Les extinctions massives et l’hypothèse Némésis
C’est bien un astéroïde qui fut la cause de la disparition des dinosaures, nous apprend une dépêche de l’AFP du 5 mars (0). Mais sait-on que l’extinction des dinosaures fut loin d’être le pire drame qu’ait connu la vie sur notre planète ? La vulgarisation scientifique parle généralement de 5 grandes extinctions massives qu’aurait connues l’évolution de la vie durant la préhistoire. Pourtant, à la définition près du terme « extinction », elles auraient été beaucoup plus nombreuses. L’hécatombe qu’elles auraient engendrée va bien au-delà de ce qu’on peut imaginer : « On considère que la biodiversité actuelle représente tout au plus 1% de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé. En clair, cela signifie que 99% des espèces se sont éteintes » (10)
HISTORIQUE :
La vie n’a pas eu la vie facile. L’histoire des extinctions pourrait déjà commencer bien avant le cambrien, à l’époque où n’existait qu’un seul supercontinent (Rodinia), si l’on suit l’hypothèse « Snowball Earth », ou « Terre boule de neige », où le globe pourrait avoir été recouvert dans son intégralité, ou presque, d’une couche de glace : « 3 ou 4 autres glaciations totales se seraient déroulées au Néoprotérozoïque (entre 730 à 590 millions d’années) […] comment
Vint ensuite l’extinction du cambrien. Annoncée comme extinction massive, les récentes découvertes ont fait valoir un discernement plus fin ; c’est en fait 4 extinctions majeures qui eurent lieu durant le cambrien, réparties au début de cette période pour la première, puis irrégulièrement vers la fin. Les dates, qui sont mal connues, devraient s’échelonner entre -540 et -500 millions d’années. (2)
Vers -440, c’est l’extinction massive de l’Ordovicien, peut-être attribuée aux rayons gamma d’une explosion cosmique (3). Elle serait la seconde extinction parmi les plus importantes. En fait, et pour être précis, il y eu deux extinctions qui se suivirent sur la période -450 à -440 Ma, marquant la transition entre l’Ordovicien et le Silurien, occasionnant la perte de 85% des espèces (4).
L’extinction du Dévonien est encore largement débattue. Survenue vers -376 Ma, elle pourrait avoir été une très longue extinction, mais aussi deux extinctions distinctes et rapprochées, voire une série d’extinctions lissées sur plusieurs millions d’années. Les experts estiment que le taux de disparition des espèces aurait atteint de 70 à 82% (5). Parmi les deux causes évoquées (climat et impact extra-terrestre), aucune n’est pour l’instant retenue (6)
Le pire cauchemar de tous les temps arriva vers -250 Ma. Peter Ward parle d’Armageddon. C’est l’extinction la plus massive connue à ce jour. Elle aurait duré une dizaine de millions d’années pour finir par rayer de la carte la plupart des espèces : 70% de la faune terrestre et 90% de la faune marine (7). Rien n’est clair, cependant, il aurait aussi pu y avoir une succession d’extinctions distinctes, et les causes proposées (volcan, corps céleste) sont toujours débattues (8).
C’est suite à l’extinction de la fin du Trias que les dinosaures auraient eu le champ libre à leur évolution, peut-être en raison d’un impact météorique qui, ironie du sort, aurait provoqué leur disparition près de 150 Ma plus tard par un autre tueur de l’espace (9). Un pas essentiel dans l’évolution du vivant vient d’être franchi, puisque c’est après cette extinction, située aux alentours de -208 Ma (10), qu’apparaissent les premiers mammifères.
Enfin, dernière grande extinction, la plus populaire, et pourtant loin d’être la pire, celle des dinosaures, vers -65Ma, sur laquelle le lecteur n’aura aucun mal à trouver une abondante documentation. Jusqu’à présent, c’est l’hypothèse de l’origine cosmique, en raison du pic d’iridium mis en évidence au passage K-T, qui prévalait sur l’hypothèse volcanique, mais le consensus n’était pas encore établi récemment (11). C’est la semaine dernière qu’on apprenait que le doute était levé, et que la cause était bien l’impact météorique (0).
PERIODICITE DES EXTINCTIONS : UN PHENOMENE CELESTE CYCLIQUE ?
Les approximations sur les datations de fossiles, ainsi que le mauvais discernement concernant la distinction entre plusieurs extinctions confondues en une seule, comme celles du cambrien, ont généré trop d’incertitudes pour établir l’existence d’une périodicité sur ces anciennes extinctions. Toutefois, les découvertes d’extinctions plus récentes, réparties sur les derniers 250 Ma, moins célèbres en raison de leur caractère moins spectaculaire, ont laissé penser certains chercheurs que l’émergence d’une périodicité était parfaitement envisageable.
