de dolmens ou le creusement d’hypogées aient pu passer le détroit de Sicile et se répandre dans l’Est du Maghreb sans que des populations assez cohérentes les aient apportés avec elles.

              Sans réduire la primauté fondamentale du groupe protoméditerranéen qui est continental, originaire de l’Est et qui connut des enrichissements successifs, on ne doit pas négliger pour autant ces apports proprement méditerranéens, plus récents, moins importants sur le plan anthropologique, mais plus riches sur le plan culturel.

              C’est de l’interférence de ces deux éléments principaux auxquels s’ajoutèrent des apports secondaires venus d’Espagne et du Sahara que sont nées, au cours des siècles, la population et la civilisation rurale du Maghreb.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:46

              LES DONNÉES LINGUISTIQUES
              L’apport des études linguistiques ne peut être négligé dans un essai de définition des origines berbères dans la mesure où la langue est aujourd’hui le caractère le plus original et le plus discriminant des groupes berbères disséminés dans le quart nord-ouest du continent africain.

              Une indispensable prudence

              Les idiomes berbères adoptent et "berbérisent" facilement nombre de vocables étrangers : on y trouve des mots latins, arabes (parfois très nombreux on compte jusqu’à 35 % d’emprunts lexicaux à l’arabe, en kabyle), français, espagnols… Il semble que le libyque était tout aussi perméable aux invasions lexicales, surtout en onomastique.

              On doit par conséquent se montrer très prudent devant les rapprochements aussi nombreux qu’hasardeux proposés entre le berbère et différentes langues anciennes par des amateurs ou des érudits trop imprudents. D’après Bertholon le libyque aurait été un dialecte hellénique importé par les Thraces ; d’autres y voient des influences sumériennes ou touraniennes. Plus récemment l’archétype basque a été mis en valeur, avec des arguments à peine moins puérils. Les amateurs du début du siècle croyaient, en effet, pouvoir fonder leurs apparentements en constituant de longues listes de termes lexicaux parallélisés à ceux de la langue de comparaison. De tels rapprochements sont faciles, on peut ainsi noter de curieuses convergences de vocabulaire aussi bien avec les dialectes amérindiens qu’avec le finnois.

              Ces dévergondages intellectuels expliquent l’attitude extrêmement prudente des berbérisants qui, inconsciemment sans doute, désireraient que soit reconnue l’originalité intrinsèque du berbère. Cette attitude va même jusqu’à douter parfois de la parenté entre le berbère et le libyque, ou, plus exactement, leur prudence est telle qu’ils voudraient être bien sûrs que la langue transcrite en caractères libyques fût une forme ancienne du berbère.

              Cette attitude plus que prudente apparaît dans un texte célèbre d’A. Basset : "En somme la notion courante du berbère, langue indigène et seule langue indigène jusqu’à une période préhistorique... repose essentiellement sur des arguments négatifs, le berbère ne nous ayant jamais été présenté comme introduit, la présence, la disparition d’une autre langue indigène ne nous ayant jamais été clairement attestées" (La langue berbère. L’Afrique et l’Asie, 1956).

              Les inscriptions libyques

              Malgré leur nombre et un siècle de recherches, les inscriptions libyques demeurent en grande partie indéchiffrées. Comme le signalait récemment S. Chaker (1973), cette situation est d’autant plus paradoxale que les linguistes disposent de plusieurs atouts : des inscriptions bilingues puniques-libyques et latines-libyques, et la connaissance de la forme moderne de la langue ; car, si nous n’avons pas la preuve formelle de l’unité linguistique des anciennes populations du Nord de l’Afrique, toutes les données historiques, la toponymie, l’onomastique, le lexique, les témoignages des auteurs arabes confirment la parenté du libyque et du berbère. En reprenant l’argument négatif dénoncé par A. Basset, mais combien déterminant à mon avis, si le libyque n’est pas une forme ancienne du berbère on ne voit pas quand et comment le berbère se serait constitué.

