Les éditions Jean-Cyrille Godefroy viennent de publier un Manuel de résistance à l’Art Contemporain
Ce petit manuel de moins de cent pages est écrit par Alain Paucard auteur prolifique et animateur du Club des ronchons.
Monochrome rouge
Et ici il donne quelques clés pour comprendre ce qui nous arrive. La page de couverture est ornée d’un carré rouge carmin sur fond blanc, reproduction d’un monochrome d’Alphonse Allais intitulé : Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge. (1897).
ll faut d’abord saisir l’importance du vocabulaire. "Contemporain" signifie "en même temps que".
Il est incontestable que ce qu’on nous donne à voir est "contemporain". Date en tout cas de ces dizaines d’années où nous vivons. Mais le mot "Art" est abusivement confisqué par les "post dadaïstes"
Georges Mathieu et son abstraction lyrique ne serait pas contemporain ? La peinture abstraite ou figurative moderne ne serait pas contemporaine ? Les peintres et sculpteurs qui font le bonheur du public dans les galeries sont bien nos contemporains et ne galvaudent pas leur condition d’"artiste".
Monochrome noir
J’ouvre une parenthèse à propos d’un frontalier si proche de l’art contemporain ou en tout cas du bon côté de la limite qui nous sépare des farceurs. Pierre Soulages dont on nous parle ces jours-ci. Sur un site qui lui est consacré, il est rappelé que les images sont soumises à des droits d’auteur. Les fabricants de tableaux noirs ont des soucis à se faire.
Revenons à Paucard qui nous parle de l’AC. "C’est l’art officiel du système, l’équivalent pour le capitalisme de ce qu’était le réalisme socialiste pour le communisme." (...)
"Jusque là l’artiste concevait et l’artisan qui est en lui exécutait. L’AC ennemi juré de l’artisanat, lui préfère le bricolage et le porte au pouvoir"
CRAC, FIAC etc.
En effet, combien d’installations dans nos musées officiels, dans les CRAC (qui ne vivent que de subventions régionales), dans les FIAC etc. nous proposent de méditer devant un tas de sable, un pot de chambre (vide ou plein c’est selon) etc. ? Pas besoin d’être un bon artisan pour exposer n’importe quoi. Comme si Duchamp avait voulu faire école avec son urinoir. Même Jeff Koons ne réalisait pas lui-même ce qu’il a exposé à Versailles. Il est vrai que celui-là a le mérite de la franchise puisqu’il dit que l’AC "est la faculté de manipuler les gens".
Bref pour mettre sa propre merde dans un bocal et la baptiser oeuvre d’art contemporain, un bricoleur suffit.
Pour Paucard, les "contemporains" méprisent l’effort du peuple qui produit sa propre beauté : le Kitsch. Le contemporain c’est la dérision et le kitsch "c’est une ultime tentative pour sauver les meubles." Le nain de jardin en serait un prototype !
Pour arnaquer le gogo et faire passer pour ringard les récalcitrants, le discours est toujours le même. Autoritaire d’abord. Christine Sourgins, historienne d’art, a publié à la Table Ronde en 2005 Les mirages de l’art contemporain. Elle a rédigé pour une association de parents d’élèves un dossier où elle révèle le rôle joué par l’Education Nationale, les Inspecteurs généraux d’Arts plastiques, les professeurs formés pour les besoins de la cause et les publications du SCéREN-CNDP. Les centres d’Art vivent ainsi grâce à un public captif. On ne sait pas ce qui en restera (comme du reste de l’enseignement !) mais on ne lésine pas sur les moyens pour rendre respectable ce qui ne l’est pas.
Les Demoiselles d’Avignon
Lorsque j’osais dire à un professeur d’Arts plastiques de lycée que les Demoiselles d’Avignon me laissaient perplexe (ce sont surtout les exégèses qui me lassent) je déclenchais une réaction violente et indignée par ce crime de lèse majesté qui ne pouvait s’expliquer que par mon ignorance. Ce que ce professeur voulait ignorer c’est l’amusement de Picasso devant la dévotion qui se créait devant n’importe laquelle de ces oeuvres. Dévotion bien utile pour manger et qu’il ne s’agissait pas de décourager. On peut aussi rappeler Cézanne :" je mets du vert car je n’ai plus de bleu, je me demande ce qu’ils vont encore raconter la dessus"
Ce qui m’étonne c’est qu’Yves Klein (né en 1928) n’a pas hésité à suivre les monochromes d’Alphonse Allais, (mort en 1905) et son carré blanc intitulé "Communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige" exposé rue Vivienne chez Jules Lévy en 1883 dans le cadre d’une exposition des ARTS INCOHERENTS.
Pierre Soulages ne peut pas l’ignorer non plus.
Pour Paucard, la Collaboration a joué un rôle en faveur de l’AC. Puisque Pétain avait des goûts classiques, aimer le classicisme c’était être pétainiste. Pourquoi pas puisque Belmondo aurait cessé d’avoir du talent après avoir accepté une invitation d’Arno Breker.
Le prix de la ferraille
Que chacun s’exerce à barbouiller, étaler, installer, dérouler (du barbelé) pourquoi pas ? S’il trouve des clients qui, au lieu d’acheter de l’emprunt russe préfèrent collectionner de l’AC, il n’y a rien à redire. Ca devient discutable lorsque des élus, maires, conseillers généraux ou régionaux tentent d’avoir l’air "in" en claquant l’argent du contribuable . Les palmiers en métal du côté de la poterne des peupliers à Paris ? soit ! dit Paucard," mais au prix de la ferraille car l’AC est hors de prix !"
Les élus emploient parfois la manière forte. A Bruges, les "responsables culturels" ont installé un parallélépipède de dix mètres sur trois en verre et métal au milieu d’une place. Les habitants en colère y inscrivent des graffitis vengeurs. Réponse du ministre de la culture d’alors (car il ne doit plus être ministre aujourd’hui) : "L’oeuvre était installée pour un an. Pour la peine, nous la maintiendrons trois ans.
Comme je vous le disais, il est risqué de résister. On peut même être puni. C’est pourquoi le petit manuel de Paucard est utile. On regrette simplement qu’il n’ait pas rassemblé (au moins dans une bibliographie) tout ce qui est publié de façon éparse (cf :ART/NON ART d’un numéro spécial de la revue Krisis) pour nous aider à tenir les fumistes à l’écart de l’art.
dj