En premier lieu, c’est Richard Muller et Robert Rohde, du Berkeley Lab, qui ont proposé la période de 60 Ma. Selon eux, cette période correspondrait à l’oscillation du système solaire de part et d’autre du plan galactique, créant des perturbations susceptibles d’envoyer des comètes du nuage d’Oort vers notre système (12). Un chiffre corroboré, au multiple près, pour la même théorie, par une étude plus récente, mais uniquement basée sur l’étude des impacts de cratères terrestres sur les derniers 250 Ma, menée par W.M. Napier et J.T. Wickramasinghe, pour qui la périodicité se situerait entre 25 et 35 Ma (13).
Une périodicité d’impacts terrestres semble donc bien établie. Nous laisserons de côté, dans cet article, l’hypothèse de l’oscillation autour du plan galactique, qui nécessiterait une autre étude, pour faire une revue de la seconde hypothèse, celle de Némésis. Elle a été instaurée par D.M. Raup et J.J. Sepkoski, de l’université de Chicago, qui ont établi une période de 26 Ma (12).
Ce chiffre de 26 Ma n’est pas aussi précis qu’il en a l’air. 6 ans avant Sepkoski, qui avait publié sa théorie en
La périodicité pourrait être légèrement variable, de l’aveu même de Muller, en raison d’une stabilité de son orbite sensible aux objets célestes perturbant son champ gravitationnel, et ce en dépit des calculs que Hut avait publié dans « Nature », et qui montrèrent que les premières estimations de la période étaient correctes (16). La durée des douches de comètes pourraient expliquer pourquoi les experts ont du mal à distinguer si une extinction n’est pas en réalité la conjonction de plusieurs extinctions rapprochées, comme au Dévonien, et la légère instabilité de l’orbite expliquerait pourquoi on a du mal à fixer une période dans l’intervalle proposé : la période pourrait être légèrement variable.
Les correspondances récentes, relativement aux dernières extinctions, sont assez troublantes : en 1977, Walter Alvarez, géologue de Berkeley, constate le taux d’iridium anormalement élevé d’une couche K-T en Italie, et émet l’hypothèse d’une collision extra-terrestre ayant décimé les dinosaures (17). Quand fut découverte une seconde anomalie en iridium dans le golfe du Mexique, et la mer des Caraïbes, datant de -35 Ma, l’évidence imposait la même hypothèse : une autre collision extra-terrestre, 30 millions d’années plus tard. On tomba pile sur l’extinction qui marque la fin de l’Eocène et le début de l’Oligocène, survenue une trentaine de millions d’années après celle des dinosaures (18).
La dernière extinction, bien que mineure, est celle du Miocène moyen, survenue vers -11 Ma. Si son origine est toujours controversée, l’hypothèse d’une collision extraterrestre est en liste ; elle pourrait correspondre au cratère Nördlinger Ries en Allemagne (19).
Les 4 dernières extinctions se suivent selon une périodicité qui, si elle n’est pas parfaite, n’en reste pas moins troublante : L’extinction du Cénomanien/Turonien vers -93 Ma (20), celle du crétacé vers -65 Ma, celle de l’Eocène vers -35 Ma, puis celle du Miocène vers -11 Ma. Respectivement suivant des périodes d’environ 28 Ma, 30 Ma et 24 Ma. L’extrapolation de ces périodes en remontant le temps permet de retomber sur les anciennes extinctions ; sur les 10 dernières périodes, 8 extinctions correspondent, sauf la période 7 et la période 5, où l’on ne tombe pas sur une extinction, deux trous pour lesquels on a émis l’hypothèse d’évènement géologique à découvrir (21). Raup et Sepkoski ont poussé le bouchon encore plus loin, en démontrant la pertinence de la période de 26 Ma sur les 12 dernières extinctions (22).
CARTE D’IDENTITE DE L’ASTRE OBSCUR
Ainsi le soleil pourrait avoir un compagnon obscur. Pourquoi obscur ? Parce que si cet astre existe, sa non-détection, en dépit des immenses moyens technologiques à notre disposition, force l’évidence à opter pour une naine rouge. C’est l’hypothèse qu’ont émis Muller, Hut et Davis (17), qui semble la plus probable, quand on sait que les naines rouges correspondent à près de 90% de l’inventaire des étoiles de notre galaxie. Leur faible masse et leur faible luminosité en font des objets difficilement détectables.
Un autre groupe de chercheurs, dirigé par Daniel Whitmire, astrophysicien à l’université de Louisiane, voit plutôt Némésis comme un trou noir, ou une naine brune (étoile avortée plus proche de la structure de Jupiter que du soleil) (17), qui serait totalement indétectable en raison de son éloignement.