              Les raisons de l’échec relatif des études libyques s’expliquent, en définitive, assez facilement : les berbérisants, peu nombreux, soucieux de recenser les différents parlers berbères n’ont guère, jusqu’à présent, apporté une attention soutenue au libyque dont les inscriptions stéréotypées ne sont pas, à leurs yeux, d’un grand intérêt. En revanche, les amateurs ou les universitaires non berbérisants, qui s’intéressaient à ces textes en raison de leur valeur historique ou archéologique, n’étaient pas armés pour cette étude.

              Enfin le système graphique du libyque, purement consonantique, se prête mal à une reconstitution intégrale de la langue qu’il est chargé de reproduire.


            • Jack Nico 26 août 2008 07:47

              L’apparentement du berbère

              Cependant l’apparentement du berbère avec d’autres langues, géographiquement voisines fut proposé très tôt ; on peut même dire dès le début des études. Dès 1838, Champollion, préfaçant le Dictionnaire de la langue berbère de Venture de Paradis, établissait une parenté entre cette langue et l’Égyptien ancien. D’autres, plus nombreux, la rapprochaient du sémitique. Il fallut attendre les progrès décisifs réalisés dans l’étude du Sémitique ancien pour que M. Cohen proposât, en 1924, l’intégration du berbère dans une grande famille dite Chamito-Sémitique qui comprend en outre l’Égyptien (et le Copte qui en est sa forme moderne), le Couchitique et le Sémitique. Chacun de ces groupes linguistiques a son originalité, mais ils présentent entre eux de telles parentés que les différents spécialistes finirent par se rallier à la thèse de M. Cohen.

              Ces parallélismes ne sont pas de simples analogies lexicales ; ils affectent la structure même des langues comme le système verbal, la conjugaison et l’aspect trilitère des racines, bien qu’en berbère de nombreuses racines soient bilitères, mais cet aspect est du à une "usure" phonétique particulièrement forte en berbère et que reconnaissent tous les spécialistes. Ce sont ces phénomènes d’érosion phonétique qui, en rendant difficiles les comparaisons lexicales avec le Sémitique, ont longtemps retenu les Berbérisants dans une attitude "isolationniste" qui semble aujourd’hui dépassée.

              Quoi qu’il en soit, la parenté constatée à l’intérieur du groupe Chamito-sémitique entre le berbère, l’égyptien et le sémitique, ne peut que confirmer les données anthropologiques qui militent, elles aussi, en faveur d’une très lointaine origine orientale des Berbères.

              Laboratoire d’anthropologie et de préhistoire des pays de la Méditerranée occidentale




              Lexique (rédaction Mondeberbere.com, d’après l’encyclopédie Hachette)
              Brachycéphale. Dont le crâne arrondi est presque aussi large que long, en parlant d’une personne ou d’un animal. "Tête ronde".
              Capsien (de Capsa, nom antique de Gafsa). Se dit d’une culture préhistorique de l’Afrique du Nord, qui correspond à la fin du Paléolithique supérieur européen. Synonyme gétulien.
              Dolichocéphale / dolicrâne. Dont le crâne est allongé dans le sens antéropostérieur, en parlant de l’homme. "Tête longue".
              Orthognate. Voir Prognathe.
              Prognathe. Qui a une ou des mâchoire(s) proéminente(s) (par opp. à orthognate).
              Liens (rédaction Mondeberbere.com)
              Le site de Mechta el Arbi (Logan Museum)
              Prothèse dentaire préhistorique ostéo-implantée




            • Pierrot Pierrot 26 août 2008 11:35

              à @ Jack Nico,

              Merci pour l’ensemble de vos informations pertinentes et intéressantes.
              Bonne journée.


              • Antenor Antenor 26 août 2008 13:36

                L’étude de la dispersion des groupes linguistiques est effectivement un sujet passionnant. Cependant, les linguistes ne prennent peut-être pas assez en compte les évolutions rapides dûes aux mélanges entre les langues des "autochtones" et celles des nouveaux arrivants. En considérant que les différences entre les langues d’un même groupe sont principalement dues à leur évolution séparée, on se retrouve avec des dates de séparation vertigineusement reculées dans le temps.


              • Kabylium 26 août 2008 13:53

                Bonjour,
                "Des royaumes berbères, sans importance notable", je ne suis pas d’avis, qu’ils soient sans importance, il ne sont pas recompensé dans des livres, on leur donne pas d’importance je suis d’accord !

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