Le système solaire pourrait donc bien être un système d’étoile double. Quoi d’étonnant, puisque les experts estiment que plus de la moitié des étoiles de l’univers sont en fait des systèmes doubles (23). Le système solaire, système double ? Impensable ? Pourtant, la signature de l’astre obscur pourrait d’ores et déjà avoir été détectée. De la même manière que Neptune avait été découverte par le calcul avant sa première observation, par mesure des anomalies orbitales d’Uranus, une équipe de chercheurs (Walter Cruttenden, Richard Muller et Daniel Whitmire) viennent de mettre en évidence, en 2006, des perturbations dans l’orbite de Sedna qui trahiraient la présence du compagnon solaire (24).
Une précédente équipe, formée par J. Matese, P. Whitman et D. Whitmire, en étudiant la trajectoire de 82 comètes, avait déjà découvert, comme l’indique un article du Daily Telegraph du 18/10/2002, que leur anomalie orbitale laissait présager la présence d’un astre invisible (25).
En 2005, deux astronomes indiens (V. Balherao et M.N. Vahia) ont calculé que la masse de Némésis ne pouvait excéder 4% de la masse solaire. Elle serait actuellement à son aphélie, dans une trajectoire très excentrique, vers 180.000 UA, soit environ 3 années-lumière du soleil (26).
Un groupe de recherche, constitué par Carl Pennypacker, Frank Crawford, et Roger Williams, est actuellement sur ses traces, en mission à l’observatoire de Leuschner en Californie. C’est 5000 naines rouges qui sont actuellement passées au peigne fin dans l’hémisphère nord (17).
Mais Muller a provoqué un véritable tollé dans le monde scientifique en déclarant que Némésis aurait une magnitude située entre 8 et 12 (un télescope de
PERSPECTIVES PHILOSOPHIQUES SUR L’ECHEANCE DES DIVERSITES
Nous ne connaîtrons jamais les effets destructeurs de Némésis, si son existence devait être avérée. A son aphélie aujourd’hui, il faudrait attendre une bonne dizaine de millions d’années avant d’assister à une éventuelle nouvelle extinction. D’ailleurs, nous n’avons besoin de personne, nous sommes assez adultes pour nous détruire nous-mêmes en quelques siècles.
Mais deux chiffres étrangement similaires devraient attirer notre attention. Une coïncidence, me dira le lecteur ! Peut-être … Mais une coïncidence suffisamment troublante pour être exposée :
Les récentes études montrent que la biodiversité met entre 10 et 30 millions d’années pour se reconstituer après une « extinction » (27). Quelle est la périodicité des extinctions massives ? 20 à 30 millions d’années. La même ! C’est précisément quand la vie vient juste de se rétablir suite à une longue convalescence que le grand nettoyage suivant survient ; à peine les choses rentrées dans l’ordre,
On nous a toujours enseigné que
C’est une des conclusions à laquelle arrive, quoique par un autre biais, la théorie du principe anthropique proposée par Brandon Carter : « Le principe anthropique prédit, par exemple, que la survie de notre espèce à travers les siècles est très improbable » (28).
(1) http://www.spectrosciences.com/spip.php?breve308
(2) http://park.org/Canada/Museum/extinction/cammass.html
(3) http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/univers/d/rayonnement-gamma-et-extinction-de-masse_2529/
(4) http://www.indopedia.org/Ordovician-Silurian_extinction_events.html
(5) http://evolution.suite101.com/article.cfm/the_extinction_of_the_late_devonian
(6) http://www.crasquin.fr/crises/Site/Crise2.htm
(9) http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/paleontologie-1/d/le-message-des-dinosaures_280/c3/221/p4/
(10) http://nte-serveur.univ-lyon1.fr/geosciences/biosphere/Cours/Grandes%20crises%20biologiques.htm
(12) http://acces.inrp.fr/acces/terre/limites/crises/notion-de-crise/comprendre/accueil_crise
(13) http://cdsads.u-strasbg.fr/abs/2008MNRAS.387..153W
(14) http://www.bibliotecapleyades.net/hercolobus/esp_hercolobus_47.htm
(15) http://swanson.bol.ucla.edu/
(16) http://muller.lbl.gov/pages/lbl-nem.htm
(17) http://www.lbl.gov/Science-Articles/Archive/extinctions-nemesis.html
(18) http://home.etu.unige.ch/ picteta0/site%20web/etages/oligocene.htm
(19) http://en.wikipedia.org/wiki/Middle_Miocene_disruption
(21) http://www.bibliotecapleyades.net/hercolobus/esp_hercolobus_47.htm
(22) http://www.pnas.org/cgi/reprint/81/3/801.pdf
(23) http://www.utinam.cnrs.fr/Les-etoiles-doubles-visuelles
(24) http://www.spacedaily.com/reports/Evidence_Mounts_For_Companion_Star_To_Our_Sun.html
(25) http://www.bibliotecapleyades.net/hercolobus/esp_hercolobus_1_03.htm
(26) http://www.bibliotecapleyades.net/archivos_pdf/masslimit_nemesis.pdf
(28) Citation par Brandon Carter, interview D. Fossé & P. Henarejos, Ciel et Espace N° 456
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